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12 MARS 1996
Proposition de loi complétant l'article 4 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et l'article 458 du Code pénal
La Commission de la Justice a examiné les présentes propositions de loi au cours de ses réunions des 29 novembre, 12 et 19 décembre 1995, 9, 16, 23 et 30 janvier et 12 mars 1996.
L'on a décidé de prendre pour base de discussion la proposition de loi de M. Vandenberghe et consorts, parce que, comme l'introduction ci-dessous le montrera, sa portée est beaucoup plus large que celle de la proposition de loi de M. Pinoie et consorts, laquelle, selon son auteur lui-même, vise, non pas à une modification profonde ou au remplacement de la loi du 3 mai 1880, mais à une simple amélioration de celle-ci.
En vertu de l'article 56 de la Constitution, chaque Chambre a le droit d'enquête.
La loi du 3 mai 1880 a réglé les modalités d'exercice de ce droit d'enquête reconnu aux Chambres. Bien que les Chambres définissent elles-mêmes, en vertu de l'article 60 de la Constitution, les modalités d'exercice de leurs compétences, l'on a jugé nécessaire l'intervention du législateur, parce que le règlement des Chambres ne peut imposer aucune obligation aux justiciables et parce que nulle peine ne peut être établie ni aucun serment imposé qu'en vertu de la loi (articles 14 et 192 de la Constitution) [MAST, A. et DUJARDIN, J., Overzicht van het Belgisch Grondwettelijk Recht, Gand, Story-Scientia, 1985, p. 141]
Ces dernières années, les Chambres font de plus en plus usage de ce droit d'enquête, sous la pression de l'opinion publique, pour passer au crible des carences de la politique des pouvoirs publics, et pour examiner la façon d'y remédier éventuellement par le biais de modifications de la loi.
C'est surtout l'examen, par la commission d'enquête sur les tueurs du Brabant, de la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée, qui a montré que la loi du 30 mai 1880 présente de multiples lacunes et qu'il y a lieu de la modifier en profondeur (Doc. Chambre, 1988, nºs 59/1-10).
Plusieurs propositions de loi ont été déposées.
La proposition de loi de Mme Onkelinx et de M. Di Rupo et l'avis du Conseil d'État y relatif (Doc. Chambre, 1988-1989, nºs 675/1-2) ont attiré spécialement l'attention par la vive opposition de la magistrature. Celle-ci fit valoir que la loi proposée accordait aux commissions d'enquête des pouvoirs tellement vastes qu'elle risquait de porter atteinte aux principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire (cf. la note de quatre procureurs généraux émérites près la Cour de cassation, CHARLES, R., DELANGE, R., DUMON, F. et GANSHOF VAN DER MEERSCH, W., À propos de l'indépendance du pouvoir judiciaire, J.T., 1990, pp. 423-426, et DUMON, F., De scheiding der Staatsmachten. De grondwettelijke onafhankelijkheid van de rechterlijke macht De parlementaire onderzoekscommissies, R.W., 1990-1991, pp. 169-176).
À la suite de tout cela, la Chambre et le Sénat ont institué, en 1991, un groupe de travail mixte chargé d'examiner la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires (Rapport de MM. Mouton et Landuyt, Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 429-1 et Doc. Chambre, S.E. 1991-1992, nº 561-1).
L'accord réalisé au sein de ce groupe de travail fut concrétisé, le 9 juillet 1992, par la proposition de loi de M. le sénateur Arts et consorts modifiant la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et l'article 458 du Code pénal (Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 446-1).
Cette proposition de loi n'a toutefois jamais été examinée. Après la dissolution des Chambres fédérales, le 12 avril 1995, M. Vandenberghe et consorts l'ont redéposée le 7 novembre 1995 (Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-148/1).
La proposition de loi de M. Pinoie et consorts, qui fut déposée le 27 juin 1995, reprend la proposition qui avait été déposée le 21 mai 1992 (Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 356-1 et S.E. 1995, nº 1-31/1).
1. Proposition de loi modifiant la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et l'article 458 du Code pénal (déposée par M. Vandenberghe et consorts)
La présente proposition résulte des conclusions du groupe de travail mixte du Sénat et de la Chambre des représentants chargé de l'examen de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires (voir le rapport du groupe de travail, Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 429-1), et a déjà été déposée précédemment au Sénat par M. Arts (Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 446-1).
Le groupe de travail précité est arrivé à un accord sur les points litigieux suivants de la législation existante relative aux enquêtes parlementaires :
1. les pouvoirs matériels et formels d'une commission d'enquête;
2. le secret professionnel;
3. le concours de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire;
4. l'obligation de secret et
5. la conclusion et les effets de l'enquête parlementaire.
1. Pouvoirs d'une commission d'enquête
L'on a tout d'abord estimé nécessaire de définir plus précisément la finalité de l'enquête parlementaire : celle-ci doit fournir au Parlement l'information nécessaire pour qu'il puisse exercer sa mission législative et sa mission de contrôle, et doit, le cas échéant, lui permettre de déterminer des responsabilités politiques. Mais une commission d'enquête parlementaire ne mène pas une instruction judiciaire. La référence, dans la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, aux pouvoirs du juge d'instruction a donné involontairement l'impression dans le passé qu'une commission d'enquête parlementaire assumait la mission d'instruction du pouvoir judiciaire. C'est pourquoi on l'a remplacée, dans la proposition, par une référence aux mesures d'instruction énumérées dans le Code d'instruction criminelle. Une commission d'enquête peut cependant encore confier des devoirs d'instruction déterminés à un magistrat. Qui plus est, on propose, pour certains devoirs d'enquête délicats, de rendre cette démarche obligatoire.
2. Secret professionnel
Puisque la loi actuelle ne prévoit rien à ce sujet, la proposition stipule que l'on peut invoquer le secret professionnel, visé à l'article 458 du Code pénal, si l'on ne souhaite pas faire de témoignage.
3. Concours de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire.
Le groupe de travail estimait qu'il ne fallait pas interdire le concours de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire. C'est pourquoi la proposition reconnaît le principe selon lequel le Parlement a le droit de prendre connaissance des dossiers d'une instruction judiciaire en cours. Puisque l'on ne peut toutefois entraver le cours normal de l'instruction judiciaire, ni nuire à la situation des parties en cause, l'on a élaboré une formule d'arbitrage pour régler les éventuels conflits qui surgiraient à ce sujet avec le pouvoir judiciaire.
4. L'obligation de secret
L'expérience de la Commission « Glaive » au Sénat a montré qu'il était absolument nécessaire qu'une commission d'enquête parlementaire puisse travailler dans la plus grande discrétion. C'est pourquoi l'on a choisi, dans la proposition, d'imposer un devoir de discrétion à tous les membres de la commission ainsi qu'à tous ceux qui, à un titre quelconque, participent à ses travaux.
5. La conclusion et les effets de l'enquête parlementaire
La proposition prévoit d'imposer à la commission d'enquête parlementaire de faire un rapport formulant des conclusions en vue de recommandations et/ou de l'établissement de responsabilités.
2. Proposition de loi complétant l'article 4 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et l'article 458 du Code pénal (déposée par M. Pinoie et consorts)
Voir les développements de la proposition.
Conformément à l'article 83 de la Constitution, l'article 1er de la proposition de loi de M. Vandenberghe et consorts dispose que la loi règle une matière obligatoirement bicamérale, visée à l'article 77 de la Constitution. Par contre, selon la proposition de loi de M. Pinoie et consorts, il s'agit d'une matière à soumettre à la procédure bicamérale facultative, définie à l'article 78 de la Constitution.
Il importe au plus haut point, pour ce qui est de la mise en oeuvre de la procédure législative applicable et de la répartition des compétences entre la Chambre et le Sénat, qui en résulte, que l'on réponde sans ambiguïté à la question de savoir si les deux propositions de loi doivent être examinées selon la procédure bicamérale obligatoire (art. 77) ou selon la procédure bicamérale facultative (art. 78). C'est pourquoi M. Vandenberghe commente les arguments pour et contre, qui, après qu'il en eut fait la balance, l'ont amené à disposer, à l'article 1er de sa proposition, qu'il y avait lieu d'appliquer en l'espèce la procédure bicamérale obligatoire.
L'article 56 de la Constitution dispose que chaque Chambre a le droit d'enquête.
Comme cet article ne figure pas parmi les dispositions énumérées à l'article 77, premier alinéa, 3º, de la Constitution, pour lesquelles la Chambre et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité, on pourrait en déduire que sa proposition de loi concerne une matière bicamérale optionnelle.
Deux arguments s'y opposent toutefois.
Un premier argument est emprunté à l'article 77, alinéa premier, 2º, de la Constitution, aux termes duquel la Chambre et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité pour les matières qui doivent être réglées par les deux Chambres législatives en vertu de la Constitution.
Comme l'article 56 de la Constitution reconnaît le droit d'enquête à chaque Chambre (1), il est exclu que la Chambre des représentants détermine par priorité à quelles conditions et de quelle manière le Sénat pourrait exercer son droit d'enquête.
Une telle interprétation serait contraire à l'esprit comme à la lettre de l'article 56 de la Constitution.
Il est du reste frappant de constater qu'à la suite de Laurent, un jurisconsulte du XIXe siècle, et de l'école dite exégétique, on invoque constamment la lettre des textes pour définir les compétences du Sénat d'une manière aussi restrictive que possible.
Le recours exclusif à cette méthode d'interprétation est pourtant considéré aujourd'hui comme totalement dépassé.
Par extension, on peut dire que l'article 77, alinéa 1er , 2º, de la Constitution concerne en tout cas le règlement de l'exercice des compétences que la Constitution attribue séparément à chaque Chambre.
Le terme « chaque Chambre » que l'on rencontre dans nombre de dispositions constitutionnelles implique par conséquent toujours qu'il s'agit de matières pour lesquelles on doit suivre la procédure bicamérale obligatoire.
De surcroît, on peut également faire référence aux commentaires de la proposition de loi, où il est dit que « lorsque le Parlement constate par exemple, à l'occasion de faits concrets, que le bon fonctionnement des pouvoirs publics est compromis, l'article 56 de la Constitution lui confère le droit de remédier à cette situation, si possible en légiférant après une enquête parlementaire » (Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-148/1, p. 2).
Il résulte clairement des travaux préparatoires relatifs à l'article 77 de la Constitution que, parmi les matières qui doivent être réglées par les deux Chambres, il y a lieu de ranger l'élaboration d'une norme juridique en exécution d'une disposition constitutionnelle telle que l'article 56 (Rapport fait au nom de la Commission de la Révision de la Constitution et des réformes des institutions par M. Erdman, Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 100-19/2º, pp. 24, 26 et 27).
En second lieu, la proposition de loi, et spécialement l'article 3 proposé, suggèrent, sur le plan de l'organisation judiciaire, une solution pour régler les conflits qui pourraient surgir en cas de concours d'une enquête parlementaire et d'une enquête judiciaire.
L'article 3 précité mentionne ainsi la désignation d'un magistrat pour exécuter certaines mesures d'instruction.
Il est prévu en outre que, lorsqu'une commission d'enquête parlementaire souhaite consulter certaines pièces d'un dossier judiciaire, elle doit adresser une demande dans ce sens au procureur général près la cour d'appel ou à l'auditeur général près la cour militaire.
Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la commission peut introduire une réclamation contre cette décision auprès d'un collège ad hoc constitué de trois membres de la Cour d'arbitrage.
Le fait que de nouvelles compétences sont attribuées à la magistrature comme à la Cour d'arbitrage montre clairement que la proposition de loi touche à l'organisation tant des cours et tribunaux que de la Cour d'arbitrage, pour laquelle la Chambre et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité en vertu de l'article 77, alinéa premier, 3º et 9º, de la Constitution.
Cette interprétation est du reste entièrement conforme à l'avis du Conseil d'État, selon lequel l'organisation judiciaire doit s'entendre non pas de manière strictement formelle, mais au sens matériel : « L'économie du texte constitutionnel autant que son intelligence et sa cohérence veulent alors que les procédures du bicaméralisme égalitaire valent tant pour l'organisation des cours et tribunaux que pour la détermination de leurs attributions. » (Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi portant organisation d'un service volontaire des jeunes, Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-7/2, pp. 4-5).
L'argumentation qui précède justifie donc largement l'article 1er de la proposition, aux termes duquel la loi en projet règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Le ministre soumet à la commission une note dans laquelle il commente son point de vue au sujet des deux propositions de loi et signale un certain nombre de difficultés.
Étant donné qu'une grande incertitude subsiste encore quant à l'application des procédures législatives prévues aux articles 77 et 78 de la Constitution et que des problèmes de toute sorte surgissent, le ministre déclare émettre certaines réserves à l'égard de la thèse selon laquelle les deux propositions de loi devraient être examinées selon la procédure bicamérale complète visée à l'article 77 de la Constitution.
La complexité de la matière, et spécialement la problématique des propositions et projets de loi dits mixtes, c'est-à-dire comportant aussi bien des dispositions relevant de la procédure bicamérale complète (article 77 de la Constitution) que des dispositions ressortissant à la procédure bicamérale optionnelle (article 78 de la Constitution), exigent dès lors une approche prudente.
L'article 2 de la proposition de loi modifie l'article 3 de la loi du 3 mai 1880 en ce sens qu'il est instauré une obligation de discrétion pour toutes les personnes qui assistent à des séances non publiques, quelle que soit leur qualité. Cette obligation de discrétion est assurément nécessaire pour le bon fonctionnement d'une commission d'enquête, mais la question est de savoir si elle sera respectée si la non-observation de cette règle n'est pas sanctionnée. La barrière qui empêcherait de faire certaines divulgations concernant les activités de la commission reste peu élevée. L'application d'une sanction appropriée rendra sans doute l'obligation de discrétion beaucoup plus efficace. Pour la sanction, il peut éventuellement être fait référence à l'article 458 du Code pénal, qui punit la violation du secret professionnel.
D'autre part, il n'est pas nécessaire d'imposer la discrétion pour chaque commission d'enquête et il y a lieu de prévoir que la Chambre puisse lever l'obligation de discrétion, ce que fait d'ailleurs la présente proposition de loi.
3. Les pouvoirs des commissions
d'enquête parlementaire
L'article 3 de la proposition de loi modifie profondément l'article 4 de la loi du 3 mai 1880. Il se présente plusieurs problèmes à ce sujet.
Compte tenu de la séparation des pouvoirs, les compétences des commissions d'enquête doivent être bien délimitées. La commission n'effectue pas d'instruction judiciaire et ne peut donc être assimilée au juge d'instruction. En revanche, la commission se voit attribuer les mêmes compétences. La suppression de la référence au juge d'instruction dans le paragraphe 1er est suffisamment claire à ce sujet. La proposition de loi abroge l'actuel alinéa 2 de l'article 4 selon lequel la Chambre peut limiter ces compétences chaque fois qu'elle ordonne une enquête. La Chambre ne peut, en effet, pas connaître d'avance quelles seront les mesures d'instruction nécessaires à l'enquête. Cependant, il paraît opportun de maintenir pour la Chambre la possibilité de limiter les mesures d'instruction, même au cours de l'enquête. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'apparaîtront clairement les mesures nécessaires et, de la sorte, on évitera de prendre des mesures inutiles, nécessitant beaucoup de temps et inefficaces.
En ce qui concerne la mission de la commission, il n'y a aucune objection à ce qu'elle soit élargie ou limitée au cours de l'enquête.
b) Les actes d'instruction concrets
Le paragraphe 2 du nouvel article 4 crée la possibilité de faire appel à un magistrat pour effectuer certains actes d'enquête concrets. Le paragraphe 3 impose cette désignation pour les mesures délicates que sont la saisie de biens matériels et la perquisition. Il y a cependant encore une autre mesure qui implique une violation grave de la vie privée, à savoir l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, matière régie par les articles 90ter à 90decies du Code d'instruction criminelle. Il importe de rendre obligatoire également la désignation d'un magistrat par la commission d'enquête pour exécuter cette mesure radicale. Dans ce cas également, l'expérience du magistrat est trés utile pour protéger les intérêts des parties concernées.
Pour ce qui regarde la désignation même du magistrat, le ministre estime qu'il se présente encore un problème au sujet de la séparation des pouvoirs. La désignation directe du magistrat par la commission et le fait que celui-ci travaille sous l'autorité du président de la commission semblent contraires à ce principe. Une solution alternative consiste à prévoir que la commission s'adresse au premier président de la Cour d'appel pour désigner le magistrat. Celui-ci travaille alors sous la surveillance et la direction du premier président et fait rapport à ce dernier. Le premier président rédige ensuite le rapport destiné à la commission d'enquête et y consigne les résultats de l'instruction. De la sorte, on pourra parler de collaboration plutôt que du contrôle suggéré par la proposition de loi. Dans le commentaire des articles, on affirme tout d'abord que le magistrat reste membre du pouvoir judiciaire, notamment en ce qui concerne son indépendance, mais on instaure ensuite un contrôle et une direction exercés par le président de la commission. Cela est contradictoire et contraire à la séparation des pouvoirs. L'alternative proposée met l'accent sur la collaboration entre la justice et la commission d'enquête et respecte les principes de la séparation des pouvoirs ainsi que l'indépendance du pouvoir judiciaire.
En ce qui concerne le régime des biens saisis, l'article 89 du Code d'instruction criminelle dispose que les articles 35, 36, 37, 38 et 39 sont également applicables au juge d'instruction. Il va dès lors de soi de les appliquer également aux commissions d'enquête parlementaire; celles-ci ont non seulement les compétences que leur attribue le Code d'instruction criminelle, mais également les obligations qui en découlent. Cela vaut non seulement pour la saisie, mais également pour toutes les autres compétences en matière d'instruction (audition de témoins).
4. Concours de l'enquête parlementaire
et de l'enquête judiciaire
a) Le droit de consultation des commissions d'enquête parlementaire
Le droit pour les commissions d'enquête, de consulter des dossiers judiciaires est un sujet qui a déjà suscité beaucoup d'opposition de la part de la magistrature. Ce droit crée le sentiment qu'un contrôle est exercé sur le pouvoir judiciaire, ce qui serait contraire à la séparation des pouvoirs. Cependant, l'exclusion de ce droit rend impossible dans certains cas une enquête convenable. Il faut naturellement également tenir compte des droits de la défense. Selon les dispositions proposées, le procureur général près la cour d'appel ou l'auditeur général près la Cour militaire décide d'accorder ou non le droit de consultation.
En cas de refus de ce droit de consultation, une procédure d'arbitrage est proposée devant un collège ad hoc composé de membres de la Cour d'arbitrage. Le ministre estime que cette procédure est difficilement défendable. La compétence de la Cour d'arbitrage n'implique en aucun cas qu'elle puisse intervenir dans des conflits entre les pouvoirs législatif et judiciaire. La Cour d'arbitrage statue uniquement sur les conflits entre lois et décrets. Dans l'avis émis par un certain nombre de constitutionnalistes et de pénalistes concernant les « Vraagstukken die rijzen in geval van samenloop van een parlementair en een gerechtelijk onderzoek » (Gedr. St., Vl. R., B.Z., 1988, nr. 126/1), on lit :
« Feiten die het voorwerp uitmaken of hebben uitgemaakt van een onderzoek in strafzaken kunnen niet ter kennis worden gebracht van of onderzocht worden door een commissie van onderzoek van een parlementaire instelling middels stukken die deel uitmaken van een gerechtelijk dossier, dan met de toestemming van de procureur-generaal bij het hof van beroep, waar het dossier berust. Aan deze magistraat komt het toe te beslissen of een gerechtelijk dossier geheel of ten dele aan een parlementaire commissie van onderzoek kan worden overgelegd. Niemand kan hem daartoe dwingen. Zelfs een bevel van de rechter vermag dit niet. De minister van Justitie kan hem daartoe niet de opdracht geven; de minister heeft slechts een recht van inzage van het dossier, zonder de bevoegdheid van de mededeling ervan aan derden, ook niet aan een parlementaire onderzoekscommissie. »
En outre, la Cour de cassation estime que les cours et tribunaux n'ont pas le pouvoir d'ordonner au ministère public de communiquer un dossier répressif à un tribunal, ce en raison de la compétence exclusive des procureurs généraux près les cours d'appel (Cass., 21 juin 1974, Pas. I, 1096).
En d'autres termes, il appartient uniquement au procureur général de prendre une décision à ce sujet : il dispose d'une compétence exclusive en la matière. En cas de refus, il n'est pas défendable d'un point de vue juridique de soumettre le conflit à un collège arbitral. La seule chose qu'on puisse sans doute faire est de prévoir dans la loi que le procureur général évaluera par un examen approfondi tous les intérêts publics et privés en présence, en particulier l'intérêt de l'enquête, la compétence exclusive des cours et tribunaux en matière répressive et le droit de la défense. Un refus éventuel du droit de consultation doit être motivé de manière détaillée et n'est pas susceptible de recours. Éventuellement, on peut instaurer la possibilité d'une concertation entre le président de la commission et le procureur général pour parvenir de la sorte à un compromis. Cette concertation doit être prévue par la loi, et elle doit faire l'objet en même temps que les conclusions qui s'y rattachent d'un rapport écrit, lequel sera joint au rapport final de la commission d'enquête.
La proposition de loi interdit explicitement l'auto-incrimination. Il s'agit de la règle, garante d'une bonne administration de la justice en matière pénale, qui veut que personne ne puisse être obligé de témoigner contre soi-même ou de faire un aveu. À première vue, ce principe ne doit être suivi que s'il s'agit de poursuivre et de sanctionner des délits dans le cadre d'une procédure pénale. Cette règle doit toutefois être interpretée de façon plus large. Vu qu'une commission d'enquête qui a eu connaissance de délits est également tenue d'en faire dénonciation en vertu de l'article 29 du Code d'instruction criminelle, elle ne peut, elle non plus, obliger une personne à faire un témoignage qui pourrait être utilisé contre elle dans une procédure pénale pendante ou à intenter éventuellement. L'audition d'un témoin qui est prévenu dans une procédure pénale, est donc également soumise à cette règle. Il n'est dès lors pas nécessaire de l'insérer explicitement dans la loi, bien que la clarté y gagnerait.
En vertu du dernier alinéa de l'article 8 modifié, le secret professionnel peut aussi être invoqué devant une commission d'enquête parlementaire pour refuser de témoigner. S'ils l'estiment nécessaire, les témoins peuvent, de leur propre gré, dévoiler des secrets professionnels devant la commission. La modification de l'artice 458 du Code pénal qui en découle, (cf. l'article 8 de la proposition de loi) va toutefois beaucoup trop loin. Après adaptation conformément à la proposition de loi, cet article serait libellé comme suit :
« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi ou une commission d'enquête parlementaire les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à cinq cents francs. »
Le ministre estime qu'une telle disposition va beaucoup trop loin. Une commission d'enquête parlementaire ne peut se substituer à la loi et obliger une personne à dévoiler des secrets professionnels. Cette prérogative est exclusivement réservée à la loi. La loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires ne peut être considérée comme une loi obligeant à la divulgation de secrets professionnels. Une telle loi définit de manière abstraite et générale, et sur la base de critères objectifs, les cas dans lesquels le secret professionnel ne peut être invoqué. Si ce droit était accordé à une commission d'enquête parlementaire, la levée du secret se ferait de façon concrète et individualisée et pourrait déboucher sur l'arbitraire. Ce domaine doit rester de la compétence exclusive du législateur.
État donné que le témoignage devant une commission d'enquête ne peut être considéré comme un témoignage en droit, il est néanmoins nécessaire de mofidier cet article. À cette fin, les mots « ou devant une commission d'enquête parlementaire » devraient être insérés entre les mots « en justice » et les mots « et celui ». La proposition de loi porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs en ce sens que, par exemple, une commission d'enquête ne peut contraindre un magistrat à divulguer un secret professionnel.
5. Les commissions d'enquête parlementaire dans les
Conseils de communauté et de région
En vertu de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le droit d'enquête a été conféré aux institutions parlementaires des communautés et des régions. À l'instar de l'article 56 de la Constitution, l'article 40 de la loi spéciale dispose que chaque Conseil a le droit d'enquête.
L'article 28 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises prévoit que l'article 40 de la loi spéciale du 8 août 1980 est applicable à la Région de Bruxelles-Capitale. Une même déclaration d'applicabilité se retrouve à l'article 44 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone.
Concrètement, cela signifie que le Conseil flamand, le Conseil régional wallon, le Conseil de la Communauté française, le Conseil de la Communauté germanophone et le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ont le droit d'enquête. Afin d'établir des normes pour ce droit d'enquête, les parlements des différentes communautés et régions ont entièrement ou partiellement repris le contenu de la loi du 3 mai 1880, notamment par le décret du Conseil flamand du 20 mars 1984, le décret du Conseil de la Communauté française du 12 juin 1981 et le décret de la Région wallonne du 15 septembre 1982 (ce dernier décret rend seulement la loi du 3 mai 1880 applicable à l'exercice du droit d'enquête par le Conseil de la Région wallonne).
La première commission d'enquête parlementaire au sein du Conseil flamand a été celle qui s'est penchée sur le plan de secteur de Hal-Vilvorde-Asse et a été instituée par le décret du 20 mars 1986. Cette commission a été à la base de l'avis susmentionné de constitutionnalistes et pénalistes.
En ce qui concerne le droit d'enquête des parlements communautaires et régionaux, il convient de faire les remarques suivantes :
Une commission d'enquête parlementaire d'un parlement communautaire ou régional ne peut exercer des compétences qui, conformément à la Constitution, ne peuvent être appliquées qu'en vertu d'une loi. C'est le cas pour la visite domiciliaire (article 15 de la Constitution) et la violation du secret des lettres confiées à la poste (article 29 de la Constitution). On peut aussi se demander si une telle commission peut imposer la prestation de serment. L'article 192 de la Constitution dispose, en effet, qu'aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la loi. La loi spéciale du 8 août ne contient aucune disposition à ce sujet.
Les réformes institutionnelles ont également une influence sur les compétences des commissions d'enquête parlementaire. Les enquêtes parlementaires se limitent, en effet, à des matières dans lesquelles l'État, les communautés ou les régions ont des compétences législatives et/ou administratives. Cette limitation a été introduite sur la base des règles établies par ou en vertu de la Constitution pour la détermination des différentes compétences de l'État, des communautés et des régions. Des enquêtes parlementaires en vue d'une initiative législative sont en effet dénuées de sens, lorsque la compétence de prendre cette initiative fait défaut.
Néanmoins, des difficultés peuvent surgir à la suite d'une modification de la loi fédérale du 3 mai 1880. D'un point de vue pratique, il semble en effet difficile de ne pas modifier également les décrets susmentionnés en conséquence. Des témoins qui seraient entendus par une commission d'enquête parlementaire tant fédérale que communautaire ou régionale, pourraient être confrontés à différentes procédures et différents droits et obligations. Dans le but d'élaborer des dispositions uniformes, une concertation entre l'État, les communautés et les régions s'impose donc.
Le ministre déclare n'avoir aucune objection fondamentale contre les présentes propositions de loi. Cela n'empêche pas que quelques modifications devraient être apportées en ce qui concerne les points suivants :
L'instauration d'une obligation de discrétion semble être peu utile si sa violation n'entraîne pas une sanction.
La possibilité pour la Chambre de limiter les mesures d'instruction dans le courant de l'enquête, doit être maintenue.
L'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et télécommunications privées constituent une mesure qui doit être ajoutée à la liste des actes d'instruction nécessitant la désignation d'un magistrat.
La désignation du magistrat par la commission ainsi que la direction et la surveillance exercées par le président de la commission peuvent être contraires au principe de la séparation des pouvoirs. Ne faut-il pas accorder plus d'importance à la collaboration qu'au contrôle ?
Seul le procureur général peut accorder le droit de consultation en ce qui concerne des dossiers judiciaires. Une procédure de recours devant un collège arbitral semble, en effet, créer des problèmes juridiques. Une procédure de concertation entre le procureur général et le président de la commission d'enquête pourrait éventuellement être prévue.
Le secret professionnel peut être invoqué devant une commission d'enquête parlementaire, mais cette commission ne peut en aucun cas obliger un témoin à divulger un secret professionnel. Cela n'est possible que dans les cas prévus par la loi. La proposition de M. Vandenberghe et consorts n'est-elle pas contraire, sur ce point, au principe de la séparation des pouvoirs ?
Le droit d'enquête a également été accordé aux assemblées des communautés et des régions, qui ont reproduit en grande partie les dispositions de la loi du 3 mai 1880. Une modification de cette loi nécessitera probablement une concertation entre l'État, les communautés et les régions dans le but d'aboutir à une réglementation plus ou moins uniforme.
