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4 JUIN 1998
La commission a examiné la présente proposition de loi une première fois au cours de sa réunion du 3 décembre 1997.
Après avoir reçu des informations complémentaires du ministre des Affaires sociales (voir l'annexe), elle a poursuivi la discussion le 20 mai 1998.
L'auteur principal déclare qu'en tant que partisan convaincu de l'intégration européenne, il déplore d'avoir à déposer cette proposition. Tout le monde parle d'harmonisation fiscale et sociale au sein de l'Union mais, sur le terrain, la politique en la matière laisse encore beaucoup à désirer. L'Union européenne édicte certes des directives dans des matières sociales et fiscales, mais cela n'empêche pas les États membres d'adopter leurs propres règles, sans tenir compte de celles qui sont applicables dans les pays voisins. Les travailleurs frontaliers qui exercent une activité dans ces pays voisins en sont les premières victimes.
Un certain nombre de nos compatriotes travaillent aux Pays-Bas, en France, en Allemagne et au Luxembourg et le régime proposé répond donc à une nécessité économique et sociale. Ce n'est pas par hasard que le prédécesseur de l'actuel président de la Commission européenne, M. Jacques Delors, a qualifié le Sud-Luxembourg de laboratoire de l'Europe. Il ne faut cependant pas se cacher que l'Europe est restée lourdement défaillante vis-à-vis de ces travailleurs. Leur sort est confié aux gouvernements nationaux, qui prennent des mesures sans tenir compte suffisamment des conséquences dans les zones frontalières.
Les travailleurs frontaliers et, en particulier, ceux qui travaillent en France, sont en effet confrontés à de graves problèmes. Ils paient, en France, des cotisations sociales qui dépassent celles que l'on paie en Belgique, et ils restent soumis à la législation fiscale belge, qui est plus défavorable que la législation française. Si l'on tient compte en outre des fluctuations de cours entre le franc belge et le franc français, l'on constate qu'il y a une accumulation de désavantages qui entraînent des différences de revenus considérables.
L'intervenant estime dès lors que le moment est venu pour le législateur belge d'intervenir dans un domaine où l'Europe n'a rien fait. L'on a pris, à juste titre, il y a quelque temps, des mesures en vue de résoudre un problème similaire auquel étaient confrontés les Belges qui travaillent aux Pays-Bas. Le gouvernement ne peut pas abandonner à leur triste sort les ressortissants belges qui travaillent en France.
Le deuxième auteur souscrit à ce qui vient d'être dit. La Belgique est un petit pays qui compte un nombre relativement élevé de travailleurs frontaliers et le problème en question ne concerne certainement pas une seule région.
C'est pourquoi il sait gré à la ministre des Affaires sociales d'avoir promis, il y a quelque temps, dans sa réponse à une question orale, de dresser un inventaire des problèmes qui se posent en la matière. La réalité des problèmes est soulignée à suffisance par le fait que le taux des cotisations de sécurité sociale est de 20 % en France contre 13 % chez nous, alors que notre fiscalité est plus lourde. Ces travailleurs habitent donc du mauvais côté de la frontière.
Il note qu'en 1970, 22 000 Belges travaillaient en France et qu'il n'y en a plus que 6 000. Par contre, le nombre de Français travaillant en Belgique a augmenté au cours de la même pêriode, puisqu'il est passé de 2 000 à 12 000 ou 13 000.
Cette évolution n'est certainement pas le fruit du hasard. Les ressortissants français peuvent venir travailler en Belgique pour un salaire inférieur à celui qu'ils toucheraient en France, et bénéficier malgré tout du même revenu que celui de collègues français qui gagnent pourtant davantage. Les communes des zones frontalières constatent en outre que leurs habitants déménagent de quelques kilomètres pour aller habiter de l'autre côté de la frontière française, ce qui leur procure un avantage financier considérable.
L'intervenant en conclut que la proposition concerne un problème réel et qu'elle ne doit absolument pas être interprétée comme une forme de compensation du régime qui fut adopté en 1994 pour ce qui est de la zone frontalière avec les Pays-Bas.
Il eût certes été préférable que l'Europe prenne ses responsabilités en élaborant un régime général applicable à l'ensemble des zones frontalières. Il semble pourtant qu'il ne faille pas trop compter sur la mise en oeuvre rapide d'un tel régime, si bien que le législateur belge doit prendre des mesures pour ne pas abandonner ces travailleurs à leur sort.
