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6 MARS 1998
Le président du Sénat a prié la commission de la Justice de donner à la commission des Finances et des Affaires économiques un avis relatif à la proposition sur le jeu, déposée par M. Weyts. Cette proposition a toutefois été considérablement amendée par le Gouvernement, qui a transformé son projet de loi « relative aux jeux de hasard et aux établissements de jeux de hasard » en un amendement à la proposition de loi en discussion (doc. Sénat, nº 1-419/4, amendement nº 39).
Si l'auteur de la proposition de loi a déposé des sous-amendements (doc. Sénat nº 1-419/5) à l'amendement du Gouvernement qui récrit la proposition de loi, cela ne signifie pas pour autant qu'il renonce à sa proposition initiale. Il accepte toutefois de considérer l'amendement gouvernemental en question comme nouvelle base de discussion.
La Commission de la Justice a examiné cet amendement au cours de ses réunions des 18 février et 6 mars 1998. Elle tient à attirer l'attention de la commission des Finances et des Affaires économiques principalement sur les points délicats suivants.
Une première observation concerne la condition d'âge de 21 ans. L'article 53 dispose que « l'accès aux établissements de jeux de hasard des classes I et II ainsi que la pratique de jeux de hasard dans les établissements de jeux de hasard de classe III sont interdits aux personnes de moins de 21 ans ».
Cette condition d'âge soulève plusieurs questions.
Premièrement, on souligne que la majorité civile est fixée à 18 ans.
Cette discrimination entre personnes majeures est-elle justifiée, et si oui, sur quelle base ?
D'autres membres mettent l'accent sur la nécessité de protéger les plus faibles contre la pratique socialement dégradante du jeu.
À cet égard, on peut même se demander dans quelle mesure l'âge de 21 ans ne devrait pas être relevé.
Un commissaire fait valoir que la limite d'âge de 21 ans peut difficilement être retenue pour les entreprises du secteur Horeca, car on est admis dans un café à partir de l'âge de 16 ans. Un problème se pose donc du fait que l'âge requis pour s'adonner aux jeux dans ces établissements est plus élevé que l'âge auquel on a accès aux établissements. L'intervenant demande également s'il ne conviendrait pas d'incorporer expressément dans la loi proposée une compétence en faveur de l'exploitant Horeca, pour lui permettre de procéder à un contrôle d'identité. Un citoyen n'a normalement pas le droit de contrôler l'identité d'un autre citoyen. En outre, la sanction infligée, à savoir le retrait de l'autorisation d'exploiter les appareils dans l'établissement, paraît déraisonnable et anormalement lourde.
Un membre signale que la finalité de la limite d'âge doit être la protection sociale. Bien que la majorité civile soit fixée à 18 ans, la législation précédente prévoyait déjà une limite d'âge plus élevée pour les jeux. L'intervenant est favorable au maintien général de cet âge, y compris, dès lors, pour les jeux dans le secteur Horeca.
En ce qui concerne la remarque relative au contrôle, il renvoie au contrôle pratiqué à l'entrée des salles de cinéma. Ici aussi, il faut prouver son âge et produire sa carte d'identité. Un contrôle est donc possible. En outre, ce n'est pas l'entrée en tant que telle dans un établissement du secteur Horeca qui est réglementée en l'espèce, mais bien l'utilisation des jeux qui y sont installés. L'exploitant peut être tenu pour responsable de l'exercice du contrôle adéquat et, dès lors, de la protection des mineurs.
Il faut également, à cet égard, renvoyer à la loi du 15 juillet 1960 sur la préservation morale de la jeunesse (articles 3 et 6), d'où il résulte inévitablement que l'exploitant est compétent pour le contrôle.
En ce qui concerne la condition d'âge, le point de vue du ministre est le suivant :
L'accès aux établissements de jeux de hasard des classes I et II ainsi que la pratique de jeux de hasard dans les établissements de jeux de hasard de classe III sont interdits aux personnes de moins de 21 ans.
1. Le Conseil d'État a indiqué à cet égard qu'il appartient au Parlement de juger si cette disposition n'est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi.
2. Cette disposition marque un durcissement par rapport à la législation existante.
Aux termes de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1960 sur la préservation morale de la jeunesse, la présence de tout mineur âgé de moins de dix-huit ans accomplis est interdite notamment dans des maisons de jeu et dans les enceintes réservées aux paris dans les hippodromes.
Aux termes de l'article 2 de l'arrêté royal du 13 janvier 1975 portant la liste des appareils de jeu dont l'exploitation est autorisée, il est interdit aux mineurs de participer aux jeux cités dans cet article, en l'occurrence aux billards électriques à enjeu variable (généralement dénommés « bingo » et « one-ball »).
3. Il ressort de la note du 5 avril 1996 du service de la politique criminelle, intitulée « Jeux de hasard et paris : aspects psychosociaux » que la Belgique compterait quelque 100 000 joueurs à problèmes, dont 20 000 dépendants.
Il s'agit pour une large majorité (dans 9 cas sur 10) d'hommes dont les trois quarts jouent aux machines à sous et qui, pour la moitié environ, n'ont pas 25 ans. Les joueurs à problèmes commencent généralement leur carrière de joueur entre 16 et 17 ans.
Certains groupes de la société sont particulièrement vulnérables à la dépendance que peuvent engendrer les jeux de hasard. Ce sont principalement des jeunes âgés de 12 à 18 ans et des hommes entre 18 et 35 ans, peu qualifiés et sans emploi.
Vu le risque social omniprésent que représentent les jeux de hasard et en particulier certainement pour les jeunes, il est apparu justifié de fixer l'âge minimal à 21 ans, afin que les jeunes ne soient pas immédiatement confrontés à des jeux de hasard dès qu'ils ne sont plus mineurs.
On peut également considérer que l'indépendance financière d'un jeune sera plus grande à 21 ans qu'à l'âge de 18 ans et qu'il aura dès lors plus conscience de la valeur de l'argent et du risque (financier) lié au jeu.
En ce qui concerne la possibilité de contrôle dont dispose l'exploitant, le ministre déclare qu'il n'est pas partisan de son inscription explicite dans la loi. L'on a d'ailleurs déjà renvoyé suffisamment souvent à la loi sur la préservation morale de la jeunesse.
Le contraire est toutefois possible; l'on pourrait refuser l'accès à l'établissement à une personne qui refuserait, à la demande explicite de l'exploitant, de montrer sa carte d'identité.
Quant à la sanction prévoyant la fermeture de l'établissement si l'exploitant devait autoriser à des jeunes de moins de 21 ans l'accès à son établissement de jeux de hasard, le ministre attire l'attention sur les éléments suivants.
Bien que l'on puisse en effet, en dernier ressort, ordonner la fermeture de l'établissement, l'article 60, 1º, de l'amendement gouvernemental prévoit que l'on peut infliger une amende ou un emprisonnement d'un mois à trois ans en cas d'infraction. Une éventuelle infraction ne donnera donc pas immédiatement lieu à la fermeture de l'établissement.
Le ministre souligne en outre que l'article 53 prévoit que l'accès aux établissements de jeux de hasard des classes I et II est interdit aux personnes de moins de 21 ans. Pour ce qui est des débits de boissons, il est prévu clairement que la pratique des jeux de hasard dans les établissements de classe III est interdite. Le joueur éventuel doit donc prendre l'initiative de jouer avant de se voir imposer une interdiction. L'accès en soi au débit de boissons est donc libre, mais il est interdit de jouer sur un appareil automatique.
La commission estime que la politique que la police mènera en la matière jouera un rôle important. Si la police communale effectue régulièrement des contrôles, les exploitants seront sur leurs gardes.
À propos de la condition d'âge de 21 ans, la commission croit pouvoir dire à l'unanimité qu'il faut au moins la maintenir.