L'auteur de la proposition de loi se réjouit de l'attitude constructive du ministre. Il se dit néanmoins quelque peu étonné par certaines remarques, parce qu'il n'a manifestement pas été tenu compte du fait que sa proposition est basée sur les conclusions du groupe de travail mixte chargé d'examiner la loi du 3 mai 1880 (cf. l'introduction).
Il n'empêche qu'une loi relative à l'exercice du droit d'enquête parlementaire ne peut pas prévoir toutes les hypothèses possibles et est toujours susceptible d'engendrer des problèmes d'application.
Cela ne peut toutefois pas faire obstacle à une modification radicale de la loi du 3 mai 1880.
1. Caractère bicaméral obligatoire des
propositions de loi
En ce qui concerne la question de savoir si les deux propositions de loi doivent ou non être examinées suivant la procédure bicamérale obligatoire, la commission se rallie à l'argument selon lequel il faut chercher la base juridique de l'application de cette procédure à l'article 77, premier alinéa, 2º, de la Constitution.
Le ministre maintient les réserves qu'il a émises. À son avis, la Constitution ne se prête pas à des interprétations selon lesquelles il faut, selon le cas, donner la préférence à tel ou tel point de vue.
L'argumentation développée par M. Vandenberghe fait un saut entre, d'une part, les matières qui doivent être réglées par les deux Chambres et, d'autre part, celles qui intéressent les deux Chambres.
Il convient d'examiner les conséquences éventuelles de cette interprétation, pour éviter de donner à cette lecture de l'article 77 de la Constitution une valeur de précédent que l'on regretterait par la suite.
Bien que la référence à l'article 77 qui figure à l'article 1er de la proposition de loi de M. Vandenberghe et consorts ne semble pas poser de problème quant au fond, il serait souhaitable, aux yeux du ministre, que la Commission parlementaire de concertation arrête les modalités permettant de fixer définitivement et avant le début de la discussion la procédure législative à appliquer à une proposition de loi.
De même, la question des propositions et projets de loi dits mixtes qui comportent à la fois des dispositions relevant de l'article 77 de la Constitution (procédure bicamérale obligatoire) et des dispositions ressortissant à l'article 78 de la Constitution (procédure bicamérale optionnelle) doit être résolue rapidement.
À titre d'illustration, il renvoie aux problèmes qui se sont posés entre la Chambre et le Sénat concernant la proposition de loi visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation, et plus particulièrement à la question de savoir si elle règle ou non une matière visée à l'article 77 de la Constitution (Doc. Sénat, S.E. 1995, nº 1-52/1 et 1995-1996, nºs 1-52/2-6).
La commission ne se rallie pas à ces objections et dit que les moyens invoqués par M. Vandenberghe ont démontré à suffisance que les deux propositions de loi ne peuvent pas être considérées comme mixtes.
2. La publicité des réunions
des commissions d'enquête parlementaire
et l'obligation de discrétion
Les quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 proposé disposent que les membres de la commission ainsi que ceux qui, à un titre quelconque, assistent ou participent à ses travaux sont tenus à la discrétion en ce qui concerne l'information fournie au cours des séances non publiques de la commission. La commission peut lever l'obligation de discrétion.
Un membre se réjouit de la disposition de l'article 3 proposé qui met fin au caractère fermé des commissions d'enquête parlementaire. Il se dit en principe partisan de réunions publiques, à moins que la commission n'en dispose autrement pour des raisons valables.
Non seulement cette méthode favorisera la transparence des travaux de la commission, mais en outre elle exercera un effet positif sur l'opinion publique.
Un avantage supplémentaire est que les cas où les commissaires sont tenus à la discrétion ont été limités et fait l'objet, au sein de la commission, d'un débat contradictoire au cours duquel les arguments pour ou contre la publicité ont été mis en balance.
De la sorte, les membres seront moins enclins à contrevenir à l'obligation de discrétion. Actuellement, certains membres des commissions d'enquête parlementaire sont d'avis que le droit à l'information de l'opinion publique l'emporte sur cette obligation.
En outre, l'enquête parlementaire sur la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée a démontré que les témoignages les plus précieux ont été faits lors des réunions publiques (doc. Chambre, 1988, nºs 59/1-10). La réunion à huis clos d'une commission ne constitue en aucune façon une garantie de franchise des témoins, même lorsque ceux-ci ont été relevés de leur obligation de discrétion par le ministre. La commission du Sénat chargée d'une enquête parlementaire sur l'existence en Belgique d'un réseau de renseignements clandestin international, la commission dite Glaive (Rapport fait au nom de la commission d'enquête par MM. Erdman et Hasquin, doc. Sénat, 1990-1991, nº 1117-4), en est un exemple.
Le rapporteur, qui a présidé la commission chargée d'enquêter sur le banditisme et le terrorisme, abonde dans le même sens. Les problèmes majeurs se posent lorsque, en cas de concours d'une enquête judiciaire et d'une enquête parlementaire, la commission d'enquête souhaite entendre des magistrats.
La remarque selon laquelle les témoignages les plus révélateurs faits devant la commission chargée d'enquêter sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme ont eu lieu en réunion publique, doit toutefois être nuancée.
En sa qualité de président, certains témoins l'avaient prévenu qu'ils ne parleraient pas tout à fait librement en séance publique. Dans certains cas cependant, à savoir lorsqu'on leur garantissait la discrétion requise, ils n'ont pas invoqué l'obligation de secret imposée par l'article 458 du Code pénal.
Le principe du caractère ouvert de la commission d'enquête parlementaire implique également qu'elle doit motiver une éventuelle décision de se réunir à huis clos. Cela demande un débat qui, en raison des pressions exercées par le monde extérieur en faveur de l'une ou de l'autre méthode de travail, ne pourra pas toujours être objectif.
La commission pourrait ainsi tomber en discrédit.
Un membre, qui a présidé la commission dite Glaive, se rallie aux observations de l'intervenant précédent sur l'audition de témoins en réunion publique.
Il allègue que la commission susvisée n'aurait obtenu aucune déclaration des témoins si les réunions avaient été publiques. En effet, l'efficacité des auditions, notamment lorsqu'il s'agit de témoins qui sont tenus par un secret professionnel comme les fonctionnaires appartenant aux services de renseignements et de sécurité de l'État, dépend largement du degré de confidentialité avec lequel leurs déclarations sont traitées.
Il y a même eu des cas où un témoin ne voulait faire sa déposition que devant le président de la commission d'enquête. Autrement, l'intéressé n'aurait jamais accepté de faire des déclarations significatives qui pouvaient jeter une lumière nouvelle sur l'affaire.
En ce qui concerne les témoins qui n'acceptent d'être entendus qu'à huis clos, un membre fait remarquer que l'expérience a montré que les personnes qui exigeaient le secret pour pouvoir faire des déclarations intéressantes, en abusaient en fait afin d'éviter que l'on vérifie leur témoignage.
De la sorte, elles se sont assuré une position privilégiée dans l'enquête.
Or, il s'est avéré plus d'une fois que leurs déclarations étaient peu fiables et inconsistantes.
Un membre fait observer que la garantie de discrétion, accordée à un témoin, n'empêche nullement une vérification du bien-fondé de ses déclarations par une instance judiciaire, ni que, le cas échéant, des poursuites soient engagées pour faux témoignage.
En effet, le témoignage devant une commission d'enquête parlementaire, accepté dans la discrétion, n'implique pas que l'intéressé échappe à toute sanction par le fait même qu'il témoigne dans une réunion à huis clos.
Il y a dès lors lieu de traiter les demandes du secret avec la prudence requise.
Comment procéder lorsqu'une commission d'enquête parlementaire souhaite entendre, par exemple, des fonctionnaires des services de renseignements et de sécurité de l'État ?
Plusieurs membres déplorent l'absence de sanction en cas d'infraction à l'obligation de discrétion.
Lorsque une commission d'enquête parlementaire est autorisée à consulter un dossier répressif et que ses membres ne sont pas pénalement tenus de garder le secret sur ce dossier, des fuites risquent de se produire, compromettant ainsi le caractère secret comme l'efficacité de l'instruction judiciaire.
Les droits et compétences que l'on accorde aux commissions d'enquête doivent être assortis d'un certain nombre d'obligations. Elles doivent ainsi veiller à ne pas se substituer au pouvoir judiciaire en prononçant un jugement dans des dossiers spécifiques.
Il faudra donc trouver un juste équilibre entre le principe de publicité, d'une part, et l'exigence de discrétion dans les cas où la commission, dans des conditions précises, se réunit à huis clos afin d'obtenir des informations sensibles, d'autre part.
Pour accroître l'efficacité des commissions d'enquête, il faudra instaurer, à l'instar des obligations imposées aux personnes impliquées dans une instruction judiciaire, des règles visant à garantir le secret des informations communiquées au cours des réunions non publiques, et même prévoir des sanctions à l'égard des parlementaires.
Il va de soi que ce débat n'a de sens que dans la mesure où le principe du caractère secret de l'instruction judiciaire est maintenu dans sa forme actuelle.
Les réserves que suscite le principe de la publicité chez certains peuvent s'expliquer entre autres par le fait que les commissions susmentionnées mènent leur enquête suivant les règles applicables aux instructions judiciaires, dont le caractère secret est une des caractéristiques principales.
Ce principe est pourtant de plus en plus souvent remis en question. Par exemple, les porte-parole du parquet communiquent des informations sur des dossiers en cours d'instruction. Des voix s'élèvent pour demander que l'on accorde à certaines parties le droit de consulter le dossier avant la clôture de l'instruction.
Tous ces éléments tendent à indiquer que le principe du secret de l'instruction judiciaire n'est plus perçu comme absolu et que l'on est parvenu en la matière à un tournant.
Cette évolution aura indéniablement des répercussions sur la manière d'agir des commissions d'enquête parlementaire.
L'auteur de la proposition de loi insiste pour que, dans cette discussion, l'on ne perde pas de vue le principe suivant lequel le Parlement est le lieu par excellence où la liberté d'opinion doit pouvoir s'exercer sans entraves (cf. l'article 58 de la Constitution).
Dans cette optique, l'intervenant estime que l'on va trop loin lorsque l'on affirme que certaines déclarations de parlementaires pourraient donner lieu à des poursuites pénales. Si l'on envisage une sanction, celle-ci doit être de nature politique, dans ce sens que l'on doit clairement informer l'opinion publique qu'un membre de la commission d'enquête a failli à son devoir de discrétion.
L'intervenant peut toutefois admettre que, dans certaines circonstances, les parlementaires doivent respecter un devoir de discrétion déontologique. Contrairement au Congrès américain, nos assemblées ne sont toutefois pas équipées de « commissions d'éthique ». Au cours de la législature précédente, le Sénat a certes discuté de la question de savoir si la Commission de la Justice devait également veiller sur la déontologie parlementaire. Cette commission pourrait alors, en dehors d'un cadre strictement pénal, aborder les problèmes relatifs aux infractions éventuelles à la déontologie.
Un autre membre est également opposé à une disposition qui infligerait une peine aux parlementaires pour avoir méconnu le devoir de discrétion. En premier lieu, le Parlement, et donc également chaque parlementaire, se doit de justifier aux yeux de l'électeur la façon dont il exerce, pour l'un, ses compétences et, pour l'autre, son mandat. L'instauration d'un devoir de discrétion est tout à fait contraire à la transparence dont doit faire preuve le Parlement.
En deuxième lieu, l'on invoque si fréquemment le devoir de discrétion pour justifier un silence que l'on a pour ainsi dire créé une culture dans laquelle tout se trouve sous le sceau du secret. L'intérêt général n'est pas servi par cette crainte de l'ouverture.
Dans certains pays, les personnes qui dévoilent certaines choses, les « indicateurs », sont légalement protégées contre la violation du devoir de discrétion.
C'est ainsi que l'on a, aux États-Unis, le « whistle blower protection Act », qui, dans des circonstances déterminées, permet de protéger les indicateurs.
Dans le même ordre d'idées, il faudrait également offrir une protection légale aux pentiti (les repentis) dans la lutte contre le crime organisé.
L'avantage qu'offre le principe de la publicité des réunions de commissions est qu'il permet d'atténuer les suspicions de l'opinion publique, lesquelles sont dues partiellement à la discrétion avec laquelle l'on traite des affaires d'intérêt public.
Conformément à la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme, selon laquelle il ne faut pas seulement rendre la justice, mais aussi le faire de façon manifeste, il convient, dans le cas des commissions d'enquête parlementaire également, de pratiquer une politique d'ouverture.
Celle-ci est bénéfique pour l'opinion publique et lui permet d'avoir une meilleure idée du fonctionnement de la démocratie, comme il ressort de l'intérêt médiatique dont jouit la commission néerlandaise chargée de l'examen des techniques spéciales de recherche des services de police (la commission dite van Traa).
L'on peut suivre directement les travaux de cette commission sur l'écran, ce qui permet notamment d'entendre des policiers, des magistrats et des anciens ministres.
Pareille ouverture permet de dissiper la méfiance du grand public à l'égard de la politique et de la justice. Celui-ci acceptera également que, dans des cas déterminés et pour des raisons précises, l'on déroge au principe de la publicité des réunions de commission, afin par exemple de protéger des témoins.
Tout cela contribuera peut-être à développer une culture dans laquelle le Parlement sera respecté.
Les Pays-Bas ont montré quel est le sens du terme « respect » en destituant un procureur général qui avait fait de fausses déclarations devant une commission d'enquête parlementaire. Aux États-Unis, c'est une commission d'enquête du Congrès qui a contraint le président R. Nixon à démissionner.
Pour conclure, l'intervenant déclare que le huis clos doit être l'exception au principe général de la publicité des réunions de commission. Cela signifie que le devoir de discrétion ne s'applique qu'aux réunions à huis clos. La décision de déroger à la règle de la publicité doit dès lors être motivée de façon fonctionnelle dans l'intérêt de l'enquête, par exemple afin de protéger certaines personnes. Si l'on prévoyait une sanction, seule la Chambre concernée pourrait l'infliger.
L'intervenant précédent se déclare prêt à suivre ce raisonnement. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l'application stricte du principe de la publicité peut porter atteinte à l'efficacité des travaux de la commission d'enquête, en ce sens qu'elle pourrait entraver des révélations et, par conséquent, compromettre la mission de la commission.
Un autre désavantage du caractère public des séances, auquel il est difficile de remédier, tient à ce que des témoins sans scrupules peuvent en profiter pour jeter le trouble par des manoeuvres de diversion.
Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération les droits des personnes. Ainsi, une commission d'enquête ne peut se permettre de faire fi du secret professionnel.
Dans une société démocratique, il convient dès lors de rechercher un équilibre entre la transparence et la publicité, d'une part, et les droits des personnes, d'autre part. La violation de cet équilibre constitue une indication qu'une société glisse vers un système totalitaire.
Un autre intervenant déclare qu'il faut abandonner le principe selon lequel des règles légales doivent toujours s'accompagner de sanctions.
C'est ainsi que l'article 16, § 1er , deuxième alinéa, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive prévoit que le mandat d'arrêt ne peut être décerné dans le but d'exercer une répression immédiate ou toute autre forme de contrainte.
À l'instar de la disposition précédente, l'on pourrait également formuler le devoir de discrétion comme étant une espèce de ligne directrice.
3. Les pouvoirs des commissions
d'enquête parlementaire
a) Référence à la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées
D'après un membre, une loi organique des commissions d'enquête parlementaire ne doit pas mentionner toutes les mesures auxquelles ces commissions peuvent recourir pour remplir leur mission.
Une référence au Code d'instruction criminelle à l'article 4 proposé suffirait.
b) Désignation d'un magistrat par la commission d'enquête
L'auteur de la proposition de loi fait remarquer qu'il appartient à la commission et non à son président de déterminer les devoirs d'instruction à accomplir par le magistrat.
La composition de la commission garantit que l'on n'adressera pas de demandes arbitraires au magistrat désigné.
Un membre observe que le système proposé consiste en quelque sorte à déléguer un magistrat à la commission, ce qui signifie que le magistrat en question se trouve placé sous le contrôle de celle-ci.
Eu égard au principe de la séparation des pouvoirs, on ne peut donc admettre que ce magistrat demeure sous le contrôle du pouvoir judiciaire.
Plusieurs membres se rallient à la proposition permettant à la commission de faire appel au service d'enquêtes du Comité P, en particulier pour des vérifications spécifiques ne constituant pas en soi des actes d'instruction.
4. Concours de l'enquête parlementaire
et de l'enquête judiciaire
En ce qui concerne la collaboration des autorités judiciaires aux travaux des commissions d'enquête parlementaire, un membre estime que le texte devrait faire une triple distinction.
Tout d'abord, une Chambre peut, en vertu de l'article 56 de la Constitution, ouvrir une enquête sur une question ne faisant pas l'objet d'une enquête judiciaire. En pareil cas, il ne devrait pas y avoir de problème.
Dans une seconde hypothèse, il se pourrait qu'une enquête parlementaire mette au jour certains indices de violation éventuelle de dispositions pénales. À ce jour, la règle veut que, dès qu'une infraction est constatée, celle-ci soit communiquée au parquet (article 29 du Code d'instruction criminelle).
La question est de savoir s'il n'est pas préférable d'attendre pour cela que l'enquête parlementaire soit terminée. Dans l'affirmative, il faudrait modifier l'article 29 du Code d'instruction criminelle.
Enfin, il est possible qu'une même question fasse simultanément et distinctement l'objet d'une enquête judiciaire et d'une enquête parlementaire.
Jusqu'à un passé récent, la règle voulait que l'on interrompe l'enquête parlementaire lorsqu'une enquête judiciaire était demandée sur la même affaire.
Aujourd'hui, on tend à considérer que l'enquête judiciaire ne concerne que l'aspect pénal d'une affaire, de sorte que rien n'empêche de charger une commission parlementaire d'en examiner les autres aspects. Un parallélisme est donc possible, moyennant le respect d'une certaine répartition des tâches.
La question est de savoir comment cette collaboration doit se dérouler au juste. Comment préserver le secret de l'instruction judiciaire ?
b) Collaboration avec le Collège des procureurs généraux
Le ministre signale que le Collège des procureurs généraux s'est concerté sur la question de savoir comment mettre en place une collaboration aussi efficace que possible entre les commissions d'enquête parlementaire, d'une part, et le ministère public, en particulier le parquet général, d'autre part.
Le collège propose de prévoir dans la phase initiale de l'enquête parlementaire une procédure de concertation, que la loi pourrait déclarer obligatoire, avec le ministère public.
Au cours de cette concertation, on échangerait des informations sur la politique des recherches et des poursuites dans la matière faisant l'objet de l'enquête parlementaire, sur les dossiers judiciaires pendants à ce sujet, etc. On pourrait également conclure les accords nécessaires, notamment sur la complémentarité entre l'enquête judiciaire et l'enquête parlementaire et sur l'échange de nouvelles données.
Un membre se réjouit de cette initiative, mais estime qu'il n'est pas souhaitable de rendre la procédure légalement obligatoire.
D'abord, il faut laisser aux commissions d'enquête la liberté de choisir les personnes ou les instances auprès desquelles elles entendent s'informer.
Il est évident qu'à cet égard, le ministère public est au premier rang et qu'il est en quelque sorte un interlocuteur privilégié.
Par ailleurs, si la loi prévoyait exclusivement une concertation avec le parquet général, il est à craindre que d'autres personnes ou instances n'en tirent argument pour refuser toute collaboration à une commission d'enquête parlementaire.
En second lieu, il n'est pas exclu que l'on ouvre une enquête parlementaire sur une matière par laquelle le pouvoir judiciaire n'est pas concerné. Dans ce cas, une concertation avec le parquet n'a pas de sens ou, à tout le moins, n'est guère opportune.
Par conséquent, il faudrait considérer comme une forme de pinaillage le fait d'inscrire dans la loi une disposition imposant à la commission d'enquête parlementaire de se concerter avec le parquet général ou toute autre instance.
En dépit de cette critique sur le plan formel, la concertation suggérée par le Collège des procureurs généraux devrait avoir lieu de facto, et en tout cas dans la phase initiale de l'enquête. Dans le cadre d'une information aussi large que possible, les commissions d'enquête devraient se sentir obligées, pour des raisons déontologiques, d'établir les contacts appropriés avec le parquet général. Il suffirait de mentionner dans les travaux préparatoires un encouragement en ce sens.
Le rapporteur souligne que, dans le passé, les commissions d'enquête se sont toujours informées de manière détaillée, non seulement auprès du Collège des procureurs généraux, mais aussi par exemple auprès de journalistes.
C'est ainsi que la commission d'enquête sur les tueurs du Brabant est allée jusqu'à déposer ses conclusions au collège avant l'approbation de son rapport.
Aussi l'orateur se déclare-t-il partisan de la consultation et de la concertation, tout en s'opposant à ce qu'on les rende obligatoires.
Pour étayer son propos, il ajoute un troisième argument aux deux qu'il vient d'énoncer.
Instaurer une obligation légale de concertation avec le parquet général pourrait donner l'impression que, dès l'abord et en tous points, les commissions d'enquête parlementaire sont placées sous la tutelle du Collège des procureurs généraux. Il serait donc souhaitable que chaque commission d'enquête détermine elle-même avec quelles instances elle souhaite se concerter ou à quelles sources elle désire recueillir des informations.
La commission souscrit à ce point de vue.
c) Le droit de consultation des commissions d'enquête parlementaire
Le § 4 de l'article 4 proposé à l'article 3 règle le droit qu'ont les commissions d'enquête de consulter les dossiers judiciaires.
La commission peut demander au procureur général près la cour d'appel ou à l'auditeur général près la cour militaire de lui faire délivrer une copie des devoirs d'instruction et des actes de procédure dont elle estime avoir besoin. Si l'un de ces magistrats refuse d'accéder à cette demande, l'assemblée concernée, la commission même ou leur président peuvent introduire une réclamation auprès d'un collège ad hoc constitué de trois membres de la Cour d'arbitrage.
En ce qui concerne le problème du droit de consultation, le ministre déclare qu'il part du principe que les membres de la commission d'enquête deviennent partie prenante à l'instruction judiciaire.
Rejeter ce point de vue permettrait de conclure que les parlementaires n'ont pas le droit de consulter un dossier judiciaire.
L'auteur de la proposition de loi n'est pas d'accord. À son avis, le fait de consulter le dossier n'implique nullement que les membres de la commission d'enquête prennent part à l'instruction judiciaire.
Le ministre réplique que dans ces circonstances, les deux procédures sont intimement liées.
Le préopinant déclare que lorsqu'une commission d'enquête parlementaire constate, dans l'exercice de sa mission, des faits délictueux ou des indices de tels faits, elle est tenue de transmettre le dossier au parquet pour instruction.
Le fait que des délits sont portés à la connaissance d'une commission parlementaire ne garantit pas l'immunité pénale à leur auteur.
Le droit d'enquête a pour but de sauvegarder la transparence de la démocratie.
La transparence de la vie publique et la garantie de la protection de la vie privée figurent parmi les principes de base de la démocratie. Dans un régime totalitaire, par contre, la vie privée est publique, alors que l'exercice du pouvoir s'effectue à huis clos.
Cette règle de la transparence s'applique au fonctionnement de toutes les institutions, y compris le pouvoir judiciaire.
C'est dans cette optique que l'on doit examiner le problème de la cohérence ou du concours de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire, et plus particulièrement la question de savoir si l'on peut communiquer des pièces d'un dossier judiciaire à une commission d'enquête parlementaire.
Le ministre pense que la décision de communiquer ou non les pièces à la commission d'enquête dépendra de l'usage que cette dernière compte en faire.
Le membre souligne que le Parlement ne peut utiliser le droit d'enquête pour s'immiscer dans une instruction judiciaire ou se substituer au pouvoir judiciaire.
Pour cette raison, la commission d'enquête qui constate des faits délictueux est tenue de les communiquer au parquet.
Le ministre souscrit à ces arguments, à la condition toutefois que la solution esquissée par l'intervenant soit effectivement appliquée. Le problème est de savoir si le texte proposé ne pourra pas être interprété dans un sens tellement large que l'on s'écartera des principes susmentionnés.
Il rappelle en outre que la commission d'enquête sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme a pu prendre connaissance de manière indirecte de dossiers judiciaires en cours d'instruction. En effet, le procureur général compétent ou l'avocat général qu'il avait désigné ont fait, au parquet général, un exposé sur ces dossiers à l'intention de ladite commission.
La commission a ainsi pu se faire une idée des activités des services de police et des services judiciaires et confronter les informations obtenues aux éléments figurant dans d'autres dossiers.
Il serait regrettable que cette procédure souple soit rendue impossible par la loi proposée.
Le rapporteur considère que les commissions d'enquête parlementaire doivent disposer des moyens juridiques nécessaires pour pouvoir consulter des pièces des dossiers judiciaires.
En tant que président de la commission enquêtant sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme, il lui est arrivé plus d'une fois de voir sa demande de consultation de certains dossiers rejetée.
Comme l'a dit le ministre, ce refus a parfois pu être contourné et la commission a reçu indirectement des informations sur certains dossiers. Aucun renseignement n'a été fourni concernant les dossiers qui étaient toujours en cours d'instruction.
Il va de soi qu'une telle façon de procéder hypothèque gravement l'efficacité des travaux d'investigation de la commission. Celle-ci risque également de prononcer un jugement ou d'émettre des avis qui ne sont peut-être pas fondés parce qu'elle ne dispose pas de toutes les données pertinentes.
L'intervenant s'oppose dès lors, à l'instar de plusieurs autres membres, à la thèse du ministre selon laquelle le procureur général près la cour d'appel ou l'auditeur général près la Cour militaire se prononcerait en première et dernière instance sur la demande de consultation d'un dossier judiciaire.
En effet, sur quelle base juridique le parquet peut-il interdire à une commission d'enquête parlementaire de consulter un dossier judiciaire ou lui refuser certains renseignements alors qu'il diffuse des communiqués de presse sur des enquêtes en cours ?
Étant donné que la pratique des porte-parole du parquet a été institutionnalisée à la suite des instructions du ministre de la Justice et que, dans les enquêtes en cours, la partie civile a obtenu le droit de consulter certaines pièces du dossier, il paraît absurde que le parquet puisse interdire à une commission d'enquête parlementaire l'accès à un dossier judiciaire.
Du reste, le caractère secret de l'instruction judiciaire est de plus en plus relativisé. Ainsi, l'avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, rédigé par la Commission Franchimont, accorde à l'inculpé et à la partie civile le droit de consulter le dossier avant la clôture de l'instruction judiciaire (cf. également la proposition de loi de M. Erdman et consorts insérant un article 61bis dans le Code d'instruction criminelle, doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 118-1).
Étant donné que le droit d'enquête parlementaire est prioritaire dans la hiérarchie des normes, les commissions d'enquête doivent disposer d'un droit de regard de principe. C'est pourquoi il faut régler la coopération entre le Parlement et le parquet, notamment en désignant l'instance appelée à trancher d'éventuels litiges entre ces deux acteurs.
L'article 125, premier alinéa, de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive dispose, certes, qu'en matière criminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire, aucune expédition ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peut être délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près la cour d'appel ou de l'auditeur général. Mais il est délivré aux parties, à leur demande, expédition de la plainte, de la dénonciation, des ordonnances et des jugements.
Les intervenants considèrent que cette disposition lie exclusivement le procureur général dans la mesure où il intervient dans le cadre de poursuites pénales réglées par le Code d'instruction criminelle et non, dès lors, lorsqu'il s'agit d'une demande de consultation émanant d'une commission d'enquête parlementaire.
Un autre argument en faveur de l'instauration d'une procédure d'arbitrage a trait au fait qu'il n'est pas exclu que le procureur général puisse refuser, sans motivation, l'accès à un dossier judiciaire.
À cet égard, le procureur général J. Velu a fait, dans sa mercuriale du 1er septembre 1993, la déclaration suivante :
« Suivant la proposition (2), le procureur général ou l'auditeur général devrait motiver sa décision de refus. Certes, cette décision doit comporter des motifs. Mais sa nature même rend l'énonciation de ces motifs problématique. Car comment la motiver de manière déterminante, sans en même temps faire état de secrets que l'on entend précisément ne pas révéler et, partant, sans risquer de porter atteinte au secret de l'instruction qu'on veut protéger ?
Un recours contre une décision de refus du procureur général ou de l'auditeur général, pour la même raison, est difficile, voire impossible à organiser correctement. « Comment, en effet, comme l'écrivait M. le procureur général de le Court, envisager un débat contradictoire sur la communication d'un dossier alors que ni la juridiction saisie, ni les parties, ne pourraient en prendre connaissance puisque sa communication serait l'objet du litige. Comment, en d'autres termes, décider si un secret peut être levé, alors que l'on ignore en quoi il consiste ? »
(Considérations sur les rapports entre les commissions d'enquête parlementaire et le pouvoir judiciaire, mercuriale prononcée le 1er septembre 1993 par M. J. Velu, procureur général près la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 86.)