La ministre des Affaires sociales retrace l'historique du problème. Au début des années nonante, les travailleurs frontaliers qui habitaient à proximité de la frontière néerlandaise et qui étaient concentrés surtout dans la province de Limbourg, furent confrontés à une série de modifications du droit social néerlandais qui leur étaient très défavorables. Les principaux changements se situaient dans le secteur de l'assurance soins de santé et dans celui des allocations familiales. C'est ainsi que l'on n'octroya plus d'allocations familiales que pour les enfants âgés de 0 à 18 ans. Pour ce qui est des enfants de plus de 18 ans, le système des allocations familiales fut remplacé par un système d'allocations d'études.
Ces modifications de la législation ne furent précédées d'aucune forme de concertation avec la Belgique. Elles suscitèrent une vague d'inquiétude dans la province de Limbourg belge au sein, tant des associations professionnelles que des milieux politiques, et des voix s'élevèrent pour réclamer la création, au niveau fédéral, d'un fonds de compensation grâce auquel l'on pourrait indemniser les intéressés.
Une question cruciale à cet égard est celle de savoir si c'est aux pouvoirs publics ou à la sécurité sociale qu'il incombe de compenser les désavantages qui apparaissent à la suite des modifications qu'un État voisin apporte unilatéralement à sa législation.
Pour remédier à la situation à court terme, l'on décida d'accorder une compensation provisoire à charge de l'ONAFTS. L'on chargea en même temps les ministres des Finances et des Affaires sociales d'engager des négociations avec les Pays-Bas. Ces négociations n'aboutirent toutefois pas et la Chambre adopta, pour aider les intéressés à se tirer d'affaire, des mesures compensatoires que l'Office national de l'emploi fut chargé de mettre en oeuvre.
Pendant ce temps-là, les problèmes des travailleurs frontaliers qui sont occupés en France ont refait surface, non seulement dans la province de Luxembourg, mais aussi dans la province de Hainaut et dans la province de Flandre occidentale. Les travailleurs concernés sont en effet doublement pénalisés par rapport à leurs collègues qui travaillent en Belgique, étant donné que les cotisations sociales avoisinent les 20 % en France, contre seulement 13 % en Belgique, et qu'ils tombent sous l'application de la législation fiscale belge, qui prévoit, en ce qui concerne l'impôt sur les revenus, des taux supérieurs d'environ 10 % aux taux français.
Ce problème sera à nouveau abordé au cours d'un conseil informel qui réunira les ministres des Affaires sociales, lesquels tenteront de définir précisément la notion de travailleur frontalier dans l'Europe des régions ainsi que leur statut. Il y a aussi le problème important des travailleurs qui sont employés par une société dans un pays donné de l'UE et qui vont effectuer des travaux dans un autre État membre. Il s'agit parfois de travaux d'infrastructure qui peuvent durer plusieurs années et qui représentent des montants astronomiques en cotisations sociales.
Le gouvernement espère pouvoir engager au plus tôt des négociations avec la France en vue de la conclusion d'un accord fiscal bilatéral permettant d'éviter la double pénalisation des travailleurs concernés pour l'avenir. Une convention similaire a déjà été conclue avec le Luxembourg.
Il y a toutefois lieu de chercher une solution plus générale qui permette de prévenir les problèmes avec l'ensemble des pays voisins.
Un commissaire constate qu'il ressort en tout cas de l'exposé de la ministre que la demande des travailleurs frontaliers est légitime. Il n'est pas possible que notre pays compte deux types de travailleurs salariés.
Lui-même a, en sa qualité de président de la commission des Affaires sociales du Benelux, suivi de près les négociations avec Luxembourg. Bien que celles-ci ne se soient pas déroulées sans heurts, elles n'en ont pas moins abouti à un accord écrit clair et net, qui fonctionne à la satisfaction de tous. On a fait jadis des efforts pour obtenir un accord analogue avec la France, mais ils sont restés infructueux. Il est à craindre que depuis lors, les choses ne se soient pas améliorées.