Une deuxième observation porte sur l'absence de protection des personnes faibles contre le jeu. C'est ainsi que l'article 53 proposé par l'amendement gouvernemental dispose également que la commission prononce l'exclusion des salles de jeux des établissements de classe I et II des personnes qui ont volontairement sollicité une mesure d'interdiction et des incapables, à la demande de leur représentant légal ou de leur conseil judiciaire. Ne serait-il pas préférable de mettre au point un système prévoyant que les juges de paix chargés de la procédure d'interdiction communiquent immédiatement ces éléments à la commission des jeux de hasard, et même dès l'instant où des demandes analogues seraient introduites ? Il est irrationnel d'interdire quelqu'un notamment pour prodigalité, puis d'attendre que son représentant avertisse la commission des jeux de hasard.
L'on peut également étendre à d'autres catégories, par exemple aux personnes qui ont un statut de minorité prolongée, l'interdiction d'accéder aux salles de jeux et l'obligation de communiquer ces éléments à la commission des jeux de hasard au moment de lancer la procédure, à condition que la décision soit confirmée.
Il faudrait également refuser l'accès aux salles de jeux aux personnes à qui l'on a interdit d'exercer un commerce en raison de certaines condamnations. L'arrêté royal nº 22 du 24 octobre 1934 comporte une liste des personnes qui ne peuvent plus exercer de commerce précisément parce qu'elles ont perdu tout crédit pécuniaire en raison d'une condamnation antérieure. Dans ce cas, c'est le ministère public qui communiquera ces éléments à la commission. La commission des jeux de hasard remet une liste à l'exploitant. Ce refus vaut pour l'accès aux établissements de classes I et II.
La Commission de la Justice souligne également qu'il serait souhaitable de prévoir une disposition distincte pour la catégorie des incapables et de ne pas les énumérer en même temps que les magistrats et les membres des services de police.
Pour ce qui est du problème de la protection dans l'amendement gouvernemental, le ministre donne la réponse suivante.
« Les principaux facteurs inhérents aux jeux de hasard qui favorisent la dépendance sont notamment :
1. le short-odd , c'est-à-dire le bref laps de temps entre le début du jeu et le résultat. Plus la durée du jeu est courte, plus le joueur aura tendance à poursuivre aussitôt le jeu sur la base du résultat;
2. l'importance du montant maximum de l'enjeu, de la perte et du bénéfice dans le chef du joueur;
3. l'influence suggérée : le jeu de hasard peut donner au joueur l'impression que la maîtrise des règles d'adresse pourra augmenter ses chances de gain;
4. le return : le pourcentage de retour ou la possibilité de récupérer la mise des enjeux engagés par le jeu automatique ou par le jeu de hasard;
5. l'accessibilité du jeu de hasard. Le seuil d'accessibilité des jeux de hasard automatiques est assez bas en comparaison avec celui des casinos.
L'amendement du Gouvernement apporte précisément des réponses à ces différents éléments.
1. L'article 8 de l'amendement du Gouvernement prévoit que le Roi peut fixer, pour chaque jeu de hasard, le montant maximum de la mise, de la perte et du gain par possibilité de jeu et par période de jeu dans le chef des joueurs.
D'autres articles de l'amendement du Gouvernement précisent à maintes reprises que le Roi déterminera les règles de fonctionnement (entre autres le return ) des jeux de hasard.
2. Il convient de rappeler un autre élément de protection important, à savoir l'exception que constitue actuellement le jeu.
L'amendement du Gouvernement doit être lu à la lumière de ceci.
L'article 1965 du Code civil dispose que la loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le payement d'un pari.
Le législateur a inséré à l'article 1966 du Code civil une exception pour les jeux qui tiennent à l'adresse et à l'exercice du corporel dans la mesure où ils contribuent à former des personnes pleines de force et de santé. Le juge peut néanmoins rejeter la demande, quand la somme lui paraît excessive.
3. L'article 4 de l'amendement interdit d'exploiter, en quelque lieu, sous quelque forme et de quelque manière directe ou indirecte que ce soit, un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard autres que ceux autorisés conformément à la présente loi. En outre, nul ne peut exploiter un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard sans licence écrite préalablement octroyée par la commission des jeux de hasard.
4. L'amendement du Gouvernement donne pour la première fois une définition du concept de « jeu ».
L'article 2 explique ce qu'il faut entendre par « jeu de hasard » et mentionne explicitement à ce propos que le « hasard est un élément, même accessoire, pour le déroulement du jeu, la détermination du vainqueur ou la fixation du gain ».
Ceci est une interprétation beaucoup plus large que la jurisprudence par la Cour de cassation à ce jour. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, un jeu de hasard dont l'exploitation est interdite est un jeu qui, soit en soi, soit en raison des circonstances dans lesquelles il est pratiqué, est de nature telle que le hasard l'emporte sur l'adresse du corps ou sur l'agilité intellectuelle (Cass. 26 mars 1956, Pas ., I, p. 793; Arr. Cass., 1956, p. 618 et note; Cass., 22 mai 1967. R.D.P. , 1967-1968, p. 417, R.W. , 1966-1967, p. 1317), ou que la chance joue un plus grand rôle que l'adresse et les combinaisons de l'esprit (Cass, nº 8816 du 4 septembre 1986).
Le jeu ne devait donc pas dépendre exclusivement du hasard. Il suffisait que le hasard jouât un rôle déterminant.
Ainsi, le jeu de hasard se différenciait du jeu d'adresse autorisé aux termes de l'article 7 de la loi de 1902. Dans ce dernier jeu, l'adresse l'emportait sur le hasard.
Cette différence a souvent entraîné des problèmes dans la pratique lorsque l'adresse a constitué un élément secondaire dans la détermination du résultat du jeu.
Le juge du fond devait alors décider s'il s'agissait d'un jeu de hasard au sens de la loi de 1902. Les tribunaux ont dû à maintes reprises ordonner une expertise afin de pouvoir déterminer de manière concluante dans quelle catégorie un jeu devait être classé.
La définition actuelle devrait mettre un terme aux discussions relatives au caractère des jeux qui associent et des caractéristiques de jeux de hasard et des caractéristiques de jeux d'adresse.
Le principe retenu est que tout jeu implique un élément de chance et qu'il tombe dès lors sous l'application de la nouvelle législation.
5. Les articles 53 à 58 inclus de l'amendement du Gouvernement prévoient une série de mesures de protection.
Les limitations de crédit constituent l'élément central, bien que ceci demeure très relatif et que la responsabilité finale incombe au joueur lui-même, mais aussi aux possibilités de crédit créées par les institutions financières elles-mêmes.
Il existe actuellement une banque centrale « négative » de données relatives aux personnes qui ne sont plus en mesure de payer leurs dettes.
Faut-il envisager éventuellement un système d'enregistrement de tout prêt et/ou crédit qui permette de refuser le bénéfice d'un prêt ou d'un crédit dès que le seuil global de crédit pour une personne individuelle est dépassé ?
Abstraction faite du problème de la vie privée, cette problématique est beaucoup plus vaste que celle des dettes de jeu (cf. le projet de loi relative au règlement collectif des dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis - doc. Chambre nº 1073/1-6).
6. Aux termes des articles 32, 37, 42 et 52 de l'amendement du Gouvernement, le Roi fixe les règles de fonctionnement des jeux de hasard (par conséquent notamment le pourcentage de remboursement) ainsi que les modalités de surveillances et de contrôle des jeux de hasard, notamment par un système informatique approprié. On pense notamment à l'enregistrement de chaque opération de jeu par un système de contrôle incorporé (une « boîte noire »). »
Concernant l'exclusion des incapables des établissements de jeux et la proposition d'élaborer une procédure permettant aux justices de paix, chargées de la déclaration d'incapacité, de communiquer aussitôt ces données à la commission, et ce même dès l'instant où de telles actions seraient intentées, le ministre pose la question de savoir si de telles pratiques sont compatibles avec la protection de la vie privée.
En outre, il est évident que le juge de paix se prononcera en premier lieu sur une telle action, avant que la commission des jeux de hasard prenne une décision en fonction de la seule connaissance du fait qu'une action a simplement été intentée.
