1-464/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

6 NOVEMBRE 1996


Problématique de la S.N.C.B.


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. SANTKIN


SOMMAIRE

  • Introduction
    1. Exposé du ministre des Transports. ­ Échange de vues
    2. Exposé de M. Forton, Directeur général de l'Administration du Transport terrestre. ­ Échange de vues
    3. Exposé de M. Lammertyn, ingénieur de la cellule de coordination du projet T.G.V. ­ Échange de vues

  • INTRODUCTION

    La commission a procédé à des auditions sur la problématique de la S.N.C.B.

    En premier lieu, la commission a entendu le ministre des Transports sur cette problématique.

    Ensuite, M. Forton, directeur général de l'Administration du transport terrestre, a tenu un exposé sur l'enjeu ferroviaire dans la situation actuelle et la situation de l'avenir.

    M. Lammertyn, ingénieur de la cellule de coordination du projet T.G.V., a esquissé le cadre du projet T.G.V. en Belgique.

    Chaque exposé a été suivi d'un échange de vues.

    1. EXPOSÉ DE M. DAERDEN, MINISTRE DES TRANSPORTS

    1. Décision du Gouvernement

    Dans la mesure où le conseil d'administration et la C.G.S.P. Cheminots, majoritaire dans l'entreprise, ont approuvé à une très large majorité le protocole de clôture de la négociation portant sur les mesures internes du plan de restructuration élaboré par la S.N.C.B., le Gouvernement a décidé d'appuyer la réalisation de ce plan :

    ­ en permettant le financement en totalité du plan d'investissement proposé pour la période 1996-2005 (431 milliards);

    ­ en contribuant à l'équilibre financier de la société à l'horizon 2005 (résultat prévisionnel : + 1,2 milliard) :

    1º par l'indexation des compensations pour les charges inhérentes aux missions de service public (transport de voyageurs en service intérieur, entretien de l'infrastructure), soit 36,9 milliards en 1996;

    2º par le maintien, avec une rémunération accrue de ses frais administratifs, de la caisse primaire « soins de santé » spécifique à la S.N.C.B.

    La contribution de l'État au financement des investissements prend une double forme :

    1º une augmentation de la dotation pour investissements de la S.N.C.B. qui passera de 16 milliards au budget initial de 1996 à 23 milliards, montant qui croîtra à partir de 1997 selon un taux égal à la croissance de l'index majoré de 1 p.c.;

    2º un apport de 30 milliards à une société de financement mixte, la Financière T.G.V., qui procurera à la S.N.C.B. les moyens nécessaires à la réalisation du projet T.G.V.

    2. Portée politique des décisions prises

    La portée des décisions adoptées peut être synthétisée comme suit :

    a) On sort d'un conflit social difficile, par la concertation, grâce à un accord comportant des mesures novatrices en matière de redistribution du temps de travail. Il n'y a plus eu de grève entre le 20 décembre (reprise de la concertation sociale) et la conclusion du protocole. Le syndicat socialiste majoritaire a accepté une paix sociale de trois ans pour tout ce qui concerne les mesures internes à l'entreprise.

    b) La S.N.C.B. est remise sur rail et consolidée comme instrument d'une politique de mobilité :

    ­ grâce à un plan d'investissement qui privilégie le réseau intérieur et le confort des voyageurs par la mise en service de nouveaux matériels;

    ­ grâce à un plan de restructuration qui prévoit notamment une forte augmentation de la productivité par réduction naturelle de l'effectif et une modération salariale acceptée dans un esprit de solidarité (redistribution du temps de travail).

    c) On présente, pour la première fois un montage qui assure, sur une base réaliste, le financement de l'ensemble du réseau T.G.V., de frontière à frontière, sans imposer à la S.N.C.B. des charges qui nuiraient au développement du réseau intérieur ou obéreraient ses résultats.

    d) On donne corps à l'engagement de recycler, par priorité au profit des investissements des entreprises publiques, le produit de la cession d'actifs appartenant à l'État.

    e) On participe à la relance de l'activité économique par le renforcement des budgets d'investissement et par une accélération de la réalisation de ceux-ci par rapport aux prévisions de la S.N.C.B. (près de 7 milliards de plus entre 1996 et 1998).

    3. Plan d'investissement 1996-2005

    Ce plan opte pour le maintien à niveau de la qualité du produit ferroviaire et pour l'amélioration du confort et de la qualité du service en trafic intérieur. L'offre de places assises en service intérieur sera notamment augmentée de 8,5 p.c.

    Il comporte les grands volets suivants :

    Francs 1994
    ­
    Franken 1994
    Francs courants
    ­
    Courante franken
    1º Infrastructure. ­ Infrastructuur
    ­ Réseau intérieur pur. ­ Zuiver binnenlandse net 118,490 140,576
    ­ Réseau mixte. ­ Gemengd net 36,638 42,416
    155,128 182,992
    ­ Infrastructure T.G.V.. ­ H.S.T.-infrastructuur 75,216 86,873
    Total. ­ Totaal 230,344 269,865
    2º Matériel roulant. ­ Rollend materieel
    ­ Réseau intérieur. ­ Binnenlandse net 106,054 122,333
    ­ T.G.V. ­ H.S.T. 4,243 4,525
    Total. ­ Totaal 110,297 126,858
    3º Services internes. ­ Interne diensten 29,660 34,790
    Total général. ­ Algemeen totaal 370,301 431,513

    On peut également schématiser le projet de plan comme suit :

    1. Réseau intérieur : 261,2 milliards, 71 p.c.

    2. T.G.V. : 79,4 milliards, 21 p.c.

    3. Services internes : 29,7 milliards, 8 p.c.

    Le financement de ces investissements est assuré comme suit :

    Francs 1994
    ­
    Franken 1994
    Francs courants
    ­
    Courante franken
    1º État. ­ Staat
    ­ Réseau intérieur et services internes. ­ Binnenlands net en interne diensten 227,627 267,993
    2º S.N.C.B. ­ N.M.B.S.
    ­ Matériel roulant et services internes. ­ Rollend materieel en interne diensten 63,215 72,122
    3º Financière T.G.V. ­ Financiaire H.S.T. 79,459 91,398
    Total général. ­ Algemeen totaal 370,301 431,513

    Le Gouvernement a retenu l'option d'une anticipation des investissements pour le réseau intérieur, selon le schéma suivant :

    Années Plan d'investissement Anticipation
    1996 16 900 18 000
    1997 18 000 21 428
    1998 21 696 24 000

    Les gouvernements régionaux vont être consultés sur le volet « Infrastructure-réseau intérieur » du plan d'investissement 1996-2005. Le plan sera présenté ensuite à l'approbation définitive du Conseil des ministres.

    4. Mesures internes contenues dans le plan de restructuration

    Le plan interne transmis au Gouvernement comporte les principales mesures suivantes qui permettent d'atteindre les objectifs d'un équilibre financier en 2005 et d'une amélioration de la position concurrentielle sur le marché des transports :

    1º Mesures en matière de rémunération, de régimes d'activité et de statut :

    ­ instauration de trois types de régime de préretraite : le congé de préretraite à temps plein, le congé de préretraite à mi-temps et la prépension conventionnelle pour les agents temporaires;

    ­ redistribution du temps de travail par l'instauration de deux régimes de travail nouveaux : 400 autorisations de travail à mi-temps rémunéré à 60 p.c. et 3 000 autorisations de travail à raison de 4 jours par semaine rémunéré à 90 p.c.;

    ­ réduction des rémunérations à raison de 1,65 p.c. au 30 avril 1996, couplée à une réduction générale du temps de travail à 37 heures par semaine à partir du 1er janvier 1997, et à 36 heures à partir du 1er janvier 1999, pour autant, en ce qui concerne cette seconde étape, que la productivité sur la période 1996-1998 soit améliorée de 7,5 p.c. au minimum;

    ­ remplacement de l'allocation de fin d'année par une prime annuelle d'intéressement au résultat d'exploitation;

    ­ attribution d'un congé sans solde de 10 jours maximum par an en remplacement des 4 jours de congé de circonstances pour raison relative à la santé d'un cohabitant;

    ­ adaptation du statut : modernisation des dispositions en matière d'évaluation, de mobilité et de carrière.

    2º Politique commerciale

    Renforcement de la politique commerciale exposée dans le plan d'entreprise 1993-1996 (relations intervilles et interrégionales plus rapides, confort accru des trains, information des voyageurs améliorée, meilleure distribution des produits ferroviaires, etc.).

    3º Emploi

    Compte tenu des mesures énoncées ci-dessus, de l'évolution naturelle des effectifs et des prévisions retenues quant à l'évolution de l'activité de la S.N.C.B., l'effectif devrait passer de 41 300 agents fin 1995 à 35 000 agents à l'horizon 2005.

    Cette évolution, qui implique une augmentation importante de la productivité, tient compte du recrutement sélectif de 5 200 personnes au cours de la période pour remplacer des agents en départ et pour compenser l'effet des mesures impliquant des réductions de temps de tavail.

    5. Financière T.G.V.

    La Financière T.G.V. sera créée avec les apports suivants :

    Société fédérale de participation (recyclage d'une partie du produit de la cession de titres de Belgacom) 22 milliards
    S.N.C.B. (apport en nature d'immeubles inutilisés) 10 milliards
    Investisseurs privés (actions sans droit de vote avec dividende garanti) 10 milliards
    42 milliards

    Ce capital sera augmenté par un apport public de 1 milliard par an entre 1998 et 2005.