La question est de savoir comment une commission d'enquête peut attaquer la décision négative du procureur général en l'absence de motivation justifiée quant au contenu.
Un commissaire fait observer que tout dépend de la nature de la motivation, qui ne doit pas nécessairement dévoiler le contenu du dossier. En effet, la motivation peut être indirecte.
En ce qui concerne la réglementation relative à un recours contre une décision de refus du procureur général, l'auteur de la proposition de loi rappelle que l'on a voulu associer la Cour d'arbitrage à la procédure parce qu'il s'agit d'un conflit de compétence entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Le procureur général près la Cour de cassation, M. J. Velu, ne s'est pas déclaré partisan de cette réglementation. Voici un bref aperçu de ses objections :
« Le pouvoir des procureurs généraux près les cours d'appel d'apprécier en conscience à la lumière de tous les droits et intérêts légitimes en présence s'il y a lieu d'accorder ou non à une commission d'enquête la communication de tout ou partie des pièces d'un dossier judiciaire ne fait pas obstacle à ce qu'une concertation s'instaure entre eux, les membres de la commission et, éventuellement, le ministre de la Justice. Pareille concertation, à mon sens, est même souhaitable.
Les résultats relativement satisfaisants auxquels la procédure de concertation aboutit dans la pratique actuelle tendent à montrer que la procédure d'arbitrage prévue dans la proposition ne répond pas à une nécessité. On peut penser que cette procédure de concertation pourrait encore être améliorée à l'avenir. L'auteur de la proposition (3) convient au demeurant de ce que la coopération informelle avec le Collège des procureurs généraux a, dans le passé, été fructueuse et il ne conteste pas par ailleurs les avantages de la procédure de concertation.
Le recours en ce domaine à un collège composé de membres de la Cour d'arbitrage constituerait une véritable anomalie dans le cadre de nos institutions. Tout le contentieux susceptible de découler des travaux des commissions d'enquête parlementaire (notamment les contestations auxquelles peuvent donner lieu les refus de comparaître ou de témoigner, les faux témoignages, les autres infractions constatées par les commissions, etc.) relève actuellement du pouvoir judiciaire. Les membres d'une juridiction extérieure à ce pouvoir seraient appelés à se prononcer sur des problèmes relatifs à des procédures pénales qui ne relèvent en rien de leurs compétences ordinaires. (...)
Si le collège ad hoc doit trancher le litige de manière définitive et par décision motivée en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense, ce collège ne devra-t-il pas disposer de l'ensemble du dossier en original ou en copie ? Dès lors que, suivant la proposition, le collège doit entendre le président de la commission et le magistrat concerné, le président de la commission ne sera-t-il pas en droit d'exiger de consulter le dossier pour se trouver sur un pied d'égalité avec le magistrat concerné ? Mais dans l'affirmative, n'aurait-il pas connaissance du dossier alors même que le recours de la commission serait rejeté ? Quant au magistrat concerné, comment pourrait-il devant le collège justifier de manière convaincante sa décision de refus sans révéler au moins les éléments essentiels de l'instruction ?
Le collège trancherait le litige de manière définitive par une décision qui tiendrait compte en particulier du respect des droits de la défense, ce qui implique que la violation de ces droits en raison de la communication du dossier ne pourrait plus être invoquée ultérieurement devant une juridiction nationale. Mais que se passerait-il si, devant une juridiction judiciaire, une violation des droits de la défense était déduite d'une communication du dossier et d'une éventuelle divulgation de renseignements qui, à la suite d'autres renseignements recueillis ultérieurement, s'avéreraient porter un préjudice grave à ces droits ?
Au reste, cette règle est d'une constitutionnalité douteuse. Dans notre ordre constitutionnel, les cours et tribunaux n'ont-ils pas la compétence de statuer sur le bien-fondé des poursuites pénales en ce compris sur les exceptions déduites de la violation des droits de la défense et cette compétence ne leur est-elle pas exclusivement réservée ? (VELU, J., op. cit., pp. 85-87.)
L'important est de déterminer la nature réelle du conflit qui naît lorsqu'un procureur général refuse de communiquer un dossier à une commission d'enquête.
L'auteur de la proposition ne peut que répéter les arguments avancés par le groupe de travail mixte en vue d'instituer un collège d'arbitrage composé de trois membres de la Cour d'arbitrage (voir rapport de MM. Mouton et Landuyt, Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 429-1 et Doc. Chambre, S.E. 1991-1992, nº 561-1, pp. 24 à 28).
Plusieurs membres font observer que la procédure proposée fait problème puisque la Cour d'arbitrage ne fait pas partie du pouvoir judiciaire.
À leur avis, il n'appartient pas à cette instance de se prononcer sur le refus du procureur général de délivrer une copie des devoirs d'instruction et des actes de procédure dont la commission estime avoir besoin.
Étant donné que cette compétence relève fondamentalement de l'exercice du pouvoir judiciaire, ne pourrait-on pas la confier à la Cour de cassation ?
Un autre membre se demande si, à l'instar de la loi du 13 mars 1973 instaurant une indemnité pour les cas de détention préventive inopérante, l'on ne pourrait pas créer un collège ad hoc composé des premiers présidents de la Cour de cassation et du Conseil d'État ainsi que du doyen de l'Ordre national des avocats.
Invoquant notamment le principe de la séparation des pouvoirs, un autre orateur met en garde contre la pratique suivant laquelle le Parlement délègue des compétences à des tiers.
Il émet deux hypothèses pour illustrer son propos :
1. Lorsqu'un témoin fait de fausses déclarations devant une commission d'enquête parlementaire, plainte pourra être déposée contre lui pour faux témoignage. Il appartiendra alors au ministère public de déterminer s'il faut oui ou non intenter des poursuites pénales.
2. Le témoin qui, vis-à-vis d'une commission d'enquête, souhaite invoquer le secret professionnel, devra déterminer lui-même dans quelles conditions et dans quelles circonstances il peut le faire.
L'intervenant rappelle que le ministre de la Défense nationale avait confirmé par écrit aux personnes qui devaient témoigner devant la commission Glaive qu'elles étaient déliées du secret professionnel pour les questions faisant l'objet de l'enquête. Plusieurs témoins n'ont toutefois pas tenu compte de cette déclaration.
Cette attitude témoigne d'une certaine conception de la fonction publique que l'on pourra difficilement changer à court terme.
Par conséquent, il plaide pour que l'on élabore une procédure parlementaire dans laquelle l'on éviterait autant que possible de faire intervenir des tiers et qui ne porterait pas atteinte aux compétences du parquet en matière de poursuites.
Les commissions d'enquête devraient néanmoins avoir la possibilité de faire appel à des organes exécutifs pour l'exécution de certaines tâches, comme poser des questions à certaines personnes ou consulter des documents.
Il songe concrètement au service d'enquête du Comité P, qui dépend du Parlement.
Un membre déclare être partisan de la modification de l'article 458 du Code pénal proposée à l'article 8, en vertu de laquelle le détenteur d'un secret professionnel peut être obligé à faire connaître ces secrets, non seulement dans les cas prévus par la loi, mais aussi à la requête d'une commission d'enquête parlementaire. L'expérience a en effet montré que la solution inverse ne produisait pas de résultat.
Toutefois, plusieurs membres sont d'accord avec le ministre pour considérer que la modification contenue dans la proposition de loi de M. Vandenberghe va trop loin. Ils préfèrent celle proposée par M. Pinoie.
Lorsque la commission entend des personnes qui violent leur secret professionnel, elle doit le faire à huis clos et le procès verbal de la séance doit être traité d'une manière spécifique.
Les difficultés éprouvées dans le passé peuvent être évitées en offrant des garanties au sujet de l'utilisation des informations communiquées et des conclusions qui en seront tirées.
En ce qui concerne le concours de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire, l'on ne peut ignorer l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 mai 1993 dans l'affaire Transnuklear (Pas., I, 1993, nº 225; J.T., 1994, pp. 39-43).
Les principales conclusions de cet arrêt peuvent être résumées comme suit :
1. L'article 14.3. g), du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques en vertu duquel, lors de la détermination du bien-fondé d'une action publique exercée contre elle, toute personne a droit à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable, ne fait pas obstacle à ce qu'un témoin soit entendu sous serment par une commission d'enquête parlementaire.
2. Aucun principe général du droit pénal ne s'oppose à l'audition sous serment d'un témoin, en dehors du cadre de poursuites judiciaires, par une instance qui n'appartient pas au pouvoir judiciaire, même si la personne entendue était déjà inculpée lors d'une instruction en cours sur les mêmes faits.
3. Le fait d'ajouter à un dossier répressif, en vue d'une instruction ultérieure sur ce point, une déclaration forcée faite sous serment par l'inculpé devant une commission d'enquête parlementaire, peut violer de manière irréparable les droits de la défense.
4. a) L'action publique peut légalement être déclarée irrecevable pour d'autres motifs que ceux prévus par les articles contenus au chapitre II du Titre préléminaire du Code de procédure pénale, l'article 216 du Code d'instruction criminelle et les articles contenus au titre III, chapitre I er , du Code d'instruction criminelle.
b) Le juge pénal qui conclut que l'action publique est irrecevable, ne peut plus examiner la valeur probante des autres éléments invoqués à l'appui du fondement de cette action publique.
5. Le juge d'instruction qui est appelé à faire procéder à toutes les investigations utiles à la manifestation de la vérité, doit s'abstenir d'effectuer des investigations et d'utiliser des documents qui mettent en péril les droits de la défense (C.I.C., art. 61).
6. Lorsque, au cours de l'information, les droits de la défense ont été violés de manière incompatible avec les dispositions légales en matière d'information, le juge peut décider qu'en raison de cette violation, un procès équitable est impossible, même si le prévenu n'a pas contredit les éléments recueillis irrégulièrement.
7. Une déclaration faite sous serment devant une commission d'enquête parlementaire ne peut, légalement, être invoquée contre celui qui l'a faite; elle ne vaut qu'à titre de renseignement et il peut la révoquer librement.
8. Est également justifiée la décision du juge qui, après avoir décidé que l'action publique est irrecevable au moment où la juridiction de jugement a été saisie, se déclare sans pouvoir pour statuer sur les actions civiles.
En ce qui concerne les dépositions faites sous serment, un membre souligne que la commission d'enquête sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme a résolu les problèmes soulevés par l'arrêt Transnuklear en déclarant aux témoins qu'elle convoquait qu'ils n'étaient pas tenus de prêter serment.
Un autre orateur estime qu'en la matière, il y a lieu d'établir une distinction suivant que la commission siège ou non en tant que commission d'enquête.
Les travaux de la commission parlementaire d'évaluation des services de police et de renseignements ont en effet démontré qu'en l'absence de contraintes pénales, la plupart des témoins se contentent de faire des déclarations insignifiantes et refusent de répondre aux questions ciblées des parlementaires. L'on pourrait arguer de ce résultat décevant pour justifier l'élargissement des compétences des commissions d'enquête parlementaire.
C'est pour cette raison que le quatrième alinéa de l'article 8 proposé à l'article 4 dispose que les témoins et les experts font le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le problème délicat de l'équilibre entre la présomption d'innoncence, d'une part, et l'obligation de témoigner sous serment, avec le risque de faire des déclarations compromettantes pour soi-même, d'autre part, est réglé au dernier alinéa de l'article 8 proposé, lequel dispose que sans préjudice de l'invocation du secret professionnel visé à l'article 458 du Code pénal, tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner.
Par conséquent, si un suspect peut être tenu de prêter serment, il a également le droit de ne pas témoigner.
À ce sujet, l'on peut établir un parallèle avec l'arrêt rendu le 13 juin 1966 par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Miranda contre l'État d'Arizona, qui a précisé la portée du cinquième amendement de la Constitution (« No person... shall be compelled in any criminal case to be a witness against himself... »).
Toutefois, lorsqu'une personne refuse de faire, sous serment, une déposition qui pourrait être compromettante pour lui, cela fait naître à son encontre une présomption négative qui pourra donner lieu à une information. Le droit de refuser de témoigner ne procure donc qu'un protection relative à l'intéressé.
En ce qui concerne l'article 8 proposé, dernier alinéa, un membre souhaite savoir pour quelle raison il faut adopter en la matière une disposition différente de celles qui régissent la prestation du serment devant le juge d'instruction et les juridictions pénales.
Ne suffit-il pas de se référer au droit commun de la procédure pénale ?
L'auteur de la proposition de loi répond que le juge d'instruction ne fait pas prêter serment aux personnes qu'il interroge et envers lesquelles il nourrit des soupçons. Les prévenus ou les accusés qui comparaissent devant une juridiction répressive ne sont pas non plus tenus de prêter serment.
La jurisprudence suivant laquelle le refus de répondre à certaines questions, même dans les cas où l'on pense que le témoin mettrait ainsi en cause sa propre responsabilité pénale, équivaut à la non-comparution, est une autre considération justifiant l'insertion du dernier alinéa de l'article 8 proposé. Ce délit d'audience est sanctionné immédiatement (cf. articles 80 et 157 du Code d'instruction criminelle).
L'intervenant se réfère à la Commission sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme qui, dans un premier temps, convoquait exclusivement les témoins qui avaient eux-mêmes proposé de faire des déclarations devant la commission. Par contre, plusieurs personnes ont refusé de répondre aux invitations à comparaître qui leur avaient été envoyées. Cette attitude de refus a progressivement disparu.
C'est pourquoi il se réjouit de ce que le septième alinéa de l'article 8 proposé impose une sanction pénale aux personnes qui refusent d'être entendues comme témoin.
5. Commissions d'enquête parlementaire dans les Conseils de communauté et de région
Plusieurs membres estiment que les deux propositions de loi définissent la manière de laquelle les Chambres fédérales exercent le droit d'enquête qui leur est attribué par la Constitution.
Les autres assemblées sont libres d'adopter ce texte tel quel ou de le modifier.
Il est donc superflu de se concerter avec elles. Comme une concertation porterait atteinte à leur autonomie, elle n'est même pas souhaitable.
Voir l'introduction et la discussion générale (pp. 8-11 et 18-19) pour la justification de la procédure bicamérale obligatoire imposée par cet article.
L'article 1er est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
2. Article 1er bis (article 2 du texte adopté)
Afin de délimiter clairement par rapport à l'enquête judiciaire la portée du droit d'enquête institué par l'article 56 de la Constitution, le ministre propose de modifier l'article 1er de la loi du 3 mai 1880 comme suit :
« L'exercice du droit d'enquête conféré aux Chambres par l'article 56 de la Constitution est réglé par les dispositions suivantes. Il s'entend de toute enquête décidée par une Chambre à l'exclusion des enquêtes répressives menées par le pouvoir judiciaire conformément à la loi. »
La ratio legis de cette proposition est de dire que chaque Chambre a pleine compétence en matière de droit d'enquête, mais qu'elle ne peut se substituer à d'autres pouvoirs dans l'exercice de cette compétence. On ne peut restreindre les fonctions de recherche, d'instruction et de juridiction, puisqu'elles ont une finalité différente de celle que les Chambres poursuivent par une enquête parlementaire.
Certains faits peuvent par conséquent faire l'objet d'une enquête parlementaire comme d'une enquête judiciaire, étant entendu que chaque enquête a sa finalité propre.
En d'autres termes, un concours est possible pour autant que l'enquête parlementaire a une finalité politique, c'est-à-dire qu'elle poursuit des objectifs politiques et que, ce faisant, elle ne contrarie pas les compétences conférées par la loi au pouvoir judiciaire en matière de recherche et de poursuite.
Cela signifie qu'une commission d'enquête parlementaire ne peut se substituer à l'appareil judiciaire, mais qu'elle peut analyser, en marge de l'enquête judiciaire, les aspects qui n'en font pas partie au sens strict.
Le drame du Heysel en est un exemple : la commission d'enquête ne pouvait rechercher qui était responsable sur le plan pénal, mais elle pouvait se pencher sur la question de savoir comment les stades étaient construits, comment la gendarmerie était organisée, etc.
M. Erdman dépose l'amendement suivant (nº 1) :
« Insérer un article 1er bis (nouveau), libellé comme suit :
« Art. 1er bis. L'article 1er de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires est remplacé par ce qui suit :
« L'exercice du droit d'enquête conféré aux Chambres législatives par l'article 56 de la Constitution est réglé par les dispositions suivantes :
Ce droit d'enquête ne comprend pas les enquêtes judiciaires, mais vise un droit d'enquête inscrit dans la Constitution et s'exerçant par des moyens empruntés au Code d'instruction criminelle. »
Le rapporteur n'a pas en soi d'objection à l'encontre de l'amendement, mais il se demande s'il ne suffirait pas de mentionner le second alinéa proposé dans les travaux préparatoires en guise de commentaire de l'article 1er de la loi du 3 mai 1880, et en particulier de la portée du droit d'enquête.
M. Erdman souligne que son amendement est précisément emprunté au commentaire de la proposition de loi (cf. Doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-148/1, p. 2, in fine ).
Même si l'on peut considérer l'amendement comme superflu, un tant soit peu, il a malgré tout le mérite de mettre en lumière la finalité de l'enquête parlementaire par rapport à l'enquête judiciaire.
L'intervenant suivant préfère la proposition du ministre. Il estime que l'amendement est mal rédigé et peu cohérent.
L'auteur de l'amendement reconnaît que sa proposition doit être débarrassée d'éléments superflus (par exemple : « Ce droit d'enquête ... vise un droit d'enquête inscrit dans la Constitution... »). Son texte répond toutefois à la volonté de distinguer l'une de l'autre, selon leur finalité, l'enquête judiciaire et l'enquête parlementaire.
En ce qui concerne la proposition du ministre, il craint que la seconde phrase, et en particulier les mots « à l'exclusion de », ne soient interprétés comme une interdiction d'ouvrir une enquête parlementaire sur des faits qui font déjà l'objet d'une enquête judiciaire, ce qui implique une restriction du droit d'enquête garanti par la Constitution.
Les textes de loi ayant une existence autonome, il n'est pas illusoire de craindre que, si cette proposition est retenue, l'exception qu'elle contient ne soit interprétée comme un moyen de forme ou de fond.
Le rapporteur est du même avis. La disposition proposée par le ministre donne la priorité à l'enquête judiciaire sur l'enquête parlementaire, ce qui est contraire à la thèse selon laquelle le concours des deux enquêtes doit être possible, notamment parce que chacune a sa finalité propre. Si cette proposition est adoptée, les instances judiciaires disposeront d'un fondement juridique pour refuser la consultation des pièces d'un dossier judiciaire.
Vu le caractère trompeur de la formulation, il préconise d'adopter l'amendement de M. Erdman, moyennant quelques corrections de forme.
Plusieurs membres sont du même avis. Le problème du concours d'une enquête parlementaire et d'une enquête judiciaire n'a pas été vraiment approfondi lors de la discussion du projet de loi qui est devenu la loi du 3 mai 1880. Il a bien été dit par contre que, dans l'exercice de leur droit d'enquête, les Chambres ne pouvaient s'immiscer dans les enquêtes judiciaires en cours.
Il est toutefois inacceptable que, si une commission d'enquête parlementaire est chargée d'examiner les problèmes structurels posés par le fonctionnement du pouvoir judiciaire, elle ne puisse accomplir convenablement sa mission parce qu'elle ne pourrait prendre en considération des faits qui font l'objet d'une enquête judiciaire.
Quand on sait que certaines enquêtes judiciaires qui affectent profondément la société durent déjà depuis seize ans et ne sont toujours pas terminées, on pourrait paralyser complètement une enquête parlementaire en se prévalant du texte proposé par le ministre. Cette disposition donne, en effet, l'impression qu'aucune enquête parlementaire ne peut être ouverte pour des faits qui font déjà l'objet d'une enquête judiciaire.
Au vu de ce qui précède, ces membres estiment que le second alinéa de l'article 1er bis proposé dans l'amendement est superflu en soi, mais qu'on peut le maintenir comme un « extra » afin d'indiquer que l'enquête judiciaire et l'enquête parlementaire ont une finalité distincte, sans qu'un concours des deux enquêtes soit toutefois exclu.
Le ministre déclare qu'il existe un large consensus sur la finalité de l'enquête parlementaire et sur le principe de son concours avec l'enquête judiciaire. Le fait qu'une enquête judiciaire est en cours sur certains faits n'exclut par conséquent nullement, contrairement à la réglementation française, que l'on puisse décider d'ouvrir aussi une enquête parlementaire.
Aussi faut-il dire clairement dans le texte de la loi qu'une enquête parlementaire ne peut se substituer à l'enquête judiciaire et qu'en cas de concours, elle ne peut faire obstacle à cette dernière.
L'intervenant reconnaît que la disposition contenue dans sa proposition, et surtout les mots « à l'exclusion des enquêtes répressives », peuvent donner lieu à une interprétation restrictive, de sorte que le concours d'une enquête judiciaire et d'une enquête parlementaire devient de facto impossible.
Un membre déclare qu'en vertu de l'article 33 de la Constitution, tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution. Cela signifie que, si l'on dispose que l'enquête parlementaire ne peut se substituer à l'enquête judiciaire, le pouvoir judiciaire ne doit nullement en déduire qu'aucune enquête parlementaire ne peut être ouverte au sujet des mêmes faits.
L'enquête parlementaire peut donc être ouverte aussi bien avant que pendant et après une enquête judiciaire relative à la même affaire.
Le ministre comme la commission partagent ce point de vue.
Le premier préconise toutefois une disposition énumérant les objectifs distincts de l'enquête judiciaire et de l'enquête parlementaire.
Plusieurs membres font remarquer qu'aux termes de l'article 56 de la Constitution, le droit d'enquête parlementaire n'est pas lié à un but.
Le droit d'enquête parlementaire est général, mais on peut déduire du système de la séparation des pouvoirs consacrés dans la Constitution que l'enquête en matière répressive ne peut être menée par le Parlement.
L'enquête parlementaire ne peut donc prendre la forme d'une enquête pénale ni en poursuivre les objectifs.
Le ministre se demande si l'on ne pourrait résoudre les problèmes rédactionnels que pose la distinction entre l'enquête parlementaire et l'enquête judiciaire en précisant que l'enquête parlementaire ne peut se substituer à l'instruction judiciaire. On pourrait ajouter que le concours est possible, mais que l'enquête parlementaire et l'enquête judiciaire diffèrent l'une de l'autre par la forme et la finalité.
La crainte de voir le pouvoir judiciaire invoquer la disposition selon laquelle l'enquête parlementaire ne peut se substituer à l'enquête judiciaire pour refuser à une commission d'enquête parlementaire le droit de consulter les pièces d'un dossier judiciaire ne lui paraît pas fondée, vu que l'article 4, § 4, proposé confère un droit de consultation aux commisions d'enquête.
Un membre propose de faire ressortir la distinction entre enquête judiciaire et enquête parlementaire à l'article 4, § 1er , proposé, qui serait rédigé comme suit :
« La Chambre ou la commission, ainsi que leur président pour autant que celui-ci y est habilité, peuvent prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle. À cette occasion, la Chambre ne peut jamais se substituer au pouvoir judiciaire. »
L'article 1er de la loi du 3 mai 1880 ne serait pas modifié, hormis la référence à l'article 56 de la Constitution au lieu de l'article 40.
Un autre membre soutient cette proposition parce qu'elle pose comme principe général que le droit d'enquête parlementaire est illimité, mais que l'exercice de ce droit ne peut entrer en conflit avec la manière dont le pouvoir judiciaire exerce ses prérogatives constitutionnelles.
M. Erdman et consorts déposent l'amendement suivant :
« Insérer un article 1er bis (nouveau), libellé comme suit :
« Art. 1er bis. L'article 1er de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires est remplacé par ce qui suit :
« Art. 1er . Le droit d'enquête, conféré aux Chambres législatives par l'article 56 de la Constitution, a un autre objet qu'une enquête judiciaire. En cas de concours d'une enquête parlementaire et d'une enquête judiciaire, le déroulement de cette dernière ne peut être entravé.
L'exercice du droit d'enquête est réglé par les dispositions suivantes. »
M. Lallemand dépose un sous-amendement (nº 20) à l'amendement de M. Erdman et consorts (nº 7), rédigé comme suit :
« Remplacer l'article 1er bis (nouveau) proposé par ce qui suit :
« Art. 1er bis. L'article 1er de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires est remplacé par ce qui suit :
« Art. 1er . Les Chambres exercent le droit d'enquête conféré par l'article 56 de la Constitution, conformément aux dispositions suivantes.
Les enquêtes menées par les Chambres ne se substituent pas à celles du pouvoir judiciaire, avec lesquelles elles peuvent entrer en concours, sans toutefois en entraver le déroulement. »
Justification
L'article 56 de la Constitution confère aux Chambres un droit d'enquête sans restriction, et donc le plus étendu. Il n'est donc pas contestable qu'une enquête parlementaire pourrait avoir le même objet qu'une enquête judiciaire, à savoir une infraction particulière, ou même un but identique, à savoir l'identification des auteurs de l'infraction.
Délimiter l'enquête parlementaire en distinguant son objet ou ses finalités de l'enquête judiciaire pourrait donc être source d'ambiguïté.
Il n'est pas non plus de la compétence du législateur d'interpréter la volonté du constituant quand celle-ci est claire, en limitant la portée d'une disposition constitutionnelle, alors que celle-ci est claire.
Il serait donc peu adéquat de définir les limites de l'enquête parlementaire dans la loi, que ce soit en précisant son objet, ses finalités, ou toute autre différence par rapport à l'enquête judiciaire.
Le problème soulevé semble en réalité porter sur la nécessité de préserver la spécificité de l'enquête judiciaire, et son indépendance par rapport à l'enquête parlementaire.
Au demeurant, la différence entre le pouvoir judiciaire et les Chambres, en ce qui concerne le droit d'enquête, apparaît déjà dans la disposition constitutionnelle, puisque les Chambres n'ont pas été investies d'un pouvoir de poursuite.
Afin de bien établir la distinction, l'amendement proposé précise donc que l'enquête parlementaire peut concourir avec l'enquête judiciaire, mais qu'elle ne peut s'y substituer, ni en entraver le déroulement.
Le sous-amendement de M. Lallemand (nº 20) est adopté comme l'article 2 (nouveau) à l'unanimité des 11 membres présents.
Les amendements de M. Erdman (nº 1 et 7) sont rejetés avec le même vote.
Art. 2
L'article 1er de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires est remplacé par ce qui suit :
« Art. 1er . Les Chambres exercent le droit d'enquête conféré par l'article 56 de la Constitution, conformément aux dispositions suivantes.
Les enquêtes menées par les Chambres ne se substituent pas à celles du pouvoir judiciaire, avec lesquelles elles peuvent entrer en concours, sans toutefois en entraver le déroulement. »
3. Article 1er ter (article 3 du texte adopté)
M. Bourgeois estime, notamment en raison de l'absence de toute disposition relative à la mission d'une commission d'enquête dans le règlement, qu'il appartient à la Chambre de la définir. Dès lors, les travaux d'une commission peuvent être évalués en permanence à la lumière de la mission qui lui a été confiée et l'enquête se déroule dans un cadre de référence précis. L'on évite ainsi qu'une commission d'enquête puisse étendre ou restreindre elle-même sa mission. Seule la Chambre concernée a compétence pour le faire. C'est une chose qu'il ne faut toutefois pas mentionner explicitement dans la loi, puisqu'elle découle logiquement du principe selon lequel c'est la Chambre qui définit la mission de la commission.
Pour toutes ces raisons, l'intervenant dépose deux amendements (nºs 2 et 6) :
1. « Insérer un article 1er ter (nouveau), libellé comme suit :
« Art. 1er ter. L'article 2 de la loi du 3 mai 1880 est complété par les dispositions suivantes :
« Elle définit la mission de la commission. En cas de concours d'une enquête parlementaire et d'une enquête judiciaire, le déroulement normal de cette dernière ne peut être entravé. »
Justification
1) L'article 4 règle les méthodes de travail de la Chambre ou de la commission : les possibilités d'enquête, la désignation de magistrats, etc.
L'article 2 initial de la loi dispose simplement que la Chambre ou la commission peut étendre ou restreindre la mission au cours d'une enquête. Il est également indiqué de prévoir à cet article 2 que la Chambre détermine la mission et définit de la sorte la compétence de la commission. Il appartient à la Chambre seule, et non à la commission, d'étendre ou de restreindre la mission.