La commission de la Justice soulève également le problème de l'articulation de la proposition avec la législation de plus en plus fouillée relative au blanchiment. Un commissaire a l'impression que la possibilité d'exclure le blanchiment n'a été insérée dans le texte en discussion. Celui-ci prévoit uniquement que les membres de la commission doivent dénoncer « toute » infraction qu'ils constatent.
En ce qui concerne les dispositions manquantes concernant le blanchiment, le ministre renvoie au projet de loi modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (doc. Chambre, nº 1335, 1997/1998), qui règle cette matière séparément.
Il convient toutefois d'attirer l'attention sur le fait qu'il faudra examiner si ce projet ne devra pas être modifié en fonction de la législation en discussion. Ainsi, un membre objecte que l'article 3, 5º, du projet de loi susvisé concernant le blanchiment ne mentionne que les exploitants de casinos. En outre, cet article renvoie non pas à la loi en projet, mais à l'arrêté royal du 23 novembre 1965, qui règle le régime fiscal en ce qui concerne les casinos. L'article 3 en question doit donc déjà être adapté.
Le ministre développe les éléments suivants.
« En ce qui concerne les dispositions concernant le blanchiment d'argent qui figurent dans le projet de loi initial, le Conseil d'État a fait observer dans son avis qu'elles figurent également dans les grandes lignes dans un avant-projet de loi modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux. Les deux textes doivent être harmonisés afin d'éviter des contradictions ou des lacunes.
Le projet de loi modifiant la loi du 11 janvier 1993 prévoit notamment que les dispositions de ladite loi s'appliqueront également aux personnes physiques ou morales qui exploitent un ou plusieurs des jeux de casino visés à l'article 45 de l'arrêté royal du 23 novembre 1965 portant codification des dispositions légales relatives aux impôts assimilés aux impôts sur le revenu.
Les mesures anti-blanchiment identiques prévues dans le présent projet de loi sont dès lors superflues si ce n'est qu'il est maintenant expressément prévu dans le texte de la loi que la commission des jeux de hasard constitue l'autorité de contrôle et de tutelle, conformément aux dispositions des articles 21 et 22 de la loi du 11 janvier 1993.
Alors que l'extension prévue du champ d'application ratione personae de la loi du 11 janvier 1993 ne touche pas les salles de jeux automatiques, le projet de loi sur les jeux de hasard et les établissements de jeux de hasard imposait initialement à ces établissements une obligation de déclaration d'activités de blanchiment à la commission des jeux de hasard.
Cependant, l'utilité de telles mesures anti-blanchiment pour ce secteur est très douteuse, ce qui explique pourquoi elles n'ont pas été retenues dans le projet de loi modifiant la loi contre le blanchiment. Compte tenu de la façon dont les salles de jeux automatiques fonctionnent et fonctionneront en Belgique, c'est-à-dire avec des mises et des gains limités, elles ne constituent pas spécialement une cible pour les pratiques de blanchiment et ce secteur n'est pas plus vulnérable que le secteur commercial ou industriel, de sorte que, rebus sic stantibus , aucune mesure préventive particulière ne s'impose en la matière.
En revanche, il ne faut pas perdre de vue que l'exploitation même de ces entreprises peut tomber entre les mains de criminels et que dans cette hypothèse, ces entreprises pourraient se prêter à des opérations de blanchiment. Il semble toutefois que le présent projet de loi offre une parade suffisamment appropriée à ce risque, en organisant, outre le contrôle policier existant, une surveillance particulière par la commission des jeux de hasard.
Un membre demande au ministre s'il peut s'engager à ne pas faire publier la loi en projet sans que ne soit publiée la loi modifiant la loi du 11 janvier 1993.
Un autre membre opte pour une référence croisée dans le texte à l'examen, à la loi de 1993 à modifier.
Le ministre répète que l'article 19 de l'amendement du Gouvernement, qui dispose que la commission des jeux de hasard est l'autorité de contrôle et de tutelle visée aux articles 21 et 22 de la loi du 11 janvier 1993, garantit ce renvoi.
L'observation suivante porte sur l'ampleur démesurée de la compétence que l'on réserve au Roi. C'est ainsi que ce dernier doit définir les classes et les catégories; Il fixe les conditions éventuelles dans le cadre des licences, ...
À la question sur les arrêtés royaux d'exécution, le ministre répond ce qui suit :
« L'amendement du Gouvernement définit bel et bien de façon détaillée les cinq classes de licences, les trois classes d'établissements de jeux de hasard et les conditions auxquelles sont soumis les demandeurs et titulaires d'une licence.
L'amendement du Gouvernement prévoit que le Roi devra en effet arrêter pour chaque classe d'établissement de jeux de hasard la liste et le nombre de jeux de hasard dont l'exploitation est autorisée.
Le Roi devra également fixer le montant maximum de la mise, de la perte et du gain par possibilité de jeu et par période de jeu à déterminer par Lui.
À l'heure actuelle, la législation est extrêmement limitée et se résume à sept articles, inscrits dans la loi du 24 octobre 1902 sur le jeu.
L'arrêté royal du 13 janvier 1975 portant la liste des appareils de jeu dont l'exploitation est autorisée règle la problématique des appareils autorisés, de la mise éventuelle et d'autres détails techniques.
Il est impossible, voire injustifié de transposer une telle réglementation technique dans un texte de loi, compte tenu l'évolution technologique fulgurante en particulier sur le marché des jeux de hasard électroniques.
Last but not least , il y a lieu de décrire chaque jeu de hasard (par exemple : pusher, bingo, roulette, punto banco, flipper, baccara) afin d'éviter qu'une dénomination ne devienne un mot qui ne recouvre aucun contenu. Une telle description est difficilement envisageable dans le cadre d'une loi. »
En ce qui concerne la délégation au Roi, un membre attire l'attention sur trois articles du projet qui ont fait l'objet d'une objection du Conseil d'État. Il s'agit d'abord de l'article 22 (article 19 du projet du Gouvernement) qui donne le pouvoir au Roi de déterminer les modalités d'organisation et de fonctionnement de la commission. À cet égard, le Conseil d'État estime que cette délégation est trop large, notamment compte tenu de ce que les membres du secrétariat peuvent être revêtus de la qualité d'officier de police judiciaire. Selon le Conseil d'État, cette qualité nécessite l'intervention du législateur. Ensuite, l'article 23quinto (article 28 du projet du Gouvernement) prévoit que le Roi détermine les modalités de surveillance et de contrôle des jeux de hasard, notamment par un système informatique approprié. À cet égard, le Conseil d'État pose le problème du respect de la vie privée (article 22 de la Constitution) et estime que ce n'est pas au Roi à déroger à ce principe. Il y a là également la nécessité d'une intervention du législateur. Enfin, l'article 57 prévoit que le Roi prend toute disposition destinée à lutter contre l'accoutumance au jeu et arrête notamment les mesures relatives à la rédaction d'un Code de déontologie et à l'information du public sur les dangers inhérents aux jeux. Le Conseil d'État estime que cet article va beaucoup trop loin et que cette disposition est beaucoup trop imprécise. L'intervenant souhaite connaître la position du Gouvernement à cet égard.
Un autre membre partage les observations de l'intervenant précédent. Lorsque le Conseil d'État formule des observations, il faudrait effectivement y donner suite. L'intervenant estime que les articles mentionnés ne requièrent pas de spécifications techniques. Ce pourrait être le cas pour le dernier article cité, mais alors il conviendrait d'en préciser la finalité. Il lui semble que les arrêtés royaux sont trop peu circonscrits et qu'il n'est pas fait mention de la finalité.
À cet égard, l'on fait référence au problème particulier de l'introduction éventuelle, dans les casinos, de jackpots, de machines à sous ou d'appareils automatiques de jeux en général. Plusieurs membres estiment que pour une matière aussi importante, aux conséquences sociales graves (voir les États-Unis), ce n'est pas le Roi, mais le Parlement qui devrait être compétent.
D'autres membres font référence à des discussions qui ont eu lieu précédemment sur le sujet. Il est possible de trouver une solution intermédiaire, qui consisterait à soumettre d'abord à la commission de la Justice de la Chambre et du Sénat les arrêtés royaux relatifs à l'autorisation de certains appareils de jeux. Bien qu'un tel compromis n'ait aucune valeur légale, il présenterait l'avantage d'inciter en tout cas le ministre à faire preuve d'une certaine prudence.