    La Financière recevra les subsides alloués par l'Union européenne pour la réalisation du réseau T.G.V. belge.

    En vue d'apporter à la S.N.C.B. 125 milliards, la Financière empruntera les montants supplémentaires requis. Elle sollicitera à cette fin, la Banque européenne d'Investissement, qui a déjà été approchée, ou d'autres institutions financières.

    Les capitaux réunis par la Financière seront injectés dans la S.N.C.B. sous forme de parts bénéficiaires. Ces parts seront rémunérées par un dividende garanti qui, après 2005, date de mise en exploitation du réseau T.G.V. complet, sera pour partie lié au chiffre d'affaires T.G.V. réalisé par la S.N.C.B.

    Selon les calculs financiers effectués, la Financière aura désintéressé ses créanciers et pourra cesser ses activités à l'horizon 2025 en présentant des comptes en équilibre.

    Échange de vues

    Un commissaire s'interroge au sujet de l'emploi à la S.N.C.B. Le ministre a évoqué certaines mesures de redistribution du temps de travail, et notamment une diminution du temps de travail s'accompagnant d'une modération salariale. Y a-t-il eu une concertation avec les autres services publics au sujet de ces mesures ? La S.N.C.B. sert un peu d'exemple à l'ensemble de la fonction publique. De telles mesures pourraient donc avoir des répercussions sur d'autres services publics.

    Un sénateur se demande si le plan d'investissement 1996-2005 et, en particulier, le volet du réseau intérieur, conduira à une augmentation des kilomètres de lignes en service et arrêtera la fermeture des gares. En effet, entre 1980 et 1994, 600 kilomètres de lignes du réseau intérieur et environ 350 gares ou points d'arrêts ont été supprimés. Par ailleurs, dans la dynamique de la mobilité, en particulier pour le transport des marchandises, les performances du rail par rapport à la route sont plutôt négatives. Comment le plan d'investissement répond-il à ce type de préoccupation ?

    Un autre intervenant constate que le Gouvernement a promis énormément à la S.N.C.B., surtout en termes financiers, et n'a obtenu que très peu en échange. Seule une partie de la représentation syndicale a promis de préserver la paix sociale pendant trois ans, alors que le Gouvernement prend un engagement financier pour dix ans sans rien exiger en échange sur le plan du service ni quant au fait que l'on ne pourra plus recourir à l'arme de la grève pour paralyser l'ensemble du dossier.

    Le même membre observe ensuite que l'équilibre financier ne doit être garanti que dans dix ans. Entre-temps, tout le capital aura été épuisé et, si l'on n'est pas parvenu à un équilibre à la fin de cette période, l'État belge se sera appauvri de 370 milliards sans aucun résultat en contrepartie.

    En outre, l'intervenant a l'impression qu'en réalité le plan de restructuration ne revoit pas fondamentalement le rôle que les chemins de fer peuvent jouer face au problème de la mobilité. Ils fonctionnent encore selon le même schéma qu'il y a cinquante ans : à l'époque, le train circulait entre les centres à forte concentration démographique et les lieux de travail très fréquentés, alors que la structure actuelle est très différente : la population comme les lieux de travail sont davantage dispersés. La mobilité ne passe plus par un point central relié à un autre point central, mais par tout un réseau de petites liaisons.

    Selon l'intervenant, le plan de restructuration ne redéfinit pas le rôle des chemins de fer.

    Le membre conclut son intervention en soulignant que le Gouvernement a fait une concession financière considérable, sans obtenir beaucoup de concessions de la part de la S.N.C.B., et sans guère avoir de garantie que le plan de restructuration fonctionnera, vu qu'il n'est pas adapté aux nouveaux besoins. L'intervenant doute donc très fort que le plan de restructuration soit vraiment la solution pour la S.N.C.B.

    Un autre membre de la Commission se réfère à la table ronde sur le R.E.R., du 12 mars 1996. Il y a un consensus général sur l'importance du sujet qui, lui aussi, débouche sur une problématique financière. Dans l'état actuel des choses, le ministre croit-il pouvoir faire face à ces considérations ?

    Un membre félicite le ministre, qui se trouvait devant une difficulté énorme. Rien que d'avoir mis fin à un conflit d'une telle proportion a déjà ses mérites, même si dans une certaine mesure, on peut avoir des appréhensions à 10 ans d'échéance.

    En ce qui concerne le R.E.R., l'intervenant énumère les 3 vocations du chemin de fer qui seront maintenues à l'avenir :

    1. la vocation qui se concrétise par le T.G.V.;

    2. les liaisons aussi efficaces que possible entre les grands centres (les « inter-city ») prolongées par des transports locaux en autobus;

    3. desserte de certaines grandes villes qui disposent encore, de l'époque où le réseau du chemin de fer était extrêmement fin, d'anciennes stations qui étaient implantées dans des communes quasi rurales. Rien qu'en région bruxelloise, 28 stations existent à des endroits qui, dans certains cas, ont changé complètement de statut (par exemple : la gare de Watermael-Boitsfort).

    Cette troisième vocation ne semble pas encore avoir trouvé sa place dans la réflexion de ceux qui doivent définir le futur du chemin de fer.

    Deuxièmement, le même intervenant estime que le Gouvernement a vendu Belgacom, c'est-à-dire une participation dans une industrie du XXIe siècle, pour investir dans le chemin de fer, qu'on peut considérer comme une industrie du XIXe siècle. Est-ce le bon choix stratégique ?

    Troisièmement, le membre invoque la débudgétisation : si le programme financier que le ministre a proposé ne se réalise pas, les garanties de dividendes données au secteur privé, etc. retomberont sur le successeur de l'actuel ministre des Finances.

    En quatrième lieu, l'intervenant souligne que, jusqu'à présent, la S.N.C.B. vendait ses immeubles inutiles à son propre profit. Il se demande si une telle opération ne peut être considérée comme une opération « broekzak-vestzak », qui consiste maintenant à vendre les mêmes équipements au profit de la Financière T.G.V., ce qui fera d'autant moins d'argent que la S.N.C.B. encaissera.

    La dernière question porte sur le recrutement. Au moment où le Gouvernement Martens-Gol est arrivé au pouvoir, il y avait 881 000 agents des services publics. À la fin de la législature (en 1988), il y en avait 800 000, ce qui signifie une diminution de 10 p.c. Selon les dernières informations, il y aurait à nouveau 890 000 agents en 1994.

    L'intervenant se demande si le recrutement additionnel ne va pas encore aggraver tous les problèmes financiers des pensions du secteur public. La S.N.C.B. a toujours été un exemple « malheureux », où le recrutement d'un moment doit être payé ensuite par les recettes de l'avenir, avec la conséquence d'une dégradation de la situation de la société puisque, en fin de compte, la S.N.C.B. a tellement de pensionnés qu'à un certain moment, elle en avait plus qu'elle n'avait d'actifs en service.

    Le recrutement de 6 000 personnes ne fera qu'ajouter au problème pour le successeur du présent ministre, au lieu de l'alléger.

    Un membre de la Commission se réjouit de la façon dont le conflit s'est terminé à la S.N.C.B. Aussi bien du côté syndical que du côté du pouvoir politique, on doit reconnaître qu'on a fait preuve de beaucoup de maîtrise et de beaucoup de réalisme. Les conclusions originales peuvent servir d'exemple à d'autres endroits.

    On a souvent dit qu'en Belgique, il n'y avait pas beaucoup de définition d'une politique des transports. Personnellement, l'intervenant croit qu'il faut saisir cette opportunité pour élargir le débat en matière de transport et surtout de coordination et de priorités à donner en matière de type de transport.

    Le ministre a déclaré qu'il consultera les gouvernements régionaux. La question est de savoir ce que recouvre une consultation. Quelle est la marge de manoeuvre des gouvernements régionaux dans les propositions qu'ils pourront adresser au ministre ?

    Une deuxième question porte sur l'anticipation d'investissement intérieur. S'agit-il d'une anticipation uniforme ou bien y a-t-il quand même, au travers du plan d'investissement au niveau des lignes intérieures, des priorités absolues et des priorités moins importantes ?

    Par exemple, dans le plan de financement de la Financière T.G.V., le ministre a parlé de l'aspect « sécurité » (caractère de sécurisation des 22 milliards). Par contre, pour les 10 milliards d'apports en nature d'immeubles inutilisés, la question est de savoir ce qui se passe dans le scénario catastrophe, c'est-à-dire si le marché ne répond pas. Quelle est la formule alternative éventuelle ?

    Selon un autre intervenant, tout chef d'entreprise recevant une manne de 370 milliards réussira bien à résoudre un conflit social.

    Le ministre explique d'abord que la décision prise à la S.N.C.B. a créé un conflit de type social. Le syndicat chrétien n'a pas voulu marquer son accord. Certes, il y a eu des concertations au niveau du service public, mais cette mesure a été décidée uniquement au niveau de la S.N.C.B. La mesure aura peut-être une valeur d'exemple.

    Le ministre souligne ensuite que le plan ne prévoit aucune suppression de ligne ou de gare. Cet élément est extrêmement important pour rassurer chacun à ce propos.