Quelque partisan qu'il soit de bonnes relations avec les pays voisins, l'intervenant souligne que cette question ne peut être différée jusqu'à ce que la France accepte de faire un pas en avant. Les autorités belges peuvent très bien poursuivre les négociations, mais il faut qu'entre-temps, elles prennent elles-mêmes des mesures en vue d'indemniser les travailleurs en question. L'autorité belge devra de toute façon prendre une initiative pour compenser les pertes du passé sur lesquelles il faudra bien revenir.
Il signale que des procédures sont en cours devant la justice française et la Cour de justice européenne de Luxembourg. Les régimes de pensions diffèrent, eux aussi, dans les deux pays, et des problèmes surgiront également à cet égard. Les autorités ne peuvent donc pas différer plus longtemps cette affaire. Si aucune solution précise n'intervient à court terme au sein de l'Europe ce à quoi on peut s'attendre , la Belgique doit prendre elle-même une mesure transitoire. Une autre attitude ne serait pas correcte à l'égard de ces travailleurs qui ont été gravement lésés sur le plan financier pendant des années.
Un autre commissaire souligne que cette question comporte également un aspect psychologique important. Les travailleurs occupés à la frontière française ne comprennent pas pourquoi on a trouvé aussi facilement de l'argent pour dédommager leurs collègues limbourgeois, alors que ce ne serait pas possible pour eux.
En outre, l'affaire a un aspect économique. Pour des raisons financières, les travailleurs belges vont habiter de l'autre côté de la frontière et viennent travailler chez nous. Ils paient alors leurs impôts à l'État français mais relèvent de la sécurité sociale belge. Mettre fin à cette situation présente donc aussi un avantage budgétaire pour le Trésor belge.
On peut comprendre qu'une étude approfondie de cette question demande un certain temps. Il n'empêche que des mesures provisoires peuvent d'ores et déjà être prises pour tirer d'embarras les intéressés.
L'intervenant suivant constate que la ministre se réfère également à d'éventuels inconvénients subis par ces travailleurs en raison des fluctuations monétaires. Il estime personnellement que cette discussion doit être dissociée de la problématique sociale et fiscale. Il ne faut pas non plus donner dans la surenchère entre les différents États voisins.
Il n'empêche qu'il faut trouver au plus vite une solution pour les salariés travaillant en France, et de préférence dans le cadre européen.
Une autre intervenante ayant demandé quelle est la différence, du point de vue technique, entre la proposition en discussion et l'initiative prise en faveur des travailleurs frontaliers aux Pays-Bas, la ministre répond que les deux propositions se ressemblent fort du point de vue juridico-technique, mais que le contexte dans lequel elles ont été rédigées est tout à fait différent.
Les problèmes à la frontière avec les Pays-Bas sont dus à une brusque intervention du gouvernement néerlandais dans la législation fiscale et sociale, intervention qui était neutre pour les travailleurs néerlandais mais très défavorable aux travailleurs frontaliers de Belgique. On n'a prévu un régime compensatoire que pour les travailleurs frontaliers qui étaient occupés aux Pays-Bas au 1er janvier 1994.
La situation à la frontière française est tout autre. Les inconvénients pour les travailleurs belges sont apparus très progressivement. La question est donc de savoir à quels travailleurs une réglementation éventuelle doit s'appliquer et jusqu'à quelle date elle doit rétroagir.
À la demande de la commission, la ministre présente, lors d'une réunion suivante, un tableau comparatif du revenu net des travailleurs frontaliers et un inventaire des problèmes que ces travailleurs rencontrent en matière de sécurité sociale. Ces documents sont joints en annexe au présent rapport.
Elle attire ensuite l'attention sur les articles 71 et 72 de la loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales, qui prévoient que les revenus en provenance de l'étranger ne seront plus pris en compte pour le calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale. L'on est en train de préparer une nouvelle loi-programme qui contiendra des règles relatives au Fonds d'équipements et de services collectifs.
Enfin, il y a une série d'arrêts de la Cour européenne de Justice qui obligent les États membres de l'Union européenne à rembourser le prix des prestations en matière d'assistance médicale aux personnes qui sont issues d'un autre État membre. À cet égard, un arrêt très récent, qui est indéniablement très important, prévoit l'obligation, pour un État fédéré allemand, de verser des indemnités d'accouchement et des indemnités parentales à un citoyen espagnol. Cela montre une fois de plus que l'on ne peut régler efficacement cette matière qu'au niveau européen. L'intervenante souligne qu'elle a d'ailleurs adressé un courrier concluant en ce sens à M. P. Flynn, qui est chargé de la matière en question au sein de la Commission européenne.