Le ministre répète qu'en réalité, l'intention du Gouvernement est de conserver, dans la mesure du possible, la situation actuelle. Pour l'instant, l'arrêté royal de 1975 prévoit la possibilité d'utiliser la roulette dans les kermesses, les luna-parcs ou, éventuellement, dans les parcs d'attraction. On peut également acheter des roulettes dans les magasins de jouets. L'essentiel de la philosophie de la législation à l'examen figure à l'article 6. Les articles 7 et 8 ne font que prévoir qu'un arrêté délibéré en Conseil des ministres est nécessaire. En ce qui concerne les jackpots, le ministre renvoie aux facteurs cités ci-dessus, qui favorisent la dépendance. On pourrait parfaitement autoriser le jackpot, à condition de limiter les enjeux, les pertes et les gains. En outre, le ministre renvoie à l'article 1965 du Code civil qui relativise l'importance d'éventuelles dettes de jeu. Il ne faut pas s'intéresser uniquement au jackpot, mais il lui semble important d'être très attentif aux circonstances relatives au short-odd , aux enjeux, pertes et gains, à la suggestion d'influence et au return . Ce sont des aspects qui sont traités spécifiquement aux articles 6 et 7.
En ce qui concerne les jackpots, le Gouvernement laisse au Roi la possibilité de déterminer par la suite s'Il autorise ou non ces appareils de jeux (voir également l'exposé des motifs). Le ministre plaide pour que l'on ne mentionne pas explicitement les jackpots dans la législation, car l'on risquerait de devoir en donner une définition précise. Il renvoie également aux problèmes concernant les billets électroniques à gratter. La distinction entre les jackpots et les jeux de loterie vidéo est tellement minime que si on instaure une réglementation légale relative aux jackpots, l'on créera une lacune en ce qui concerne les autres jeux.
Un membre estime que l'on ne peut pas accepter une telle argumentation. Chez soi, Internet permet de jouer dans tous les casinos sans aucune restriction. Les arguments qui concernent les roulettes vendues dans les magasins de jouets ne sont pas non plus pertinents. Pourquoi ne pas les interdire elles aussi ?
La commission attire également l'attention sur la nécessité de préciser la portée de l'article 6. Cet article signifie-t-il que les appareils qui sont installés dans les casinos de classe I ne peuvent pas l'être dans les établissements de jeux de classe II, et que les apapreils placés dans les établissements de classe II ne peuvent pas l'être dans les débits de boissons de classe III ? En l'occurrence, il faudrait formuler le texte de manière plus précise.
À cet égard, M. Weyts fait référence à ses sous-amendements nºs 3 et 4 (doc. Sénat, nº 1-419).
Un membre ajoute qu'il faut dire clairement que les jackpots ne figurent pas parmi les jeux automatiques visés à l'amendement nº 43 précité. Il continue à plaider pour que l'on subordonne l'introduction des jackpots à un accord du Parlement.
L'on peut également se demander s'il faut écarter des casinos tous les jeux de hasard automatiques.
Répondant à cette dernière remarque, le ministre souligne que l'on souhaite conserver globalement la
situation actuelle dans les casinos. Les jeux traditionnels sont des jeux sans mécanisme électronique, dont s'occupe un personnel spécialisé, auxquels on joue en groupe et manuellement. À l'étranger, il est pourtant possible de jouer à des jeux de hasard automatiques. C'est une option qu'il faut prendre.
Une dernière remarque à cet égard concerne le fait que certains articles disposent que l'arrêté royal qui les exécutera doit être délibéré en Conseil des ministres (voir l'article 7), alors qu'à d'autres articles, il n'est question que d'arrêtés royaux ordinaires.
La raison d'être de pareille distinction n'est pas claire pour la commission.
Plusieurs membres suggèrent de prévoir dans tous les cas un arrêté délibéré en Conseil des ministres, ce qui donnerait une garantie supplémentaire.
Le problème du jeu constitue également une question sociale et il est donc souhaitable que plusieurs ministres donnent leur avis.
La commission partage ce point de vue. À tous égards, il est souhaitable de prévoir, à tout le moins, des arrêtés délibérés en Conseil des ministres. Certains membres vont plus loin et souhaitent une intervention du législateur, du moins en ce qui concerne l'interdiction des jackpots. La commission conclut que, dans l'hypothèse où la problématique ne pourrait être réglée par la loi, elle devrait l'être au moins par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
En ce qui concerne la terminologie de l'article 15, § 2, quatrième alinéa, tel qu'il est proposé par l'amendement nº 39, un commissaire souligne qu'elle doit être adaptée aux termes usités dans le projet de loi « Franchimont » (doc. Sénat, 1-704/5 article 28bis, § 3, du Code d'instruction criminelle). Ainsi, les mots « veille à la légalité et à la loyauté des moyens de preuve » doivent être remplacés par les mots « veille à la légalité des moyens de preuve ainsi qu'à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés ».
Le ministre approuve la modification rédactionnelle demandée pour des raisons de conformité avec le projet « Franchimont ».
La commission de la Justice considère également qu'il y a une lacune dans le statut du magistrat président de la commission des jeux de hasard. En effet, il ne faut pas oublier que ce magistrat est délégué et qu'il convient donc d'élaborer une réglementation concernant son retour dans le cadre, et ce, afin qu'il conserve ses droits à la pension.
Le ministre répond :
« Initialement, le texte de l'article 9, § 3, de l'amendement contenait les dispositions suivantes : « Il est pourvu à son remplacement comme magistrat par une nomination en surnombre. S'il s'agit d'un chef de corps, il est pourvu à son remplacement par la nomination en surnombre d'un magistrat au rang immédiatement inférieur. Le magistrat visé garde sa place sur la liste de rang et continue à jouir du traitement ainsi que des augmentations et avantages y afférents. Pendant la durée de son mandat, il est censé avoir exercé ses fonctions. Il reprend sa place sur la liste de rang au moment où il démissionne de son mandat. »
L'exposé des motifs précise que, compte tenu du projet de loi en préparation, qui vise à régler cette problématique dans sa globalité par une modification des dispositions applicables du Code judiciaire, il convient de retirer ces dispositions du texte.
Il y a lieu de renvoyer au projet de loi modifiant certaines dispositions de la partie II du Code judiciaire en ce qui concerne la désignation, la nomination et la promotion des magistrats, instaurant un conseil académique et instaurant un système d'évaluation pour magistrats.
L'article 47 de ce projet prévoit l'insertion, après l'article 323, d'un article 323bis , rédigé comme suit :
« Le Roi peut, sur avis conforme du chef de corps, charger un magistrat du siège de remplir une mission spécifique dans les cas prévus par la loi qui fixe également la durée de cette mission. Dans la mesure où il s'agit d'une mission à temps plein, il peut être prévu le remplacement du magistrat de la Cour d'appel ou de la Cour du travail par voie de nomination ou, le cas échéant, par voie de désignation en surnombre. Les magistrats chargés d'une telle mission conservent leur place sur la liste de rang et sont censés avoir exercé leur fonction. Ils conservent leur traitement ainsi que les augmentations et les avantages y afférents pour autant qu'il s'agisse d'une mission non rémunérée. Le chef de corps qui accepte une semblable mission perd son mandat et tombe, à la fin de sa mission, sous l'application de l'article 259quater , § 7. »
En ce qui concerne les magistrats de première instance, il est prévu qu'ils seront remplacés par un des juges de complément.
L'article 327bis du Code judiciaire contient un règlement à ce sujet pour les magistrats de parquet. »
Un membre demande en outre des éclaircissements à propos de la désignation des membres de la commission des jeux de hasard pour une période de 5 ans
renouvelable (article 10, § 4). On ne voit pas clairement s'il s'agit d'une période renouvelable une seule fois ou d'un renouvellement éventuel ad eternam. Du reste, ne serait-il pas souhaitable de limiter explicitement cette prolongation ?