    Un autre aspect très important est la problématique du transport des marchandises. Il convient d'insister sur cette facette. Dans le projet de plan ­ qui doit encore être soumis à consultation ­ divers développements sont consacrés aux marchandises. Le ministre est convaincu que s'il y a un secteur de la S.N.C.B. qu'il convient d'améliorer, c'est le secteur des marchandises.

    Le ministre croit beaucoup à l'intermodalité, où la S.N.C.B. a un rôle majeur à jouer. Certaines questions posées par les membres de la Commission ont un lien avec l'intermodalité. Il faut poser le problème au niveau de l'économie en général et de l'économie des transports; la S.N.C.B. n'est qu'un des moyens de cette politique.

    Ceci n'est que la tentative d'apporter une solution à un des éléments clefs de la problématique de la mobilité.

    Il est vrai qu'actuellement, alors que le dossier est en voie de solution, la S.N.C.B. va sortir consolidée de ce débat. Il faut mettre sur la table le débat plus général de la mobilité, avec un autre thème, c'est-à-dire le problème de la desserte des grandes villes.

    Le ministre estime qu'en tout objectivité, le problème le plus important dans la desserte des grandes villes, est celui de Bruxelles. Le problème se pose également à Anvers et à Liège, mais pas avec la même acuité. Ce problème n'est pas réglé, non pas parce que l'intention n'existe pas, mais à cause du fait que les moyens financiers dégagés n'apportent pas une réponse satisfaisante à la problématique du R.E.R.

    Il y a incontestablement quelques éléments d'apport de mobilité dans ce contexte. Cette problématique fera partie des grands thèmes que nous allons, dans le cadre de l'élargissement du débat, prendre en considération.

    Une question a été posée sur la marge de manoeuvre des gouvernements régionaux. Leur marge de manoeuvre est illimitée, mais à l'intérieur des enveloppes. Ceci signifie que des propositions alternatives peuvent être présentées, mais elles doivent être chiffrées !

    Concernant l'anticipation, le ministre souligne que le Gouvernement a prévu des sommes d'anticipation. La S.N.C.B. doit d'abord avoir une réflexion sur ces anticipations, puis les soumettre aux gouvernements régionaux et le Gouvernement fédéral se prononcera définitivement.

    Si la S.N.C.B. ne peut pas apporter 10 milliards d'immeubles, ou si le marché privé ne suit pas, l'équation de la Financière T.G.V. permet assez bien de souplesse (par ex. : que l'apport européen soit supérieur à la prévision).

    Selon un membre, ceci dépendra du fait de savoir si des taux réalistes ont été choisis. En principe, la Banque européenne d'investissement pratique des taux plus avantageux.

    Le ministre explique que 5 à 6 paramètres fondamentaux permettent l'équilibre de la Financière T.G.V. Il n'y a pas de modèle financier possible si on ne fixe pas à un moment donné les hypothèses de raisonnements.

    Le ministre reconnaît que l'accord social porte sur trois ans, tandis que les engagements financiers portent sur dix ans. Toutefois, le ministre souligne que dans tout plan financier à l'horizon de dix ans, il y a toujours une partie d'incertitude.

    Comme dans toute entreprise, l'objectif de la S.N.C.B. doit être, dans les dix années à venir, de regagner des parts de marché. On peut discuter à l'infini des hypothèses, mais la S.N.C.B. ne retrouvera sereinement son équilibre, et dans de bonnes conditions, que si elle regagne des parts de marché (en réseau intérieur et en T.G.V.).

    Si la S.N.C.B. n'y arrive pas, il faudra remettre sur le métier le plan de restructuration. Faire plus pour la S.N.C.B. que ce qui a été fait, paraît difficile en tenant compte de la situation des finances publiques belges.

    Le ministre a insisté pour que le troisième thème soit la réalisation du T.G.V. de frontière à frontière, pour faire de la S.N.C.B. une industrie du XXIe siècle.

    2. EXPOSÉ DE M. FORTON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION DU TRANSPORT TERRESTRE

    En fonction d'un survol historique le plus bref possible, M. Forton essayera de redéfinir l'enjeu ferroviaire dans la situation actuelle et dans la situation de l'avenir.

    Les réformes institutionnelles de la Belgique au cours de 25 dernières années, ont affecté la politique des transports. Nous sommes passés d'un stade où l'autorité nationale décidait de tout, y compris l'instauration pour l'exploitation d'une ligne d'autobus en zone rurale, à la situation actuelle avec un partage de responsabilités entre l'autorité fédérale et les autorités régionales à des degrés variables selon le secteur du transport concerné.

    Jusqu'à présent, l'autorité fédérale demeure la seule autorité compétente en ce qui concerne le chemin de fer.

    Dans tous les secteurs, il y a eu des relais et divers mécanismes de coopération ou d'association, de rencontre entre les autorités fédérales et les autorités fédérées pour mener une politique aussi cohérente et coordonnée que possible, notamment au sein de la conférence interministérielle des communications et de l'infrastructure (C.I.C.I.).

    Face à cette évolution interne, certains objectifs ont malgré tout, été atteints et plusieurs améliorations ont été constatées puisque la régionalisation de certaines questions a permis de rapprocher la décision de l'endroit où la décision devait s'appliquer.

    Cependant, dans ce contexte d'évolution belge, le contexte international et, plus particulièrement, le contexte européen, intervient très fortement, notamment par les institutions européennes et par des facteurs plus fondamentaux, tels que l'exiguïté de notre territoire national, la position centrale et le rôle de plaque tournante que la Belgique veut jouer dans les échanges à l'échelon de l'Europe occidentale, le très haut degré d'ouverture de notre économie sur le reste du monde et, en particulier, sur les pays voisins, ainsi qu'une grande tradition naturelle d'ouverture de notre pays.

    En ce qui concerne le transport, d'une manière générale, la Belgique a toujours partagé les vues qui se dégageaient au sein de l'Union européenne et au sein du Conseil européen des transports, dans le cadre de la mise en place de la politique commune des transports. Rappelons que dès 1957, la politique commune des transports a fait l'objet d'un chapitre distinct dans le traité de Rome.

    M. Forton explique que la politique commune du transport fixée dans le traité, suppose une unanimité des décisions.

    Après les différentes phases, où l'harmonisation, la libéralisation et l'organisation du marché avançaient à petits pas, mais de façon équilibrée, nous connaissons actuellement une phase de libéralisation du secteur des transports et la suppression des restrictions quantitatives au transport.

    Ceci fut très clair au cours des 10 dernières années dans le domaine routier. Par exemple : un transporteur néerlandais peut faire du cabotage en Belgique avec suppression des tarifs obligatoires !

    La libéralisation a aussi été constatée dans le secteur aérien.

    Le processus de libéralisation des autres secteurs du transport, en l'occurrence les chemins de fer et la voie navigable, est bien en route. En juillet 1991, une directive très importante (nº 91/440) a été adoptée par le Conseil concernant le développement des transports ferroviaires internationaux.

    La directive poursuit quatre objectifs :

    1. Donner l'autonomie et l'indépendance juridique aux sociétés ferroviaires publiques existantes.

    Cet objectif était déjà largement atteint en Belgique du fait de la création en société de la S.N.C.B. dès 1926 et renforcé par la loi de 1991.

    2. Une séparation entre les activités « gestion de l'infrastructure » et « gestion de l'exploitation du trafic ».

    La directive prévoit diverses formules possibles : une séparation juridique totale par la création de deux sociétés ou des solutions à séparation organique.

    Le minimum à rencontrer est une séparation sur le plan comptable pour bien identifier les coûts-recettes affectables à chaque gestion.

    3. Les États doivent contribuer à assainir les sociétés ferroviaires existantes sur le plan financier. Ceci est un objectif impératif : la directive mentionne bien que les États « doivent » et non « peuvent ».

    D'ici toute la problématique de l'endettement historique de la S.N.C.B. qui s'élevait à l'époque (en 1991) à environ 90 milliards.

    Actuellement, l'endettement atteint 120 milliards, mais il faut tenir compte que l'État a décalé le paiement de trois tranches mensuelles de compensation financière pour des raisons budgétaires.

    Sur le bilan au 31 décembre 1995, l'endettement est de 19 milliards plus élevé qu'il ne serait si on établissait le bilan vers le 12 janvier de l'année suivante.

    Depuis 1991 jusque 1995, l'endettement global de la S.N.C.B. a malgré tout augmenté et tourne actuellement aux environs des 107-108 milliards.

    4. L'infrastructure ferroviaire doit être ouverte à d'autres opérateurs ferroviaires.

    La directive accorde des droits de transit de l'infrastructure belge à des regroupements internationaux d'entreprises ferroviaires qui sont le fait de la création de nouvelles entreprises ferroviaires.

    Le monopole ferroviaire n'existe plus.

    Ce regroupement international se voit accorder un droit de transiter par l'infrastructure belge. L'infrastructure ferroviaire belge peut, en plus, être accédée par un opérateur ferroviaire dans la mesure où il exécute une prestation en relation avec le transport combiné.