La ministre souligne qu'en l'espèce, son département a toujours été convaincu que les corrections devaient être apportées dans la mesure du possible par la voie fiscale. Quand, aux Pays-Bas, les allocations familiales en faveur des jeunes de plus de 18 ans furent remplacées par un système de bourses d'études, le ministre des Finances engagea des négociations avec le gouvernement néerlandais, qui se déclara prêt à discuter d'une réglementation à condition que l'on soumette à une révision générale les conventions bilatérales conclues entre les Pays-Bas et la Belgique, en vue d'éliminer certains dysfonctionnements.
Le gouvernement espère toujours pouvoir engager semblables négociations avec la France. Il est en effet impensable que l'on puisse obliger la sécurité sociale à prendre en charge toutes les corrections à apporter aux mesures unilatérales prises par les autres pays membres de l'Union européenne, alors qu'il n'existerait aucun système de déclaration ou de consultation au niveau européen qui permette d'informer les États membres qui ont des travailleurs frontaliers des éventuelles modifications de la réglementation. L'acuité du problème n'a fait qu'augmenter depuis les arrêts récents, qui mettent fortement l'accent sur le principe de la libre circulation des personnes au sein de l'Union.
Selon certaines sources, l'Allemagne se préparerait elle aussi à procéder bientôt à des modifications qui auraient une incidence financière pour les travailleurs frontaliers belges. Au cas où la sécurité sociale belge se verrait obligée de compenser les aspects négatifs de pareilles mesures en l'absence de toute forme de concertation préalable, l'on aurait de toute évidence à faire face à des difficultés.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer la proposition de loi à l'examen, étant entendu qu'il faut appliquer les mêmes règles à tous. Elle souscrit au principe selon lequel il faut appliquer les mêmes règles à tous. Pour ce qui est des travailleurs frontaliers occupés aux Pays-Bas, l'on a élaboré une solution qui devait permettre de faire face à une situation spécifique. Il est évident que, si le problème se pose à d'autres frontières, il faudra également le résoudre.
Un membre fait observer que les dispositions de la proposition de loi à l'examen se situent dans le prolongement du régime applicable aux travailleurs frontaliers occupés aux Pays-Bas que l'on a élaboré et dans le cadre duquel l'on a bel et bien débloqué, il y a quelques années, un budget en vue de compenser le préjudice financier que ces travailleurs subissaient par rapport à ceux de leurs collègues qui étaient occupés en Belgique. En effet, jusqu'à nouvel ordre, l'on considère, par principe, que tous les Belges sont égaux devant la loi et la loi proposée vise simplement à l'application pratique de ce principe.
Il souligne que les millions que l'on consacre à présent à convaincre le public de la nécessité de l'euro auront été gaspillés si l'Union européenne n'arrive pas à répondre aux problèmes quotidiens auxquels chacun est confronté.
Il est vrai qu'en ce qui concerne la cotisation spéciale de sécurité sociale, la loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales a rectifié le tir, mais elle est loin d'avoir résolu le problème visé dans la proposition de loi à l'examen.
Il conclut qu'il importe de savoir non pas qui va élaborer une réglementation donnée, mais que cette réglementation verra le jour. Il ne souhaite, dès lors, poser au gouvernement qu'une seule question, à laquelle il souhaite obtenir une réponse claire, celle de savoir si l'on a la volonté d'élaborer aussi pour les travailleurs occupés à la frontière française, un régime analogue au régime applicable aux travailleurs occupés aux Pays-Bas prévoyant une compensation des pertes financières qu'ils subissent.
La ministre répond tout d'abord que le régime applicable aux travailleurs occupés aux Pays-Bas fut adopté à la suite d'une initiative parlementaire. Au cours de la discussion qui y fut consacrée au sein de la commission compétente de la Chambre, l'on a proposé un amendement visant à rendre les mesures de compensation applicables à l'ensemble des travailleurs frontaliers. Malheureusement, l'on n'a pas trouvé, à l'époque, de majorité favorable à cet amendement.