Le ministre répond que « une période renouvelable » s'oppose à « des périodes renouvelables », expression utilisée à l'article 24 concernant les licences.
La commission estime qu'il serait souhaitable d'indiquer expressément que la prolongation se limite à « une période renouvelable une seule fois », pour éviter que les membres de la commission des jeux de hasard ne soient soumis à des pressions éventuelles.
La commission de la Justice signale ensuite que le président, les membres de la commission et les membres du secrétariat qui sont fonctionnaires ont la qualité d'officier de police judiciaire. En effet, on circonscrit ensuite légalement une série de compétences dont la portée est beaucoup plus large que celles de n'importe quel officier de police judiciaire. On prévoit ainsi qu'ils peuvent pénétrer à n'importe quel moment du jour ou de la nuit dans les établissements auxquels ils doivent avoir accès pour l'accomplissement de leur mission, ils n'ont accès aux locaux habités que s'ils ont des raisons de croire qu'il existe une infraction ... cette formulation est plutôt large aux yeux de l'intervenant. L'article en question accorde une compétence assez large aux membres de la commission. Ces compétences sont-elles compatibles avec le principe de l'inviolabilité du domicile ? S'appliquent-elles également aux experts ? Et dans quelle mesure la commission des jeux de hasard peut-elle s'adjoindre d'autres officiers de police judiciaire pour les accompagner à ce moment-là ?
L'opinion du ministre à ce sujet est la suivante. Il renvoie tout d'abord à la justification, plus particulièrement au commentaire de l'article 15, où il est fait référence à l'article 10 du décret des 19-22 juillet 1971 (doc. Sénat, nº 1-419/4, p. 32). Il existe d'ailleurs déjà des dispositions similaires.
Pareilles dispositions existent d'ailleurs déjà.
Peuvent être cités à titre d'exemple : l'article 54 de la loi du 15 janvier 1990 relative à l'institution et à l'organisation d'une banque-carrefour de la sécurité sociale; l'article 3 de la loi du 6 juillet 1976 sur la répression du travail frauduleux à caractère commercial ou artisanal; l'article 7, § 2, 1º, de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 intitulé, par la loi du 30 juillet 1971, loi sur la réglementation économique et les prix; l'article 197 de la loi générale concernant les douanes et accises, coordonnée par arrêté royal du 18 juillet 1977; l'article 123 de la loi relative au régime d'accise des alcools, coordonnée par arrêté royal du 12 juillet 1978; l'article 22 de la loi du 13 juillet 1987 relative aux redevances radio et télévision; l'article 66 de la loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme du 29 mars 1962; l'article 4 de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail, remplacé par l'article 190 de la loi programme du 22 décembre 1989, l'article 81 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation.
Le ministre conclut qu'il n'est pas souhaitable de devoir chaque fois demander une instruction au juge d'instruction.
Il répond par l'affirmative à la question de savoir si les experts sont également investis de ces compétences. Il va de soi également que la commission des jeux de hasard peut s'adjoindre d'autres officiers de police judiciaire pour l'accompagner.
La commission peut se rallier à cette explication et accepter dès lors l'octroi de ces compétences étendues.
On fait également valoir qu'il convient d'apporter certains éclaircissements au sujet de l'article 24 proposé, qui fixe les types de licences. Comment peut-on écrire dans un texte de loi qu'une licence peut être obtenue pour une activité dont le Roi doit encore préciser le contenu ? C'est que la licence est liée aux classes, qui doivent encore être déterminées par le Roi.
Le ministre donne la réponse suivante :
« Les cinq types de licences se distinguent les uns des autres par des conditions d'admission spécifiques énumérées dans la loi et qui varient selon qu'il s'agisse d'établissements de jeux de hasard de classe I, II ou III.
Les établissements de jeux de hasard sont répartis en trois classes, à savoir les établissements de jeux de classe I ou casinos, les établissements de jeux de classe II ou salles de jeux automatiques, les établissements de jeux de classe III ou débits de boissons, selon :
la nature et le nombre de jeux de hasards qu'ils peuvent exploiter;
le montant maximum de l'enjeu, de la perte et du gain dans le chef des joueurs et des parieurs s'adonnant à ces jeux de hasard et
la nature des activités connexes autorisées dans les établissements respectifs.
Pour chacune de ces classes d'établissements de jeux de hasard, le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, arrête la liste et le nombre des jeux de hasard dont l'exploitation est autorisée dans les conditions de la présente loi.
Pour chaque jeu de hasard exploité dans un établissement de jeux de hasard de classe II et III, le Roi fixe le montant maximum de la mise par possibilité de jeu, de la perte et du gain dans le chef des joueurs et des parieurs. Il peut en outre fixer le montant maximum de la perte que peut subir un joueur ou un parieur par période de jeu à déterminer par Lui. Il peut également déterminer ces éléments pour les jeux de hasard exploités dans un établissement de jeux de hasard de classe I.
Il est impossible, voire injustifié, de transposer une telle réglementation technique dans un texte de loi, compte tenu de l'évolution technologique fulgurante en particulier sur le marché des jeux de hasard électroniques.
Last but not least , il y a lieu de décrire chaque jeu de hasard (par exemple : pusher, bingo, roulette, punto banco, flipper, baccara) afin d'éviter qu'une dénomination ne devienne un mot qui ne recouvre aucun contenu. Une telle description est difficilement envisageable dans le cadre d'une loi.
Pour chacune des trois classes d'établissements de jeux de hasard, les activités connexes qui peuvent y être exercées sont par ailleurs précisées :
classe I : activités socio-culturelles telles que des représentations, des expositions, des congrès et des activités liées au secteur horeca;
classe II : aucune activité connexe;
classe III : établissements où sont vendues des boissons, de quelque nature que ce soit, à consommer sur place. »
La commission estime que cette réponse est satisfaisante.
Un commissaire se réfère ensuite à l'article 18, troisième alinéa, tel qu'il est proposé par l'amendement nº 39, dont la formulation lui paraît singulière. Pourquoi ne pas supprimer tout simplement les mots « immédiatement si elles sont réunies, sinon dès l'ouverture de leur prochaine session » ? Car le texte en discussion est un texte juridique, qui ne se situe pas dans un contexte fiscal.
Le ministre donne son assentiment à la suppression proposée.
Un commissaire renvoie à l'article 28, second alinéa, du texte à l'examen. Il est prévu que le Roi désigne la commune de l'implantation d'un casino supplémentaire. Aucun critère n'est prévu. Seuls l'impact social et l'avis du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale sont retenus comme critères d'appréciation. Ne faut-il pas préciser ces critères ?
À cet égard, un autre membre estime qu'un problème juridique se pose en ce qui concerne la désignation des communes sur le territoire desquelles des casinos peuvent être exploités. En effet, le droit peut difficilement se baser sur des arguments historiques. D'ailleurs, on s'écarte de cette historicité à propos du casino de Bruxelles, puisque le ministre invoque en l'espèce des critères sociaux.
La commission renvoie également à la critique fondamentale du Conseil d'État à ce sujet, qui accuse la disposition de contenir une limitation de la liberté d'établissement et fait référence à l'article 52 du traité de la Communauté européenne ainsi qu'à une série d'arrêts rendus en la matière. On peut dire que les jeux de hasard relèvent de l'activité économique et qu'ici aussi, les principes de la libre concurrence et du libre-échange doivent jouer.
En second lieu, on court le risque de voir d'autres établissements aussi invoquer des droits historiques.
À propos du choix des communes qui pourraient accueillir un casino, le ministre souligne les éléments suivants :
« 1. Le Conseil d'État souligne que c'est au Parlement qu'il revient d'apprécier si les critères ainsi énoncés sont des critères objectifs permettant de limiter la liberté d'établissement.
Le Conseil d'État rappelle en outre qu'en vertu de l'article 52 du Traité instituant la Communauté européenne, les États membres ont l'obligation de supprimer progressivement les restrictions à la liberté d'établissement. Cette suppression progressive concerne également les restrictions relatives à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.
