1-852/2

1-852/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

11 FÉVRIER 1998


Projet de loi relative à la libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude, remplacée par la loi du 1er juillet 1964


Procédure d'évocation


AMENDEMENTS


Nº 1 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 2

Compléter l'alinéa 1er comme suit :

« Toute autre forme de libération anticipée est interdite. »

Justification

L'objectif poursuivi par la précision apportée à l'alinéa 1er de l'article 2 du projet de loi consiste à interdire la pratique des « libérations provisoires ». Cette pratique n'a pas de base légale; cependant depuis de nombreuses années, le ministre de la Justice libère, en cas de circonstances exceptionnelles (ce critère étant bien évidemment interprété très largement) des condamnés qui éprouvent notamment des difficultés à obtenir une libération conditionnelle (parfois parce qu'il s'agit de courtes peines privatives de liberté). Entrent actuellement en considération pour l'octroi éventuel d'une libération provisoire, les condamnés à une peine inférieure à trois ans (alors que ce délai était de neuf mois, en 1976). De plus cette mesure est facilitée aujourd'hui par la suppression de l'avis du parquet et de la conférence du personnel qui était exigé en 1976 lorsque la mesure de libération provisoire fut instaurée.

Nous estimons que seule est acceptable une libération anticipée décidée conformément aux conditions et modalités fixées dans une loi. Prévoir d'autres mesures, en marge de la libération conditionnelle, sous prétexte de vouloir lutter contre la surpopulation pénitentiaire, nous paraît inacceptable et vide de son sens même la loi sur la libération conditionnelle et le projet de loi que nous sommes en train d'examiner.

Nº 2 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 2

Remplacer le 1º de l'alinéa 2 par ce qui suit :

« 1º le condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté doit :

a) soit avoir subi la moitié de ces peines pour autant que la durée de la partie des peines déjà subies excède six mois;

b) soit, si le jugement ou l'arrêt de condamnation a constaté que le condamné se trouvait en état de récidive légale, avoir subi les trois quarts de ces peines, pour autant que la durée de la partie des peines déjà subies excède douze mois;

c) soit, en cas de condamnation à une peine privative de liberté à perpétuité, avoir subi quatorze ans de cette peine; ».

Justification

Nous estimons que les seuils minimum de la peine déjà subie auxquels doit satisfaire un condamné pour bénéficier d'une libération conditionnelle doivent être revus à la hausse.

Nº 3 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 2

Remplacer le 3º de l'alinéa 2 par ce qui suit :

« 3º le condamné doit présenter toutes les garanties pour la sécurité publique et répondre à toutes les conditions favorables justifiant sa libération; ».

Justification

Nous souhaitons, par cet amendement, réintroduire le principe de la sélection positive en matière de procédure de libération conditionnelle. Nous estimons que, pour pouvoir bénéficier d'une éventuelle libération anticipée, le condamné doit présenter toutes les garanties pour la société, et ne pas seulement « ne pas présenter de contre-indications sérieuses » (principe de la sélection négative). En effet, une libération anticipée est une faveur (et non un droit du condamné); pour que cette faveur puisse être accordée, la société est en droit d'exiger que toutes les conditions favorables et positives soient réunies dans le chef du condamné. Si l'une de ces conditions manquait (exemple : de bonnes chances de réinsertion sociale, un détenu qui a fait preuve de calme et de bon sens durant sa période de détention, un condamné qui a fait preuve d'amendement à l'égard des victimes des infractions, ...), nous estimons que la libération anticipée ne peut être octroyée.

Nº 4 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 3

Dans le § 1er , supprimer les mots « , instituée par le Roi, ».

Justification

Nous estimons que la conférence de personnel, ainsi que son fonctionnement et la procédure qu'il convient de suivre devant elle, devraient faire l'objet d'une réglementation légale.

Nº 5 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 3

Dans le § 2, remplacer les mots « six mois » par les mots « un an, ni être inférieur à six mois ».

Justification

Il est absurde de forcer la conférence du personnel à réexaminer dans les six mois les dossiers qui ont été refusés, parce que manifestement les condamnés ne remplissaient pas les conditions fixées par l'article 2.

Dès lors, l'imposition d'un délai variant entre 6 mois (minimum) et un an (maximum) nous paraît être une solution plus raisonnable.

Nº 6 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 3

Dans le § 3, alinéa 3, remplacer les mots « saisit néanmoins » par les mots « peut néanmoins saisir ».

Justification

Nous n'acceptons pas que le condamné puisse sauter d'office une étape de la procédure de libération conditionnelle lorsque, comme le prévoit le projet, la conférence du personnel estime trois fois de suite que les conditions ne sont pas remplies.

Le condamné aura toujours la possibilité de faire réexaminer son dossier une quatrième, cinquième fois par la conférence du personnel.

Dès lors, nous proposons que la saisine de la commission directement par le directeur soit une simple faculté laissée à la libre appréciation de celui-ci, et non une obligation.