    Par exemple : un regroupement international d'entreprises ferroviaires entre une entreprise néerlandaise et une entreprise française qui doit assurer une prestation de transport nord-sud. Ce regroupement a le droit de transiter par l'infrastructure ferroviaire belge. Une entreprise française avec un transport combiné vers un port belge peut accéder seule ­ sans faire partie d'un regroupement ­ à l'infrastructure ferroviaire belge.

    Ceci est une des premières ouvertures à caractère historique et fondamental de l'évolution de la politique des chemins de fer au niveau européen.

    La directive 91/440 sera incessamment transposée en droit belge.

    La directive a fixé le cadre qui a été décrit en une dizaine d'articles très généraux. Deux nouvelles directives ont ensuite été adoptées en mai 1995 par le Conseil européen. En fait, la directive 91/440 est une loi-cadre tandis que les deux directives de 1995 sont deux arrêtés d'exécution.

    Ces deux directives traitent en particulier des conditions à respecter pour obtenir une licence d'entrepreneur ferroviaire. La concurrence existe déjà. Elle est le fait de futurs opérateurs virtuels, mais elle existe de fait de la part des autres réseaux ferroviaires européens qui sont de très grosses sociétés à côté de notre S.N.C.B.

    Surtout dans le secteur des marchandises, il peut y avoir une concurrence très vive, avec l'entreprise ferroviaire belge qui est importante lorsqu'on situe le transport ferroviaire belge par rapport à l'importance des ports belges.

    Dès lors, M. Forton souligne l'intérêt du plan à l'horizon 2005 d'arriver à un objectif d'équilibre financier pour pouvoir essayer de remettre la S.N.C.B. dans une situation plus concurrentielle par rapport aux autres opérateurs ferroviaires et aussi par rapport aux opérateurs des autres modes de transport, comme la route.

    En droit belge, la loi de 1991 confère une autonomie totale à la S.N.C.B. et donc une responsabilité totale en matière de transport de marchandises.

    La deuxième directive adoptée concerne des règles plus précises en matière d'utilisation de la capacité de l'infrastructure et de fixation de redevance de l'infrastructure puisqu'il y a une séparation entre l'infrastructure et l'exploitation. Il convient que le gestionnaire de l'infrastructure soit rémunéré pour l'usage de son infrastructure.

    L'intention du Gouvernement belge est de confier la mission de gestionnaire de l'infrastructure à la S.N.C.B. en donnant un droit de recours à l'administration belge puisque la S.N.C.B. ne peut pas être juge et partie dans l'utilisation que l'on fait de son infrastructure.

    En fait, les spécialistes sont à la S.N.C.B. mais l'administration sera une instance de recours.

    Dans ce cadre européen, l'objectif général poursuivi est la loi de la concurrence, dans le but d'améliorer la situation des opérateurs et leur position concurrentielle et, in fine , d'en faire profiter le consommateur.

    Nous sommes dans la phase de libéralisation du marché. Il revient toujours aux États et aux autorités publiques de fixer le cadre général dans lequel une libre concurrence doit s'exercer, vu certains aspects particuliers du transport.

    Dans le cadre d'une politique plus intégrée, il faut valoriser les atouts intrinsèques de chaque mode de transport. Certains modes sont plus ou moins performants, ont des réserves de capacités et ont peu d'impact sur l'environnement.

    En plus, il faut tenir compte des coûts externes des transports qui s'ajoutent aux coûts sociaux d'usage et aux coûts directs liés à la circulation. Les coûts externes comprennent les coûts liés à la pollution, l'utilisation de l'espace au sol pour exécuter les prestations de transport et les aspects qui concernent la sécurité ou plutôt l'insécurité relative à certains modes de circulation. Nous pouvons encore y joindre les questions relatives à l'utilisation rationnelle de l'énergie.

    Un des devoirs des États est également l'harmonisation des conditions de concurrence entre les transporteurs d'un même mode et entre les opérateurs des différends modes en tenant compte de l'ouverture des frontières de l'Est de l'Europe. Ces nouveaux opérateurs n'ont pas les mêmes conditions sociales de base, ni la même qualité de matériel de transport, mais ils font une réelle concurrence ­ parfois en termes de dumping ­ aux transporteurs des pays occidentaux. Il est clair que les nouveaux opérateurs ferroviaires doivent être mis dans des situations équivalentes à celles de la S.N.C.B. La S.N.C.B. ne peut pas être discriminée par rapport aux nouveaux opérateurs.

    Il faut que les États et les autorités publiques parviennent à garantir le droit à la mobilité pour éviter un certain nombre d'exclusions.

    Concernant la S.N.C.B., M. Forton souligne que le cadre général est tracé. Il est clair que le poids de l'histoire de la S.N.C.B. est très important en Belgique. Le réseau ferroviaire était extrêmement maillé jusqu'au milieu du 20e siècle : le train allait partout en tout temps. Le caractère ferroviaire belge était très national ­ comme dans les pays voisins. Chaque pays développait ses prescriptions techniques en termes de signalisations, de tension d'alimentation de courant pour finalement se réserver un monopole national. Les entreprises ferroviaires belges en matériel roulant ou en signalisation ont équipé le réseau ferroviaire belge. Pour faire des adaptations ou des extensions, l'on tombait immédiatement dans la formule du gré à gré.

    Ceci a été constaté en Belgique, mais aussi en Allemagne, en France, et en fait dans tous les pays qui avaient une industrie ferroviaire. Il faut souligner qu'en matière ferroviaire, la Belgique a toujours été un pionnier.

    Les réseaux ferroviaires ont jusqu'à présent une idée très nationale et très monopolistique.

    Les réseaux ferroviaires ont aussi toujours été un instrument de la conduite de certaines politiques par les États et ils ont toujours soutenu la politique de l'emploi des États. Dès lors, les réseaux en dépendaient très fortement. Jusqu'il y a peu, les chemins de fer avaient peu de préoccupations d'ordre commercial pour aborder le client. Depuis quelques années, vu la croissance d'échanges internationaux et la mise en place d'un marché plus concurrentiel en Europe, la S.N.C.B. s'est rendu compte qu'ou bien elle s'adapterait ou bien elle disparaitrait.

    L'administration essaye, en collaboration avec la S.N.C.B., de faire participer les chemins de fer belges aux futurs systèmes de transport. Depuis les années '80, le ministre des Communications de l'époque a été un des pionniers pour définir le réseau T.G.V. Paris-Londres-Bruxelles-Cologne-Amsterdam.

    La restructuration de la S.N.C.B. est incontournable. Il fallait mettre en place les éléments pour permettre à la S.N.C.B. de jouer un rôle accru dans la mobilité future qui reste sur certains points encore à définir. En effet, tout le monde est d'accord sur ce point.

    Il fallait remettre la situation de la S.N.C.B. à plat pour lui permettre d'aborder la concurrence sous peine de voir la fin de son rôle par exemple dans le transport des marchandises.

    Il fallait aussi créer les conditions pour permettre au réseau ferroviaire de participer à la création des réseaux transeuropéens de trains à grande vitesse.

    La Commission européenne considère que la partie belge du réseau T.G.V. est un maillon clef du réseau transeuropéen à grande vitesse.

    Le plan élaboré par la S.N.C.B., qui a fait l'objet d'un consensus à l'échelon du Gouvernement, vise à atteindre l'ensemble des objectifs. Il repose sur les bases suivantes : les financements qui sont mis en arrière de la réalisation de ce plan permettent d'envisager un véritable renouvellement et une amélioration du réseau intérieur. Effectivement, un fort accroissement des crédits budgétaires d'investissement (les 16 milliards d'aujourd'hui deviennent en terme nominal 23 milliards, indexés), permet d'atteindre l'objectif.

    Si nous prenons l'infrastructure du réseau ferroviaire existant, il faut 20 à 25 milliards annuels pour le renouveler et pour maintenir l'outil. Le maintien de l'outil a toujours un caractère d'amélioration puisqu'un équipement d'il y a 25 ans est toujours remplacé par un équipement moderne. Pour renouveler parallèlement le parc de matériel roulant, il faut également une somme de l'ordre de 10 milliards par an. Le financement prévu est de 23 milliards, ce qui implique que, pour le réseau intérieur, en moyenne, il y a un investissement de l'ordre de 3 à 3,5 milliards qui doit être considéré comme de l'extension du réseau ferroviaire existant, soit pour les voyageurs, soit pour les marchandises.

    M. Forton admet que tous les objectifs ne vont pas être atteints grâce à cette somme. Le ministre a décrit dans son exposé que le financement du T.G.V. avait été séparé du financement du réseau intérieur grâce à la création de la Financière T.G.V. Il convient de mettre en évidence que la réalisation du T.G.V. ne se fera pas au détriment du réseau intérieur. La réalisation des deux objectifs d'investissements (le réseau intérieur et le T.G.V.) s'appuient mutuellement en synergie positive.

    En conclusion, M. Forton souligne que les moyens mis en place en faveur du compte d'exploitation de la S.N.C.B. étaient maintenus constants entre 1992 et 1996, mais recevront une indexation à partir du budget de 1997. Par ailleurs, le législateur a voté en décembre 1995 la loi-programme qui permet à la S.N.C.B. de se restructurer sur un plan comptable et d'atteindre l'objectif d'équilibre financier. En conséquence, il n'y a aucune prévision de suppression de lignes ferroviaires ou de points d'arrêts ou de gares à l'horizon des 10 années à venir.