2. En ce qui concerne les dispositions du traité C.E. en cause, il convient d'observer d'abord que l'article 5 impose aux États membres l'obligation de s'acquitter loyalement de leurs obligations communautaires.
3. Au regard des règles de concurrence du traité C.E., selon une jurisprudence constante, les États membres ne sauraient édicter des mesures législatives ou réglementaires permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par les articles 85 à 94 du traité C.E. (arrêt de la C.J.C.E. du 16 novembre 1997, aff. 13/77 GB-INNO-BM, Rec., p. 2115).
Tel serait le cas si un État membre adopte des mesures de nature législative ou réglementaire, imposant ou favorisant la création des ententes contraires à l'article 85 du traité ou renforce les effets de telles ententes ou bien retire à sa propre réglementation son caractère étatique, en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique (arrêt de la C.J.C.E. du 30 avril 1986, aff. jointes 209-213/84, Rec., p. 1425 et arrêt de la C.J.C.E. du 1er octobre 1987, aff. 311/85 Vlaamse Reisbureaus, Rec. p. 3801).
Tel serait également le cas lorsque l'activité réglementaire de l'État favorise l'exploitation abusive de la position dominante détenue par une (ou plusieurs) entreprises dans le marché en cause (arrêt de la C.J.C.E. du 11 avril 1989, aff. 66/86. Rec., p. 803).
4. Par ailleurs, l'article 90, § 1er , du traité C.E. prévoit que les États membres, en ce qui concerne les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus. Cette disposition s'applique toujours en combinaison avec d'autres dispositions du traité C.E.
5. Dans le cadre de l'application de l'article 90, § 1er , en combinaison avec les articles 85 et 86 du traité C.E., les États membres ne peuvent ni encourager ni imposer aux entreprises bénéficiaires des droits exclusifs ou spéciaux, des comportements abusifs ou la mise en place d'accords restrictifs de la concurrence (voir inter alia arrêt de la C.J.C.E. du 13 décembre 1991, aff. C-18/88 R.T.T., Rec., p. 5941 et arrêt de la C.J.C.E. du 18 juin 1991, aff. C-260/89 E.R.T., Rec., p. I-2925).
Il convient ici de noter que, selon l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 30 avril 1974 dans l'affaire C-155/73 Sacchi, Rec., p. 409, les États membres peuvent pour des considérations d'intérêt public, de nature non économique, soustraire certains services au jeu de la concurrence en conférant des droits exclusifs à une ou plusieurs entreprises. Toutefois, selon les arrêts précités, même si l'octroi d'un monopole n'est pas en tant que tel incompatible avec le droit communautaire, la possibilité ne peut être exclue que le monopole soit aménagé d'une façon telle qu'il porte atteinte aux règles relatives à la libre prestation de services, à la liberté d'établissement et à la libre circulation de marchandises à l'intérieur du marché commun.
Par ailleurs, l'activité des jeux de hasard est dans la plupart des pays réglementée par l'État afin de minimiser les coûts des externalités négatives (coûts sociaux) qu'elle produit.
Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Schindler citée par le Conseil d'État (arrêt du 24 mars 1994, aff. C-275/92, Rec., p. I-1039), dans le secteur des jeux d'argent, les autorités nationales disposent d'un pouvoir d'appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comportent la protection de l'ordre social et il leur revient d'apprécier s'il est nécessaire de restreindre ou interdire ces activités, sans toutefois enfreindre le droit communautaire (point 60, 61).
Il est clair, par conséquent, qu'il appartient à un État membre de réglementer les modalités, le volume des enjeux et l'affectation des profits d'un jeu d'argent s'il décide d'autoriser une modalité de jeu d'argent sur son territoire, pour autant que les mesures prises ne soient pas discriminatoires et qu'elles soient nécessaires et proportionnées pour atteindre les buts d'intérêt général recherchés.
En l'occurrence, le principe général du projet de loi en cause consiste en l'interdiction d'exploiter, en quelque lieu, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard à l'exception des jeux ou établissements autorisés par la loi moyennant une licence écrite préalable.
Ce faisant, le projet prévoit l'octroi des droits exclusifs aux bénéficiaires de ces licences pour la provision des services concernés.
Néanmoins, aucune disposition de ce projet ne semble retirer à la réglementation concernée son caractère étatique, en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique.
Au contraire, les articles 6 et 7 du projet réservent au Conseil des ministres tant le droit d'arrêter la liste et le nombre des jeux de hasard dont l'exploitation est autorisée que de fixer le montant maximum de l'enjeu par possibilité de jeu, de la perte et du gain dans les chefs des joueurs et des parieurs.
De plus, le projet ne semble pas encourager ni imposer aux licenciés la mise en place d'accords restrictifs de la concurrence.
Par conséquent, les dispositions du projet en question ne sont pas contraires aux articles 5, 85 et 90, § 1er , du traité C.E.
6. Il en est de même pour les articles 5, 86 et 90, § 1er , du traité.
En effet, l'article 25 du projet en question limite le nombre total des casinos établis sur le territoire de l'État belge à neuf.
Par ailleurs, un casino ne peut être exploité que sur le territoire des communes qui sont explicitement mentionnées dans cette disposition et, en plus, un seul casino peut être exploité par commune.
À cet égard, en établissant en faveur de ces 9 casinos, une juxtaposition de monopoles territorialement limités, mais couvrant, dans leur ensemble, tout le territoire belge, cette disposition crée une position dominante au sens de l'article 86 du traité C.E. sur une partie substantielle du marché commun.
Le simple fait de créer une telle position dominante par l'octroi d'un droit exclusif au sens de l'article 90, § 1er , du traité C.E., n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité (inter alia arrêt de la C.J.C.E. du 5 octobre 1994, affaire C-323/93 Crespelle, Rec., p. 5097).
Les entreprises bénéficiaires du droit exclusif en question ne sont pas amenées à exploiter de façon abusive leur position dominante sur le marché en exigeant par exemple le paiement des services non exigés ou en imposant des prix disproportionnés, etc. (arrêt de la C.J.C.E. du 10 décembre 1991, affaire 179/90 Porto di Genova, Rec., p. 5889).
Au contraire, la fixation de maxima de perte par joueur et le strict contrôle étatique sur l'activité des exploitants d'établissements de hasard peuvent offrir certaines garanties aux utilisateurs de tels services contre les abus éventuels de la part des opérateurs concernés.
Cette constatation vaut a fortiori pour les opérateurs des établissements des classes B et C qui ne bénéficient pas d'une protection territoriale comme ceux des casinos.
Enfin, aucune disposition du projet ne semble être contraire aux dispositions du traité C.E. qui concernent l'octroi des aides d'État de la part des États membres.
7. Il convient également d'examiner, comme le Conseil d'État le suggère à juste titre (observations du Conseil d'État, p. 13), si le projet n'est pas susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité C.E., et plus spécifiquement la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du traité.
À cet égard, la Cour de justice a reconnu dans l'arrêt Schindler qu'étant donné les considérations qui entourent les jeux de hasard, les autorités nationales disposent d'un pouvoir d'appréciation pour déterminer les exigences que comportent la protection de ses intérêts généraux, les restrictions pouvant en découler ne devant pas être discriminatoires. En l'espèce, les principes posés par le projet de loi ne sont pas incompatibles avec les articles 52 et suivants à la lumière de l'arrêt Schindler.
8. À titre d'exemple, l'on peut référer à la législation néerlandaise, en l'occurrence à la loi du 10 décembre 1964, précisant les règles relatives aux jeux de hasard.
Elle dispose, en son article 27-p : « Nos ministres peuvent octroyer une licence à une personne morale dotée de la personnalité juridique à part entière pour une période à déterminer par eux dans les communes qu'ils désignent ... Une telle désignation nécessite l'accord du conseil de la commune concernée. » (Traduction)
Un commissaire s'interroge sur l'objectivité des critères. Le Conseil d'État fait effectivement observer qu'il appartient au Parlement de juger si les critères mentionnés dans l'amendement sont des critères objectifs, sur la base desquels la liberté d'établissement peut être limitée. Le critère utilisé ici est historique. L'intervenant évoque le risque que d'autres communes que Loncin puissent revendiquer sur cette base l'ouverture d'un casino sur leur territoire. Ici aussi, un argument historique entre en jeu.