Nº 7 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 3

Dans le § 4, remplacer la dernière phrase par ce qui suit :

« Le ministère public recueille en outre auprès des parties civiles les informations utiles concernant les conditions particulières qu'il conviendrait d'établir dans l'intérêt de celles-ci et auxquelles la libération conditionnelle pourrait être subordonnée. »

Justification

Ce n'est pas au Roi à déterminer les victimes, ou catégories de victimes, qui peuvent être amenées à donner leur avis concernant les conditions particulières auxquelles la libération conditionnelle pourrait être subordonnée.

Nous préférons le système suivant : lorsqu'il existe une partie civile, le parquet s'informera automatiquement auprès de cette dernière sur les conditions particulières qu'elle souhaiterait voir imposer dans son intérêt.

Cette solution a le mérite de mieux prendre en considération les victimes et leur souffrance; celles-ci auront, au moins, le sentiment d'avoir été entendues et d'avoir pu exprimer leur point de vue.

Ces avis, ces informations, ces souhaits n'ont bien évidemment rien de contraignant pour la commission.

Nº 8 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 4

Dans le § 4, remplacer le dernier alinéa par ce qui suit :

« La décision est dans tous les cas motivée et est prononcée en audience publique. »

Justification

Le projet prévoit la motivation de la décision mais non son prononcé en audience publique. Ce prononcé en audience publique est, selon nous, et selon l'avis du Conseil d'État, inhérent aux décisions des juridictions.

Nº 9 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 4

Dans le § 4, apporter les modifications suivantes :

1. remplacer le deuxième alinéa par ce qui suit : « Les décisions sont prises à l'unanimité. »;

2. supprimer le troisième alinéa.

Justification

L'unanimité doit, selon nous, être la règle pour l'octroi d'une libération conditionnelle étant donné la nature pluridisciplinaire de la commission de libération conditionnelle. Cette optique ressort clairement de l'exposé des motifs relatifs au projet de loi instituant les commissions de libération conditionnelle : « une approche pluridisciplinaire semble plus indiquée lorsque l'on considère essentiellement la libération conditionnelle à partir d'une stratégie de réinsertion. (...) Sous la direction d'un magistrat, agissant en temps que spécialiste en matière de libertés fondamentales, l'instance compétente doit se composer en outre d'un spécialiste en matière d'exécution des peines et d'un spécialiste dans le domaine de la réinsertion sociale. Ce caractère pluridisciplinaire garantit l'expertise et le caractère réfléchi du processus décisionnel. » (Doc. Sénat, nº 1-589/1, p. 11).

Dès lors, une décision prise à l'unanimité est la seule susceptible de prendre en compte les différents aspects pouvant conduire, ou non, à la libération conditionnelle, et respecter ainsi l'esprit de la loi sur les commissions de libération conditionnelle.

De plus, admettre la règle de la majorité équivaut à tolérer qu'un membre de la commission estime qu'il existe des contre-indications à la libération anticipée du condamné. Il est donc paradoxal d'affirmer, en même temps, à l'article 2, qu'il ne peut y avoir de contre-indications.

Nº 10 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 4

Dans le § 5, remplacer l'alinéa 3 par ce qui suit :

« Si le condamné a subi une peine pour des faits visés aux articles 372 à 378 du Code pénal ou pour des faits visés aux articles 379 à 386ter du même Code lorsque ceux-ci ont été commis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation, la libération doit être subordonnée à la condition de suivre une guidance ou un traitement dans un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels. »

Justification

Le texte du projet de loi est en net retrait par rapport à la loi du 13 avril 1995 qui prévoyait cette obligation pour tous les auteurs de faits visés aux articles 372 à 386ter du Code pénal, accomplis sur des mineurs ou impliquant leur participation.

Compte tenu des adaptations à cette formule apportées par le reste du projet de loi (notamment en ce qui concerne l'avis préalable à la libération conditionnelle), nous souhaitons réintroduire ici une formule moyenne, mais qui reste dans la droite ligne de ce que le législateur de 1995 a jugé bon de prévoir pour mieux défendre nos enfants et mieux les protéger (en particulier sur le plan de la récidive et de sa prévention).

Nº 11 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 4

Compléter le § 8 par l'alinéa suivant :

« En cas d'octroi de la libération conditionnelle, le ministre de la Justice informe, dans les cinq jours suivant la réception de la décision visée à l'alinéa 1er , le bourgmestre de l'installation du libéré sur le territoire de sa commune. »

Justification

Cette information est indispensable dans la mesure où le bourgmestre, en tant que chef de la police communale, est en quelque sorte responsable du contrôle du respect par le condamné des conditions qui lui ont été imposées en vue de sa libération conditionnelle.