    Pour aborder son futur, la S.N.C.B. a pris des décisions de caractère interne sur une restructuration en profondeur afin d'aboder ses nouveaux défis et de pouvoir fonctionner comme une société qui doit faire face à la concurrence. Deux grands axes de restructuration interne de la S.N.C.B. sont fixés et décidés : un axe concerne la création de 22 gares-régions qui couvrent la totalité du réseau ferroviaire de la S.N.C.B.; l'autre axe concerne la restructuration des centres autonomes d'activités, qui gèrent les différentes activités de la S.N.C.B. (l'entretien du matériel roulant, l'entretien de l'infrastructure avec l'investissement, la gestion de l'infrastructure et les fonctions plus commerciales).

    Échange de vues

    Un sénateur souhaite voir confirmer par M. Forton qu'en termes d'infrastructure et d'utilisation des infrastructures, la concurrence est ouverte, mais aussi, qu'en termes de services offerts, la concurrence est également ouverte ! Il ne s'agit donc pas seulement d'un droit de transit, mais aussi d'une libéralisation de l'offre des services, qui est déjà en vigueur.

    M. Forton explique qu'il est évident que le but poursuivi est d'offrir de nouveaux services ferroviaires grâce à de nouveaux opérateurs. Pour que cela fonctionne, il convient de donner un droit de transit à ces nouveaux opérateurs pour qu'ils exécutent leurs prestations. L'ouverture de l'infrastructure belge est finalement une obligation que l'on impose à la S.N.C.B. qui n'est plus seule maîtresse de la gestion de tous les services ferroviaires qui circulent sur son réseau.

    Le sénateur fait la comparaison avec le service universel dans le secteur des télécommunications. Le même type de raisonnement sera-t-il d'application au chemin de fer ? La concurrence se fera évidemment sur les segments rentables du marché.

    M. Forton fait observer que les directives prévoient que l'ouverture de l'infrastructure ferroviaire doit tenir compte des missions de service public que l'État doit contracter avec les entreprises ferroviaires. Si un opérateur extérieur à la S.N.C.B. veut exploiter un service à un tel moment sur une telle infrastructure, alors que les missions de services publics utilisent toutes les capacités de l'infrastructure, ce nouvel opérateur devra attendre qu'il y ait de la place sur l'infrastructure. Il y a une priorité aux missions de services publics. Mais, il n'existe pas, au niveau ferroviaire, de notion de service universel, comme dans le secteur des télécommunications.

    Concernant l'endettement brut et les charges d'intérêts que la S.N.C.B. prévoit, compte tenu du nouveau plan d'investissement, le même sénateur se réfère à l'étude de Coopers & Lybrand de novembre 1994, qui estimait qu'à politique inchangée en maintenant l'idée de faire des chantiers T.G.V. et la modernisation du réseau routier intérieur, l'endettement brut à l'horizon 2005 s'élèverait à 520 milliards.

    Quelles sont les données différentes du plan d'investissement en termes d'endettement brut et de charges d'intérêt ?

    Ensuite, l'intervenant souligne que M. Forton a déclaré que pour le réseau intérieur, en termes de capacité d'extension, on peut imaginer disposer de 3 à 3,5 milliards. Par aileurs, le ministre a indiqué que l'enveloppe budgétaire à sa disposition ne permettrait pas le développement du réseau R.E.R. Quelles sont les priorités retenues par le Conseil d'administration de la S.N.C.B. dans l'affectation de cette marge de manoeuvre de 3 à 3,5 milliards ?

    Une autre question du même intervenant concerne les directives européennes. Y a-t-il d'autres directives en préparation au niveau du Conseil « Transport » ? Quelles sont ces directives ?

    Enfin, l'intervenant se demande si, par rapport à la réforme des traités européens, il y a dans le chef du Gouvernement belge et de la S.N.C.B. des revendications précises formulées sur le chapitre de la politique de transport. Trois dimensions sont essentielles : l'encadrement de la concurrence, l'internationalisation des coûts et les politiques d'utilisation rationnelle de l'énergie. Dès lors, il faut exiger que la politique de transport soit cohérente avec des objectifs généraux en matière environnementale et en matière énergétique ­ ce qui n'est pas le cas actuellement : le traité est conçu sur une base sectorielle et nous n'avons pas les dispositions juridiques nécessaires pour exiger une cohérence entre les différentes politiques sectorielles de l'Union. La S.N.C.B. a-t-elle fait connaître ses suggestions pour la réforme des traités ?

    Concernant le souci de la S.N.C.B. de trouver une comparabilité internationale, un membre de la Commission souligne que, depuis la signature du traité C.E.C.A., une comptabilité uniforme a été mise au point. Cependant, depuis longtemps, on continue à douter quant à la comparabilité internationale de l'information comptable et financière des chemins de fer. Ceci est d'autant plus logique que quand on regarde même la situation présente, l'infrastructure est souvent payée par d'autres que par la société de chemin de fer ­ ce qui ne se fait jamais de façon comparable dans tous les pays puisque chaque pays traite cette infrastructure d'une autre façon. Le développement récent démontre que le transport combiné rail-route requiert aussi des subsidiations pour pouvoir s'implanter. Ces subsidiations sont à nouveau comptabilisées sous les formes les plus variables selon les pays.

    M. Forton voit-il une solution à cette problématique, qui est quand même importante ? Au moment où on doit juger du traitement équitable de chaque opérateur, il faut au moins disposer d'informations qui soient comparables.

    M. Forton explique que l'audit de Coopers & Lybrand, fait au troisième trimestre de 1994, avait effectivement envisagé divers scénarios, dont également des scénarios catastrophes.

    On a pris le temps de mettre au point un plan réaliste, partant d'un endettement actuel de la S.N.C.B. de l'ordre de 110 milliards, et de la réalisation de l'important programme d'investissement de 377 milliards (francs constants de 1994).

    Par le fait de devoir supporter des déficits d'exploitation qui deviennent des bonis à partir de 2004-2005, l'endettement global de la S.N.C.B. va quelque peu dépasser 200-210 milliards prévus à l'horizon 2005, donc après la réalisation d'un plan d'investissement qui porte sur 377 milliards.

    Il a été jugé acceptable à la fois par la S.N.C.B. et par le Gouvernement, dans le sens où les lignes ont été tirées sur des années au-delà de 2005.

    On voyait bien qu'il n'y avait pas d'effet boule de neige et que l'endettement allait rediminuer de lui-même. L'endettement après 2005 se stabilise, puis diminue.

    En matière de charges financières, le compte d'exploitation de la S.N.C.B. s'il supporte actuellement 6,5 milliards de charges financières annuelles pour couvrir son endettement, devra prévoir un montant supérieur à 10 milliards. Le plan montre que les charges financières programmées sont de 10,213 milliards en 2005. Il est évident que c'est une somme très importante, mais son augmentation se stabilisera à mesure de la stabilisation et de la diminution de l'endettement global de la S.N.C.B.

    Concernant la capacité d'extension, M. Forton explique qu'une masse d'investissements annuelle est prévue pour étendre le réseau dans plusieurs domaines, notamment dans les enceintes portuaires (Anvers, Zeebrugge et Gand).

    En effet, les ports restent primordiaux pour le transport de marchandises de la S.N.C.B. En termes de marchandises, des sommes importantes sont prévues dans le plan pour continuer l'axe Athus/Meuse qui devrait permettre de soulager certaines difficultés sur les lignes 162 et 161. Ces lignes absorbent actuellement tout le trafic mélangé (à courte distance, international, à moyenne distance, ...). Historiquement, la ligne a été électrifiée à la hâte dans la perspective de l'Exposition Universelle de 1958.

    Des extensions pour les voyageurs sont également prévues.

    Concernant le R.E.R. de Bruxelles, M. Forton explique que de nombreux investissements dans le plan de la S.N.C.B. servent en partie à ce R.E.R. Il est vrai que tous les investissements au sud de Bruxelles, jusqu'à Louvain, et les investissements dans le cadre de la réélectrification de la ligne Bruxelles-Anvers, sont des investissements qui profitent au réseau intérieur et à la création d'un véritable réseau R.E.R. autour de Bruxelles.

    Toutefois, il reste 3 à 4 points noirs qui forment un montant global de l'ordre de 22 à 23 milliards :

    ­ la mise à 3 voies sur la ligne 161 jusque Rixensart;

    ­ une troisième ligne sur l'axe Bruxelles-Charleroi jusque Braine-l'Alleud;

    ­ les travaux dans la gare du Nord;

    ­ le dédoublement de la jonction Nord-Midi par la création d'un tunnel ou une solution équivalente desservant, en outre, le quartier européen.

    Le plan de la S.N.C.B. comprend déjà plusieurs éléments pour renforcer la desserte des grandes agglomérations. Toutefois, par rapport à une étude, il manque encore un certain nombre d'investissements. Il manque également un financement pour le matériel roulant supplémentaire de l'ordre de 35 milliards, ce qui donne au total un montant de 6 milliards par an pendant 10 ans. Il convient aussi de prendre en considération les aspects résultant du déficit.

    Selon un membre, il faut encore souligner que c'est une estimation a priori . Le résultat a posteriori se situe entre un coefficent de 2 et 5 !