Le ministre répond qu'on a mené jusqu'à présent une politique de tolérance à l'égard des huit casinos existants. Le neuvième casino, à Bruxelles, vise à mettre fin à la discrimination dont est victime la Région bruxelloise par rapport aux deux autres régions.
Il faut ensuite attirer l'attention sur le fait que 200 luna-parcs seront autorisés (article 33). La commission des jeux de hasard va-t-elle aussi examiner si les prescriptions en vigueur en matière de construction et d'environnement ont été respectées ? Comment compte-t-on, du reste, déterminer les critères qui orienteront le choix entre les candidats satisfaisant aux conditions posées ? Il ne faut pas non plus perdre de vue que la décision de la commission des jeux de hasard en faveur d'un des candidats peut être considérée comme un acte administratif et qu'un recours devant le Conseil d'État est ainsi possible. De nombreux recours risquent donc d'être introduits devant le Conseil d'État, étant donné que la loi ne comporte aucun critère permettant d'orienter la sélection des 200 luna-parcs autorisés. La Commission de la Justice estime qu'il convient en l'espèce d'inscrire dans la loi certains critères de sélection. On pourrait éventuellement procéder par adjudication.
Le ministre formule les remarques suivantes :
« L'article 33 prévoit que les établissements de jeux de hasard de classe II sont des établissements dans lesquels sont exploités les jeux de hasard autorisés par le Roi. Le nombre total des établissements de jeux de hasard autorisés est limité à 200.
Il faut faire clairement la distinction entre ces salles de jeux automatiques et les parcs d'attraction et les kermesses visés à l'article 3, où peuvent être exploités des jeux que la loi ne considère pas comme des jeux de hasard.
Le Conseil d'État a fait remarquer que la limitation du nombre de luna-parcs est contraire à la liberté d'établissement et qu'elle doit être motivée sur la base d'éléments objectifs.
Selon l'exposé des motifs, ce nombre correspond plus ou moins à la situation réelle du moment.
Le rapport est donc d'une salle de jeux automatiques pour 50 000 habitants. Il convient, si l'on veut limiter le danger pour la société, de ne pas autoriser une prolifération des établissements de jeux de hasard.
Pour information : au 1er janvier 1996, la population nationale comptait 10 143 047 âmes. La part relative de chaque région s'élevait respectivement à 58 % pour la Région flamande, 32,7 % pour la Région wallonne et 9,3 % pour la Région bruxelloise.
S'il y a moins de 200 luna-parcs en Belgique pour le moment, c'est évidemment dû aux résultats économiques et financiers de leur exploitation. Il semble, à l'heure actuelle, qu'il ne soit pas rentable d'exploiter plus de 200 luna-parcs (dans l'ancienne acception du mot au niveau national).
L'on peut donc « influencer » (augmenter ou diminuer) le nombre d'institutions par le biais de la fiscalité mais aussi par le biais de l'intervention du Roi qui déterminera, pour ce qui est des salles de jeux automatiques, la nature des jeux de hasard (au sens de la loi) qu'elles peuvent exploiter, leur nombre autorisé, le montant maximum des enjeux, des pertes et des bénéfices des joueurs, ainsi que la nature des activités connexes autorisées dans les établissements respectifs.
En outre, il faut tenir compte de l'article 37 selon lequel le Roi prévoit les modalités de fonctionnement des établissements de jeux de classe II, les règles de fonctionnement des jeux de hasard ainsi que les modalités de surveillance et de contrôle des jeux de hasard.
Étant donné ces garanties et la volonté explicite du Gouvernement de prévenir une prolifération des salles de jeux automatiques du type en question, il y a lieu de se demander s'il est encore nécessaire de prévoir explicitement un nombre maximum dans la législation. »
La commission maintient son point de vue et reste d'avis qu'il serait opportun de définir, dans la loi, les critères de sélection applicables aux 200 luna-parcs. Ou bien, on supprime le chiffre « 200 » qui figure dans la loi, ou bien on affine les critères.
Un membre soulève le problème qui résulte de l'absence de règles transitoires concernant les titulaires des licences de classe B, C, D, E. La validité des licences des exploitants de casinos est prolongée de vingt ans, alors que, pour ce qui est des classes susvisées, l'on ne prévoit aucune règle, si bien que les exploitants sont confrontés à un vide juridique. Pourquoi faire une distinction ? Une période de vingt ans n'est-elle pas trop longue ?
Le ministre précise que la prolongation de vingt ans des conventions de concession (article 72) ne vaudra que pour les casinos qui, dans l'année de l'entrée en vigueur de la loi, rempliront les conditions définies par celle-ci. Un certain contrôle est donc possible. En outre, il faut garder à l'esprit que seuls les casinos sont liés par une convention de concession. C'est pourquoi la prolongation ne vaut pas pour d'autres établissements de jeux de hasard. La décision éventuelle d'établir un lien avec le contrat de bail commercial pourrait avoir des conséquences trop lourdes (prolongation jusqu'à 27 ans).
La commission souligne que le Roi doit en tout cas prévoir des règles transitoires.
L'observation suivante concerne l'abrogation de l'article 305 du Code pénal, qui était un article général consacré aux poursuites à l'encontre d'exploitants de maisons de jeux. La loi projetée introduit un certain nombre de dispositions pénales, mais il s'avère que celles-ci ne portent que sur les exploitations des classes I, II et III. Qu'en est-il des autres exploitations, telles que les exploitations non autorisées ou celles qui dépassent les limites de leur licence ? Couvre-t-on ainsi le domaine des maisons de jeux dans son intégralité ?
Le ministre donne la réponse suivante :
« L'article 305 du Code pénal sanctionne les personnes qui tiennent une maison de jeux de hasard et y admettent le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés. Il incrimine également les banquiers, administrateurs, préposés ou agents d'une telle maison.
La jurisprudence relative à cet article est très réduite, parce que la plupart des poursuites engagées aujourd'hui dans ce domaine sont fondées sur l'article 1er de la loi du 24 octobre 1902.
Pour pouvoir appliquer cet article, il suffit en effet d'établir qu'un avantage direct ou indirect est tiré des jeux de hasard, alors que, dans le cas de l'article 305, on doit apporter la preuve qu'il y a tenue d'une maison de jeux et que le public y est admis. De plus, le champ d'application de l'article 305 du Code pénal est beaucoup plus restreint que celui de l'article 1er de la loi concernant le jeu, étant donné que l'article 305 ne s'applique pas aux jeux auxquels s'applique l'article 1er de la loi du 24 octobre 1902.
Il ressort en effet clairement des travaux préparatoires de la loi de 1902 que l'article 305 du Code pénal doit être considéré comme abrogé à l'égard des jeux de hasard entrant dans le champ d'application de la loi du 24 octobre 1902.
On peut, en effet, considérer la loi concernant le jeu comme une lex specialis qui ne s'applique qu'à certains jeux de hasard, dont elle règle tous les aspects pénaux. Elle abroge ainsi le régime général contenu à l'article 305 pour les jeux de hasard auxquels elle s'applique (lex specialis generalibus derogat ).
En outre, l'article 1er de la loi de 1902 introduit une interdiction absolue de l'exploitation des jeux de hasard, ce qui, en soi, est incompatible avec le dispositif de l'article 305, qui autorise des dérogations, comme, par exemple, exploiter des jeux de hasard et des maisons de jeux de hasard qui ne sont pas accessibles au public. Ces deux régimes légaux, dont l'un admet des dérogations que l'autre proscrit, s'excluent mutuellement et ne peuvent donc s'appliquer aux mêmes jeux. La loi du 24 octobre 1902 étant la lex posterior , c'est elle qui doit être appliquée et on doit admettre que la loi plus ancienne, c'est-à-dire l'article 305, est abrogée pour les jeux de hasard tombant dans le champ d'application de la loi de 1902.