Elle répète qu'elle ne voit pas d'objection à ce que l'on rende les règles en question applicables à toutes les zones frontalières. Elle souhaite toutefois souligner une fois de plus par la même occasion, que la sécurité sociale belge ne peut pas compenser toutes les désavantages que les décisions unilatérales de pays voisins peuvent infliger aux travailleurs belges.
La proposition à l'examen ne permet en tout cas pas de résoudre tous les problèmes de manière satisfaisante. Outre les travailleurs frontaliers occupés en France, il y a les travailleurs frontaliers occupés en Allemagne et, grâce à l'amélioration des moyens de communication, les Belges vont peut-être bientôt aller travailler au Royaume-Uni. Elle répète qu'elle approuve le principe selon lequel tous les travailleurs frontaliers doivent être traités de la même façon, mais réaffirme aussi que la sécurité sociale belge ne saurait compenser tous les désavantages qu'entraînent les modifications législatives unilatérales dont décident les pays voisins.
Un membre attire l'attention sur le fait qu'il a déposé sa proposition en avril 1997 et que le gouvernement a demandé et obtenu le temps nécessaire pour examiner la situation. La ministre a donc eu tout le temps d'élaborer une réglementation générale. L'on ne saurait, dès lors, se permettre de manquer de satisfaire les justes exigences des travailleurs occupés à la frontière française, en invoquant une nouvelle fois l'absence de solution générale. Au demeurant, le problème des travailleurs qui sont occupés en France, qui se pose aussi bien au Nord qu'au Sud du pays, est beaucoup plus aigu que, par exemple, celui des travailleurs qui sont occupés à la frontière allemande. Il souligne qu'il souhaite lui aussi que tous les travailleurs soient traités de la même manière, mais il ne faut pas en tirer prétexte pour renvoyer la solution du problème aux calendes grecques.
La ministre répond que l'on s'est bel et bien attelé au problème et elle renvoie aux chiffres qui ont été présentés. Ils montrent notamment que l'on résoudrait presque tous les problèmes en partant du principe que les cotisations de sécurité sociale et les impôts doivent être payés dans le même pays. C'est dans cette optique que le ministre des Finances négocie en ce moment avec les autorités néerlandaises. Le but est d'engager des négociations similaires avec d'autres pays.
Dans le même temps, on a resoulevé le problème auprès de la Commission européenne et insisté sur la nécessité d'adopter des règles générales pour l'Union européenne.
Mme Nelis-Van Liedekerke, M. Santkin, Mme Van der Wildt et M. G. Charlier déposent un amendement nº 1, qui vise à remplacer l'article 2 par une disposition applicable à l'ensemble des travailleurs frontaliers. (doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-616/2.)
L'article 2, 2º, de la proposition de loi est superflu étant donné que ce passage a déjà été inséré par l'article 2, 2º, de la loi du 13 mars 1997 à l'article 7, § 13, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944.
« Article 2
Remplacer cet article par ce qui suit :
« À l'article 7 de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, modifié par les lois des 14 février 1961 et 16 avril 1963, les arrêtés royaux nº 13 du 11 octobre 1978 et nº 28 du 24 mars 1982, la loi du 22 janvier 1985 et l'arrêté royal du 14 novembre 1996 et par la loi du 13 mars 1997, le § 1er , alinéa 3, littera n), est remplacé par la disposition suivante :
« n) assurer, avec l'aide des organismes créés ou à créer à cette fin, aux travailleurs frontaliers belges le paiement d'une indemnité destinée à compenser la perte de rémunération que ceux-ci subissent du fait qu'ils paient leurs impôts en Belgique et leurs cotisations sociales dans le pays d'emploi. Les conditions pour l'octroi de cette indemnité sont fixées par un arrêté royal approuvé par le Conseil des ministres. »
Un commissaire fait observer que cet amendement vise à octroyer aux travailleurs frontaliers belges une indemnité destinée à compenser la perte de rémunération qu'ils subissent du fait qu'ils paient leurs impôts en Belgique et leurs cotisations sociales dans le pays d'emploi. Ce dont il n'est pas tenu compte en l'occurrence, c'est que ces travailleurs acquièrent également à l'étranger des droits de sécurité sociale qui peuvent être plus avantageux que les prestations auxquelles ils pourraient prétendre en vertu du régime de sécurité sociale belge.