    M. Forton déclare que l'expérience sur la construction de la ligne nouvelle a démontré que les estimations de la S.N.C.B. sont très fiables.

    En ce qui concerne la question d'une nouvelle directive européenne, M. Forton explique qu'aucune proposition concrète n'est même soumise à l'examen préalable des experts.

    Il est clair qu'à relativement court terme (2 à 3 ans), le champ d'action et d'application de la directive 91/440 va être étendu. La notion de droit d'accès individuel reconnu à une entreprise ferroviaire dans le domaine des marchandises courantes (c'est-à-dire sans faire de transport combiné) sera certainement inscrite dans un texte de proposition de directive européenne. La tendance de la Commission est certainement d'ouvrir encore plus le marché ferroviaire qu'actuellement.

    En matière de politique de transport, M. Forton n'est pas sûr qu'il conviendrait de revoir le traité pour parvenir à une politique intégrée des transports incorporant les aspects externes.

    À l'occasion du Conseil des ministres européens des Transports, du 11 mars, le commissaire européen a présenté son livre-vert sur l'internationalisation des coûts externes.

    Ce sujet est bien reçu pour l'instant; la difficulté sera de faire les premiers pas dans le bon sens, sans disposer d'une solution scientifique qui est très difficile à déterminer. Certains pays acceptent le principe mais demandent d'avoir des formules mathématiques et scientifiques pour calculer la totalité des coûts externes, alors que d'une façon plus pragmatique, nous croyons savoir que l'on peut faire, sans se tromper, le premier pas vers le futur. Cette matière sera certainement reprise au prochain Conseil européen avec des solutions plus précises de débat d'orientation, voire des positions communes.

    Il est effectivement vrai que la comparaison comptable entre les entreprises ferroviaires est très difficile. Ceci tient à la structure même de ces entreprises.

    Depuis 1970, on connaît le système de la normalisation des comptes. Depuis lors, ce système a montré ses limites.

    Actuellement, nous avons d'autres moyens en Belgique. La loi de 1991 impose à la S.N.C.B. de faire des répartitions de comptabilité pour ses missions de service public et ses missions commerciales. La directive européenne impose la séparation comptable à caractère plus horizontal. Actuellement, l'annexe 12 du bilan de la S.N.C.B. donne un bilan par secteur d'activité et les coûts et les recettes de chaque activité sont affectés en compte particulier.

    Le membre n'est pas convaincu : dans une activité où l'intervention financière de la puissance publique est d'une telle importance et revêt des formes tellement variables, la S.N.C.B. peut qualifier une intervention de recapitalisation de couverture des charges d'infrastructure ou purement de couverture de pertes d'exploitation. Ceci n'est que le début de la comparabilité des sociétés d'exploitation ferroviaire.

    M. Forton admet qu'un phénomène de subvention croisée était possible.

    Avec la gestion de l'infrastructure, le subventionnement croisé n'est plus possible ­ ce qui est d'ailleurs le malheur de l'activité « marchandises » de la S.N.C.B. Avant, il était possible d'organiser les comptes pour dorer certaines activités, mais actuellement la réalité brutale s'est abattue. Par ailleurs, la S.N.C.B. met aussi en place une comptabilité de gestion qui sera lié à sa restructuration interne en centre autonome d'activité. Bien entendu, la comparaison avec les autres sociétés européennes sera pour le XXIe siècle.

    3. EXPOSÉ DE M. LAMMERTYN, INGÉNIEUR DE LA CELLULE DE COORDINATION DU PROJET T.G.V.

    Le projet de T.G.V. belge dépasse le niveau national et correspond à une explosion de la demande de transport dans l'ensemble du monde « civilisé » (Europe occidentale, Japon, Amérique du nord). Ces continents se caractérisent par de grandes agglomérations distantes l'une de l'autre de 200 à 400 kilomètres. Le nombre des déplacements entre ces agglomérations ne cesse de croître. Cette évolution avait déjà été constatée dans les années 50 par l'ingénieur, écrivain et philosophe Louis Armand. Cette personnalité très particulière, qui dirigeait à l'époque la S.N.C.F., avait une vision prophétique des chemins de fer, qu'il traduisait par la formule suivante : « Le chemin de fer sera le moyen de transport du XXIe siècle pour autant qu'il survit au XXe ».

    La construction des autoroutes et les développements de la navigation aérienne témoignent de l'évolution des transports privés. Tous les moyens techniques ont été mis en oeuvre pour satisfaire à la demande sans cesse croissante de mobilité. Les chemins de fer n'avaient pas grand-chose à offrir : le système s'était développé au siècle précédent, on circulait déjà sur les grands axes aux vitesses classiques jusqu'à 140 km à l'heure et la traction électrique offrait davantage de confort, mais le réseau restait celui qui s'était développé autour des années 1835 et durant les trois décennies suivantes ­ ce qui demeure, aujourd'hui encore, un handicap au développement du transport ferroviaire, au même titre que le déplacement des gares en dehors des grands centres, comme par exemple à Bruges (Vrijdagmarkt, het Zand) et à Gand.

    Louis Armand pensait que les chemins de fer pouvaient eux aussi se développer techniquement afin de répondre à la demande de transport de masse, mais avec des temps de déplacement à mesure humaine (1 heure pour 200 km par exemple). Louis Armand partait de l'idée que la technique rail-roue pouvait s'utiliser en toute sécurité à des vitesses plus élevées que celles allant à l'époque jusqu'à 140 km à l'heure, et qu'il était possible d'acheminer les puissances élevées nécessaires à la propulsion des trains à grande vitesse par le système du caténaire-pantographe en utilisant une haute tension de 25 000 volts sur la ligne d'alimentation. Au cours de la phase d'accélération, pour passer de 0 à 300 km à l'heure, un tel train a besoin d'environ 10 millions de watts, une puissance impossible à transmettre avec une tension de 3 000 volts. Cependant, du point de vue technique, le système à haute vitesse était réalisable.

    Dès la fin des années 60, le Japon, un des pays à grandes concentrations démographiques optait déjà pour un train à grande vitesse entre Tokyo et Osaka (400 km à 210 km/h).

    En France aussi, on conçut pour la région Nord l'idée d'un projet de train à grande vitesse, pouvant atteindre 300 km à l'heure. En 1974, les études de la S.N.C.F. pour le projet T.G.V. Nord avaient beaucoup progressé. Il comprenait de nouvelles lignes en territoire français et en Grande-Bretagne, ainsi qu'en Belgique pour rejoindre Bruxelles, et, bien entendu aussi, le tunnel sous la Manche, lequel allait être toutefois la pierre d'achoppement : en janvier 1975, en pleine crise économique, le Gouvernement britannique renonçait au projet de tunnel sonnant le glas provisoire de la liaison rapide par rail entre Paris, Londres et Bruxelles.

    Les chemins de fer français, ne se laissant pas décourager pour autant, effectuèrent un virage à 180 degrés vers le sud; le premier train à grande vitesse allait relier Paris à Lyon, la deuxième ville de France par ordre de grandeur.

    En 1981, le T.G.V. Sud-Est fut mis en service et connut d'emblée un vif succès auprès des voyageurs, incitant la S.N.C.F. à réaliser, au cours de la même décennie, la ligne du T.G.V. Atlantique (ouest de la France).

    On ressortit également le projet de T.G.V. Nord. Un rapport de juillet 1984 démontra la faisabilité d'une liaison à grande vitesse entre Paris, Bruxelles, Cologne. Les Pays-Bas s'associèrent bientôt au projet avec une extention vers Amsterdam, suivis par la Grande-Bretagne et le projet de tunnel sous la Manche avec l'option ferroviaire pour rallier Londres.

    Le Gouvernement britannique accepta également que l'on construise dans le sud de l'Angleterre une voie ferrée au gabarit continental; sa mise en service est prévue à l'horizon 2005.

    À l'époque où la Belgique a approuvé le projet T.G.V., il n'était prévu qu'un seul arrêt en Belgique. Les nouvelles lignes avaient été tracées venant du sud (Esplechin) et passant par Bruxelles-Midi pour se diriger vers le nord avec, à hauteur d'Herentals, une bifurcation vers Amsterdam et vers Cologne, une troisième voie reliant Amsterdam et Cologne.

    Ces plans soulevèrent de vives protestations au sein de la population. Également sous la pression internationale, surtout française et allemande, le projet prit la forme qu'il a actuellement, c'est-à-dire celle d'un prolongement du T.G.V. Nord (« LN 3 »). Un projet international de T.G.V. allait ainsi voir le jour pour la première fois, englobant toutes les particularités de chaque réseau.

    Pour la Belgique, ces caractéristiques sont la densité du réseau et celle de la population, d'une part, et la transformation d'un État unitaire en un État fédéral, d'autre part. Comparativement à la France, les travaux préparatoires progressèrent plutôt lentement en Belgique.

    L'aménagement du territoire et l'urbanisme ayant été régionalisés, c'est dans ce contexte qu'il fallut définir l'infrastructure du T.G.V.

    Le 23 janvier 1990, le Gouvernement fédéral arrêtait le trajet du T.G.V. en Belgique.

    Carte nº 1 (1) : Réseau à grande vitesse Nord-européen Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres
    (P.B.K.A.L.) : infrastructure 1994.