2) L'enquête parlementaire et l'enquête judiciaire ont chacune leur propre finalité. Il est généralement admis que l'objectif ne peut être de faire en sorte qu'une enquête parlementaire se substitue à une enquête judiciaire. Ces deux types d'enquêtes doivent pouvoir suivre un déroulement parallèle, dans le respect de leur finalité spécifique. Pour autant que nous sachions, seule la législation française prévoit qu'une enquête parlementaire ne peut pas coïncider avec des poursuites pénales concernant les mêmes faits. La simultanéité de ces deux types d'enquêtes est toutefois possible aux Pays-Bas, en Allemagne et aux États-Unis. Dans l'intérêt général et dans celui des personnes intéressées, il convient qu'une enquête judiciaire puisse suivre son cours normal, même si une enquête parlementaire relative aux mêmes faits est ouverte.
2. « Supprimer le deuxième alinéa de l'article 4, § 1er , proposé. » (Voir l'article 3 de la proposition.)
Justification
Voir l'amendement insérant un article 1er ter (nouveau).
L'auteur de l'amendement visant à supprimer le deuxième alinéa de l'article 4, § 1er , proposé, note que la disposition en question a une autre portée que celle du deuxième alinéa de l'article 4, § 1er , qui est toujours en vigueur et aux termes de laquelle la Chambre a le droit, chaque fois qu'elle ordonne une enquête, de restreindre les pouvoirs attribués au juge d'instruction par le Code d'instruction criminelle.
Selon lui, il convient d'interpréter le deuxième alinéa de l'article 4, § 1er , proposé et, en particulier, le mot « mission », en ce sens que la Chambre peut restreindre les pouvoirs qu'a la commission d'accomplir certains devoirs d'instruction. Elle pourrait, par exemple, interdire à la commission de confronter des témoins entre eux ou de faire des perquisitions.
C'est pourquoi il propose de supprimer le deuxième alinéa de l'article 4, § 1er , proposé, et de maintenir la disposition actuelle.
Un membre déclare que les deux amendements de M. Bourgeois ne sont pas contradictoires. S'il appartient à la Chambre de définir la mission de la commission d'enquête, il lui est, bien entendu, loisible aussi de l'étendre ou de la restreindre au cours de l'enquête.
Si l'on souhaite restreindre la compétence qu'a la commission d'enquête pour accomplir tous les devoirs d'instruction, l'on doit prévoir explicitement dans la loi la possibilité pour la Chambre concernée de le faire.
Un autre membre estime qu'une telle restriction est inconciliable avec la finalité du droit d'enquête parlementaire. Il y a lieu, en effet, de se demander sur quel critère la Chambre se fondera pour décider de priver une commission d'enquête de la possibilité d'accomplir certains devoirs d'instruction ?
Opérer une restriction de cette nature revient à réduire les possibilités d'enquête dont dispose la commission, ce qui est inacceptable.
La commission partage ce point de vue.
Comme il est souhaitable que la Chambre définisse sa mission, même lorsqu'elle effectue elle-même l'enquête, M. Hotyat dépose l'amendement suivant (nº 21) :
« Insérer un article 1er ter (nouveau), rédigé comme suit :
« Article 1er ter. À l'article 2 de la loi du 3 mai 1880, les mots « , dans le cadre de la mission qu'elle définit, » sont insérés entre les mots « Chaque Chambre » et le mot « exerce ».
L'amendement de M. Bourgeois (nº 6) est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
L'amendement de M. Hotyat (nº 21) est adopté comme à l'article 3 (nouveau) à l'unanimité des 11 membres présents.
L'amendement de M. Bourgeois (nº 2) est rejeté avec le même vote.
Art. 3
À l'article 2 de la même loi, les mots « , dans le cadre de la mission qu'elle définit, » sont insérés entre les mots « Chaque Chambre » et le mot « exerce ».
a) Texte de la proposition de loi
Art. 2
L'article 3 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires est remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 3. La commission est constituée et elle délibère conformément aux règles établies par la Chambre.
Tout membre de la Chambre a le droit d'assister à l'enquête de la commission, à moins que la Chambre ne décide le contraire.
Les séances où l'on entendra des témoins ou des experts sont publiques, à moins que la commission ne décide le contraire.
Les membres de la commission ainsi que ceux qui, à un titre quelconque, assistent ou participent à ses travaux, sont tenus à la discrétion en ce qui concerne l'information fournie au cours des séances non publiques de la commission.
La commission peut lever l'obligation de discrétion. »
1. Répression de la violation de l'obligation de discrétion
Le ministre propose de compléter l'article 3, quatrième alinéa, proposé par ce qui suit :
« Toute violation de l'obligation de discrétion sera sanctionnée conformément à l'article 458 du Code pénal. »
En vue de l'application de cette disposition, le ministre juge toutefois opportun de remplacer la notion de discrétion par le mot « secret », parce que ce dernier a une signification plus stricte.
L'auteur de la proposition de loi n'est pas partisan de rendre cette violation punissable, et ce pour les raisons suivantes :
1º le secret de l'instruction en matière pénale n'est pas prescrit par la loi. Il est considéré comme un principe général de procédure pénale, dérivé du secret profesionnel auquel les collaborateurs de la justice sont tenus en vertu de l'article 458 du Code pénal. Compte tenu du nombre des communiqués de presse et des informations diffusés sur les enquêtes en cours, on peut difficilement encore considérer ce secret comme absolu;
2º lorsque le Parlement prend connaissance d'un dossier judiciaire, il le fait non pas en vue d'accomplir des actes d'instruction, mais en vertu de l'article 56 de la Constitution. Les membres d'une commission d'enquête ne peuvent donc pas être assimilés à un juge d'instruction ou un officier de police judiciaire. Il serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs que l'instruction judiciaire soit effectuée par le Parlement plutôt que par les institutions mentionnées dans la Constitution.
La mission que le Parlement est appelé à remplir doit être vue sous l'angle du droit public et sous l'angle politique, mais non sous l'angle pénal;
3º en vertu de l'article 4, § 4, proposé, une commission d'enquête parlementaire ne peut pas sans plus prendre connaissance d'un dossier judiciaire. Un « filtre » a été incorporé dans la procédure, en ce sens que le procureur général près la cour d'appel peut, par décision motivée, refuser l'accès à certains documents pour des raisons qui peuvent être justifiées d'une manière parfaitement objective. Il ne fait aucun doute que le droit, pour une commission d'enquête parlementaire, de consulter des dossiers judiciaires constitue une source potentielle de conflits entre, d'une part, une partie de la magistrature et, d'autre part, le pouvoir législatif. Lorsque, dans ce contexte, certaines déclarations ou révélations de membres d'une commission d'enquête peuvent entraîner des poursuites pénales, on trace une limite déterminée qui peut restreindre le droit d'enquête du Parlement. C'est pourquoi l'incrimination proposée ne figure pas dans la législation des pays voisins, à l'exception de celle de la France;
4º On peut s'interroger sur le fondement de la règle selon laquelle les membres d'une commission d'enquête parlementaire sont tenus au secret professionnel et ne peuvent avoir accès à un dossier répressif qu'à des conditions bien définies, lorsque le ministre de la Justice a, en tant que chef du parquet, le pouvoir de désigner des professeurs pour examiner sans la moindre restriction un ensemble de dossiers répressifs;
5º L'imposition d'un secret professionnel aux membres d'une commission d'enquête parlementaire en vertu de l'article 458 du Code pénal n'est pas compatible avec l'article 58 de la Constitution, qui dispose qu'aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.
Si l'on acceptait le principe du secret professionnel pour les parlementaires, cela signifierait qu'il faudrait voter une loi instituant le secret professionnel chaque fois qu'une demande de levée de l'immunité parlementaire serait examinée.
À la question de savoir si la révélation d'informations confidentielles est réputée être l'expression d'une opinion ce pourquoi un parlementaire ne peut être poursuivi ou la communication d'un fait, il est répondu que la ligne de démarcation est extrêmement difficile à tracer dans la pratique. Il est généralement admis qu'un parlementaire jouit d'une immunité totale pour toutes les déclarations et tous les écrits dont il est l'auteur dans le cadre des travaux parlementaires, tant au pénal qu'au civil, aussi bien durant l'exercice de son mandat parlementaire qu'après l'expiration de celui-ci (cf. ALEN, A., Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Deurne, Kluwer Rechtswetenschappen België, 1995, p. 165).
Sur la base de ce qui précède, plusieurs commissaires estiment qu'il faut forcer le repect de l'obligation de secret par une sanction parlementaire, politique, prévue par la Chambre concernée dans son règlement, telle l'exclusion du membre de la commission (cf. les Comités P et R).
Le ministre fait valoir qu'une telle formule peut avoir un effet destructeur tant sur l'instruction en question que sur la carrière politique du parlementaire intéressé.
Il adhère au point de vue selon lequel dès qu'une personne est impliquée dans un dossier judiciaire soumis à l'obligation de secret, elle est tenue de se conformer à cette règle. Si la violation de cette obligation n'est pas sanctionnée, on ouvre la voie à divers abus (par exemple des fuites).
On peut d'ailleurs se demander si la violation du secret par des membres d'une commission d'enquête parlementaire ne peut pas également entraîner la nullité d'une instruction judiciaire en cours.
L'auteur de la proposition de loi répond que la Cour européenne des droits de l'homme a déjà rejeté différentes actions en nullité dans des cas analogues.
En ce qui concerne la Belgique, il considère que l'affaire Transnuklear ne comporte pas les éléments permettant de trancher cette question de droit (cf. supra ).
Un commissaire estime l'heure venue de nous défaire de la manie, dont notre droit est coutumier, de vouloir assortir chaque prescription d'une sanction.
Il reconnaît que cette conception est difficile à appliquer dans le cas présent, parce que la violation du secret de l'instruction par des personnes autres que les membres d'une commission d'enquête a, elle, été rendue punissable.
Il est cependant de plus en plus enclin à qualifier le secret de l'instruction judiciaire de mythe.
S'accrocher à ce principe ne rime plus à rien, compte tenu de l'évolution vers une plus grande ouverture.
L'appareil judiciaire n'y a d'ailleurs pas intérêt.
Le ministre réplique que dans la mesure où l'on tend à la transparence sur le plan légal, le principe du secret, qui restera applicable dans certains cas et dans des conditions bien définies, doit être accentué.
Le préopinant déclare que dans cette optique, une plus grande responsabilité reposera sur les épaules de ceux qui ont accès à un dossier judiciaire.
Le ministre note que cette responsabilité découle de sa proposition visant à punir la violation de l'obligation de secret conformément à l'article 458 du Code pénal.
Du reste, l'avantage de l'imposition de cette obligation par voie légale est que sa violation constitue une faute qui, en vertu de l'article 1382 du Code civil, entraîne l'obligation de réparation.
Il se rallie néanmoins à la proposition visant à assortir cette violation d'une sanction politique que chaque assemblée disposant du droit d'enquête prévoirait dans son règlement.
Un problème se pose toutefois lorsque des pièces d'un dossier judiciaire couvertes par le secret de l'instruction sont communiquées à la commission et que l'obligation de discrétion n'est pas respectée à leur égard.
En pareil cas, le ministre propose d'appliquer malgré tout l'article 458 du Code pénal, parce que dans de telles circonstances, la commission d'enquête est associée au secret de l'instruction. Pour le surplus, la violation de l'obligation de discrétion pourrait être sanctionnée conformément au règlement de la Chambre concernée.
Un membre souligne que l'enjeu du problème est le crédit même de l'institution parlementaire. Si l'on entend un témoin sous le bénéfice du secret, en lui garantissant la discrétion parce que, par hypothèse, les informations qu'il va livrer sont susceptibles d'avoir des conséquences graves, et que les parlementaires ne sont pas sanctionnés pour la violation de cet engagement, leur crédit risque d'être sérieusement ébranlé.
À cet égard, la disposition prévue à l'alinéa 5 de l'article 3 proposé selon laquelle la commission peut lever l'obligation de discrétion, est très importante, parce qu'elle donne au système une souplesse considérable et essentielle. Il peut se faire qu'une commission d'enquête estime, à un moment donné, qu'une information considérée comme secrète ne doive plus l'être, dans l'intérêt du public et de l'État belge.
L'absence, dans la législation actuelle, d'une obligation de discrétion a certainement produit des effets pervers.
Certaines juridictions ont été jusqu'à tirer argument de cette lacune, non seulement pour autoriser certaines personnes à ne pas témoigner, mais même pour en condamner d'autres qui avaient fait devant une commission d'enquête des dépositions qui étaient considérées comme publiques et pouvaient dès lors passer pour une dénonciation calomnieuse.
L'intervenante suivante partage le point de vue selon lequel, si le devoir de discrétion des parlementaires n'est pas sanctionné, non seulement la crédibilité de la commission, mais également son efficacité, peuvent s'en trouver affectés.
En effet, il est à craindre que certaines informations ne soient pas livrées par ceux qui les possèdent, étant donné le risque qu'ils pourraient courir, surtout lorsque ces informations relèvent du secret de l'instruction.
Le travail des commissions d'enquête, les tentations auxquelles les parlementaires se trouvent parfois soumis, et les sollicitations pressantes dont ils font l'objet de la part, notamment, de la presse, justifient qu'on les prémunisse contre ces risques.
Le groupe dont l'intervenante fait partie était donc a priori favorable à une formule selon laquelle les parlementaires seraient tenus à la discrétion selon la formule et avec la sanction de l'article 458 du Code pénal sans que la commission ne puisse lever cette obligation de discrétion.
À cette fin, elle propose de modifier l'article 3 proposé comme suit :
« 1. À l'article 3 proposé, modifier l'alinéa 4 par le texte suivant :
« Hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à révéler les secrets dont ils sont dépositaires, les membres de la commission ainsi que toute personne assistant ou participant, à un titre quelconque, à ses travaux, ne peuvent révéler les informations dont ils prennent connaissance au cours des séances non publiques de la commission ou les renseignements visés à l'article 4, § 4, de la loi. »
2. Au même article, supprimer l'alinéa 5. »
Justification
L'auteur de la proposition insiste à juste titre sur la nécessité de garantir la discrétion des travaux des commissions d'enquête, « parce que le droit d'enquête des Chambres a trop souvent été mis en cause du fait que certains membres avaient tendance à prendre des libertés avec cette obligation » (i.e. l'obligation à la discrétion des travaux).
Il y va donc de l'efficacité même des commissions d'enquête.
L'on peut toutefois se demander si le texte proposé apporte une réponse adéquate au problème posé : instituer à charge des membres et des participants aux commissions d'enquête un simple devoir de discrétion, non autrement sanctionné, confine à la déclaration d'intention.
Or, la proposition prévoit par ailleurs que les commissions d'enquête ont en principe accès aux informations couvertes par le secret de l'instruction. Elle vise également à exonérer de toute poursuite les déclarations des dépositaires d'un secret professionnel appelés à témoigner devant les commissions d'enquête.
Le secret de l'instruction et le secret professionnel justifient à suffisance que les membres et les participants aux commissions d'enquête soient eux-mêmes obligés de ne pas révéler les secrets qu'on leur confie. Il s'impose dès lors de soumettre ces membres et ces participants aux sanctions de l'article 458 du Code pénal.
Appliqué à des parlementaires, l'article 458 du Code pénal paraît heurter le prescrit de l'article 58 de la Constitution. Le Conseil d'État a toutefois estimé à cet égard que si en ce qui concerne les membres des assemblées, « il faut reconnaître que la liberté d'expression revêt une importance particulière pour les représentants élus du peuple », « cette liberté n'est toutefois pas absolue et peut dès lors être soumise à certaines restrictions, à conditions que celles-ci soient « nécessaires » dans une société démocratique. Le Conseil d'État estime qu'une restriction de la liberté d'expression, imposée en vue de sauvegarder le caractère secret de l'instruction, peut trouver une justification dans une mise en balance des intérêts respectifs » (Avis C.E. du 22 août 1995 sur l'avant-projet de loi portant exécution de l'article 103 de la Constitution, doc. Chambre, S.E. 1995, nº 61/1, p. 66).
Enfin, la suppression de l'alinéa 5 s'impose si l'application de l'article 458 du Code pénal aux membres et participants des commissions d'enquête est retenue. Une commission d'enquête ne saurait en effet contrecarrer les effets d'une obligation légale au secret.
Un membre estime que c'est à juste titre que les auteurs de la proposition de loi utilisent l'expression « discrétion » et non le mot « secret ». Il rappelle que les parlementaires ne peuvent pas être poursuivis tant qu'ils se contentent d'exercer le droit à la liberté d'expression qui leur est reconnu par l'article 58 de la Constitution.
On peut bien sûr se demander dans quelle mesure l'opinion qu'ils défendent peut impliquer la violation d'un secret protégé par la loi.
En tout cas, l'interdiction qui serait faite à un parlementaire d'émettre une opinion sur des éléments dont il a pris connaissance au cours de l'examen d'une affaire devant une commission d'enquête serait contraire à la Constitution.
Le membre fait ensuite référence à d'autres pays, comme la France, dont la législation n'autorise pas le concours d'une enquête parlementaire et d'une instruction judiciaire.
André Alen a émis le commentaire suivant à ce sujet :
« Si, contrairement à d'autres pays, la Belgique n'interdit pas un tel concours, la confusion de l'enquête parlementaire et de l'instruction judiciaire peut entraîner une méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable. C'est notamment le cas lorsque la nature de cette confusion empêche le juge pénal de se former une opinion objective et indépendante. Lorsqu'une enquête parlementaire interfère avec une instruction judiciaire, elle peut, paradoxalement, avoir un effet tel que l'enquête reste sans suite » (ALEN, A., Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Deurne, Kluwer Rechtswetenschappen België, 1995, pp. 174-175) (traduction ).
L'orateur déclare que ce dernier argument n'est pas convaincant. Il existe, certes, des cas qui pourraient donner à penser que l'inertie que l'on constate dans certains dossiers judiciaires, peut résulter de l'intérêt du public et/ou des politiques pour cette instruction.
Pour ce qui est de la distinction que le ministre a faite entre la divulgation d'éléments d'une instruction judiciaire et la violation de l'obligation de discrétion relative à d'autres informations, il estime que la proposition d'appliquer l'article 458 du Code pénal dans le premier cas est contraire à l'article 58 de la Constitution.
En outre, si, dans le cadre d'une enquête parlementaire parallèle à une instruction judiciaire, la violation de l'obligation de secret par un membre de la commission constitue une infraction à l'article 458 du Code pénal, l'instruction risque d'être annulée en raison de celle-ci.
C'est pourquoi le membre se dit opposé à ce que l'on sanctionne en application de l'article 458 du Code pénal un parlementaire qui aurait violé un secret, et estime qu'il y aurait plutôt lieu de le sanctionner en application du règlement de l'assemblée concernée. Partant de son expérience des commissions d'enquête, il affirme que les cas de violation délibérée de l'obligation de secret sont assez rares, même si le comportement de certains a provoqué parfois une certaine irritation chez ceux qui avaient observé strictement cette obligation.
L'intervenant suivant se rallie à ce point de vue, notamment pour des raisons pratiques. L'exemple d'une conférence de presse donnée par un membre d'une commission d'enquête paraît quelque peu caricatural, et ne supposerait pas la levée de l'immunité de l'intéressé, puisqu'il y aurait flagrant délit.
Il s'agira bien plus souvent d'indiscrétions distillées au fur et à mesure, et à propos desquelles une enquête devra être menée alors qu'en l'état actuel des choses, et si l'on excepte la référence au secret professionnel, le fait de révéler des éléments d'un débat mené devant une commission d'enquête n'est pas constitutif d'un délit. L'intervenant est favorable à la solution consistant à charger chaque Chambre d'élaborer son système de sanctions internes, lesquelles seront sans doute beaucoup plus efficaces que des sanctions pénales.
En ce qui concerne la distinction entre « discrétion » et « secret », un membre déclare que le respect du secret est évidemment plus facile à contrôler. La notion de « discrétion » est plus difficile à définir, et elle peut varier notamment en fonction de la profession exercée.
L'intervenant déclare qu'il est en principe partisan de l'obligation de discrétion, mais il n'en formule pas moins des objections contre la proposition de faire sanctionner les violations par l'assemblée concernée. Qui décidera de retirer ou non un membre de la commission d'enquête, sur quelle base le fera-t-on et comment garantira-t-on que la décision de le faire n'aura pas été dictée par des considérations d'ordre politique, et, notamment, par des considérations relatives au rapport entre la majorité et l'opposition ? L'on devrait par conséquent préciser que le membre exclu sera remplacé par un parlementaire de son propre groupe politique.
Le rapporteur attire l'attention des membres sur le fait que l'obligation de secret existe en France comme aux Pays-Bas. Cependant, le système français est difficilement comparable au nôtre, puisqu'il ne permet pas de mener une enquête parlementaire sur des affaires qui font l'objet d'une instruction judiciaire. La France constitue une exception sous ce rapport; ni les États-Unis, ni les Pays-Bas, ni l'Allemagne ne connaissent une telle interdiction.
À noter que la législation néerlandaise ne sanctionne pas le non-respect de l'obligation de secret.
L'orateur partage l'avis selon lequel, dans notre système constitutionnel, le non-respect de cette obligation ne peut pas être puni d'une peine pénale. L'appréciation des violations de l'obligation de discrétion est d'ailleurs une question délicate qui peut susciter des conflits et donner lieu à une instruction. Au cas où l'on prévoirait de telles sanctions, les personnes qui voudraient entraver les travaux d'une commission d'enquête pourraient déposer plainte au moindre soupçon de violation du secret.
Le membre déclare qu'il sait, en outre, de par son expérience, que le manque de crédibilité et l'impuissance des commissions d'enquête sont dus en partie au fait que leurs membres ne sont soumis à aucune obligation de secret dont le respect soit garanti. C'est un grave handicap pour le bon fonctionnement de ces commissions, d'autant plus que certains témoins manifestent ouvertement leur méfiance. Il demande, dès lors, que l'on insère une disposition précisant que les violations de l'obligation de discrétion seront sanctionnées conformément au règlement de l'assemblée concernée.
Il s'oppose également à ce que la commission ait la possibilité de lever l'obligation de discrétion : il est dangereux de promettre le secret aux témoins ou aux experts dans un permier temps et de le lever entièrement ou partiellement par la suite. C'est d'autant plus dangereux lorsque la commission entend des membres de l'appareil judiciaire, ou dans les dossiers judiciaires.
Un membre estime que le terme « discrétion » peut prêter à confusion. Il demande à l'auteur principal de la proposition si c'est volontairement qu'il a préféré ce terme à celui de « secret » et, dans l'affirmative, pour quelle raison.
L'auteur de la proposition de loi rappelle que celle-ci résulte des travaux d'un groupe de travail mixte de la Chambre et du Sénat qui avait été chargé d'examiner la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires. Il renvoie aux pages 12 à 16 du rapport de MM. Mouton et Landuyt (Doc. Sénat, SE 1991-1992, nº 429-1), où l'on explique pourquoi le groupe de travail a préféré utiliser la notion d'« obligation de discrétion » à celle de « secret professionnel » dont question à l'article 458 du Code pénal. L'on n'a pas opté pour le mot « secret », parce qu'il renvoie au secret professionnel. L'obligation de discrétion implique que l'on doit en principe respecter le caractère confidentiel de l'information en question, mais cela n'a pas un caractère absolu.
L'intervenant précédent reste d'avis qu'une référence au terme « secret » dans sa signification générale serait préférable, le terme « discrétion » étant très ambigu.
Une autre membre observe qu'il semble bien exister des limitations à la liberté d'expression des parlementaires. Elle renvoie à cet égard à l'avis du Conseil d'État mentionné dans la justification de sa proposition de modification de texte (p. 52-53). L'intervenante continue à craindre que certaines personnes ne refusent de témoigner si elles n'ont pas de garanties suffisantes quant à la confidentialité des informations qu'elles fournissent. La distinction proposée par le ministre entre les informations couvertes par le secret de l'instruction et celles qui ne le sont pas, lui paraît difficile à mettre en oeuvre en pratique. Elle estime préférable d'étendre le secret à l'ensemble des délibérations de la commission d'enquête.
Un membre estime que cette dernière proposition est incompatible avec les travaux d'une commission d'enquête, parce qu'elle empêcherait la publication d'un rapport. Il est aberrant de vouloir témoigner à la condition que la discrétion soit assurée. En fait et en droit, les personnes convoquées sont obligées à témoigner, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi (c'est-à-dire lorsque la personne elle-même, la sécurité publique ou les bonnes moeurs pourraient être mises en danger).
L'auteur de la proposition de loi attire l'attention sur le fait que l'article 8 proposé à l'article 4 règle le point précité. D'après cette disposition, les témoins, notamment, sont soumis devant la commission aux mêmes obligations que devant le juge d'instruction.
En ce qui concerne la prestation de serment, il constate que l'article précité vise les témoins, les interprètes et les experts, mais ne mentionne pas les autres personnes qui assistent aux réunions d'une commission d'enquête (notamment le personnel administratif du Sénat). Cette lacune doit être comblée. En cas de violation du secret, ces personnes devraient être exclues de la commission. Nonobstant d'éventuelles sanctions statutaires, elles pourraient aussi être tenues pour responsables pénalement.
L'article 8 concerne encore un autre point, à savoir la portée de l'obligation de témoigner.
Le préopinant renvoie à l'article 3, premier alinéa, proposé, selon lequel la commission est constituée et délibère conformément aux règles établies par la Chambre. L'on pourrait insérer dans ce même article une disposition relative aux obligations du personnel administratif qui assiste aux réunions d'une commission d'enquête parlementaire.
Le ministre déclare que la proposition de loi à l'examen donne aux commissions d'enquête des armes particulièrement solides.
Elles pourraient aller bien plus loin que dans le passé, parce qu'elles peuvent prendre toutes les mesures d'instruction prévues dans le Code d'instruction criminelle. C'est pourquoi il convient d'imposer une obligation de secret. En cas de manquement à celle-ci, il faudrait faire une distinction entre les parlementaires et les autres personnes qui assistent aux travaux de la commission.
C'est pourquoi il propose de remplacer le quatrième alinéa de l'article 3 proposé par la disposition suivante :
« Les membres de la commission ainsi que ceux qui, à un titre quelconque, assistent ou participent à ses travaux, sont tenus au secret en ce qui concerne toute information fournie au cours des réunions non publiques de la commission ou tirée d'un dossier de procédure judiciaire.
Toute violation du secret par un membre de la commission sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre à laquelle il appartient. Ce membre pourra être exclu de la commission d'enquête. Les autres participants ou assistants aux travaux de la commission seront punis conformément à l'article 458 du Code pénal. »
Le cinquième alinéa de l'article 3 proposé serait supprimé.
L'on souligne que les membres de la commission d'enquête ne prêtent pas serment quant au secret sur les informations fournies au cours des réunions non publiques. Les autres personnes qui participent à ces réunions ou y assistent, par exemple les interprètes, les experts, les secrétaires de commission, sont, pour leur part, tenues au secret.
À la suite de l'échange de vues sur la question de savoir s'il n'est pas préférable d'instaurer, au lieu de l'obligation de discrétion assez vague, une obligation de secret stricte en ce qui concerne les informations fournies au cours des réunions non publiques de la commission, M. Desmedt dépose l'amendement suivant (nº 5) :
« À l'article 3 proposé, remplacer les alinéas 4 et 5 par ce qui suit :
« Les membres de la commission sont tenus au secret en ce qui concerne l'information fournie au cours des réunions non publiques de la commission. Tout membre qui ne respecte pas cette obligation de secret pourra être santionné de manière adéquate par la commission.
Toute personne qui, à un titre quelconque, assiste ou participe aux réunions non publiques de la commission est tenue, préalablement, de prêter serment de respecter le secret des débats. »
La violation du secret des débats non publics constitue une infraction à l'article 458 du Code pénal et est sanctionnée conformément aux dispositions de celui-ci.
En ce qui concerne l'amendement de M. Desmedt, le rapporteur déclare ne pas être pour l'instauration d'une obligation de secret. D'après lui, le secret vaut uniquement pour les informations fournies par le pouvoir judiciaire. La « discrétion » constitue au contraire une notion plus large il y aura moins souvent violation du secret que violation de la discrétion et s'applique dès lors aussi aux dépositions faites devant la commission.
Il faudrait dès lors expliquer clairement quelle est la distinction entre ces deux notions.
En outre, il n'est pas opportun, à ses yeux, que « la commission d'enquête puisse elle-même sanctionner de manière appropriée tout membre qui ne respecte pas cette obligation de secret ».
La compétence pour ce faire devrait être attribuée à la Chambre concernée, qui doit fixer les sanctions dans son règlement.
L'on exclut de cette façon l'improvisation et l'arbitraire.