D'ailleurs, l'arrêté royal du 17 janvier 1921 contenant les mesures d'exécution des dispositions de la loi du 31 mai 1988 concernant la libération conditionnelle prévoit explicitement en son article 9, que l'avis de la mise en liberté sera immédiatement transmis par le directeur de l'établissement au bourgmestre de la localité désignée par le libéré ou assignée à celui-ci pour sa résidence. Il est également prévu à l'article 11 de cet arrêté royal que le libéré doit faire viser son permis par le bourgmestre de la commune et que s'il change de résidence ce même permis doit être visé par le bourgmestre de la nouvelle commune.

On constate dès lors que le texte en projet est en net retrait par rapport à l'état actuel de notre réglementation.

Nº 12 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 4

Dans le § 8, remplacer le dernier alinéa par ce qui suit :

« Dans les dix jours, la décision est portée à la connaissance des parties civiles, dont la demande d'audition a été déclarée recevable par la commission en application du § 3. »

Justification

Nous estimons que toutes les victimes constituées parties civiles dont la demande d'audition a été déclarée recevable par la commission de libération conditionnelle doivent pouvoir être informées de la décision prise par la commission, qu'il s'agisse d'une décision d'octroi de la libération conditionnelle ou de refus de cette libération.

Nº 13 DE MM. DESMEDT ET FORET

Art. 10

Dans le § 3, entre le premier et le deuxième alinéa, insérer l'alinéa suivant :

« Dans l'hypothèse où la commission avait imposé au libéré des conditions particulières dans l'intérêt des victimes, la commission entend les victimes éventuelles, ou leurs ayants droit, dont la demande avait été déclarée recevable par la commission, en application de l'article 4, § 3, de la présente loi. »

Justification

Comme le fait remarquer très justement le Conseil d'État, on ne voit pas pour quelles raisons le texte du projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour les victimes d'intervenir au stade de la procédure de révocation, de suspension ou de révision de la libération conditionnelle. En conséquence, nous proposons de revoir le projet sur ce point : la commission sera tenue d'entendre, dans l'hypothèse où des conditions particulières dans l'intérêt des victimes avaient été fixées, les victimes éventuelles, ou leurs ayants droits, dont la demande avait été déclarée recevable conformément au paragraphe 3 de l'article 4.

Claude DESMEDT.
Michel FORET.

Nº 14 DE MME MILQUET

Art. 4

Remplacer le dernier alinéa du paragraphe 5 de l'article 4 par ce qui suit :

« Si le condamné subit une peine pour une des infractions visées aux articles 372 à 378 du Code pénal, ou pour des faits visés aux articles 379 à 386ter du même code lorsque ces derniers ont été commis sur des mineurs, la libération doit être subordonnée à la condition de suivre une guidance ou un traitement dans un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels et, sans préjudice des conditions précises imposées le cas échéant par la commission de libération conditionnelle, à la condition de ne pas installer sa résidence habituelle à moins de 20 km du lieu de résidence habituelle de sa victime ou de la proche famille de celle-ci. »

Justification

Le texte du projet de loi prévoit déjà une condition à la libération des délinquants sexuels, à savoir le suivi par un service spécialisé dans le traitement des délinquants sexuels.

Le présent amendement tend à imposer une seconde condition qui vise à mettre fin à des situations particulièrement malsaines mais pourtant et malheureusement pas exceptionnelles. En effet, il faut éviter à tout prix une victimisation secondaire en permettant au délinquant sexuel de résider à proximité de sa victime ou de sa proche famille.

La distance exigée par l'amendement reste une distance réaliste pouvant, par exemple, permettre au délinquant de conserver son travail malgré les déplacements auxquels il serait contraint mais il permettra surtout à la victime de ne pas être contrainte de rencontrer quotidiennement son « abuseur » lequel pourrait être l'un de ses voisins.

De manière à laisser une marge de manoeuvre à la commission qui doit trancher au cas par cas, l'auteur a fait le choix de ne pas imposer de « contrainte par corps » enmpêchant par exemple de s'approcher de sa victime à moins de 500 mètres mais de se limiter au lieu de résidence habituelle. De plus, la distance de 20 kilomètres est aux yeux de l'auteur de l'amendement un minimum qui peut être majoré par la commission si les circonstances de l'espèce l'imposent.

Pareille mesure n'est justifiée que par le type particulier de délits commis. Même si le champ d'application est large, de l'attentat à la pudeur au viol, il a paru à l'auteur de l'amendement que dans ces délits à connotation sexuelle des mesures sévères s'imposaient pour éviter une victimisation secondaire tout en évitant d'imposer une seconde peine au délinquant.

Nº 15 DE MME MILQUET

Art. 4

Insérer au § 4 de cet article, un point c) ainsi rédigé :

« c) si l'intéressé subit une peine pour des faits visés aux articles 372 à 378 du Code pénal ou, pour des faits visés aux articles 379 à 386ter du même Code lorsque ces derniers ont été commis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation. »

Justification

Il est souhaitable que la libération d'un délinquant sexuel soit soumise à une décision unanime de la Commission conditionnelle.

Joëlle MILQUET.