    Pour le trajet de Paris-Nord à Gonesse (environ 15 km), on améliore une partie de l'infrastructure ferroviaire existante. Après Gonesse, la ligne à grande vitesse suit partiellement l'autoroute A1 (E19) existante, s'en éloignant un peu par endroits afin d'éviter certaines zones boisées.

    Jusqu'à Lille, la vitesse commerciale est de 300 km/h. Au sud de Lille se situe le triangle de Fretin, qui permet de relier à grande vitesse Paris-Londres, Paris-Bruxelles et Bruxelles-Londres.

    En Belgique, le projet T.G.V. comporte trois lignes :

    ­ la ligne allant de la frontière française à Bruxelles ou branche ouest;

    ­ la ligne allant de Bruxelles à la frontière des Pays-Bas ou branche nord;

    ­ la ligne allant de Bruxelles à la frontière allemande ou branche est;

    On s'est toujours efforcé de faire coïncider autant que possible les lignes à grande vitesse avec l'infrastructure existante.

    On a prévu en Belgique trois gares T.G.V. séparées l'une de l'autre d'une distance qui, en fait, n'est pas une distance T.G.V. Aussi M. Lammertyn souligne-t-il que la Belgique n'est pas un pays T.G.V. mais qu'elle fait partie de l'Europe, qui est, elle, un continent T.G.V.

    Le tronçon proprement à grande vitesse de la branche ouest se situe entre Esplechin (dans la région de Tournai) et Tubize (près de Hal) et mesure 71 km. Le trajet va d'Esplechin à Antoing-Ath-Péruwelz. À hauteur de Ath, il est parallèle à l'infrastructure existante.

    Une fois franchie la limite des communes de Tubize et de Lembeke, le T.G.V. suit la ligne classique 96 (Mons-Bruxelles). Sur les 17 km qui séparent cet endroit de Bruxelles, la ligne est portée à quatre voies.

    L'implantation de la nouvelle assiette de 71 km entre Esplechin et Tubize nécessite, outre d'importants travaux de terrassement, la construction de toute une série d'ouvrages d'art. Dans le jargon des ingénieurs, le terme « ouvrage d'art » couvre toutes sortes de viaducs, de tranchées couvertes, de passages inférieurs ou supérieurs.

    De Bruxelles à la frontière néerlandaise, c'est-à-dire sur la branche nord, les T.G.V. rouleront à 160 km/h sur la voie existante, mais réaménagée, Bruxelles-Anvers.

    Anvers présente un grand handicap depuis le début du siècle déjà : c'est une petite gare située heureusement dans le centre de la ville. La voie ferrée qui la traversait a été détruite et Anvers-central compte encore dix voies en cul-de-sac.

    Le grand rêve de la S.N.C.B. de construire une liaison nord-sud à Anvers sera réalisé dans le cadre du T.G.V. : elle sera utile surtout pour le réseau intérieur et pour permettre la création d'un véritable réseau R.E.R.

    Actuellement, deux variantes sont encore à l'étude et font l'objet de négociations avec les pouvoirs publics néerlandais : le premier tracé suit le Havenweg et le deuxième est parallèle à l'E 19, l'autoroute d'Anvers à Breda. C'est la raison pour laquelle ce trajet n'est pas défini dans la déclaration du Gouvernement du 23 janvier 1990. Étant donné que l'agglomération d'Amsterdam n'a pas les mêmes dimensions que celle de Paris ou de Londres et que l'infrastructure de la branche nord ne dessert qu'une seule ville, alors que l'infrastructure de la branche ouest relie Bruxelles à Paris et à Londres, les plus grandes agglomérations du continent européen, la mission incombant aux négociateurs belges et à la S.N.C.B. conformément au document gouvernemental du 23 janvier 1990 est évidente du point de vue de la rentabilité de la branche nord.

    En ce qui concerne les intentions des autorités néerlandaises concernant la construction éventuelle d'une ligne de T.G.V. vers La Haye, la discussion n'est pas close.

    Pour ce qui est de la branche est, de Bruxelles à la frontière allemande, le T.G.V. circulera de Bruxelles à Louvain à 200 km/h sur la ligne existante, qui sera portée de deux à quatre voies. Ce dédoublement permettra également une circulation plus fluide du trafic intérieur. La traversée de Louvain se fera à 160 km/h. À partir de Bierbeek, au sud-est de Louvain, on construira une nouvelle ligne T.G.V. en parallèle à l'autoroute E 40 jusqu'à Bierset, près de Liège. La vitesse y sera de 300 km/h. Après la descente dans la vallée de la Meuse à Liège, la ligne T.G.V. rejoindra la ligne existante, qui sera modernisée, de sorte qu'on atteindra les 100 km/h. À Liège, on prévoit une nouvelle gare de T.G.V. (Liège-Guillemins).

    Après la traversée de l'agglomération liégeoise, la ligne T.G.V. empruntera un tunnel pour retrouver la E 40 jusqu'aux environs de Welkenraedt. Ce tunnel, appelé tunnel Soumagne, aura une longueur d'environ 6 km. De Liège à Welkenraedt, la vitesse ne sera que de 220 km/h, car le trajet comporte de nombreux virages.

    À partir de Welkenraedt (dans la région de Walhorn), le T.G.V. quitte la E 40 et emprunte les voies modernisées jusqu'à Aix-la-Chapelle, puisque les autorités allemandes souhaitent toujours que la gare de cette ville devienne gare T.G.V., ce qui est quelque peu illogique vu l'importance relative de cette agglomération.

    Le trajet de Welkenraedt à Aix-la-Chapelle est très difficile, surtout en territoire allemand. Il y a tout d'abord le problème du sens de la circulation : en Belgique les trains roulent à gauche, en Allemagne ils roulent à droite. Il y a ensuite le tunnel de Busch, qui doit être reconstruit, ainsi qu'une déclivité de 30 pour mille. On envisage à présent d'implanter une gare T.G.V. au Kreuz (échangeur) d'Aix-la-Chapelle, de sorte qu'en Belgique la ligne T.G.V. pourrait continuer à suivre la E 40, ce qui faciliterait les travaux car la modernisation de la voie depuis Welkenraedt (Walhorn) jusqu'à la frontière constitue une opération assez difficile. À partir d'Aix-la-Chapelle, les autorités allemandes projettent de moderniser la ligne Aix-la-Chapelle-Düren (160-200 km/h) ainsi que la ligne Düren-Cologne (250 km/h).

    Carte nº 2 : coût par pays.

    Cette carte met en évidence certaines données concernant le réseau à grande vitesse nord-européen P.B.K.A.L. : le coût par pays en milliards de francs (1994), la longueur par pays en kilomètres et l'année de mise en service.

    En ce qui concerne la Belgique, nous avons :

    1. la branche ouest : 50 milliards de francs pour 88 kilomètres;

    2. la branche nord (calculée en fonction du trajet qui longe le port) : 32 milliards pour 77 kilomètres;

    3. la branche est : 65 milliards pour 146 kilomètres.

    Le coût total, est de 147,6 milliards de francs pour 297 kilomètres.

    Comme point de comparaison, l'on peut prendre les chiffres concernant la ligne « T.G.V. Nord LN 3 » : 122 milliards de francs pour 363 kilomètres.

    Le projet qui concerne la Belgique n'est certainement pas le plus rentable, étant donné la faible allure sur certaines portions et il reste un projet sobre.

    En Grande-Bretagne, le coût du projet s'élève à 150 milliards pour 108 kilomètres, en d'autres termes, le prix de revient est à peu près identique pour une ligne.

    Les partisans de tunnels pour la ligne à grande vitesse doivent donc être conscients qu'une telle option coûte 5 à 7 fois plus cher. La mise en service du réseau à grande vitesse nord-européen P.B.K.A.L. se fera en principe en 2005-2006.

    M. Lammertyn prévoit également qu'en Belgique, les derniers travaux d'exécution seront terminés vers le mois de mai 2006, car la S.N.C.B. a l'habitude de modifier chaque année ses horaires le dernier weekend du mois de mai.

    Carte nº 3 : les étapes du projet.

    Depuis le 4 novembre 1994, il existe en Belgique un produit commercial, l'Eurostar, qui relie Bruxelles à Londres. Chaque mois, à Bruxelles environ 35 000 voyageurs prennent l'Eurostar et environ 35 000 en descendent. Depuis la mise en service de l'Eurostar, le nombre des voyageurs n'a cessé d'augmenter. Un Eurostar se compose de deux locomotrices et de 18 voitures. Il mesure près de 400 mètres et peut transporter jusqu'à 794 voyageurs : 584 en deuxième classe et 210 en première.

    L'on a mis au point le concept en tenant compte des exigences de sécurité relatives au tunnel sous la Manche, ainsi que des trains qui relient Paris à Londres.

    En Angleterre, le troisième rail fournit aux trains leur énergie électrique, qui s'élève à 750 volts.

    Entre le 2 juin 1996 et le 31 mai 1998, un deuxième produit commercial, le Thalys, sera mis en service sur les liaisons Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam. Au départ de Bruxelles, le Thalys empruntera l'ancienne ligne L96 (Hal-Mons) et ensuite la ligne L78 entre Mons et Tournai. En 1998, lorsque l'ensemble de la branche ouest sera terminé, le Thalys comme l'Eurostar emprunteront la nouvelle ligne à grande vitesse entre Hal et la frontière. Le T.G.V. proprement dit circulera alors entre Bruxelles-Midi et Paris. En Grande-Bretagne, ce ne sera pas encore le cas. Il incombe par conséquent à l'Union européenne d'encourager le Royaume-Uni à participer par la construction du « C.T.R.L. » (Chunnel Train Raillink) à ce réseau à grande vitesse nord-européen P.B.K.A.L.