C'est pourquoi l'intervenant dépose l'amendement suivant (nº 4) :
« Compléter le quatrième alinéa de l'article 3 proposé par la disposition suivante :
« Chaque Chambre prend les mesures nécessaires pour garantir le respect de l'obligation de discrétion. »
Justification
Une grande majorité considère que le respect de l'obligation de discrétion est essentiel pour qu'une commission d'enquête puisse bien fonctionner et pour placer les témoins et les experts dans un climat de confiance.
Il convient, par conséquent, de prévoir les moyens de faire respecter cette obligation de discrétion. Toutefois, il ne peut s'agir de sanctions pénales. Une règle interne s'impose donc, sous forme de règlement d'ordre intérieur de la Chambre elle-même.
Il ne s'oppose toutefois pas à la formule suggérée par le ministre :
« Toute violation du secret par un membre de la commission sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre à laquelle il appartient. »
Un membre se rallie à cette dernière proposition, mais n'estime pas que la notion de « secret » ait une portée trop limitée. Il pense que l'on ne peut donner une définition satisfaisante du point de vue juridique de la notion de « discrétion », contrairement à celle de « secret ». Il s'avère dès lors impossible de déterminer dans quels cas l'on peut parler ou non d'indiscrétion.
Un autre membre est partisan du maintien du terme « discrétion ». Il avance l'argument selon lequel l'obligation de secret est tout à fait contraire à l'un des principes fondamentaux de notre régime, à savoir que les membres des deux Chambres représentent la Nation (article 42 de la Constitution) et doivent en conséquence lui rendre des comptes.
Si l'on prévoit que les membres d'une commission d'enquête parlementaire doivent garder le secret pour « les matières délicates », qui sont suivies de près par les médias, l'on risque de voir les soupçons et la méfiance que l'opinion publique éprouve à l'égard du fonctionnement de certains services publics se retourner contre le Parlement et en particulier contre la commission d'enquête.
Aussi l'intervenant défend-il le point de vue selon lequel l'on ne peut déroger qu'exceptionnellement à la règle générale de la publicité en imposant un secret temporaire. Il serait inacceptable d'ériger le secret en principe.
Le ministre répond que le troisième alinéa de l'article 3 proposé consacre le principe de la publicité, mais permet des dérogations. C'est ainsi que le secret s'impose en ce qui concerne les informations provenant de dossiers judiciaires dont l'examen n'est pas encore terminé.
Un membre estime que le secret ne s'applique pas a priori aux informations provenant de dossiers de ce genre.
Le ministre n'exclut pas que des informations de cette nature puissent être discutées en séance plénière. La commission devra se prononcer la-dessus au cas par cas.
L'intervenant estime qu'il est souhaitable de définir les critères permettant de décider le secret.
Il se demande ensuite s'il est convenable de prévoir qu'une Chambre peut infliger une sanction à un parlementaire parce qu'il a violé le secret tout en disant la vérité. Pareille disposition n'est pas compatible avec l'article 58 de la Constitution et ne peut dès lors être adoptée.
Un autre membre remarque qu'il est quasi impossible de sanctionner sur le plan pénal, civil ou disciplinaire, la violation du secret de l'enquête par un parlementaire. La pratique montre que les fuites d'informations provenant de dossiers judiciaires, lesquelles se sont déjà souvent produites lors de l'examen de demandes de levée de l'immunité parlementaire, ne donnent quasi jamais lieu à enquête judiciaire.
Tout cela ne l'empêche pas d'être, à l'instar du législateur français, partisan de sanctionner, conformément à l'article 458 du Code pénal, la violation du secret par des membres d'une commission d'enquête parlementaire. Il convient cependant de souligner qu'en France, les commissions d'enquête parlementaires ne peuvent pas examiner des affaires faisant l'objet d'une enquête judiciaire.
L'auteur de la proposition de loi ne saurait admettre que l'on sacrifie le principe de la transparence à des prescriptions purement formelles.
Lorsqu'on entend des témoins à huis clos dans le cadre d'une enquête parlementaire sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire, on peut se demander si le secret doit être gardé à tous les stades de l'enquête et, qui plus est, de manière absolue.
En effet, les dépositions faites par les témoins au cours de réunions de commission non publiques feront l'objet d'une délibération dont les conclusions seront, normalement, reproduites dans un rapport public. On se trouve ainsi confronté à un dilemme, face auquel on doit faire la part entre le principe de la transparence et celui du secret.
L'intervenant estime que le principe de l'ouverture doit primer, parce qu'il est une caractérisque fondamentale du droit d'enquête inscrit dans la Constitution du Parlement, ce dernier représentant la Nation.
Il faut, par conséquent, prévoir des garanties pour préserver l'enquête judiciaire, mais cela n'exclut pas qu'une commission parlementaire puisse examiner des faits faisant l'objet d'une enquête judiciaire ou transmettre au parquet, pour suite voulue, des faits répréhensibles ou des indices de tels faits.
L'échange de vues qui précède a montré qu'il n'y avait pas de majorité au sein de la commission pour sanctionner pénalement la violation du secret par les membres d'une commission d'enquête.
Sur la base de l'amendement de M. Desmedt, il est décidé de faire nettement la distinction selon que le secret est violé par les membres de la commission ou par d'autres personnes ayant assisté aux réunions non publiques de la commission.
En ce qui concerne les membres de la commission, M. Vandenberghe et consorts déposent le sous-amendement suivant (nº 22) à l'amendement de M. Desmedt (nº 5) :
« Remplacer les alinéas 4 et 5 proposés par ce qui suit :
« Les membres de la Chambre sont tenus au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions non publiques de la commission. Toute violation de ce secret sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre à laquelle ils appartiennent. »
La sanction pourrait consister à exclure l'intéressé de la commission d'enquête.
Pour les autres personnes, on pourrait insérer à l'article 8 proposé un alinéa premier disposant que la violation du secret professionnel est punie conformément à l'article 458 du Code pénal (voir infra ).
L'auteur de l'amendement souligne que les mots « à l'occasion des réunions non publiques de la commission » couvrent l'hypothèse dans laquelle, par exemple, la commission prend connaissance de certaines pièces au parquet général.
Dans le passé, on a résolu ce problème en décidant que, lorsqu'une commission d'enquête se réunissait en dehors du Parlement pour consulter un dossier judiciaire, cette consultation avait valeur de réunion de la commission.
Les membres d'une commission d'enquête sont donc également tenus au secret lorsque, en dehors de réunions non publiques de la commission, ils prennent connaissance de pièces confidentielles mises à leur disposition.
M. Hotyat dépose l'amendement suivant (nº 23) :
« À l'article 3 proposé, remplacer les alinéas 4 et 5 par ce qui suit :
« Les membres de la Chambre qui auront révélé des informations recueillies à l'occasion des réunions non publiques de la commission seront sanctionnés conformément au règlement de la Chambre à laquelle ils appartiennent.
La commission peut rendre ces informations publiques, sauf si elle s'est expressément engagée à les préserver d'une divulgation.
La violation du secret expressément garanti par la commission sera punie conformément à l'article 458 du Code pénal. »
Justification
Le texte proposé prévoit deux types de sanction pour la violation du secret des travaux à huis clos de la commission :
1. une sanction disciplinaire pour la simple violation du huis clos;
2. une sanction pénale, identique à celle prévue pour la violation du secret professionnel, pour la violation du secret que la commission s'est expressément engagée à préserver.
Cette dernière sanction est prévue par certains droits étrangers, notamment français.
Elle ne met pas en cause la protection absolue dont bénéficient les parlementaires lorsqu'ils expriment une opinion dans l'exercice de leurs fonctions (art. 58 de la Constitution).
Ce n'est pas ici l'expression d'une opinion qui est visée, mais le dévoilement d'une information particulière qui doit être protégée, ou que la commission s'est engagée à protéger. Il pourrait s'agir du contenu d'un dossier d'instruction, du nom d'un témoin ...
Dès lors que les parlementaires détiennent un pouvoir sur des tiers, il semble normal que ceux-ci obtiennent une garantie de protection de leurs droits.
Le Conseil d'État a admis ce point de vue, dans son avis rendu sur l'avant-projet de loi réglant la responsabilité pénale des ministres (Doc. Chambre, nº 61/1 S.E. 1995).
Plusieurs membres réitèrent leur opposition à cet amendement. Ils estiment inacceptable et contraire à l'article 58 de la Constitution qu'un parlementaire soit sanctionné sur la base de l'article 458 du Code pénal pour ce qu'il a dit ou fait dans l'exercice de ses fonctions. L'immunité dont jouissent les parlementaires en vertu de l'article constitutionnel précité est l'un des éléments qui garantissent le niveau de corruption relativement bas de notre société.
Le ministre défend le point de vue selon lequel la violation du secret par des parlementaires n'ayant pas assisté aux réunions non publiques d'une commission d'enquête doit être sanctionnée, à l'instar de ce qui se fait dans des pays voisins (France, Allemagne et Italie).
Un membre souhaite savoir si une personne peut prétendre à des dommages-intérêts si elle a subi un préjudice à la suite de la révélation de certains éléments d'un dossier judiciaire par un membre d'une commission d'enquête parlementaire. De quelle façon cette personne doit-elle procéder ? Peut-elle intenter un procès civil selon les règles du Code judiciaire ? L'immunité parlementaire doit-elle être levée ou non ?
On lui répond qu'il n'est pas nécessaire de lever l'immunité parlementaire si l'intéressé intente une action en réparation devant le tribunal civil sur la base de l'article 1382 du Code civil.
La preuve de la faute pourra toutefois être apportée plus facilement si l'obligation d'observer le secret est inscrite dans la loi.
L'intervenant déclare que selon la doctrine en la matière, une action civile ne pourrait être engagée contre un parlementaire parce que celui-ci bénéficie en vertu de l'article 58 de la Constitution d'une complète immunité pour les propos qu'il tient.
À ce sujet, J. Velu observe que « l'article 58 prohibe tout acte de poursuite ou de recherche... En outre, l'immunité s'applique même aux actions civiles et éventuellement aux actions disciplinaires; on ne peut donc introduire contre un parlementaire, sur la base de l'article 1382 du Code civil, une demande en réparation pour un préjudice résultant des opinions émises par lui dans l'exercice de ses fonctions » (VELU, J., Droit public, Bruxelles, Bruylant, 1986, pp. 497-498).
Faut-il considérer qu'en raison de la restriction apportée par la présente proposition de loi en ce qui concerne le secret des délibérations, une action en responsabilité civile devient possible ?
Un membre répond que ce point n'est pas clair. L'immunité garantie par l'article 58 de la Constitution est générale. Elle concerne les poursuites tant pénales que civiles ou disciplinaires.
Cependant, dans son avis sur le projet de loi réglant la responsabilité pénale des ministres, le Conseil d'État estime que cette immunité n'est pas absolue. Elle peut subir des restrictions, à condition que celles-ci soient nécessaires dans une société démocratique (p. ex. le secret de l'instruction). Cette limitation est tirée notamment de la Convention européenne des droits de l'homme.
Selon le Conseil d'État, cette condition peut justifier le fait que l'article 16 du projet de loi précité impose une obligation de secret aux membres de la Chambre des représentants, obligation dont le non-respect est sanctionné par des peines pénales. Cette restriction de la liberté d'expression est basée sur le fait que les membres de la Chambre participent à une instruction en matière pénale (avis du Conseil d'État sur le projet de loi réglant la responsabilité pénale des ministres, Doc. Chambre, S.E. 1995, nº 61/1, pp. 65-66).
L'auteur de la proposition de loi souligne que l'avis en question traite de la responsabilité des ministres et que, par conséquent, il n'est pas tout à fait pertinent pour ce qui est de sa proposition.
L'on ne peut pas comparer la situation dans laquelle les parlementaires font partie d'une commission d'enquête à celle dans laquelle la Chambre des représentants agit en tant que chambre de mise en accusation dans le cadre de poursuites pénales engagées contre un ministre.
Dans la deuxième hypothèse, la Chambre dispose, contrairement à une commission d'enquête parlementaire, d'un certain pouvoir d'instruction ou d'appréciation.
La procédure applicable pour ce qui est de l'examen de la responsabilité pénale d'un ministre est inappropriée dans une enquête parlementaire, car dans le cadre de celle-ci, le parlementaire prend connaissance d'un dossier dans une autre qualité, en application de l'article 56 de la Constitution.
Il est illogique d'affirmer que l'immunité visée à l'article 58 de la Constitution a un caractère absolu, d'une part, et que les parlementaires peuvent être sanctionnés pour les faits commis au cours de l'exercice de leur mandat parlementaire, d'autre part.
Les amendements de MM. Bourgeois (nº 4) et Desmedt (nº 5) sont rejetés par 7 voix et 3 abstentions.
Le sous-amendement de M. Vandenberghe et consorts (nº 22) est adopté par 7 voix et 3 abstentions.
L'amendement de M. Hotyat (nº 23) est rejeté par 7 voix contre 2 et 1 abstention.
2. Décision de se réunir à huis clos
En ce qui concerne le troisième alinéa de l'article 3 proposé, M. Erdman fait observer que l'article 93 de la loi communale pose lui aussi le principe selon lequel la publicité des séances du conseil communal est obligatoire, à moins qu'une majorité des deux tiers des membres présents n'en décide autrement dans l'intérêt de l'ordre public et en raison des inconvénients graves qui résulteraient de la publicité.
Il propose, à cet égard, l'amendement suivant (nº 3) :
«Compléter le troisième alinéa de l'article 3 proposé par la disposition suivante :
« S'il paraît nécessaire, pendant la séance publique, de continuer l'examen à huis clos, la commission peut décider immédiatement le huis clos. »
Justification
Cette nécessité peut apparaître en cours de travaux (cf. l'article 95 de la nouvelle loi communale).
Il déclare en outre qu'une commission d'enquête qui a décidé d'entendre un témoin à huis clos ne peut pas revenir sur cette décision sous peine de compromettre le secret qui a été promis à l'intéressé.
Un autre membre souligne que, lorsqu'une commission d'enquête décide d'entendre un témoin à huis clos, l'obligation de secret concerne d'abord l'identité du témoin, mais aussi celle des personnes dont il a parlé ou qu'il a mises en cause.
Cela ne signifie cependant pas que la commission ne peut pas utiliser les dispositions qui ont été faites à cette occasion. Elle peut donc décider de rendre publics certains faits sans mentionner de sources et sans révéler l'identité des personnes impliquées.
Le simple fait qu'une commission se réunisse à huis clos ne peut donc être interprêté en ce sens que toutes les dépositions faites pendant ce huis clos sont couvertes par l'obligation de secret. Le secret ne doit être gardé que pour autant que la commission s'est engagée à préserver l'anonymat d'un témoin donné.
Un autre orateur déclare qu'une commission peut être amenée à se réunir à huis clos pour différentes raisons.
La première est que le huis clos permet de recueillir des renseignements qu'il ne serait pas possible d'obtenir en séance publique. Par ailleurs, le huis clos permet de protéger des informations dont la publicité immédiate pourrait nuire au bon déroulement de l'instruction judiciaire, compromettre la sécurité de certaines personnes et donner à des suspects le temps de fuir ou de détruire des preuves compromettantes, etc.
L'on ne saurait toutefois inscrire dans la loi tous les cas qui nécessitent le secret.
Il est souhaitable, dès lors, que la loi permette que l'on s'écarte dans certains cas du principe de l'obligation de publicité et qu'elle garantisse, le cas échéant, le respect du secret.
L'orateur conclut en déclarant que la commission d'enquête en tant que telle n'est pas tenue au secret dans son rapport, qu'elle tire elle-même ses conclusions des dépositions et qu'elle détermine elle-même les informations qu'elle publiera. La commission ne peut encourir aucune sanction à cet égard.
Il en va tout autrement lorsqu'un membre de la commission viole le secret que celle-ci s'est engagée à respecter.
Un autre membre déclare que le secret peut porter d'abord sur l'identité du témoin, puis sur les informations dont la commission juge qu'elles ne doivent pas être divulguées.
À propos des informations communiquées au cours d'une réunion non publique, l'on fait une distinction entre les déclarations que la commission juge inopportun de divulguer et les informations dont la commission ne peut apprécier immédiatement l'importance.
À l'issue de ses travaux, la commission devra déterminer les informations qu'elle publiera dans son rapport.
La question qui se pose est de savoir quel est le degré de protection dont on doit entourer avant la publication du rapport final les informations recueillies au cours des réunions à huis clos. Comment l'anonymat promis à certains témoins sera-t-il préservé ?
Plusieurs membres jugent illogique qu'une commission d'enquête qui a décidé de se réunir à huis clos puisse rendre publiques, par la suite, les informations qu'elle a ainsi recueillies au cours de celui-ci. Ils estiment qu'une procédure qui lui permettrait de le faire engendreraient des discussions interminables.
Ils considèrent que la décision de se réunir à huis clos entraîne ipso facto l'obligation de secret.
Un autre membre estime qu'il y a lieu pour ce qui est du secret, de faire une distinction entre la source de l'information et son contenu.
La crédibilité du témoin qui n'est disposé à faire une déposition que si on lui garantit le secret est en jeu. Dès lors, ni la commission ni ses membres n'ont le droit de lever le secret et de révéler leur source.
Pour ce qui est du contenu, les membres de la commission sont tenus de garder le silence sur les informations obtenues au cours des séances à huis clos tant que la commission n'a pas déterminé elle-même les informations qu'elle publiera dans son rapport final.
L'auteur de la proposition de loi estime que la procédure doit être la suivante.
Si la commission décide le huis clos, le secret vaut dans un premier temps pour tout ce qui s'est dit pendant celui-ci. Si la commission a promis certaines choses à un témoin, par exemple le secret sur son identité, elle doit respecter ses engagements. Pour le reste, elle apprécie souverainement la manière dont elle utilisera les informations recueillies.
C'est pour cette raison que le dernier alinéa de l'article 3 proposé dispose que la commisison peut lever l'obligation de discrétion. L'obligation de discrétion ou de secret est une obligation relative, puisque l'instruction judiciaire fait elle aussi l'objet d'une publicité au bout d'un certain temps.
La ratio legis de cette disposition est de permettre à la commission d'enquête d'entendre certains témoins à huis clos. La commission peut décider par la suite d'intégrer certains éléments de ces dépositions dans son rapport. Elle ne peut toutefois revenir sur l'engagement qu'elle a pris vis-à-vis d'un témoin de garder le secret.
L'intervenant propose dès lors de disposer, au dernier alinéa de l'article 3 proposé, que la commission peut lever l'obligation de discrétion si elle n'a pas déjà pris une autre décision à cet égard.
Les commissions d'enquête qui auront entendu un témoin à huis clos pourront ainsi lever le secret, à moins qu'elles ne se soient engagées expressément à le garder.
Un autre membre estime qu'il n'y a qu'un seul cas où la commission ne peut pas lever le secret, à savoir celui dans lequel elle a promis à un témoin de ne pas révéler son identité. Elle peut toutefois divulguer la teneur de sa déposition.
Un membre demande si l'on peut mentionner le nom d'un témoin anonyme sur la liste des personnes entendues sans préciser quelle est la déposition qu'elle a faite, ou si l'anonymat qui lui est accordé a un caractère absolu.
L'on répond qu'il s'agit d'une question de fait que la commission doit apprécier.
Un membre déclare que la question de la portée du secret doit être examinée en fonction de l'importance que l'on attache aux informations obtenues au cours d'un huis clos.
Tel peut être le cas lorsque l'on a garanti le secret à un témoin. Il ne faut cependant pas oublier que, comme les dépositions anonymes dans les affaires judiciaires, les dépositions qui ne peuvent pas être révélées ne feront très probablement pas beaucoup progresser l'enquête.
Il estime qu'il faut éviter, dans un souci de transparence vis-à-vis du public, de considérer le secret comme une valeur en soi.
L'obligation de secret doit donc être interprétée dans un sens fonctionnel.
Le ministre estime que le secret vaut et pour les témoins entendus à huis clos et pour les pièces provenant d'un dossier judiciaire. Si la commission s'est engagée vis-à-vis de la justice à garder le secret sur les pièces dont elle a pu prendre connaissance, elle ne peut pas les mentionner ensuite dans son rapport.
La commission partage ce point de vue.
M. Lallemand dépose un amendement principal et un amendement subsidiaire (nos 8 et 9), fondés sur cet échange de vues :
1. « A. À l'alinéa 2 de l'article 3 proposé, insérer les mots « ou la commission » après les mots « à moins que la Chambre ».
B. Remplacer l'alinéa 3 du même article par ce qui suit :
« Les réunions de la commission sont publiques.
La commission peut, cependant, à tout moment, décider le contraire. »
Justification
Il ne paraît pas heureux de limiter le huis clos aux seules réunions où des témoins ou des experts sont entendus.
La préparation, par exemple, du questionnement des experts doit pouvoir se faire à huis clos sous peine de porter préjudice à l'enquête.
C. À l'avant-dernier alinéa du même article, remplacer les mots « Les membres de la commission » par les mots « Les membres de la Chambre ».
D. Remplacer le dernier alinéa du même article par ce qui suit :
« La commission peut lever l'obligation au secret, sauf si elle s'est expressément engagée à le préserver. »
2. « Remplacer le dernier alinéa de l'article 3 proposé par ce qui suit :
« La commission peut lever l'obligation au secret, à l'exception de ce qu'elle s'est engagée, de façon expresse, à préserver d'une divulgation. »
Justification
Cette formule est plus restrictive.
Elle indique bien que l'obligation au secret ne porte pas sur l'ensemble d'une déposition mais, par exemple, uniquement sur l'identité du témoin ou de toutes autres circonstances ou faits qui auraient été expressément préservés de la divulgation au cours de l'interrogatoire.
En ce qui concerne le littera B de l'amendement nº 8, un membre estime que la Chambre concernée doit elle aussi avoir compétence pour décider le huis clos à tout moment.
Plusieurs membres rejettent ce point de vue. La commission doit pouvoir décider elle-même du déroulement de ses travaux.
Cela signifie que la Chambre qui établit, en vertu du premier alinéa de l'article 3 proposé, les règles applicables en ce qui concerne la composition de la commission et ses délibérations, ne peut pas décider que toutes ses réunions se tiendront à huis clos.
La commission partage ce point de vue.
À propos du littera C, l'on signale que l'obligation de secret vaut pour tous les membres de l'assemblée concernée, puisqu'ils ont en principe tous le droit d'assister aux réunions de la commission d'enquête.
Lorsqu'une commission décide de siéger à huis clos, seuls ses membres sont admis.
C'est pourquoi le littera A de l'amendement dispose qu'outre la Chambre, la commission a elle-même le droit de décider de déroger à la règle suivant laquelle chaque membre de l'assemblée concernée peut assister à ses réunions.
Le règlement du Sénat ne contient pas de dispositions à ce sujet.
La commission souscrit au littera D de l'amendement. Les commissions d'enquête peuvent en effet tenir secret, outre le nom du témoin, tout ou partie de ses déclarations.
L'on ne juge pas utile de préciser que la commission d'enquête doit s'être engagée expressément, au préalable, à préserver le secret.
L'amendement de M. Erdman (nº 3) est rejeté par 7 voix et 3 abstentions.
L'amendement de M. Lallemand (nº 8) est adopté par 7 voix et 3 abstentions. Son amendement subsidiaire (nº 9) est rejeté par un vote identique.
L'article 2 ainsi amendé est adopté en tant qu'article 4 par 7 voix et 3 abstentions.
Art. 4
L'article 3 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 3. La commission est constituée et elle délibère conformément aux règles établies par la Chambre.
Tout membre de la Chambre a le droit d'assister à l'enquête de la commission, à moins que la Chambre ou la commission ne décident le contraire.
Les réunions de la commission sont publiques. La commission peut cependant à tout moment décider le contraire.
Les membres de la Chambre sont tenus au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions non publiques de la commission. Toute violation de ce secret sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre à laquelle ils appartiennent.
La commission peut lever l'obligation de secret sauf si elle s'est expressément engagée à le préserver. »
a) Texte de la proposition de loi
Art. 3
L'article 4 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 4. § 1er . La Chambre ou la commission, ainsi que leur président pour autant que celui-ci y soit habilité, peuvent prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle.
La Chambre ou la commission peuvent étendre ou limiter la mission au cours d'une enquête.
§ 2. La Chambre ou la commission peuvent, après avis du premier président de la cour d'appel, désigner, pour l'accomplissement de devoirs d'instruction spécialement déterminés au préalable, un ou plusieurs conseillers de la cour d'appel ou un ou plusieurs juges du tribunal de première instance du ressort dans lequel les devoirs d'instruction doivent être remplis.
Le magistrat désigné peut, lorsqu'il estime que des circonstances graves et urgentes le requièrent, agir en dehors de son ressort et étendre son instruction à l'ensemble du Royaume.
§ 3. Lorsque les mesures d'instruction comportent une saisie de biens matériels ou une perquisition, la désignation prévue au § 2 est obligatoire.
§ 4. Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière criminelle, correctionnelle, policière et disciplinaire, la commission adresse au procureur général près la cour d'appel ou à l'auditeur général près la Cour militaire une demande écrite en vue de se faire délivrer une copie des devoirs d'instruction et des actes de procédure dont elle estime avoir besoin.
Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la Chambre, la commission ou leur président peuvent introduire contre cette décision une réclamation auprès d'un collège ad hoc constitué de trois membres de la Cour d'arbitrage, à savoir le président, le plus ancien membre magistrat et le plus ancien membre ex-parlementaire; ce collège siège à huis clos et entend le président de la commission et le magistrat concerné. Il tranche le litige de manière définitive et par décision motivée, en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense.
§ 5. Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière administrative, la commission adresse une demande écrite au ministre ou au secrétaire d'État compétent, qui est tenu d'y donner suite immédiatement. »
On souligne que le président de la Chambre ou de la commission ne peut prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle que pour autant qu'il y a été habilité par la Chambre ou la commission.
Les commissions d'enquête ont le loisir d'adopter un règlement définissant les conditions dans lesquelles le président de la commission peut prendre les mesures d'instruction susvisées. La commission peut toutefois décider aussi d'examiner au cas par cas si elle souhaite donner à son président l'habilitation visée au § 1er .
En ce qui concerne la suppression du deuxième alinéa, il est renvoyé à la discussion de l'article 1er ter (pp. 45-47).
2. Article 4, § 2, premier alinéa
Le ministre déclare que la formule proposée tient trop peu compte du principe de la séparation des pouvoirs. Elle suggère en effet que le président de la commission exerce un certain contrôle sur le magistrat désigné.
C'est la raison pour laquelle il propose une autre procédure, qui investit le premier président de la cour d'appel d'une fonction d'intermédiaire.
Le premier alinéa de l'article 4, § 2, proposé pourrait par conséquent être modifié comme suit :
« La Chambre ou la commission peuvent adresser une requête au premier président de la cour d'appel afin de désigner, pour l'accomplissement de devoirs d'instruction déterminés au préalable, un ou plusieurs conseillers de la cour d'appel du ressort dans lequel ces devoirs d'instruction doivent être remplis.
Pour l'accomplissement de ces devoirs d'instruction, le magistrat désigné agit sous le contrôle et la direction du président de la commission. Il fait rapport par écrit au premier président de la cour d'appel, lequel communique ce rapport à la commission. »
Un membre émet quelques réserves au sujet de la proposition du ministre tendant, contrairement à la proposition de loi, à charger non pas la commission d'enquête, mais le premier président de la cour d'appel, de désigner le magistrat qui devra accomplir les devoirs d'instruction prévus par la commission. Ce magistrat serait placé sous le contrôle et la direction du président de la commission, mais ferait rapport au premier président de la cour d'appel, lequel communiquerait ce rapport à la commission.
L'intervenant précise son opposition à cette procédure par la comparaison suivante.
Les magistrats qui sont détachés dans un cabinet ministériel ne sont pas placés sous le contrôle et la direction de leur chef de corps pour les activités qu'ils exercent à ce cabinet, mais ils dépendent du ministre.
L'intervenant défend l'idée que les commissions d'enquête doivent pouvoir disposer d'un magistrat ayant les pouvoirs d'un juge d'instruction.
Ce magistrat est certes désigné par son supérieur hiérarchique, mais il est placé sous l'autorité et la direction du président de la commission. Cela signifie qu'il ne peut pas faire rapport à son chef de corps sur l'accomplissement des devoirs d'instruction qui lui sont demandés. On prévient ainsi toute dualité.
Il est parfaitement possible, en effet, qu'une commission parlementaire ouvre une enquête sur la manière dont la justice traite certains problèmes. Dans une telle hypothèse, il est impensable que le magistrat auquel la commission confie certains actes d'instruction doive d'abord faire rapport au premier président de la cour d'appel, de telle sorte que ce dernier pourrait exercer un contrôle sur l'enquête.