La ministre craint qu'il ne soit très difficile de mettre en balance ces avantages accordés dans les différents pays. Les allocations de chômage dans les pays voisins peuvent par exemple être plus élevées qu'en Belgique, mais elles seront par contre davantage limitées dans le temps. Il est quasiment impossible de chiffrer tout cela avec précision.
En réponse à un membre, elle répète qu'elle peut souscrire au principe selon lequel les avantages qui ont déjà été accordés à un groupe de travailleurs frontaliers sont étendus à tous les travailleurs occupés dans un pays voisin. Elle ne voit aucun inconvénient à cette extension en tant que telle.
Un dernier intervenant déclare pouvoir marquer son accord de principe sur la proposition de loi en discussion, parce qu'elle est favorable aux travailleurs frontaliers. Il considère toutefois que les deux communautés de notre pays doivent pouvoir donner leur propre réponse à ce genre de problème, ce qui n'est possible qu'en scindant la sécurité sociale.
Il lui est réplique que le problème des travailleurs frontaliers en France n'est pas propre à une région déterminée. Tant en Flandre qu'en Wallonie, il y a des habitants de notre pays qui vont travailler en France.
Une membre rappelle, en conclusion, ce qui a déjà été dit à plusieurs reprises au cours de cette discussion. Le problème des travailleurs frontaliers ne peut être résolu définitivement que dans le contexte européen.
Article 1er
Cet article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 2
L'amendement nº 1 est adopté par 7 voix et 1 abstention.
L'article 2 ainsi amendé est adopté par un vote identique.
Article 3
L'on fait observer que l'ajout à l'article 22 de la loi du 14 février 1961, que propose cet article, a déjà été apporté par l'article 3 de la loi du 13 mars 1997.
Cet article est rejeté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 4
Cet article est adopté par 7 voix et 1 abstention.
Article 5
Un membre fait observer que la date à laquelle le régime en question doit entrer en vigueur concorde manifestement avec la date prévue par la loi du 13 mars 1997 réglant les compensations accordées aux travailleurs frontaliers occupés aux Pays-Bas. Il y a, toutefois, une différence fondamentale. Le régime applicable à la frontière néerlandaise a résulté d'un changement soudain de la législation néerlandaise. Par contre, la situation à la frontière française est le résultat de différences structurelles entre les deux régimes qui se sont accentuées avec les années et qui sont plus limitées, au demeurant, que le préjudice structurel subi par les travailleurs frontaliers occupés aux Pays-Bas.
La décision de fixer l'effet rétroactif au 1er janvier 1997 est donc relativement arbitraire et ne repose en tout cas sur aucune donnée objective.
Un autre intervenant répond qu'en l'occurrence, l'effet rétroactif est plus que justifié. En définitive, il s'agit de rétablir dans ses droits un groupe qui a subi, pendant des années, un préjudice par rapport à des gens qui accomplissaient le même travail et touchaient le même salaire. Si l'on avait examiné la proposition peu après son dépôt, il n'y aurait pas eu de discussion à propos de la date de son entrée en vigueur. Du reste, les articles relatifs à la cotisation spéciale de sécurité sociale de la nouvelle loi portant des dispositions sociales ont également un effet rétroactif.
La ministre souligne que les règles relatives à la cotisation spéciale de sécurité sociale qui figurent dans la loi portant des dispositions sociales ont un effet rétroactif à la date où cette cotisation a été créée.
Un membre fait observer que la solution la plus adéquate au problème des travailleurs frontaliers résiderait dans la création d'un fonds alimenté par l'ensemble des pays concernés. Comme on ne semble envisager aucune solution sur le plan européen, on opte en l'espèce pour des règles consistant à débloquer, par l'intermédiaire de l'ONEM, des moyens pour les travailleurs frontaliers, qui, dans notre pays, se trouvent dans une situation désavantageuse par rapport aux autres travailleurs. Ces moyens seront en tout cas limités. Il est simplement irréaliste de vouloir accorder ces compensations rétroactivement à partir du 1er janvier 1997.