Aujourd'hui, l'article 305 n'a dès lors plus qu'un champ d'application résiduel, à savoir les seuls jeux qui échapperaient à la loi du 24 octobre 1902.
Or, l'article 4 nouveau proposé dans l'amendement du Gouvernement prévoit une interdiction générale d'exploiter, en quelque lieu, sous quelque forme et de quelque manière directe ou indirecte que ce soit, un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard autres que ceux autorisés conformément à la présente loi.
De plus, nul ne pourra exploiter un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard sans licence écrite préalablement octroyée par la commission des jeux de hasard.
Ce nouveau double verrou couvre tout l'éventail des jeux de hasard et des établissements correspondants, de sorte que l'article 305 du Code pénal, déjà superflu en fait, peut désormais être carrément supprimé. »
Un membre trouve curieux qu'on justifie l'abrogation de l'article 305 du Code pénal en affirmant que c'est la loi de 1902 qui est applicable, alors que, dans le même temps, cette dernière loi est abrogée elle aussi. Est-on bien certain que l'article 4 couvre en tout cas tout le champ visé initialement par la loi de 1902 ?
Le ministre répond par l'affirmative.
L'intervenant fait remarquer qu'en ce cas, il serait souhaitable, par souci de clarté, de ne pas abroger l'article 305 du Code pénal mais de le remplacer par le texte de l'article 4.
On indiquerait clairement ainsi que la mesure relative aux maisons de jeux n'est pas retirée du Code pénal.
La relation entre jeux de hasard et loteries doit, elle aussi, être approfondie. On renvoie par exemple aux soirées bingo organisées par certaines associations. Il faut souligner que, pour de tels jeux, il n'existe aucun seuil d'accès et qu'ils concernent donc une grande partie de la population. On peut en outre se demander si les jeux qui ne sont pas exclus peuvent malgré tout relever de la législation proposée s'ils ont lieu dans un casino ou un établissement visé par la loi proposée.
Le ministre renvoie à la remarque que le Conseil d'État a formulée dans son avis du 21 janvier 1997 relatif à la proposition de loi sur le jeu déposée par le sénateur Johan Weyts (doc. Sénat, nº 1-419/2), et selon laquelle, telle qu'elle est formulée, la définition du jeu de hasard comprend également les loteries.
Celles-ci font cependant l'objet d'autres dispositions légales, que la proposition de loi de M. Weyts ne tend pas à modifier ou à abroger (la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries et la loi du 22 juillet 1991 relative à la Loterie nationale).
Du point de vue du droit civil, l'on ne saurait confondre le jeu et le pari avec la loterie.
Dans le cas d'une loterie, l'organisateur accorde par tirage au sort certains biens ou sommes d'argent (lots) à des personnes qui ont acquis le droit de participer en payant une somme d'argent.
La loterie est donc un contrat aléatoire qui diffère du contrat de jeu par le fait que les joueurs n'y participent pas eux-mêmes et ne tentent pas de gagner à un jeu déterminé.
La loterie se distingue du pari par le fait que les parties n'avancent pas leur propre point de vue concernant un sujet particulier, dont elles feraient dépendre l'octroi de l'enjeu à l'une d'entre elles.
La loterie est donc un contrat aléatoire qui ne porte pas son nom, auquel les articles 1965 à 1967 du Code civil ne sont pas applicables.
Le droit pénal contient néanmoins des dispositions relatives à l'organisation des loteries : les articles 301 à 304 du Code pénal, l'article 557, 3º, du Code pénal et la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries.
Par conséquent, la distinction pratique entre un jeu de hasard et une loterie est que le jeu de hasard requiert une collaboration effective des participants et le fait qu'ils « jouent », alors que, pour ce qui est de la loterie, le participant se contente d'acheter un billet de loterie et contrôle a posteriori s'il a gagné ou s'il a perdu. La question centrale est donc de savoir si oui ou non, le joueur gagne ou perd à son jeu.
En ce qui concerne l'exploitation, la distinction entre ces types de jeux est essentielle. En effet, l'on peut accorder une autorisation pour l'organisation d'une loterie, mais pas pour l'exploitation d'un jeu de hasard.
Dans son arrêt du 3 mai 1993 (Rechtskundig Weekblad , 1993-1994, colonne 371, note), la Cour de cassation a estimé qu'il ressort des constatations de l'arrêt contesté de la Cour d'appel de Bruxelles du 20 février 1992 que la collaboration active du joueur au jeu de bingo, à savoir le fait de prêter attention, de marquer des chiffres sur une carte et de crier un mot est étrangère à la désignation du gagnant par le sort et se rapporte uniquement à l'activité consistant à noter et à faire connaître cette désignation. Par conséquent, la Cour conclut que cette collaboration n'enlève pas au bingo les caractères d'une loterie. Selon la Cour, le bingo est donc bel et bien une loterie. »
La commission s'interroge ensuite sur la portée exacte des termes « être d'une conduite répondant aux exigences de la fonction ». Cette formule existe-t-elle déjà dans d'autres législations et quelles sont les raisons de l'insertion de ce critère ?
Le ministre répond que les articles 30, deuxième alinéa, 35, deuxième alinéa, 40, deuxième alinéa, et 49, deuxième alinéa, disposent chaque fois que les intéressés doivent être d'une conduite répondant aux exigences de la fonction.
Le texte initial prévoyait que les intéressés devaient produire un certificat de bonne vie et moeurs.
Le Conseil d'État a dit à ce sujet que l'expression « certificat de bonne vie et moeurs » est trop large. Il convient de préciser quelles condamnations justifient le refus ou le retrait de la licence. En outre, il n'est pas établi que tous les États membres de l'U.E. délivrent un certificat de bonne vie et moeurs.
Un problème analogue s'est posé pour l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'État. L'article 16, 1º, dispose que nul ne peut être nommé agent de l'État s'il ne remplit les conditions d'admissibilité posées, à savoir, entre autres, être Belge ou citoyen de l'Union européenne et être d'une conduite répondant aux exigences de la fonction en question.
En conclusion, la commission se pose la question de savoir si le problème du jeu dont il est question concerne bel et bien une matière fédérale. Cette problématique ne vise-t-elle pas, fût-ce en partie, une compétence communautaire et régionale ?
Le ministre donne la réponse suivante :
« À la lumière du cadre juridique général du problème posé, la loi du 24 octobre 1902 étant considérée comme une loi pénale spéciale relative à l'ordre public et aux bonnes moeurs, il n'est guère douteux que la détermination du cadre général en ce qui concerne l'exploitation des casinos relève de la compétence fédérale.
Le Conseil d'État l'a confirmé implicitement dans son avis.
La matière des jeux est aussi une compétence fédérale parce qu'elle n'a pas été attribuée à un autre pouvoir comme les régions ou les communautés (compétence résiduelle du pouvoir fédéral). »
Un membre fait observer qu'il n'est manifestement pas généralement admis que ce problème ne constitue pas une matière communautaire. Ainsi, le Parlement flamand et le Gouvernement flamand seraient d'un autre avis et exigeraient que le jeu, principalement en ce qui concerne la localisation des casinos, soit considéré comme une compétence des communautés.
M. Weyts dit avoir déposé un sous-amendement à ce propos (voir le doc. Sénat, nº 1-419/5, amendement nº 47). L'indication du lieu où un casino sera installé lui semble effectivement être une compétence des régions. Il renvoie à l'amendement du Gouvernement, qui dispose que, dans la Région bruxelloise, l'avis du Gouvernement est demandé. Il n'en est pas ainsi en Flandre et en Wallonie. L'avis du Conseil d'État dit clairement qu'il faut un critère objectif sur lequel les régions doivent se baser pour désigner une commune ou une ville déterminée pour la localisation.
La commission considère qu'il faudra délimiter clairement ce qui, d'une part, relève de la compétence fédérale, et ce qui, d'autre part, constitue une matière communautaire ou régionale.
Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.
Le rapporteur, | Le président, |
André BOURGEOIS. | Roger LALLEMAND. |