La formule proposée par le ministre nous ramène en fait au système dans lequel une commission parlementaire mettait fin à son enquête lorsqu'elle se trouvait confrontée à des faits répréhensibles donnant lieu à des poursuites.
Cette solution est diamétralement opposée à la ratio legis de la proposition de loi, qui prévoit une formule d'arbitrage, notamment, en cas de concours d'une enquête parlementaire et d'une enquête judiciaire.
Le ministre déclare que l'obligation faite au magistrat de faire rapport au premier président de la cour d'appel sur ses actes d'instruction doit garantir que le magistrat reste lié, dans l'exécution de sa mission, par toutes les dispositions légales en vigueur en la matière et qu'il ne peut être contraint de commettre des irrégularités. Si des problèmes se posent à cet égard, le premier président de la cour d'appel pourra encore intervenir auprès de la commission grâce au rapport du magistrat.
Le préopinant admet cette justification, mais continue néanmoins à s'opposer à la procédure de rapport prévue.
Si le président d'une commission d'enquête charge un magistrat d'un devoir qui est illégal (par exemple une écoute téléphonique ne respectant pas les conditions légales), il n'appartient pas au premier président d'arbitrer à ce sujet, mais bien au magistrat concerné de prendre lui-même la responsabilité de refuser d'exécuter ce devoir.
L'intervenant est par contre d'accord sur la proposition du ministre d'insérer dans le texte de la loi une disposition en vertu de laquelle le magistrat est tenu de respecter toutes les prescriptions légales dans l'exécution de ses devoirs d'instruction.
La règle est que dans tous ses travaux, la commission d'enquête est tenue par la loi. Cela implique que le magistrat qui travaille sous le contrôle du président de cette commission a le droit de s'opposer à l'exécution d'un devoir d'instruction comportant une violation de la loi.
Dans le but de protéger tous les intérêts en cause, les droits de la défense et ceux de la démocratie, il y a lieu de dresser un rempart contre les abus possibles ou les implications perverses de la procédure prévue par la loi pour l'exécution des devoirs d'instruction.
La commission partage ce point de vue.
L'intervenant suivant partage le point de vue que le magistrat, désigné pour l'accomplissement de devoirs d'instruction, travaille uniquement sous la surveillance et l'autorité du président de la commission.
Il ne voit pas pour quelle raison ce magistrat, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la commission d'enquête, devrait établir un rapport à l'attention du premier président de la cour d'appel, qui à son tour le transmettrait à la commission.
Ce détour traduit, à son estime, une certaine méfiance à l'égard des commissions d'enquête parlementaire. Il n'estime pas opportun que le premier président de la cour vérifie la régularité des actes d'instruction dont l'accomplissement a été confié au magistrat-instructeur.
Le ministre souligne que la procédure se déroule par phases. La commission demande d'abord au président de la cour d'appel de désigner un magistrat pour l'exécution de devoirs d'instruction préalablement définis. Ensuite, le magistrat désigné effectue les devoirs d'instruction demandés et se trouve, à cette occasion, sous le contrôle et la direction du président de la commission. Si le magistrat a des doutes sur les actes d'instruction qui lui sont demandés, il peut consulter à ce sujet le premier président de la cour d'appel. La procédure de rapport répond à la nécessité d'exercer un contrôle sur la régularité des devoirs d'instruction. Et elle permet en même temps d'exercer un contrôle disciplinaire.
En outre, il estime que la mission confiée au magistrat doit être précise et écrite, à l'instar du réquisitoire du procureur du Roi par lequel le juge d'instruction est saisi.
Un membre aimerait savoir ce qu'il y a lieu de faire si, pour l'une ou l'autre raison, par exemple le manque de magistrats disponibles, le premier président de la cour d'appel n'accède pas à la demande de la commission d'enquête de désigner un magistrat pour accomplir les devoirs d'instruction définis par la commission.
La commission comme le ministre estiment que cette éventualité est inadmissible.
Pour cette raison, il est décidé de remplacer dans le texte de l'article 4, § 2, premier alinéa, proposé par le ministre, les mots « une requête au premier président de la cour d'appel afin de désigner » par les mots « requérir le premier président de la cour d'appel, qui désigne... ». De cette manière, le premier président aura l'obligation de désigner un magistrat pour exécuter les mesures d'instruction prévues par la commission.
Toujours en ce qui concerne l'article 4, § 2, alinéa premier, proposé par le ministre, le rapporteur estime souhaitable que le magistrat désigné pour exécuter les mesures d'instruction fasse rapport par écrit à la commission d'enquête et non à son président. Il est par contre nécessaire que ce dernier soit chargé du contrôle et de la direction du magistrat d'instruction.
La commission se rallie à ce point de vue.
Pour cette raison, il est décidé que le magistrat désigné fera rapport par écrit à la commission sur les résultats de son instruction.
M. Vandenberghe et consorts déposent l'amendement suivant (nº 24 A) :
« Modifier comme suit l'article 4 proposé :
Remplacer l'alinéa 1er du § 2 par ce qui suit :
« § 2. Pour l'accomplissement de devoirs d'instruction qui devront être déterminés préalablement, la Chambre ou la commission peuvent requérir le premier président de la cour d'appel, qui désigne un ou plusieurs conseillers de la cour d'appel ou un ou plusieurs juges du tribunal de première instance du ressort dans lequel les devoirs d'instruction doivent être accomplis.
Pour l'accomplissement de ces devoirs d'instruction, le magistrat désigné est placé sous la direction du président de la commission. Il établit un rapport écrit consignant les résultats de son instruction. »
L'expression « sous la direction du président de la commission » n'implique pas que celui-ci exerce un contrôle disciplinaire sur le magistrat désigné.
L'amendement de M. Vandenberghe et consorts (nº 24A) est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
3. Article 4, § 2, deuxième alinéa
Un commissaire désire savoir pourquoi l'on y dispose que le magistrat désigné peut, « lorsqu'il estime que des circonstances graves et urgentes le requièrent », agir en dehors de son ressort et étendre son instruction à l'ensemble du Royaume.
À son avis, les magistrats en question agiront toujours en dehors de leur ressort, parce qu'ils estimeront que « des circonstances graves et urgentes le requièrent ».
Ne serait-il pas souhaitable, dès lors, de supprimer les mots « lorsqu'il estime que des circonstances graves et urgentes le requièrent » ?
L'on éviterait en le faisant qu'elle puisse servir à fonder une motivation stéréotypée sans grand consistance.
Le ministre n'est pas partisan de cette suppression. Il considère que l'adoption de la proposition de l'intervenant précédent pourrait engendrer une perturbation du fonctionnement de l'appareil judiciaire. C'est pourquoi il plaide pour le maintien du devoir de motivation. Le magistrat désigné ne doit pouvoir agir en dehors de son ressort que s'il prouve que des circonstances graves et urgentes le requièrent. S'il n'y parvient pas, il faut désigner un autre magistrat ayant la compétence territoriale pour exécuter la mesure d'instruction demandée.
L'intervenant craint que, si l'on ne maintient pas ce frein, des conflits n'opposent les magistrats entre eux.
À la question de savoir qui vérifiera le bien-fondé de la motivation du magistrat et qui déterminera s'il a agi légitimement ou non en dehors de son ressort, un membre répond qu'il appartient au magistrat lui-même d'en juger en première instance. D'autre part, il s'expose à des sanctions disciplinaires s'il s'avère qu'il a commis une faute en agissant en dehors de son ressort.
Par conséquent, la condition relative aux circonstances graves et urgentes définie dans la loi proposée n'est pas aussi anodine qu'elle ne le paraît à première vue.
En ce qui concerne l'interprétation des mots « s'il estime que des circonstances graves et urgentes le requièrent », l'on fait remarquer que la Commission Franchimont a proposé, dans son avant-projet de loi améliorant la procédure pénale au stade de l'information et de l'enquête (1995), de les rayer dans les articles 23 et 62bis du Code d'instruction criminelle.
Pour ce qui est de l'article 23, elle donne la justification suivante :
Selon l'article 23 du Code d'instruction criminelle, le procureur du Roi peut, en dehors de son arrondissement, effectuer ou ordonner tous les actes de poursuite ou d'instruction qui rentrent dans sa compétence, lorsqu'il estime que des circonstances graves et urgentes l'exigent. L'article 62bis contient la même disposition à l'égard du juge d'instruction.
Pour pouvoir intervenir en dehors de leur arrondissement, le procureur du Roi, et, selon le cas, le juge d'instruction disposent de deux solutions : ou bien ils demandent l'aide d'un collègue au moyen d'une commission rogatoire, ou bien ils font appel à la procédure spéciale de l'article 23 du Code d'instruction criminelle ou, selon le cas, de l'article 62bis du Code d'instruction criminelle lorsqu'ils estiment que les circonstances graves et urgentes requièrent qu'ils effectuent eux-mêmes l'acte. Cette dernière possibilité (l'article 62bis actuel) a été introduite par la loi du 27 mars 1969 comme alternative aux commissions rogatoires qui pouvaient retarder gravement l'enquête (4).
Dans le projet, le procureur du Roi et, selon le cas, le juge d'instruction peuvent intervenir en dehors de leur arrondissement même en l'absence de circonstances graves et urgentes. La notion de « circonstances graves et urgentes » a été rejetée au motif que depuis toujours, une grande incertitude a marqué l'interprétation de ce concept. Selon le rapport préalable à la loi du 27 mars 1969, le juge d'instruction apprécie librement si les circonstances sont graves et urgentes. Puisque l'estimation personnelle du juge d'instruction à ce sujet est déterminante, cette condition échappe à l'examen du juge du fond, et la limitation prévue initialement est en grande partie contournée. Cette constatation est renforcée par un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 1992 (5). Cet arrêt décide que l'article 62bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle n'exige pas que, lorsqu'il intervient en dehors de son arrondissement en vertu de cette disposition, le juge d'instruction doive faire mention dans les pièces des circonstances graves et urgentes. En conséquence, le juge du fond ne peut exercer de contrôle sur les conditions particulières prévues par l'article 62bis du Code d'instruction criminelle, et ne peut dès lors vérifier si elles sont réunies concrètement. À la suite de cet arrêt, la notion de « circonstances graves et urgentes » a perdu en pratique son intérêt. On a dès lors préféré abroger la condition de cette disposition, et renforcer les pouvoirs du procureur du Roi et, mutatis mutandis, ceux du juge d'instruction. Cette réforme aura en outre un effet bénéfique sur l'efficacité et la rapidité des enquêtes. Elle sera surtout utile pour les procureurs du Roi des arrondissements judiciaires géographiquement peu étendus.
L'avertissement donné par l'autorité judiciaire qui souhaite intervenir dans un autre arrondissement n'est pas un préalable à l'accomplissement de l'acte. Le procureur du Roi avisé conformément à cette disposition ne pourrait refuser à son collègue d'intervenir. L'avertissement, qui peut avoir lieu de n'importe quelle manière, même verbalement, tend à la bonne administration de la justice.
(cf. Commission Droit de procédure pénale, Avant-projet de loi améliorant la procédure pénale au stade de l'information et de l'enquête, mis à jour après consultations (1995), Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, éditeurs Maklu, 1995, pp. 53-54 et 86-87).
Il est donc absurde de maintenir dans la proposition de loi en discussion, la condition relative aux circonstances graves et urgentes si cette même condition est retirée de l'avant-projet de loi précité, que le ministre de la Justice déposera sous peu au Parlement.
C'est pourquoi M. Vandenberghe et consorts déposent l'amendement suivant (nº 25) :
« Au § 2, alinéa 2, de l'article 4 proposé, supprimer les mots « lorsqu'il estime que des circonstances graves et urgentes le requièrent. »
L'on fait observer que, si le magistrat désigné peut également exécuter les mesures d'instruction qui lui sont confiées en dehors de son ressort, et ce sur l'ensemble du territoire du Royaume, il doit être bilingue. Il est dès lors probable que les magistrats du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles seraient seuls susceptibles d'exécuter les actes d'instruction demandés par une commission d'enquête.
Un commissaire précise que, si l'on s'adresse au premier président de la Cour d'appel de Bruxelles, celui-ci doit désigner soit des magistrats bilingues, soit des magistrats des divers rôles linguistiques, étant entendu que, dans de telles circonstances, les magistrats devront pouvoir agir sur l'ensemble du territoire. Du reste, la commission s'estime elle-même compétente pour l'ensemble du territoire.
L'amendement de M. Vandenberghe et consorts (nº 25) est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
Un commissaire demande pourquoi il faut faire appel à des magistrats pour l'exécution des missions d'instruction, alors que l'on peut en charger les services d'enquête des comités permanents de contrôle des services de police et de renseignements financés par le Parlement (cf. loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements).
On lui fait remarquer que ces services n'ont pas les mêmes compétences qu'un juge d'instruction. En outre, leurs compétences dépendent de l'objectif poursuivi, en ce sens que leur enquête s'inscrive dans le cadre de la mission qui leur est assignée par la loi.
Le membre réplique que les services d'enquête peuvent accomplir certaines missions d'instruction, comme l'audition de témoins.
Comme ces services d'enquête se trouvent sous l'autorité des Comités permanents P et R, qui agissent, eux, à la demande des Chambres fédérales entre autres, la procédure en question serait beaucoup plus aisée.
C'est pourquoi M. Coveliers dépose un amendement selon lequel une commission d'enquête peut également faire appel aux services d'enquête des Comités permanents P et R pour l'exécution d'activités d'instruction (nº 17) :
« Insérer, après le § 2 de l'article 4 proposé, un paragraphe nouveau, libellé comme suit :
« § 3. La commission peut également, conformément à la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements, charger les Comités permanents P et R d'effectuer les enquêtes nécessaires. »
Justification
Les articles 8 et 32 de la loi du 18 juillet 1991 prévoient que les Comités permanents P et R agissent soit d'initiative, soit à la demande de la Chambre des représentants, du Sénat, du ministre compétent ou de l'autorité compétente. Les Comités peuvent déléguer ce pouvoir au Service d'enquêtes.
Il est dès lors logique qu'une commission d'enquête puisse, en sa qualité d'autorité compétente, déléguer directement sa mission aux Comités permanents.
L'intervenant affirme que la mission doit être confiée aux comités permanents, qui chargent eux-mêmes leurs services d'enquête de certaines investigations. Sinon, il y aurait, en ce qui concerne le Comité P, un concours entre certaines de ses missions judiciaires et des missions qui lui auraient été assignées par les Chambres. Il semble donc préférable que le président adresse la demande aux comités.
Reste à savoir s'il ne faut pas également modifier la loi relative aux comités permanents, puisqu'elle fixe la manière dont ces Comités doivent être saisis.
L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
5. Article 4, § 3 (article 4, § 4 nouveau)
Cette disposition contient l'obligation de désigner un magistrat pour l'accomplissement de certaines mesures d'instruction délicates.
Le ministre propose que l'on mentionne explicitement les écoutes téléphoniques. L'article 4, § 3, serait alors libellé comme suit :
« Lorsque les mesures d'instruction comportent une saisie de biens matériels, une perquisition, l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, la désignation prévue au § 2 est obligatoire.
Les articles 35 à 39 et 90ter à 90novies, du Code d'instruction criminelle relatifs à la saisie de biens matériels et à l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées s'appliquent également à la commission d'enquête parlementaire. »
M. Lallemand dépose l'amendement suivant (nº 10A) :
« A. Remplacer le § 3 de l'article 4 proposé par ce qui suit :
« § 3. Lorsque les mesures d'instruction comportent une limitation de la liberté d'aller ou de venir, une saisie de biens matériels, une perquisition ou l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, l'intervention du magistrat désigné conformément au § 2 est obligatoire. »
Justification
Il n'est pas fait mention de l'arrestation [par exemple l'arrestation d'un témoin pour comparaître devant la commission (mandat d'amener)].
Le ministre fait observer que plutôt que de délivrer un mandat d'amener contre un témoin récalcitrant, on peut aussi le faire citer. S'il ne vient pas, l'infraction peut être dénoncée et sanctionnée conformément à la procédure de droit commun.
On réplique que cette procédure est fort longue.
La commission s'accorde sur la formulation du § 3 de l'article 4 proposé, telle qu'elle figure dans l'amendement de M. Lallemand.
Un membre émet des objections sur le deuxième alinéa du § 3 proposé par le ministre lequel dispose que certains articles du Code d'instruction criminelle s'appliquent également à la commission d'enquête parlementaire.
D'après lui, il suffirait de préciser que les articles énumérés sont applicables.
L'on fait observer qu'en vertu des articles 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle, le juge d'instruction comme le procureur du Roi interviennent dans les écoutes téléphoniques.
Il s'ensuit que ces articles doivent également être rendus applicables aux mesures demandées par la commission d'enquête.
L'on pourrait en déduire que, dans le cadre d'une enquête parlementaire, les pouvoirs conférés au juge d'instruction par les articles énumérés au deuxième alinéa, § 3, de l'article 4 proposé, seront exercés par le magistrat que la commission désigne. La commission d'enquête assumerait la fonction du parquet.
Le ministre souligne qu'en vertu de l'article 90ter , § 5, du Code d'instruction criminelle, le procureur du Roi peut, en cas de flagrant délit, ordonner l'écoute téléphonique pour les faits mentionnés aux articles 374bis (prise d'otage) ou 470 (extorsion) du Code pénal. Le juge d'instruction doit cependant confirmer cette mesure dans les 24 heures.
L'on peut toutefois difficilement imaginer qu'une commission d'enquête désire mettre un téléphone sur écoute parce qu'elle a constaté un flagrant délit pour les deux faits précités.
Le juge d'instruction ou, dans le cas d'une enquête parlementaire, le magistrat désigné par la commission, est donc toujours tenu d'intervenir.
Il suffit dès lors de disposer que le magistrat désigné par la commission est tenu d'appliquer les procédures mentionnées aux articles 35 à 39 (inclus) et 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle.
MM. Erdman et Vandenberghe déposent l'amendement suivant (nº 26) :
« Remplacer le § 3 de l'article 4 proposé par ce qui suit :
« § 3. Lorsque les mesures d'instruction comportent une limitation de la liberté d'aller ou de venir, une saisie de biens matériels, une perquisition ou l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, l'intervention du magistrat désigné conformément au § 2 est obligatoire et se fait dans le respect des articles 35 à 39 et 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle. »
Un membre suggère de reformuler le deuxième alinéa du texte proposé par le ministre comme suit : « Les articles 35 à 39 et 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle... sont applicables par le magistrat visé à l'alinéa précédent. »
Cela signifie qu'en ce qui concerne les écoutes téléphoniques dans le cadre d'une enquête parlementaire, les pouvoirs du juge d'instruction seront exercés par le magistrat que la commission d'enquête aura désigné.
La commission partage ce point de vue.
M. Vandenberghe et consorts déposent l'amendement suivant (nº 24B) en conclusion de cet échange de vues :
« Compléter le § 3 par un second alinéa, libellé comme suit :
« Les articles 35 à 39 et 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle relatifs à la saisie de biens matériels et à l'écoute, à la prise de connaissance et à l'enregistrement de communications et de télécommunications privées sont applicables par le magistrat visé à l'alinéa précédent. »
Les amendements de M. Lallemand (nº 10A) et de M. Vandenberghe et consorts (nº 24B) sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.
L'amendement de MM. Erdman et Vandenberghe (nº 26) est rejeté par un vote identique.
6. Article 4, § 4, premier alinéa (article 4, § 5, premier alinéa nouveau)
La commission décide, pour des raisons linguistiques, de reformuler la disposition proposée en néerlandais comme suit :
« § 5. Wanneer inlichtingen moeten worden opgevraagd in criminele, correctionele, politie- en tuchtzaken, richt de commissie tot de procureur-generaal bij het hof van beroep of de auditeur-generaal bij het militair gerechtshof een schriftelijk verzoek tot het lichten van een door haar onontbeerlijk geacht afschrift van de onderzoeksverrichtingen en de proceshandelingen. »
7. Article 4, § 4, deuxième alinéa (article 4, § 5, deuxième alinéa nouveau)
Cet article prévoit une procédure spéciale de recours contre le refus du procureur général de permettre à une commission d'enquête de consulter un dossier judiciaire.
Le ministre propose de soumettre le différend opposant le procureur général et la commission d'enquête non pas à un collège ad hoc composé de trois membres de la Cour d'arbitrage, mais à la chambre des mises en accusation.
L'article 4, § 4, deuxième alinéa, proposé, serait alors libellé comme suit :
« Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la Chambre, la commission ou leur président peuvent introduire une réclamation auprès de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel concernée; la chambre des mises en accusation siège à huis clos et entend le président de la commission et le magistrat concerné. Elle tranche le litige de manière définitive et par décision motivée, en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense. »
Un membre fait remarquer que la proposition d'amendement ne tient pas compte de l'hypothèse, à vrai dire exceptionnelle, où le procureur général près la Cour de cassation n'accéderait pas à la demande d'une commission d'enquête de lui fournir des copies des devoirs d'instruction et des actes de procédure relatifs à un dossier répressif dont la cour serait saisie.
Le ministre estime que, pour ce cas, il y a lieu de prévoir une procédure ad hoc , éventuellement devant la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles.
Le préopinant souligne que la lacune signalée par lui le conforte dans sa conviction que la procédure, prévue dans la proposition de loi, devant un collège ad hoc composé de trois membres de la Cour d'arbitrage est préférable.
Cette cour est en effet l'instance tout indiquée pour régler des conflits entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Un deuxième argument peut être tiré de la contradiction entre, d'une part, le premier avant-projet de loi rédigé par la Commission pour le droit de la procédure pénale (dite Commission Franchimont), qui accorde un droit de consultation à l'inculpé, au prévenu et à la partie civile et, d'autre part, la présente proposition, en vertu de laquelle un procureur général près la cour d'appel peut refuser l'accès à un dossier judiciaire à une commission d'enquête parlementaire.
Si l'avant-projet de la Commission Franchimont doit devenir loi et l'intervenant annonce qu'il s'opposera à la disposition insérée dans le second avant-projet en vertu de laquelle la consultation du dossier peut être refusée dans certains cas , on devra respecter un parallélisme avec la procédure applicable aux commissions d'enquête parlementaire [cf. l'avant-projet de loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction remanié après consultation (1995), Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, éditeurs Maklu, 1995, pp. 12-13 et 78-84].
Le ministre est d'accord sur cette remarque.
Dans l'état actuel de notre droit, un litige entre une commission d'enquête et un procureur général n'est toutefois pas exclu, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, le procureur général peut refuser la communication de pièces d'un dossier judiciaire pour des raisons de principe, parce qu'il ne tolère aucune immixtion d'une commission d'enquête parlementaire dans le traitement du dossier. Dans cette optique, il s'agit d'un conflit entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire.
En deuxième lieu, le procureur général peut fonder son refus sur des arguments d'ordre technique qui tiennent à l'efficacité du déroulement de l'instruction judiciaire (la protection de témoins, par exemple).
On pourrait éventuellement prévoir que le procureur général ne peut invoquer à l'appui de sa décision que des arguments en rapport avec le déroulement de l'instruction judiciaire.
Dans ce dernier cas, la chambre des mises en accusation est le mieux placée pour vérifier le bien-fondé de la décision négative du procureur général.
Tout d'abord, on peut penser que, à quelques exceptions près, ce seront toujours les procureurs généraux près les cours d'appel qui devront se prononcer sur la demande de consultation d'un dossier répressif.
En suite, c'est la chambre des mises en accusation qui, vu son expérience et sa compétence en matière pénale, est l'instance tout indiquée pour trancher les litiges éventuels opposant un procureur général à une commission d'enquête concernant le droit de consultation.
Le ministre reconnaît que sa proposition comporte une lacune dans le cas où un dossier répressif est pendant devant la Cour de cassation. On peut toutefois se demander s'il serait opportun de charger une commission parlementaire d'enquêter sur un tel dossier (cf. l'affaire Agusta).
Le préopinant réplique qu'il y a un précédent. La commission d'enquête de la Chambre des représentants relative aux commandes militaires n'a pas mis fin à ses travaux parce qu'un dossier spécifique, à savoir l'achat des hélicoptères Agusta, avait été renvoyé devant la Cour de cassation.
Le ministre fait remarquer que la mission d'enquête de cette commission concernait la problématique des achats de l'armée dans leur ensemble. Il aurait trouvé excessif que cette commission veuille consulter certaines pièces du dossier pendant devant la Cour de cassation.
Il n'a toutefois pas d'objection à ce que, quand la Cour de cassation est saisie d'un dossier, ce ne soit pas la chambre des mises en accusation mais la cour elle-même qui statue sur un litige relatif à la communication de pièces.
L'auteur de la proposition de loi approuve la remarque selon laquelle la chambre des mises en accusation est experte en matière de procédure pénale.
Il ne faut toutefois par perdre de vue le coeur du problème.
En substance, l'article 4, § 4, deuxième alinéa, proposé vise à régler un conflit sur la portée d'un droit constitutionnel, à savoir le droit d'enquête des assemblées parlementaires.
Ce conflit se ramène en réalité à un conflit de compétence entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. La question est de savoir quelles limites on peut mettre au droit d'enquête du Parlement. Ce débat dépasse l'approche purement « pénale » de la problématique du droit de consultation.
C'est la raison pour laquelle la chambre des mises en accusation n'est pas l'instance qui convient pour se prononcer sur les limites constitutionnelles du droit d'enquête parlementaire. De plus, le procureur général près la cour d'appel est partie au conflit et occupe quand même une position particulière par rapport à la chambre des mises en accusation.
En outre, la procédure suggérée par le ministre serait inacceptable si le procureur général près la Cour de cassation devait refuser à une commission d'enquête le droit de consulter un dossier dont la Cour aurait été saisie.
L'orateur attire l'attention sur le fait qu'aux Pays-Bas, en Allemagne et aux États-Unis, les commissions d'enquête parlementaire ont directement accès aux dossiers judiciaires relatifs aux affaires qu'elles examinent.
À cet égard, la France, qui n'autorise pas le concours d'une enquête parlementaire et d'une instruction judiciaire, fait figure d'exception. Le problème de la communication d'un dossier répressif ne s'y pose donc pas.
Le Conseil d'État a d'ailleurs déclaré, dans son avis du 28 décembre 1989, qu'imposer au procureur général près la cour d'appel ou à l'auditeur général près la cour militaire l'obligation de communiquer les expéditions et copies d'actes d'instruction ou de procédure que la commission d'enquête jugent nécessaires au bon déroulement de sa mission « n'est pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs » (cf. Avis du Conseil d'État sur la proposition de loi de Mme Onkelinx et de M. Di Rupo complétant la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, Doc. Chambre, 1988-1989, nº 675/2, p. 26).
Cela signifie que, théoriquement, la loi pourrait imposer au parquet d'ouvrir aux commissions d'enquête l'accès aux dossiers judiciaires.
La présente proposition de loi n'est pas aussi radicale. Les auteurs ont en effet opté pour la procédure mentionnée à l'article 4, § 4, laquelle offre des garanties contre les abus éventuels et doit dès lors être considérée comme une concession importante au pouvoir judiciaire.
L'on peut avancer, comme dernier argument contre l'intervention de la chambre des mises en accusation, que la position de cette instance en tant que juridiction d'instruction fait que l'on ne pourra pas satisfaire aux conditions désignés au deuxième alinéa de l'article 4, § 4, à savoir trancher le litige de manière définitive et par décision motivée, en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, dans le respect des droits de la défense.
La Cour d'arbitrage étant l'instance appropriée pour régler les conflits de compétence constitutionnelle, la proposition de loi suit l'avis du groupe de travail mixte chargé d'examiner la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et accorde la préférence à la formule du collège ad hoc composé de trois membres de la Cour d'arbitrage (cf. rapport fait au nom du groupe de travail mixte par MM. Mouton et Landuyt, Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 429-1 et Chambre, S.E. 1991-1992, nº 561/1, p. 24 à 28).
Comme il faut faire, en l'espèce, la balance entre des arguments d'ordre pénal et des intérêts politiques, l'orateur estime que la chambre des mises en accusation n'est pas suffisamment représentative pour trancher un litige entre la magistrature et le Parlement.
Le ministre déclare qu'il tient à mettre l'accent sur le problème de l'accès aux dossiers judiciaires. Compte tenu de la tendance à enfreindre le secret de l'instruction judiciaire, l'on devra déterminer, sur la base de principes classiques, quels sont les éléments du dossier qui pourront être éventuellement communiqués à la commission d'enquête. Les critères de référence seront, entre autres, l'intérêt des tiers, le droit au respect de la vie privée et la mesure dans laquelle la communication de ces éléments risque de nuire à l'efficacité de l'instruction.