Un autre intervenant déclare qu'il reste partisan, pour des raisons citées ci-dessus, d'un régime ayant effet rétroactif au 1er janvier 1997. Selon lui, le fait que les mesures que l'on a prises à l'égard des travailleurs qui sont occupés à la frontière néerlandaise découlent d'une décision récente des autorités néerlandaises ne joue absolument aucun rôle en l'espèce. Il importe d'éviter qu'il y ait deux sortes de travailleurs frontaliers dans notre pays : ceux qui bénéficient d'une compensation et ceux qui, pour l'une ou l'autre raison, ne peuvent pas bénéficier d'une compensation. Toutefois, si la rétroactivité devait menacer l'adoption de la mesure elle-même, il est prêt à renoncer à la demander, étant entendu que le 1er janvier doit être la limite extrême.
Mme Cantillon, M. Santkin, M. Olivier et M. Charlier déposent l'amendement nº 2 qui vise à fixer la date d'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 1998 (doc. Sénat, 1997-1998, nº 1-616/2).
Cet amendement et l'article 5 ainsi amendé sont adoptés par 7 voix et 1 abstention.
La proposition de loi ainsi amendée a été adoptée par 7 voix et 1 abstention.
Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
La rapporteuse,
Francy VAN DER WILDT. |
La présidente,
Lydia MAXIMUS. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 7 de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, modifié par les lois des 14 février 1961 et 16 avril 1963, les arrêtés royaux nº 13 du 11 octobre 1978 et nº 28 du 24 mars 1982, la loi du 22 janvier 1985, l'arrêté royal du 14 novembre 1996 et la loi du 13 mars 1997, le § 1er , alinéa 3, literra n) , est remplacé par la disposition suivante :
« n) assurer, avec l'aide des organismes créés ou à créer à cette fin, aux travailleurs frontaliers belges le paiement d'une indemnité destinée à compenser la perte de rémunération que ceux-ci subissent du fait qu'ils paient leurs impôts en Belgique et leurs cotisations sociales dans le pays d'emploi. Les conditions pour l'octroi de cette indemnité sont fixées par un arrêté royal approuvé par le Conseil des ministres. »
Art. 3
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le montant des indemnités visées à l'article 7, § 1er , alinéa 3, n) , de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Art. 4
La présente loi produit ses effets au 1er janvier 1998.
1. FRANCE
Revenu annuel de 600 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en France : 454 000 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 422 744 francs (net)
Situation actuelle (2) : 398 556 francs (net)
Famille avec deux enfants
Uniquement assujettie en France : 480 000 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 505 904 francs (net)
Situation actuelle : 470 400 francs (net)
Revenu annuel de 960 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en France : 690 348 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 582 365 francs (net)
Situation actuelle : 551 976 francs (net)
Famille avec deux enfants
Uniquement assujettie en France : 768 000 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 693 427 francs (net)
Situation actuelle : 658 908 francs (net)
Revenu annuel de 1 440 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en France : 983 106 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 787 616 francs (net)
Situation actuelle : 751 596 francs (net)
Famille avec deux enfants
Uniquement assujettie en France : 1 113 312 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 915 065 francs (net)
Situation actuelle : 875 184 francs (net)
2. ALLEMAGNE
Revenu annuel de 600 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en Allemagne : 416 938 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 422 744 francs (net)
Situation actuelle : 393 360 francs (net)
Famille avec deux enfants
Uniquement assujettie en Allemagne : 528 836 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 505 904 francs (net)
Situation actuelle : 464 226 francs (net)
Revenu annuel de 960 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en Allemagne : 583 280 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 582 365 francs (net)
Situation actuelle : 550 165 francs (net)
Famille avec deux enfants :
Uniquement assujettie en Allemagne : 811 152 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 693 427 francs (net)
Situation actuelle : 650 284 francs (net)
Revenu annuel de 1 440 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti en Allemagne : 794 078 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 787 616 francs (net)
Situation actuelle : 741 813 francs (net)
Famille avec deux enfants :
Uniquement assujettie en Allemagne : 1 046 146 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 915 065 francs (net)
Situation actuelle : 863 695 francs (net)
3. PAYS-BAS
Revenu annuel de 600 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti aux Pays-Bas : 436 909 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 422 744 francs (net)
Situation actuelle : 394 707 francs (net)
Famille avec deux enfants :
Uniquement assujettie aux Pays-Bas : 491 181 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 505 904 francs (net)
Situation actuelle : 499 168 francs (net)
Revenu annuel de 900 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti aux Pays-Bas : 631 273 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 582 365 francs (net)
Situation actuelle : 523 922 francs (net)
Famille avec deux enfants :
Uniquement assujettie aux Pays-Bas : 685 454 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 693 427 francs (net)
Situation actuelle : 643 168 francs (net)
Revenu annuel de 1 440 000 francs
Isolé :
Uniquement assujetti aux Pays-Bas : 906 636 francs (net)
Uniquement assujetti en Belgique : 787 616 francs (net)
Situation actuelle : 737 183 francs (net)
Famille avec deux enfants :
Uniquement assujettie aux Pays-Bas : 1 000 454 francs (net)
Uniquement assujettie en Belgique : 915 065 francs (net)
Situation actuelle : 887 685 francs (net)
Aux Pays-Bas et en Allemagne, les travailleurs dont la rémunération dépasse un certain plafond doivent souscrire une assurance privée pour leurs frais de maladie.