    À partir du 2 juin 1996, l'Eurostar empruntera la ligne ferroviaire L94. Un transfert vers la ligne 96 n'entraînerait aucun gain de temps. D'ailleurs, la ligne L96 n'a pas une capacité suffisante pour que l'on y fasse circuler à la fois les trains du réseau intérieur, le Thalys et l'Eurostar.

    À partir de la fin 1997, l'on pourra emprunter les lignes allemandes grâce au nouveau matériel; le Thalys pourra donc rejoindre Cologne en utilisant les infrastructures existantes. En effet, l'objectif est que les chemins de fer allemands passent circuler du matériel moderne sur des lignes modernisées. L'on ne construira des infrastructures nouvelles que si la capacité existante est vraiment insuffisante (comme pour la ligne nouvelle entre Cologne et Francfort). Les autorités allemandes ont opté dès le début pour une modernisation de l'infrastructure existante : elles estiment préférable que les trains roulent à 200 km/heure, et attirent des voyageurs.

    Carte nº 4 : Les meilleurs temps de parcours à partir de Bruxelles.

    Tous les efforts déployés ont pour but de répondre à la demande croissante de transport entre des agglomérations séparées par une distance de 200 à 400 km, et ce dans un temps de parcours aussi bref que possible.

    À partir de Bruxelles, on pourra atteindre Londres en 1 h 59 m dès la mise en service de la ligne C.T.R.L. (prévue pour 2003 ou 2004). Il faudra 1 h 20 m. pour effectuer le trajet Bruxelles-Paris, 1 h 39 m. pour Bruxelles-Amsterdam et 1 h 37 m pour Bruxelles-Cologne.

    Les chiffres surmontant les autres chiffres indiquent la durée du déplacement sans projet T.G.V.

    Dans son exposé, le ministre a indiqué de quelle manière le projet sera financé. Il est clair que le nombre des voyageurs qui emprunteront les lignes à grande vitesse ainsi que la politique adoptée en matière de prix auront leur importance.

    Carte nº 5 : Prévisions de trafic pour la période 2005-2010.

    Selon M. Lammertyn, les chiffres indiqués sont plutôt modérés. En ce qui concerne la branche nord, il souligne que, selon la S.N.C.B., plus le succès de la ligne Bruxelles-Amsterdam sera grand, plus les autorités néerlandaises pourront contribuer à la construction en Belgique de la ligne alternative à grande vitesse le long de l'E19, l'autoroute reliant Anvers à Breda.

    Selon les prévisions de la S.N.C.B., 5,2 millions de voyageurs emprunteront la ligne Anvers-Rotterdam. Selon les autorités néerlandaises, ce chiffre serait de 6,6 millions.

    M. Lammertyn met l'accent sur le défi que représente le projet T.G.V. en Belgique : il s'agit de construire une infrastructure en 15 ans de temps; une branche (la ligne Bruxelles-Paris-Londres) sera exceptionnellement rentable avec environ 15 millions de voyageurs, tandis que les deux autres branches (Bruxelles-Rotterdam-Amsterdam et Bruxelles-Aix-Cologne) le seront beaucoup moins avec, chacune, 5 millions de voyageurs environ.

    Carte nº 6 : Présentation financière 1994 de la partie belge.

    Le coût total des travaux d'infrastructure s'élève à 147,6 milliards de francs.

    Le ministre vient de démontrer l'intérêt commun du projet T.G.V. et du réseau intérieur. Le plan d'investissement 1996-2005 opte pour le maintien à niveau de la qualité du produit ferroviaire et pour l'amélioration du confort et de la qualité du service en trafic intérieur.

    Les travaux de la branche ouest ont commencé en 1992 et ont atteint leur vitesse de croisière dès 1993. Actuellement, les montants dépensés à ces travaux s'élèvent à 35 milliards de francs.

    Seule une petite partie des 40,1 milliards à fournir par le Gouvernement belge pour l'amélioration du réseau intérieur durant la période d'exécution du projet T.G.V. entre 1993 et 2005 est destinée à la branche ouest. Cela signifie que les dépenses déjà engagées pour cette branche ouest sont financées par la S.N.C.B. elle-même, tandis que, pour les branches nord et est, il s'agira davantage d'améliorer le réseau intérieur.

    Le financement propre par la S.N.C.B. est estimé à 59,4 milliards de francs, avec un rendement interne de 7 p.c.

    Échange de vues

    Un commissaire estime que la ligne Anvers-Rotterdam n'a guère de succès car elle ne permet qu'un gain de temps négligeable.

    M. Forton signale qu'aux yeux des autorités néerlandaises, la ligne Breda-Rotterdam est importante pour le trafic intérieur alors qu'il ne peut en être de même en Belgique pour le tronçon qui va du nord d'Anvers à la frontière néerlandaise. Cet élément joue un rôle important dans la problématique de la rentabilité. Les chemins de fer néerlandais pourront en effet utiliser l'infrastructure T.G.V. pour leur réseau intérieur et en accroître ainsi la rentabilité. C'est là une donnée importante dans les négociations entre la Belgique et les Pays-Bas.

    Le membre souligne que l'Eurotunnel devrait en principe permettre le transport de marchandises. Le réseau à grande vitesse permet-il aussi le transport de marchandises ?

    M. Lammertyn répond que les autorités allemandes ont envisagé de réaliser une infrastructure T.G.V. permettant la circulation de trains-marchandises. Entre Hanovre et Wurtsburg, les inclinaisons doivent être réduites à 1,5 p.c., ce qui signifie que 30 p.c. du trajet passe sous tunnel ou en viaduc.

    La S.N.C.B. adopte la bonne philosophie de la S.N.C.F., c'est-à-dire ne pas utiliser l'infrastructure T.G.V. avec les trains-marchandises et entretenir la ligne pendant la nuit de façon à offrir une sécurité maximale pour les passagers.

    La S.N.C.F. entretient l'infrastructure comme suit : le plan des travaux est fait pendant la journée. D'une part, vers l'heure de midi, on constate un « trou » de 2 heures où il n'y a pas de trains; d'autre part, entre minuit et 6 h du matin, la S.N.C.F. fait l'inspection de l'infrastructure et procède à l'entretien de sorte que la circulation à 300 km/h reste toujours possible le jour suivant. À la fin de la période d'entretien de la nuit, la S.N.C.F. fait passer un « train-balai » sur les lignes pour faire les dernières vérifications avec un équipement de mesure.

    Si toutes ces précautions sont prises dans un pays qui dispose d'un T.G.V. déjà depuis 1981, il n'est pas souhaitable d'envisager de faire passer pendant la nuit des trains-marchandises au lieu de faire l'entretien.

    Toutefois, il est évident que des trains dont la charge reste limitée à 16 à 17 tonnes, peuvent passer, même à 300 km/h.

    Le même membre souhaite savoir si les mêmes trains venant de Bruxelles vont circuler entre Cologne et Francfort, lorsque les lignes seront achevées.

    M. Lammertyn fait observer que la vocation des infrastructures T.G.V. est de réaliser sur le continent européen, à côté de l'infrastructure autoroutière, une infrastructure ferroviaire à grande vitesse.

    M. Forton ajoute qu'il est évident que si un train d'un type Thalys peut aller jusque Cologne, il pourra également aller jusque Francfort.

    Pour la branche Bruxelles-Liège-Aix-la-Chapelle-Cologne, les trains seront de la conception que nous connaissons actuellement en Belgique : il vont jusque Francfort, mais sur la partie allemande, il y aura un seul type de train : l'Intercity Express (I.C.E.), qui se prolongera certainement par le T.G.V.-Est jusque Paris.

    Il se créera un équilibre industriel, puisque deux conceptions de T.G.V., menées par 2 grands pays européens, sont en présence.

    Le même membre de la Commission constate que la séparation radicale que l'on a faite au départ entre le coût du T.G.V. dans lequel le Gouvernement belge n'intervient en aucune façon et le fonctionnement normal de la S.N.C.B., est une fiction. Si l'on voit l'interpénétration des 2 réseaux, il est largement conventionnel que de décider de ce qui est à charge du seul financement du T.G.V. Il est clair que ceci n'était qu'une façon de rassurer les gens, mais la séparation est intenable dans la pratique puisque les deux s'interpénètrent à ce point.

    M. Forton admet que l'interpénétration est tellement vraie que les 40 milliards de francs pour le réseau intérieur concernent un partage à caractère forfaitaire de coût d'investissement d'infrastructure, mais aussi pour partie un apport de l'infrastructure nouvelle qui sera créée jusque Liège et qui pourra être utilisée par les nouveaux trains à 200 km/h.


    Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

    Le Rapporteur,
    Jacques SANTKIN.
    Le Président,
    Paul HATRY.

    ANNEXE


    Ces cartes sont uniquement disponibles sur support papier.


    (1) Voir : p. 33 et suivantes.