Plutôt que de peser des intérêts politiques, il s'agit donc d'examiner des arguments de technique juridique.
Le membre souligne que la chambre des mises en accusation abordera les litiges entre un procureur général et une commission d'enquête parlementaire sous un angle spécifiquement pénal.
Une commission parlementaire ne peut exercer son droit d'enquête qu'à la condition d'avoir un aperçu global de la problématique qu'elle doit examiner.
L'on peut se demander si une chambre des mises en accusation examine les choses en tenant compte de la finalité de l'article 56 de la Constitution.
Le ministre déclare que la justification de la proposition d'attribuer à la chambre des mises en accusation la compétence de statuer sur un conflit entre le procureur général près la cour d'appel et une commission d'enquête, pourrait être déduite des motifs pour lesquels le procureur général refuserait la communication de dossiers judiciaires à cette commission.
Dans sa mercuriale du 1er septembre 1993, monsieur le procureur général près la Cour de cassation, J. Velu, estimait : « La communication des dossiers judiciaires à la commission d'enquête devrait, à mon sens, être refusée par exemple :
dans le cas où les activités de recherche et d'instruction en cours risqueraient d'être sérieusement entravées et que leur résultat final s'en trouverait compromis;
dans le cas où le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, de l'honneur ou de la réputation de certaines personnes risquerait, par l'effet de la communication, d'être lésé alors que l'atteinte à ce droit n'apparaît pas nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » (Considérations sur les rapports entre les commissions d'enquête parlementaire et le pouvoir judiciaire, J.T., 1993, pp. 589-597 et plus spécifiquement p. 593, nº 28).
Étant donné que, dans les deux cas susmentionnés, un examen de l'efficacité de l'instruction et du contenu d'un dossier judiciaire s'impose, il paraît logique d'en charger la chambre des mises en accusation en sa qualité de juridiction d'instruction.
Elle pourrait sanctionner le refus de communication, qui ne serait pas suffisamment justifié par le procureur général. Ainsi, ce dernier n'aurait pas la compétence exclusive de décider de la communication (ou non) d'un dossier judiciaire à une commission d'enquête parlementaire.
L'auteur de la proposition de loi signale que le procureur général près la Cour de cassation a déclaré, dans sa mercuriale, que la décision de refus « doit comporter des motifs. Mais sa nature même rend l'énonciation de ses motifs problématique. Car comment la motiver de manière déterminante, sans en même temps faire état des secrets que l'on entend précisément ne pas révéler et, partant, sans risquer de porter atteinte au secret de l'instruction que l'on veut protéger ? » (J.T., 1993, p. 594, nº 31).
L'orateur souligne que si le procureur général près la cour d'appel doit motiver les choses, il n'est pas exclu que la commission d'enquête s'incline, après avoir pris connaissance des moyens qu'il aura utilisés, devant son refus de lui ouvrir l'accès au dossier.
Si la commission décide de s'opposer à la décision du procureur général, elle doit pouvoir soumettre l'affaire en question à un organe suffisamment représentatif. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit la création d'un collège composé de trois membres de la Cour d'arbitrage.
L'orateur ajoute qu'il souscrit à l'argument avancé par le procureur général Velu suivant lequel la communication du dossier doit être refusée au cas où elle nuirait à l'efficacité de l'instruction judiciaire.
Le deuxième argument du procureur général repose sur le principe du respect du droit à la vie privée, à la vie familiale, à l'honneur et à la bonne réputation, revêt cependant un caractère général; l'on pourra toujours s'en servir lorsque la réputation d'une personne sera mise en cause dans un dossier répressif.
Un membre signale que le procureur général Velu a proposé subsidiairement de confier le règlement des litiges portant sur le droit de consultation qu'ont les commissions d'enquête parlementaire à une chambre composée des trois plus hauts magistrats de la Cour de cassation.
L'avantage de cette solution par rapport à celle qui consisterait à confier le règlement des litiges à la chambre des mises en accusation, c'est qu'elle oblige le procureur général près la Cour d'appel, qui est partie au litige, à justifier sa décision de refus devant une juridiction supérieure.
Au cas où l'on opterait pour cette formule, il faudrait toutefois disposer que le procureur général concerné ne pourra être associé ni aux délibérations ni à la préparation de la décision du collège composé de membres de la Cour de cassation.
L'auteur de la proposition de loi déclare qu'il a lui aussi envisagé une procédure devant la Cour de cassation. À l'instar du groupe de travail mixte chargé d'examiner la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, il a cependant retenu la formule du collège ad hoc composé de trois membres de la Cour d'arbitrage.
Un membre propose le compromis suivant : l'examen du litige serait confié à un collège ou à une commission similaires à la commission qui statue sur les recours contre les décisions prises par le ministre de la Justice concernant l'indemnité attribuée en cas de détention préventive inopérante. Cette commission est composée du premier président de la Cour de cassation, du premier président du Conseil d'État et du doyen de l'Ordre national des avocats (cf. art. 28, § 4, de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante).
On peut envisager, comme variante, un collège composé de la même manière mais au sein duquel le représentant du barreau serait remplacé par le président de la Cour d'arbitrage.
L'un des avantages de cette formule est que deux des trois membres n'appartiendraient pas au pouvoir judiciaire.
Le ministre continue à défendre sa proposition relative à la chambre des mises en accusation, mais déclare accepter le compromis proposé.
La première formule a notamment comme avantage que la présence du doyen de l'Ordre national des avocats garantit que les intérêts des parties (inculpé, prévenu, accusé, partie civile, ...) seront pris en considération.
L'auteur de la proposition de loi reste opposé à l'idée de faire intervenir la chambre des mises en accusation. Il peut par contre se rallier à la proposition de compromis prévoyant un collège composé des premiers présidents de la Cour de cassation et du Conseil d'État et du doyen de l'Ordre national des avocats.
La présence d'un représentant du barreau créera cependant une zone de tension entre les droits de la défense et le droit de consultation d'une commission d'enquête parlementaire.
L'intervenant estime que la composition du collège doit être suffisamment équilibrée et qu'elle ne doit pas donner d'emblée à penser qu'une décision négative du procureur général qui ne serait pas objectivement justifiée, sera confirmée.
C'est pour cette raison et parce qu'il n'y a pas d'accord sur la formule du collège composé de trois membres de la Cour d'arbitrage prévue dans la proposition de loi, qu'il se rallie à la proposition de soumettre un litige éventuel sur le droit de regard d'une commission d'enquête à un collège composé des premiers présidents de la Cour de cassation et du Conseil d'État et du président de la Cour d'arbitrage.
Sur la base de ce qui précède, M. Lallemand dépose l'amendement suivant (nº 10B) :
« B. Remplacer l'alinéa 2 du § 4 du même article par ce qui suit :
« Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la Chambre, la commission ou leurs présidents peuvent introduire un recours auprès d'un collège constitué du premier président de la Cour de cassation, du président de la Cour d'arbitrage et du premier président du Conseil d'État.
Ce collège siège à huis clos. Il entend, dans les délais les plus brefs, le président de la commission et le magistrat concerné. Il tranche le litige de manière définitive par décision motivée en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense. »
Un membre aimerait savoir si la décision motivée du collège est publique. Dans l'affirmative, cela compenserait le fait que le collège siège à huis clos.
L'auteur de l'amendement répond que le huis clos s'impose parce que le collège doit débattre des raisons pour lesquelles le procureur général refuse de communiquer un document qui, par hypothèse, est confidentiel et dont la divulgation peut poser des problèmes.
Il est vrai que la motivation de la décision risque de révéler des éléments qui devraient rester confidentiels.
M. Coveliers déclare que l'on doit rendre publics la décision et ses motifs si l'on veut éviter d'éveiller les soupçons dans l'opinion publique. Il dépose un amendement le prévoyant (nº 18) :
« Compléter le § 4, deuxième alinéa, de l'article 4 proposé à cet article par la disposition suivante :
« Cette décision doit être rendue publique. »
Justification
Notre démocratie réclame un maximum de transparence en ce qui concerne le fonctionnement du Parlement en général et de toute commission d'enquête parlementaire en particulier.
En ne rendant pas publiques les décisions du collège ad hoc, on risque d'éveiller certains soupçons non fondés, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir.
De plus, le règlement des conflits en cause est du type de ceux sur lesquels il doit être statué publiquement.
L'on ne résoudra que partiellement la question en conférant un caractère public à la décision par sa mention dans le rapport, car celui-ci n'est généralement publié qu'après un laps de temps assez long.
L'auteur du premier amendement observe que la décision sera intégrée dans le rapport de la commission.
Si l'on veut la rendre publique dès son prononcé, il est à craindre que la motivation n'en soit particulièrement sommaire.
Plusieurs membres déclarent que, si la décision du magistrat concerné est publique, la « décision arbitrale » du collège doit l'être aussi.
La commission aura du reste déjà discuté de l'éventuel refus du procureur général.
La demande d'obtention d'une copie des devoirs d'instruction et des actes de procédure aura également été débattue en commission, et ce vraisemblablement en réunion publique. Pourquoi faudrait-il alors que la décision du collège reste secrète ?
Un membre se demande s'il est nécessaire que l'opinion publique ait connaissance, en cours de route, de ce qui ne sont que des avatars de procédure, et s'il faut vraiement que les trois autres magistrats visés par le texte se réunissent, simplement pour prononcer la décision en audience publique. La motivation sera en tout cas connue des membres de la commission. Pour le surplus, le but d'une commission d'enquête est de livrer des conclusions claires à l'opinion publique, sans nécessairement entrer dans tous les détails.
L'auteur du dernier amendement répond qu'un membre de la commission doit, lui aussi, pouvoir discuter la décision. L'obligation de secret doit rester exceptionnelle et ne peut concerner que les éléments qui doivent être tenus secrets en raison de la finalité de l'enquête.
Tel n'est pas le cas de la décision sur l'accès à certaines pièces qui se trouve déjà sur la place publique de par la demande de la commission et le refus du magistrat.
En outre, une décision non publique ne satisferait pas à la règle de publicité du prononcé (« Justice must not only be done, but seen to be done »).
Le ministre déclare que deux raisons essentielles pourraient inciter le procureur général à rejeter la demande à la commission.
La première est tirée de la nécessité du déroulement normal de l'enquête, et la seconde, du respect de la vie privée de certains témoins.
En aucun cas le système ne peut aboutir à ce que des informations soient divulguées à ce sujet. Par conséquent, si la décision elle-même peut être publique, il semble préférable que sa motivation ne le soit pas.
Un membre rappelle que ce problème se posera dans une situation de conflit non limitée au petit groupe des parlementaires qui siégeront au sein de la commission.
L'auteur de la proposition de loi déclare que, dans un État de droit, il n'y a pas de décision juridique sans motivation. Sinon, on a affaire à une décision arbitraire.
La décision motivée a précisément pour but de convaincre celui qui doit accepter socialement la décision, en lui démontrant que telle est la bonne attitude à adopter.
Si la décision motivée n'est pas publique, elle tient lieu d'argument d'autorité.
La question est évidemment de savoir dans quelle mesure les motifs doivent être détaillés.
L'intervenant suivant rappelle que le collège, dans sa décision, rendra compte « des intérêts en présence ». Les magistrats qui le composent veilleront très certainement à formuler la motivation de leur décision de façon à ne pas porter préjudice à ces intérêts.
Puisque l'on semble avoir abandonné l'idée de considérer le conflit en question comme un conflit de compétence entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire, et que l'on a créé un collège ad hoc pour en connaître, il est préférable de garantir la transparence, par la publicité de la décision qui tranchera le conflit.
L'auteur du premier amendement reste d'avis qu'il n'est pas indiqué de faire rendre cette décision en séance publique, du point de vue de l'efficacité même de la motivation.
Un autre membre souligne que l'on risque d'aboutir à une situation absurde si une commission décide de travailler à huis-clos, et qu'elle entre en conflit avec un procureur général au sujet de la communication de certaines pièces; la décision du collège ad hoc sera alors le seul élément de toute la procédure à être rendu public.
À la question de savoir si les trois magistrats auront accès au dossier, l'auteur du premier amendement répond qu'ils peuvent en tout cas le demander, mais ils n'auront pas nécessairement besoin de le consulter. Tout dépendra du type d'objection formulée par le procureur général.
Un membre n'accepte pas que le président de la commission et le procureur général concerné soient entendus à huis clos par le collège et qu'il y ait débat sans que l'ensemble de la commission soit présente.
Il préconise une procédure écrite. La commission et le magistrat compétent pourront alors présenter un mémoire, sans possibilité de réplique.
Un autre intervenant est d'avis que le collège concerné doit en tout cas pouvoir poser des questions. Les réponses écrites sont généralement telles qu'en fait, on ne reçoit pas de réponse. L'échange de mémoires allongera aussi sensiblement le temps d'examen du dossier.
Un membre demande ce qui se passera si le procureur général estime que, compte tenu de certains aspects du dossier, la composition de la commission ne lui permet pas d'en donner connaissance à celle-ci et qu'il en avise le président de la commission en présence des trois magistrats.
Il est suggéré de prévoir que le collège peut entendre le président de la commission et le magistrat concerné.
M. Vandenberghe et consorts déposent à cet effet un sous-amendement (nº 27) à l'amendement de M. Lallemand (nº 10B) :
« Au 2 e alinéa du § 4, proposé par l'amendement, remplacer la deuxième phrase par ce qui suit :
« Ce collège siège à huis clos et règle la procédure. Il peut entendre, dans les délais les plus brefs, le président de la commission et le magistrat concerné. Il tranche le conflit de manière définitive, par décision motivée rendue en séance publique, en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense. »
En ce qui concerne la mention du respect des droits de la défense in fine du § 4 de l'article, le ministre déclare que les intérêts en présence paraissent devoir être mis sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de raison, dans un texte légal, d'en citer un plutôt que l'autre.
Ne faut-il pas, dès lors, supprimer les mots « et, en particulier, du respect des droits de la défense » ?
On répond que si cette mention n'est pas indispensable sur le plan légistique, elle se justifie néanmoins par le débat qui a eu lieu.
L'auteur de la proposition de loi se réfère à une tribune libre du professeur Alen, parue dans De Standaard du 18 janvier 1996 et dans laquelle celui-ci défendait la thèse que les droits fondamentaux individuels ont priorité sur les prérogatives de l'assemblée législative. Etant donné que l'enquête judiciaire est secrète et que les droits de la défense sont prioritaires, une commission d'enquête parlementaire ne peut pas enfreindre ces principes.
L'intervenant s'oppose à cette conception. Il est, en effet, tout à fait possible que les droits de la défense soient parfaitement garantis sans qu'il y ait secret de l'instruction.
Du reste, dans plusieurs pays d'Europe occidentale, le secret de l'instruction comme tel n'a pas été érigé en règle et pourtant les droits de la défense sont respectés. La Commission européenne des droits de l'homme à Strasbourg a d'ailleurs pris diverses décisions pour faire comprendre que le secret de l'instruction ne faisait pas partie des droits de la défense.
Sans cela, il serait trop facile pour le procureur général de motiver une décision négative en invoquant sans plus le secret de l'instruction.
C'est la raison pour laquelle le respect des droits de la défense fait l'objet d'une mention particulière.
Un membre propose de rédiger le texte comme suit : « en particulier la bonne administration de la justice et le respect des droits de la défense ».
Le ministre réplique que l'on pourrait alors énumérer d'autres intérêts à prendre en considération, comme, par exemple, le droit au respect de la vie privée, l'efficacité de l'enquête pénale et la transparence de la démocratie.
Un membre estime excessif d'énumérer dans la loi les intérêts que les trois hauts magistrats doivent prendre en considération pour trancher le conflit.
L'amendement de M. Lallemand (nº 10B) est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
L'amendement de M. Coveliers (nº 18) est rejeté par le même nombre de voix.
Le sous-amendement de M. Vandenberghe et consorts (nº 27) est adopté par 7 voix contre 3.
8. Article 4, § 5 (article 4, § 6 nouveau)
L'article 4, § 5, proposé dispose que, si des renseignements doivent être demandés en matière administrative, la commission adresse une demande écrite au ministre ou au secrétaire d'Etat compétent, qui est tenu d'y donner suite immédiatement.
On demande si cette disposition n'est pas contraire à l'article 32 de la Constitution et à la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration, en vertu de laquelle quiconque souhaite consulter un document administratif ou s'en faire remettre copie doit simplement adresser une demande à l'autorité administrative compétente et non pas au ministre dont cette autorité relève.
Ne serait-il pas souhaitable qu'une commission d'enquête parlementaire puisse aussi s'adresser directement à cette autorité ?
L'auteur de la proposition de loi répond que la disposition proposée s'inspire de l'avis du Conseil d'Etat, d'après lequel la Chambre ne s'adresse pas à l'administration directement, mais par le biais du ministre politiquement responsable.
On fait observer que la procédure proposée à l'article 4, § 5, pourrait se justifier au motif qu'il n'y a pas d'assimilation possible entre, d'une part, la commission d'enquête qui demande la communication générale de documents administratifs, et, d'autre part, l'administré qui ne s'intéresse qu'aux dossiers qui le concernent personnellement.
Quelle est la procédure applicable lorsqu'une commission d'enquête parlementaire fédérale souhaite adresser une demande de consultation de documents à un ministre communautaire ou régional ou, dans le cas inverse, lorsqu'une commission d'enquête d'un Conseil de communauté ou de région souhaite avoir accès à des documents détenus par une autorité administrative fédérale ?
L'auteur de la proposition de loi estime qu'il faut faire une distinction selon que la compétence pour certaines matières a été transférée ou non aux communautés et aux régions.
La disposition proposée ne précise toutefois pas si le ministre en question est un ministre fédéral ou un ministre communautaire ou régional.
Un membre estime qu'il convient de respecter les limites qui sont celles d'un État fédéral.
En effet, il n'appartient pas à une commission d'une assemblée fédérale d'enquêter sur des matières qui sont de la compétence d'un pouvoir régional.
M. Lallemand dépose l'amendement suivant (nº 10 C) :
« Remplacer le § 5 du même article par ce qui suit :
« Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière administrative, la commission adresse une demande écrite au ministre ou au secrétaire d'État compétent, qui y donne suite immédiatement. »
À la question de savoir si le ministre peut refuser de donner suite à la demande de la commission, il est répondu qu'en cas de refus, il engage sa responsabilité politique.
Il n'y a d'ailleurs pas de secret professionnel concernant l'exercice du pouvoir exécutif.
Un membre déclare que l'on peut déduire implicitement de la répartition des compétences qu'une commission d'enquête fédérale ne peut pas poser des questions aux ministres régionaux et communautaires. Comment peut-on, dès lors, obtenir des informations relatives à des matières qui étaient initialement fédérales mais qui ont été transférées aux communautés ou aux régions au cours d'une enquête ? La commission doit-elle s'adresser au Premier ministre, qui se concertera alors avec l'(les) autre(s) gouvernement(s) ?
Un autre membre répond que, conformément à la logique fédérale, on doit donner à la commission d'enquête la possibilité de s'adresser directement au ministre-président d'un Gouvernement communautaire ou régional. Ce n'est que lorsque celui-ci ne donne pas suite à la demande que la commission peut s'efforcer d'obtenir les renseignements auprès du Gouvernement communautaire ou régional par le biais du Gouvernement fédéral.
La commission pourrait naturellement convoquer le ministre concerné comme témoin.
Une autre procédure possible serait que les commissions s'adressent au ministre-président concerné par le biais des présidents des assemblées parlementaires concernées.
L'amendement de M. Lallemand (nº 10C) est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
L'article 3 ainsi modifié est adopté comme article 5 à l'unanimité des 10 membres présents.
Art. 5
L'article 4 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 4. § 1er . La Chambre ou la commission, ainsi que leurs présidents pour autant que ceux-ci y soient habilités, peuvent prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle.
§ 2. Pour l'accomplissement de devoirs d'instruction qui devront être déterminés préalablement, la Chambre ou la commission peuvent requérir le premier président de la Cour d'appel, qui désigne un ou plusieurs conseillers de la Cour d'appel ou un ou plusieurs juges du tribunal de première instance du ressort dans lequel les devoirs d'instruction doivent être accomplis.
Pour l'accomplissement de ces devoirs d'instruction, le magistrat désigné est placé sous la direction du président de lacommission. Il établit un rapport écrit consignant les résultats de son instruction.
Le magistrat désigné peut agir en dehors de son ressort et étendre son instruction à l'ensemble du Royaume.
§ 3. La commission peut également, conformément à la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements, charger les Comités permanents P et R d'effectuer les enquêtes nécessaires.
§ 4. Lorsque les mesures d'instruction comportent une limitation de la liberté d'aller ou de venir, une saisie de biens matériels, une perquisition ou l'écoute, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées, l'intervention du magistrat désigné conformément au § 2 est obligatoire.
Les articles 35 à 39 et 90ter à 90novies du Code d'instruction criminelle relatifs à la saisie de biens matériels et à l'écoute, à la prise de connaissance et à l'enregistrement de communications et de télécommunications privées sont applicables par le magistrat visé à l'alinéa précédent.
§ 5. Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière criminelle, correctionnelle, policière et disciplinaire, la commission adresse au procureur général près la cour d'appel ou à l'auditeur général près la Cour militaire une demande écrite en vue de se faire délivrer une copie des devoirs d'instruction et des actes de procédure dont elle estime avoir besoin.
Si, par décision motivée, ce magistrat estime ne pas pouvoir accéder à cette demande, la Chambre, la commission ou leurs présidents peuvent introduire un recours auprès d'un collège constitué du premier président de la Cour de cassation, du président de la Cour d'arbitrage, et du premier président du Conseil d'État. Ce collège siège à huis clos et règle la procédure. Il peut entendre, dans les délais les plus brefs, le président de la commission et le magistrat concerné. Il tranche le conflit de manière définitive et par décision motivée rendue en séance publique, en tenant compte des intérêts en présence et, en particulier, du respect des droits de la défense.
§ 6. Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière administrative, la commission adresse une demande écrite au ministre ou au secrétaire d'État compétent, qui y donne suite immédiatement. »
a) Texte de la proposition de loi
Art. 4
L'article 8 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 8. Les témoins, les interprètes et les experts sont soumis devant la Chambre, la commission ou le magistrat commis, aux mêmes obligations que devant le juge d'instruction.
Tout un chacun peut être appelé comme témoin. La convocation se fait par écrit et, au besoin, par citation.
Avant d'être entendus, les témoins sont tenus de présenter l'invitation ou la convocation à témoigner; il en est fait mention dans le procès-verbal. Avant d'être entendu, le témoin décline ses nom, prénoms, profession, lieu et date de naissance et domicile.
Les témoins et les experts font ensuite le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Les experts confirment leurs rapports verbaux ou écrits en prononçant le serment suivant : « Je jure avoir accompli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité. »
Le procès-verbal des témoignages est signé, soit immédiatement, soit au plus tard dix jours à dater de la fin de l'audition par le président et le témoin après que lecture lui en a été faite et qu'il a déclaré y persister. Aucun interligne ne pourra être fait, les ratures et renvois seront approuvés et signés par le président et le témoin.
Toute personne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la citation sous peine d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinq cents à dix mille francs.
Sans préjudice de l'invocation du secret professionnel visé à l'article 458 du Code pénal, tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner. »
La disposition relative au respect du secret par les personnes autres que les membres de la commission d'enquête est déplacée de l'article 3 proposé à l'article 8, qui traite des témoins, des interprètes et des experts.
La commission approuve ce transfert.
Un membre propose de supprimer l'alinéa 8 de l'article 8 proposé.
Elle fait valoir qu'il est de doctrine et de jurisprudence constantes que les dépositaires du secret professionnel sont libres de ne pas témoigner en justice ni a fortiori devant une commission d'enquête parlementaire. Tout au plus sont-ils assurés, s'ils témoignent, de ne pas enfreindre le prescrit de l'article 458 du Code pénal. La référence à cet article dans l'alinéa 8 de l'article proposé est donc inutile.
En outre, cet alinéa dispose que « tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner ». Cette disposition revient, d'une part, à confirmer inutilement le prescrit de l'article 458 du Code pénal, et, d'autre part, à permettre à quiconque aurait des faits répréhensibles à se reprocher, de refuser d'en faire état.
Il est clair que telle n'était pas l'intention de l'auteur de la proposition.
En conséquence, l'alinéa 8 doit être abandonné en tout cas dans sa rédaction actuelle.
Plusieurs membres se rangent derrière cette proposition. La portée de l'article 8, dernier alinéa, proposé, est si large que son application systématique pourrait bloquer le fonctionnement de la commission. Il suffit d'appliquer le droit commun, ce qui implique que, pour refuser de témoigner, un témoin ne peut invoquer que l'article 458 du Code pénal.
Sur la base de ce qui précède, M. Lallemand dépose un amendement, libellé comme suit (nº 11) :
« Remplacer l'article 8 proposé par ce qui suit :
« Art. 8. Toute personne, autre qu'un membre de la Chambre, qui, à un titre quelconque, assiste ou participe aux réunions non publiques de la commission, est tenue, préalablement, de prêter serment de respecter le secret des travaux. Toute violation du secret sera punie conformément aux dispositions de l'article 458 du Code pénal.
Les témoins, les interprètes et les experts sont soumis devant la Chambre, la commission ou le magistrat commis, aux mêmes obligations que devant le juge d'instruction.
La convocation des témoins se fait par écrit et, au besoin, par citation.
Avant son audition, le témoin décline ses nom, prénoms, profession, lieu et date de naissance et domicile.
Les témoins et les experts prêtent ensuite le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Les experts confirment leurs rapports verbaux ou écrits par le serment suivant : « Je jure d'avoir accompli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité. »
Le procès-verbal des témoignages est signé soit immédiatement, soit au plus tard quinze jours à dater de la fin de l'audition, par le président et par le témoin, après que la lecture lui en a été faite et qu'il a déclaré persister en ses déclarations.
Aucun interligne ne pourra être fait; les ratures et renvois seront approuvés et paraphés par le président et les témoins.
Toute personne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la citation sous peine d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinq cents francs à dix mille francs. »
Justification
En ce qui concerne le dernier alinéa de l'article, tel qu'il figure dans la proposition de loi, il y a lieu de se référer au droit commun.
L'auteur de la proposition de loi déclare que la ratio legis de l'article 8, dernier alinéa, proposé, est liée aux attendus de l'arrêt Transnuklear de la Cour de cassation du 6 mai 1993 (cf. p. 35).
La personne inculpée dans une enquête judiciaire en cours, lorsqu'elle est entendue sur les mêmes faits par une commission d'enquête parlementaire, peut invoquer le privilège de la présomption d'innocence, et donc refuser de faire un témoignage qui pourrait lui être défavorable. En outre, un témoin peut également invoquer le secret professionnel mentionné à l'article 458 du Code pénal.
Les préopinants sont sensibles à cette justification, mais estiment malgré tout trop large le champ d'application de la disposition proposée.
Un autre membre fait remarquer que le témoin qui refuse, sous serment, de faire une déclaration l'incriminant lui-même fait implicitement un aveu sans dévoiler de détails sur ce qui lui est demandé. Ce refus peut déboucher sur des poursuites pénales au cours desquelles, en tant qu'inculpé, l'intéressé a le droit de mentir.
Les témoins n'invoqueront donc pas fréquemment l'article 8, dernier alinéa, proposé, parce que cela reviendrait à avouer qu'ils ont commis un délit.
Le rapporteur est d'avis que la règle contenue à l'article 14, troisième alinéa, g) , du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon laquelle nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s'avouer coupable, vaut non seulement en matière répressive, mais doit aussi pouvoir être invoquée devant une commission d'enquête parlementaire. Il ne peut y avoir, sur ce plan, contradiction entre les deux procédures.
Par ailleurs, l'intervenant souhaiterait un complément d'information sur la procédure en usage aux États-Unis, dans laquelle, nonobstant le cinquième amendement constitutionnel (6), un témoin fait néanmoins, sous serment, une déclaration l'incriminant lui-même, à la condition d'échapper à des poursuites pénales.
Plusieurs membres estiment qu'il faut se garder de reprendre purement et simplement dans notre droit les procédures en vigueur dans la common law anglo-saxonne.
La question qui est au centre du problème est celle de savoir si une personne qui fait sous serment un faux témoignage devant une commission d'enquête parlementaire pour ne pas s'exposer à des poursuites, est ou non punissable.
Dans un procès pénal, en vertu du principe de la présomption d'innocence, l'inculpé n'est pas tenu de dire la vérité si celle-ci devait lui être défavorable.