Aux Pays-Bas, le plafond s'élève actuellement à 1 130 909 francs.
En Allemagne, le plafond s'élève actuellement à 1 500 000 francs.
Ainsi, en ce qui concerne les Pays-Bas, il faut tenir compte de cette assurance privée pour la catégorie de revenus 1 440 000 francs.
Travailleurs frontaliers inventaire des problèmes auxquels sont actuellement confrontés les travailleurs frontaliers sur le plan de la sécurité sociale
1. FRANCE
Il n'existe pas de droit aux allocations familiales pour un enfant unique âgé de plus de 3 ans.
Les allocations familiales sont moins élevées qu'en Belgique.
Dans le secteur de l'acier et en cas de cessation anticipée, il existe un système de points gratuits pour la constitution de la pension complémentaire, c'est-à-dire que l'on continue à constituer certains droits pour cette pension. Ce système ne s'applique pas aux travailleurs frontaliers.
Au niveau de l'assurance maladie et des pensions, il n'y a pas de problèmes notables.
Enfin, il y a le problème des cotisations de sécurité sociale élevées en France et cumulées avec les impôts directs élevés en Belgique.
2. LUXEMBOURG
Pas de problèmes notables depuis le nouveau traité.
3. PAYS-BAS
Suppression des allocations familiales pour les enfants de 18 ans ou plus.
Pas de droit à une allocation de naissance belge.
Le travailleur frontalier paie une prime lourde pour la sécurité sociale aux Pays-Bas, mais doit payer néanmoins les tickets modérateurs en Belgique.
Le travailleur frontalier qui est dans le système de l'assurance maladie particulière, ne peut pas déduire de son revenu imposable belge les cotisations qu'il a payées.
Un travailleur frontalier en incapacité de travail qui reçoit en Belgique une prestation de sécurité sociale, ne constitue plus aux Pays-Bas des droits à la pension, que cette prestation belge donne lieu ou non à la constitution de droits belges à la pension.
Le problème du cumul des cotisations de sécurité sociale néerlandaises et des impôts directs belges.
4. ALLEMAGNE
Une personne qui, en Allemagne, tombe en dehors du système de l'assurance obligatoire, parce qu'elle gagne plus qu'un certain plafond de rémunération, devra à son retour en Belgique accomplir d'abord un stage avant de pouvoir bénéficier de prestations à charge de l'assurance maladie-invalidité.
Les cotisations payées pour cette assurance particulière ne sont pas exonérables fiscalement, tout comme aux Pays-Bas.
Le travailleur frontalier paie une cotisation pour la Pflegeversicherung (assurance des soins), mais n'y a pas droit vu que seuls les habitants de l'Allemagne peuvent recourir à l'assurance-dépendance.
Pas de droit à l'allocation de naissance belge.
5. EN GÉNÉRAL
Sur le plan du chômage et des prépensions, il se pose encore des problèmes avec tous les pays. Bon nombre de problèmes résultent cependant du fait que les prépensions conventionnelles ne sont pas reprises dans le champ d'application du Règlement (CEE) 1408/71.
(1) Les travailleurs frontaliers belges travaillant au Luxembourg sont tenus de payer tant leurs cotisations sociales que leurs impôts au Luxembourg.
(2) On entend par là le travailleur belge assujetti dans le pays de résidence pour la fiscalité et dans le pays d'emploi pour la sécurité sociale.