Ce principe est-il applicable comme tel aux témoins comparaissant devant une commission d'enquête parlementaire ou y a-t-il lieu de prévoir une disposition spécifique ?
Le ministre signale que le procureur général près la Cour de cassation, J. Velu, défend le point de vue selon lequel le droit de ne pas être forcé à témoigner contre soi-même ou à s'avouer coupable s'applique aussi bien dans le cadre d'une enquête parlementaire que dans celui d'une enquête pénale.
Il justifie sa conception comme suit :
« Plusieurs dispositions de traités internationaux en matière de droits de l'homme, ayant des effets directs dans l'ordre juridique national, garantissent pour une personne accusée d'une infraction pénale le droit « à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable. »
Ce droit est prévu expressément par l'article 14.3. g), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dès lors qu'il participe de l'essence même d'un procès équitable, il est inhérent au droit à un tel procès reconnu par les articles 14.1. de ce Pacte et 6.1. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de sorte qu'il est, peut-on dire, implicitement garanti par ces dernières dispositions, ce que votre Cour a admis dans un arrêt du 11 mars 1992.
En énonçant que la personne accusée d'une infraction pénale a le droit de ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'accuser coupable, l'article 14.3. g), du Pacte ne fait que consacrer un principe général du droit reconnu comme tel par le législateur belge au cours des travaux préparatoires de la loi du 3 mai 1880, applicable aussi bien dans le cadre d'une enquête parlementaire que dans le cadre d'une instruction pénale, à savoir qu'aucune personne ne peut être forcée de faire des déclarations pouvant l'exposer à des poursuites ou à des condamnations pénales.
Cette opinion ne me paraît pas contredite par votre arrêt du 6 mai 1993.
Ni des travaux préparatoires de la loi du 3 mai 1880, ni de l'article 14.3. g), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni du principe général du droit que cette disposition consacre, ni des arrêts rendus par votre Cour et la Cour d'appel d'Anvers dans l'affaire Transnuklear, on ne saurait déduire qu'une personne convoquée pour déposer en qualité de témoin devant une commission d'enquête aurait le droit de refuser de comparaître ou de prêter serment, pour les motifs qu'elle est inculpée ou prévenue d'une infraction en rapport avec les faits sur lesquels porte l'enquête ou qu'en faisant des déclarations conformes à la vérité, elle pourrait s'exposer à des poursuites pénales. Elle ne peut refuser de comparaître ou de prêter serment pas plus qu'une personne ne peut le faire en faisant valoir que les faits sur lesquels elle devrait déposer sont couverts par le secret professionnel. Le motif d'en décider ainsi est le même dans les deux cas : la personne convoquée ne peut prévoir les questions qui lui seront posées; il n'est pas exclu que les questions ou certaines des questions auxquelles elle aurait à répondre s'appliquent à des faits en raison desquels elle n'est pas ou ne risque pas d'être l'objet de poursuites pénales. »
(Cf. Considérations sur les rapports entre les commissions d'enquête parlementaire et le pouvoir judiciaire, mercuriale prononcée le 1er septembre 1993 par M. J. Velu, procureur général près la Cour de cassation, J.T. , 1993, pp. 589-597, et notamment p. 592, nºs 20-21).
L'auteur de la proposition de loi souligne que ce point de vue était loin d'être évident il y a dix ou quinze ans d'ici, mais qu'il s'est imposé dans notre ordre juridique sous la pression de la jurisprudence internationale.
Dans l'affaire Transnuklear, la commmission d'enquête parlementaire a refusé d'appliquer ce principe et obligé des témoins à répondre aux questions qui leur étaient posées. Cette manière de faire était radicalement contraire à l'article 6, deuxième alinéa, de la C.E.D.H. et à l'article 14.3. g) , du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dispositions qui ont des effets directs dans l'ordre juridique national.
L'article 8, dernier alinéa, proposé, confirme la validité de ces dispositions dans le cadre du droit d'enquête parlementaire et doit donc être maintenu. Le procureur général près la Cour de cassation a d'ailleurs insisté dans ce sens (cf. op. cit. , p. 592, nº 22).
M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement (nº 30) à l'amendement de M. Lallemand (nº 11), libellé comme suit :
« Ajouter à l'article 8 proposé un alinéa rédigé comme suit :
« Sans préjudice de l'invocation du secret professionnel visé à l'article 458 du Code pénal, tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner. »
Plusieurs membres soutiennent cet amendement.
Le rapporteur signale que la commission chargée d'enquêter sur les livraisons d'armes et de munitions faites par la Belgique aux pays impliqués dans un conflit armé ou frappés d'embargo sur les armes (9 avril 1987) avait tenté de garantir l'efficacité de son enquête en déclarant aux fabricants d'armes qui venaient faire des dépositions devant elle à huis clos, que les déclarations compromettantes pour eux-mêmes qu'ils seraient éventuellement amenés à faire ne seraient ni consignées dans un procès-verbal ni communiquées au parquet.
L'auteur est plutôt favorable au système américain suivant lequel l'on accorde aux temoins l'immunité pénale en échange d'informations utiles.
Un membre précise que la procédure en vertu de laquelle l'on garantit à une personne l'immunité pénale pour une infraction légère, dès lors que les informations qu'elle divulgue permettent de condamner l'auteur d'une infraction grave, est inhérente au système juridique anglo-saxon (plea bargaining) .
La défense et le ministère public peuvent, en effet, s'entendre sur la qualification d'un fait passible d'une peine ainsi que sur la peine qui le frappe. Au cours du processus de négociation, le suspect fera des aveux pour un fait donné, même s'il est soupçonné d'avoir commis une infraction plus grave. Lorsque lui et le ministère public parviennent à un accord, celui-ci s'impose au juge, qui ne peut prononcer une peine plus lourde que celle qui a été convenue.
Il est indéniable qu'une telle procédure est particulièrement utile dans la lutte contre le crime organisé.
Toutefois, l'on doit bien se rendre compte qu'elle ne peut, dans le cadre de la présente proposition de loi, être introduite sans plus dans notre ordre juridique. Les divergences entre le système juridique continental, d'une part, et le système anglo-saxon, d'autre part, sont trop importantes.
La commission partage ce point de vue.
Un membre maintient sa réserve contre l'article 8, dernier alinéa, proposé, dont la portée lui semble trop large.
À cet égard, il se réfère aux observations formulées par le procureur général près la Cour de cassation, J. Velu, dans sa note non publiée relative à la proposition de loi de M. Arts modifiant la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires et l'article 458 du Code pénal (Doc. parl., Senat, S.E. 1991-1992, nº 446-1), dont s'est inspirée la présente proposition.
Le procureur général remarquait que l'article en question soulevait certaines difficultés. Il place le témoin délinquant ou tout au moins fortement suspecté d'avoir enfreint des lois (puisque sa sincérité suivant sa propre estime pourra avoir pour conséquences des poursuites pénales) dans une position plus confortable et favorable que celle du témoin dépositaire d'un secret professionnel. Suffirait-il au témoin d'invoquer ce motif pour être dispensé, sur sa simple affirmation, d'apporter son témoignage ? Et quelle confiance accorder à un témoin qui invoque sa propre turpitude ? »
L'auteur de la loi proposée fait remarquer que dans sa mercuriale du 1er septembre 1993, le procureur général Velu a adopté une position univoque :
« Pour en revenir au droit belge, je voudrais, en résumant les développements que j'ai cru devoir consacrer au témoignage, devant des commissions d'enquête, des personnes s'exposant par leurs déclarations à des poursuites pénales, distinguer entre deux phases procédurales : celle de la procédure devant la commission d'enquête et celle de la procédure devant la juridiction pénale.
En ce qui concerne la procédure devant la commission d'enquête, j'estime :
a) que les personnes qu'une commission d'enquête a convoquées en qualité de témoin, ne peuvent se dispenser de comparaître devant celle-ci, en alléguant que leurs déclarations risqueraient de les exposer à des poursuites pénales;
b) que les personnes appelées à déposer en qualité de témoin devant une commission d'enquête ne peuvent refuser de prêter serment en se prévalant du même motif;
c) que les personnes appelées à déposer en qualité de témoin devant une commission d'enquête ont le droit de ne pas répondre aux questions qui leur sont posées lorsque leurs déclarations pourraient ultérieurement être utilisées contre elles dans des poursuites pénales, à condition de ne pas détourner ce droit de son but; qu'elles peuvent toutefois renoncer à ce droit;
d) qu'il appartient au président de la commission d'informer ces personnes du droit qu'elles ont de ne pas répondre à de telles questions.
En ce qui concerne la procédure devant la juridiction pénale, j'estime :
a) que, hors le cas de faux témoignage et de subornation de témoin, les déclarations faites devant une commission d'enquête par une personne forcée de témoigner, ne sauraient être utilisées contre elle, sans que soient méconnus les articles 6.1. de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.1. et 3.g), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le principe général consacré par ledit article 14.3.g), et le principe du respect des droits de la défense;
b) que, toutefois, une méconnaissance de ces dispositions et de ces principes devant la juridiction pénale ne saurait être déduite de la seule circonstance que le prévenu a été contraint devant une commission d'enquête à faire, en réponse à des questions qui lui étaient posées, des déclarations sur des faits susceptibles de constituer des infractions dans son chef; qu'en effet, ces déclarations peuvent ne pas avoir été utilisées directement ou indirectement contre le prévenu dans le cadre de la procédure pénale suivie contre lui; qu'en conséquence, un prévenu ne saurait échapper à une condamnation pénale du seul fait que dans une enquête parlementaire où il était entendu sous serment, il a avoué les faits délictueux. »
(Cf. Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 67-68, nº 43).
Le président clôt la discussion en faisant observer qu'il est préférable d'accorder à un témoin le droit de se taire plutôt que de le forcer à mentir parce qu'il est obligé de répondre aux questions qu'on lui pose.
En ce qui concerne l'amendement de M. Lallemand, et plus particulièrement la suppression, au deuxième alinéa, de la phrase « Tout un chacun peut être appelé comme témoin », l'auteur de la proposition de loi précise que cette phrase trouve son origine dans le fait que certains magistrats avaient estimé qu'ils ne pouvaient être convoqués comme témoin dans le cadre d'une instruction judiciaire. La phrase doit donc être maintenue. Quant aux problèmes que pourrait éventuellement poser le secret professionnel, on peut les résoudre par le biais de la modification de l'article 458 du Code pénal proposée à l'article 8.
M. Vandenberghe et consorts déposent le sous-amendement suivant (nº 28) à l'andement de M. Lallemand (nº 11) :
« Faire débuter le 3e alinéa de l'article 8 proposé par la phrase : « Tout un chacun peut être appelé comme témoin. »
Le ministre se rallie à cet amendement. Il arrive régulièrement que des magistrats soient entendus devant des juridictions, où ils disent ce qu'ils savent et exposent les devoirs accomplis.
On assimile le témoignage devant une commission d'enquête au témoignage devant une juridiction. Le problème est donc parfaitement réglé à l'article 8 de la proposition.
En ce qui concerne l'alinéa 4 de l'article 8, proposé par l'amendement de M. Lallemand (nº 11), MM. Vandenberghe et Erdman déposent un sous-amendement (nº 29) libellé comme suit :
« Faire débuter le 4e alinéa de l'article 8 proposé par ce qui suit :
« Avant d'être entendus, les témoins sont tenus de présenter l'invitation ou la convocation à témoigner; il en est fait mention dans le procès-verbal. »
M. Coveliers dépose un sous-amendement visant à compléter le septième alinéa (nº 19) :
« Compléter le septième alinéa de l'article 8 proposé par la disposition suivante :
« Si le témoin refuse de signer ses dépositions, il en sera fait mention au procès-verbal. »
Justification
Le refus de signer le procès-verbal doit être considéré comme une faute grave. La sanction doit être conforme aux dispositions de l'article 77 du Code d'instruction criminelle.
Un membre signale qu'en matière pénale, le témoin ne signe pas sa déposition, à moins d'être requis de le faire. C'est la prestation de serment qui compte.
Le rapporteur souligne que le texte proposé pose des problèmes d'ordre pratique. Auparavant, l'on avait l'habitude d'envoyer le compte rendu sténographique au témoin « pour lecture, remarques et signature. »
Le texte proposé par l'amendement signifie soit que le compte rendu doit être établi, lu et présenté à la signature sur-le-champ, soit qu'il faut faire revenir le témoin pour lui en faire lecture et le lui faire signer, ce qui complique les choses.
L'intervenant suivant demande si, par « le procès-verbal des témoignages » , l'on entend la reproduction intégrale des déclarations du témoin ou bien un simple résumé, comparable à ce qui se pratique en justice, lorsque le président du tribunal dicte au greffier la déposition du témoin, puis demande à ce dernier s'il marque son accord sur le compte-rendu.
Il est répondu que les deux sont possibles, mais que la seconde modalité alourdit considérablement les travaux. Il faut laisser à la commission le choix du procédé qui lui paraît préférable.
Le ministre fait remarquer que la sanction prévue pour le témoin qui ne comparaît pas est fort lourde (8 jours à 6 mois d'emprisonnement et 500 à 10 000 francs d'amende). En matière judiciaire, la sanction est au maximum de 100 francs d'amende (art. 80 C.I.C.).
M. Coveliers dépose un amendement (nº 16) afin de tenir compte de la première remarque du ministre :
« Compléter le septième alinéa de l'article 8 proposé par ce qui suit :
« Les dispositions du livre Ier du Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, sont applicables. »
Justification
Il est logique que les dispositions du livre Ier du Code pénal concernant, par exemple, les causes de justification et d'excuse, les circonstances atténuantes, etc., soient applicables à la sanction prescrite au septième alinéa de cet article.
L'amendement de M. Lallemand (nº 11), ainsi que les sous-amendements de M. Vandenberghe et consorts (nº 28), de MM. Vandenberghe et Erdman (nº 29), de M. Coveliers (nº 19) et de M. Vandenberghe et consorts (nº 30) sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement de M. Coveliers (nº 16) est également adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'article 4 amendé est adopté, en tant qu'article 6, à l'unanimité des 9 membres présents.
Art. 6
L'article 8 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 8. Toute personne autre qu'un membre de la Chambre qui, à un titre quelconque, assiste ou participe aux réunions non publiques de la commission, est tenue, préalablement, de prêter le serment de respecter le secret des travaux. Toute violation de ce secret sera punie conformément aux dispositions de l'article 458 du Code pénal.
Les témoins, les interprètes et les experts sont soumis devant la Chambre, la commission ou le magistrat commis, aux mêmes obligations que devant le juge d'instruction.
Tout un chacun peut être appelé comme témoin. La convocation se fait par écrit et, au besoin, par citation.
Avant d'être entendus, les témoins sont tenus de présenter l'invitation ou la convocation à témoigner; il en est fait mention dans le procès-verbal. Avant son audition, le témoin décline ses nom, prénoms, profession, lieu et date de naissance et domicile.
Les témoins et les experts prêtent ensuite le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Les experts confirment leurs rapports verbaux ou écrits par le serment suivant : « Je jure avoir accompli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité. »
Le procès-verbal des témoignages est signé, soit immédiatement, soit au plus tard quinze jours à dater de la fin de l'audition par le président et par le témoin, après que lecture lui en a été faite et qu'il a déclaré persister en ses déclarations. Aucun interligne ne pourra être fait; les ratures et renvois seront approuvés et paraphés par le président et le témoin.
Si le témoin refuse de signer ses dépositions, il en sera fait mention au procès-verbal.
Toute personne citée pour être entendue en témoignage sera tenue de comparaître et de satisfaire à la citation sous peine d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinq cents francs à dix mille francs. Les dispositions du livre Ier du Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, sont applicables.
Sans préjudice de l'invocation du secret professionnel visé à l'article 458 du Code pénal, tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner. »
a) Texte de la proposition de loi
Art. 5
L'article 10, alinéa premier, de la même loi est remplacé par la disposition suivante :
« En cas de présomption d'infraction à l'article 9, le président de la commission en donne connaissance au procureur général près la cour d'appel pour y être donnée telle suite que de droit. »
Le procureur général près la cour d'appel à qui des infractions éventuelles à l'article 9 sont signalées est celui dans le ressort duquel l'infraction a été commise. Le plus souvent, ce sera donc le procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles.
M. Lallemand dépose l'amendement suivant (nº 12) :
« Remplacer cet article par ce qui suit :
« Art. 5. À l'article 10 de la même loi sont apportées les modifications suivantes :
A. L'alinéa 1er est remplacé par ce qui suit :
« Les procès-verbaux constatant des indices ou des présomptions d'infractions seront transmis au procureur général près la cour d'appel pour y être donnée telle suite que de droit. »
B. L'alinéa 2 est supprimé. »
Justification
Les dispositions de l'alinéa 2 de l'actuel article 10 sont couvertes par l'alinéa 1er nouveau, proposé.
Il souligne que la référence à l'article 9, qui ne visait que l'hypothèse du faux témoignage, a été supprimée en raison de son caractère restrictif.
En effet, si des témoignages révèlent d'autres infractions (faux, escroquerie, ...), la commission doit pouvoir transmettre les procès-verbaux qui s'y rapportent au procureur général.
Cet amendement devenu l'article 7 est adopté à l'unanimité des dix membres présents.
Cf. l'amendement.
a) Texte de la proposition de loi
Art. 6
L'article 12 de la même loi est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 12. La Chambre met sans délai à disposition les moyens que la commission juge indispensables à l'accomplissement de sa tâche. »
Un commissaire fait observer qu'en vertu de l'article proposé, la commission d'enquête peut en quelque sorte forcer la Chambre à mettre à sa disposition les moyens qu'elle juge indispensables à l'accomplissement de sa tâche.
Il estime que cela va trop loin et propose, dès lors, de maintenir l'article en vigueur.
L'auteur de la proposition de loi renvoie au commentaire de l'article 6, duquel il ressort que jusqu'à présent, les commissions d'enquête ont disposé de trop peu de moyens pour remplir convenablement leur mission. C'est pourquoi l'article 12 proposé dispose que la commission doit pouvoir décider elle-même quels sont les moyens qui lui sont nécessaires.
L'intervenant suivant considère qu'une commission d'enquête doit pouvoir proposer elle-même à la Chambre le budget nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Il appartient à la Chambre concernée de mettre un frein aux dépenses exorbitantes.
Sur la base de cet échange de vues, l'auteur de la proposition de loi suggère le texte suivant :
« La Chambre met à la disposition de la commission, selon les modalités à arrêter dans son règlement, les moyens indispensables à l'accomplissement de sa mission. »
M. Lallemand reste fidèle à son point de vue selon lequel il appartient en première instance aux organes compétents de la Chambre concernée, à savoir le collège des questeurs et le bureau, de se prononcer sur la demande de moyens émanant de la commission.
Il dépose un amendement et un amendement subsidiaire (nºs 13 et 14) :
1. Remplacer l'article 12 proposé par ce qui suit :
« Art. 12. En conformité avec son règlement, la Chambre met sans délai à la disposition de la commission les moyens indispensables à l'accomplissement de sa mission. »
2. Amendement subsidiaire
« Maintenir purement et simplement le texte actuel de l'article 12 de la loi. »
Le premier amendement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents. Le second amendement subsidiaire est rejeté par un vote identique.
L'article 6 ainsi amendé, devenu l'article 8, est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
Art. 8
L'article 12 de la même loi est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 12. En conformité avec son règlement, la Chambre met sans délai à la disposition de la commission les moyens indispensables à l'accomplissement de sa mission. »
a) Texte de la proposition de loi
Art. 7
L'article 13 de la même loi est complété par l'alinéa suivant :
« Les travaux de la commission sont consignés dans un rapport formulant des conclusions en vue de recommander une modification de la loi et/ou l'établissement de responsabilités. »
M. Lallemand estime que l'alinéa nouveau doit précéder le premier alinéa. À cette fin, il dépose l'amendement suivant (nº 15) :
« Remplacer cet article par ce qui suit :
« Art. 7. À l'article 13 de la même loi, l'alinéa suivant est inséré avant l'alinéa 1er :
« La commission consigne la relation de ses travaux dans un rapport public. Elle acte ses conclusions et formule, le cas échéant, ses observations quant aux responsabilités que l'enquête révèle, et ses propositions sur une modification de la législation. »
En ce qui concerne le caractère public du rapport, il est précisé que la commission d'enquête décide souverainement si l'information obtenue au cours des réunions non publiques sera divulguée ou non. Lorsque l'on procédera à une publication, cette information devra faire l'objet de la plus grande circonspection. Il va de soi que si une commission d'enquête a promis à un témoin l'anonymat ou le secret sur sa déclaration, elle doit tenir son engagement.
On demande si le texte ne devrait pas prévoir explicitement la possibilité d'un débat en séance publique, le rapport de la commission une fois clôturé. Cela résulte-t-il à suffisance du règlement des assemblées ?
Un membre répond que ce point doit être traité dans le cadre de ce règlement.
L'intervenant suivant estime que la condition d'un débat en séance publique tient manifestement au fait que c'est la Chambre concernée qui charge la commission de l'enquête. Toutefois, il est déjà arrivé que ce débat n'ait pas lieu à la suite de la dissolution des Chambres.
L'amendement de M. Lallemand (nº 15), devenu l'article 9, est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.
Cf . l'amendement.
a) Texte de la proposition de loi
Aux termes de l'article 458 du Code pénal, les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelées à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à cinq cents francs.
L'article 8 de la proposition de loi insère les mots « ou une commission d'enquête parlementaire » entre les mots « où la loi » et les mots « les oblige à faire connaître ces secrets ».
Cet article modifie l'article 458 du Code pénal en ce sens qu'une commission d'enquête parlementaire pourrait obliger des témoins à lever le secret professionnel.
Le ministre estime que cette modification va trop loin.
Les témoins doivent néanmoins avoir la possibilité de révéler librement leurs secrets professionnels s'ils l'estiment nécessaire, sans pour autant être sanctionnés sur la base de l'article 458 du Code pénal. Il est donc indispensable d'adapter cet article.
Il propose de modifier l'article 8 comme suit :
« Dans l'article 458 du Code pénal, les mots « ou devant une commission d'enquête parlementaire » sont insérés entre les mots « témoignage en justice » et les mots « et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets. »
Il fait observer que la proposition d'amendement a pour but d'assimiler le témoignage devant une commission d'enquête au témoignage en justice.
Dès lors, celui qui est appelé comme témoin devant une commission parlementaire est tenu de dire la vérité, sans que cette obligation puisse porter atteinte à son secret professionnel.
Un membre constate que le ministre a repris la proposition de M. Pinoie concernant la modification de l'article 458 du Code pénal.
Par ailleurs, il croit déceler une contradiction entre l'article 8, dernier alinéa, proposé, en vertu duquel le secret professionnel peut être invoqué, d'une part, et la modification de l'article 458 du Code pénal proposée par le ministre, en vertu de laquelle le secret professionnel ne s'applique pas en cas de témoignage devant une commission d'enquête parlementaire, d'autre part.
Pour illustrer les difficultés qui peuvent surgir, il cite l'hypothèse dans laquelle un avocat est convoqué devant une commission d'enquête pour être entendu sur l'affaire traitée par lui. L'avocat ne peut-il plus se prévaloir du secret professionnel devant la commission ?
Il est clair qu'une réponse négative hypothéquera lourdement la relation de confiance entre l'avocat et son client.
Un membre soutient la proposition du ministre parce que, dans la proposition de loi de M. Vandenberghe, outre les cas définis par la loi, une commission parlementaire d'enquête peut aussi obliger les personnes visées à l'article 458 du Code pénal à rompre le secret professionnel.
Ce faisant, on sape le fondement même de la notion de secret professionnel.
Eu égard au fait que les Conseils de communauté et de région disposent eux aussi du droit d'enquête et que les commissions d'enquête parlementaire vont se multiplier, on peut s'interroger sur l'opportunité de la disposition en vertu de laquelle les avocats, les médecins, les prêtres, etc., pourraient être contraints, sous la menace de sanctions pénales, de divulguer les informations secrètes qui leur ont été confiées.
Mme Delcourt-Pêtre dépose un amendement (nº 31) qui s'inspire de la proposition de loi de M. Pinoie (cf. doc. Sénat, S.E. 1995, nº 1-31/1) :
« Remplacer le texte proposé par ce qui suit :
« À l'article 458 du Code pénal, les mots « ou devant une commission d'enquête parlementaire » sont insérés entre les mots « hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice » et les mots « et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets. »
Justification
La disposition de l'article 458 du Code pénal est rédigée comme suit :
« (...) personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où elles sont appelées à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punies... ».
Aux termes de l'article 8 de la proposition, il est envisagé d'ajouter aux exceptions prévues à cet article les informations révélées en cas de comparution devant une commission d'enquête parlementaire. Cela étant, cette nouvelle exception trouverait davantage sa place, dans le texte de l'article 458, aux côtés de celle du témoignage en justice, plutôt qu'aux côtés de celle où la loi oblige le dépositaire des secrets de les révéler.
Cette seconde exception vise en effet des cas particuliers où la loi impose certaines déclarations vis-à-vis desquelles le secret professionnel ne peut être invoqué : les déclarations de naissance (art. 361 du Code pénal), les déclarations de certaines maladies contagieuses, les déclarations de revenus en matière fiscale, etc.
Il ne fait nul doute que la comparution devant une commission d'enquête parlementaire s'apparente moins à ces cas particuliers qu'au témoignage en justice, où le dépositaire du secret professionnel demeure libre de s'en réclamer ou de s'en défaire.
L'amendement de Mme Delcourt-Pêtre (nº 31) est adopté, comme article 10, à l'unanimité des 9 membres présents.
Cf. l'amendement.
L'article 11 de la loi du 3 mai 1880 dispose que les indemnités dues aux personnes dont le concours a été requis dans l'enquête sont réglées conformément au tarif des frais en matière civile.
Plusieurs membres objectent qu'il n'existe pas, en fait, de tarif des frais en matière civile. Dans le cadre du projet de loi qui est devenu la loi du 3 mai 1880, l'on avait initialement proposé d'utiliser le tarif en matière pénale. Les indemnités calculées sur la base de ce tarif furent, toutefois, jugées insuffisantes. C'est pourquoi l'on a opté pour le tarif des frais en matière civile. Les travaux préparatoires ne permettent pas de dire quelles sont les personnes visées par l'article 11. Il s'agit en tout cas des témoins et des experts.
En ce qui concerne les témoins, il y a lieu d'observer les dispositions de l'arrêté royal du 27 juillet 1972 relatif à la taxe des témoins en matière civile ainsi qu'à la perception et à la restitution des provisions prévues par l'article 953, alinéa 1er , du Code judiciaire.
Pour ce qui est des experts, l'article 982 du Code judiciaire dispose que l'état des honoraires et des frais d'expertise est fixé en tenant compte de la qualité des experts, de la difficulté et de la longueur des travaux ainsi que de la valeur du litige. Contrairement à ce qui est le cas en ce qui concerne la procédure suivie en matière pénale (article 22bis, A.M. du 20 novembre 1980), il n'y a pas de tarif fixe pour les experts qui interviennent en matière civile.
Plusieurs membres craignent que la modicité des tarifs dissuadera beaucoup d'experts d'accepter une mission d'une commission d'enquête. La commission d'enquête devra par conséquent fixer elle-même les indemnités qu'elle leur versera.
Il est intéressant de relever que, dans ses articles 24, § 3, et 48, § 3, la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements dispose elle aussi que les indemnités dues aux esperts et aux interprètes sont réglées conformément au tarif des frais en matière civile.
La commission estime que l'on doit revoir les modalités de règlement de l'indemnité des frais en matière civile, et plus particulièrement en ce qui concerne les experts. Elle ne juge toutefois pas opportun de le faire dans le cadre de la présente proposition de loi.
L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
La proposition de loi de M. Pinoie et consorts relative à l'article 4 de la loi du 3 mai 1880 et à l'article 458 du Code pénal devient sans objet, ses dispositions ayant été adoptées par la commission comme amendements à la proposition principale.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
Le Rapporteur,
André BOURGEOIS. |
Le Président,
Roger LALLEMAND. |
(1) En vertu de l'article 100, deuxième alinéa, de la Constitution, le Sénat peut requérir la présence d'un ministre pour l'exercice de son droit d'enquête.
(2) Il s'agit de la proposition de loi du sénateur Arts et consorts (cf. I.A. Historique).
(3) M. le sénateur Arts (cf. I.A. Historique).
(4) Loi du 27 mars 1969, Moniteur belge du 18 avril 1969; exposé des motifs, Doc. Sénat, 1968-1969, nº 112/2.
(5) Cass., 12 mai 1992, Bull., 1992, p. 788.
(6) No person ... shall be compelled in any criminal case to be a witness against himself.