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13 JUILLET 1995
La récente réforme de l'État a apporté de nouvelles modifications fondamentales à la structure de l'État belge. La modification de la composition du Parlement fédéral, la scission de la province de Brabant, les modifications de la législation électorale et la redistribution des compétences entre la Communauté française, d'une part, et la Région de Bruxelles-Capitale et la Région wallonne, d'autre part, ont mis en exergue la position particulière de la région de langue allemande.
La région de langue allemande et, par conséquent, la Communauté germanophone font partie de la province de Liège. Compte tenu du principe de l'égalité des Belges devant la loi (article 10 de la Constitution), cette province devrait en fait être une province bilingue. De plus, la Communauté germanophone, qui dispose d'un pouvoir décrétal, se situe, dans la hiérarchie des normes, au-dessus de la province, alors que, dans la réalité, elle y est subordonnée.
Pour mettre fin à cette situation illogique et déraisonnable, il suffit d'accorder le statut de province à la région de langue allemande. Les arguments présentés à l'occasion de la scission de la province de Brabant s'appliquent ici, en effet, pour autant de raisons au moins. Cette modification peut se faire par une loi ordinaire (voir l'article 5, deuxième alinéa, de la Constitution).
Une telle opération ne nécessiterait pas la création d'institutions et structures supplémentaires. Les compétences de la province pourraient tout simplement être reprises par les organes de la Communauté germanophone. L'article 140 de la Constitution autorise en effet pareille attribution de compétence à la Communauté germanophone.
En ce qui concerne la représentation au sein des Chambres législatives, la région de langue allemande n'est actuellement pas favorisée.
L'article 43 de la Constitution prévoit que les membres des Chambres législatives sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique néerlandais. Le critère appliqué à cet égard est de savoir si le collège électoral qui a élu les parlementaires fait partie de la région de langue française ou de la région de langue néerlandaise. Les parlementaires élus par l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde font partie du groupe linguistique néerlandais ou français selon qu'ils ont prêté serment exclusivement ou d'abord soit en néerlandais, soit en français ou en allemand.
En dépit du fait que la Constitution prévoit que la Belgique se compose de trois communautés (article 2 de la Constitution) et indépendamment de l'égalité des quatre régions linguistiques (article 4 de la Constitution), il n'y a pas de groupe linguistique allemand. Les parlementaires élus par l'arrondissement électoral de Verviers font partie du groupe linguistique français, sans autre possibilité de choix. La Communauté germanophone n'est donc pas représentée en tant que telle à la Chambre, contrairement aux Communautés française et flamande.
Or, récemment, l'on s'est écarté de ce principe dans d'autres cas. À la suite de la réforme de l'État, le Sénat compte un sénateur de la Communauté germanophone (désigné en son sein par le Conseil de la Communauté germanophone). Lors des élections au Parlement européen, le collège électoral allemand se voit attribuer un siège. De plus, l'article 29, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles prévoit, pour l'élection du Conseil régional wallon, que s'il n'y a qu'un membre à élire, sera élu le candidat qui aura obtenu le plus grand nombre de voix. Étant donné que le nombre d'électeurs dans la région de langue allemande est suffisant pour un mandat, il ne faut donc pas élaborer de nouvelle réglementation pour eux.
Par contre, afin que la Communauté germanophone soit assurée d'être représentée à la Chambre, il faudra adapter le tableau fixant les circonscriptions électorales pour les élections à la Chambre (article 87 du Code électoral).
L'élection des sénateurs élus directement se fera dorénavant sur la base de trois circonscriptions électorales : la circonscription électorale wallonne, la circonscription électorale flamande et la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et ne comprendra que deux collèges électoraux : un français et un néerlandais.
Étant donné que cette répartition est manifestement fondée sur des considérations linguistiques, la méconnaissance de la communauté de langue allemande est injustifiable. Dès lors, une adaptation de l'article 87bis du Code électoral s'impose : l'élection des sénateurs élus directement doit se faire sur la base de quatre circonscriptions électorales et de trois collèges électoraux, comme c'est le cas pour les élections européennes.
Article 2
Aux termes de l'article 5, deuxième alinéa, de la Constitution, le législateur peut, par une loi ordinaire, diviser le territoire du Royaume en un plus grand nombre de provinces. On peut donc créer par une loi ordinaire une province propre à la Communauté germanophone.
L'article 140 de la Constitution prévoit que le Conseil et le Gouvernement de la Communauté germanophone exercent par voie d'arrêtés et de règlements toutes les autres compétences (que celles de la Région wallonne) qui leur sont attribuées par la loi. L'octroi d'un statut provincial à la Communauté germanophone est nécessaire et justifié : seule l'attribution des compétences provinciales à la Communauté germanophone permettra à celle-ci de mener une politique englobant l'intégralité de la vie de cette communauté.
Il est en outre insensé que la Communauté germanophone, qui possède un pouvoir décrétal dans les matières culturelles et personnalisables, soit, à l'échelon provincial, subordonnée à la province de Liège qui, elle, ne dispose que d'un pouvoir réglementaire.
Si l'on ajoute cette nouvelle province à la province de Brabant qui a été scindée, notre pays comptera onze provinces.
Le territoire de la nouvelle province à créer coïncide entièrement avec celui des neuf communes de la région de langue allemande.
Article 3
L'existence d'un Conseil directement élu de la Communauté germanophone, compétent pour le territoire de la nouvelle province, ne nécessite pas la création d'un conseil provincial. Les compétences du conseil provincial peuvent être reprises par ce Conseil, conformément à l'article 140 de la Constitution.
Article 5
Pour la députation permanente et le Gouvernement de la Communauté germanophone, on suivra le même raisonnement que celui tenu à l'article précédent.
Article 6
En raison de la séparation des pouvoirs, il est indiqué de faire exercer la fonction juridictionnelle de la députation permanente par un nouvel organe. Par analogie avec la Région de Bruxelles-Capitale, où, depuis la scission de la province de Brabant, ces tâches sont assumées par un organe spécial à créer (article 83quinquies, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989), on peut prévoir un organe semblable pour la nouvelle province d'Eupen-Saint-Vith.
Article 7
Étant donné que le Conseil et le Gouvernement de la Communauté germanophone exerceront désormais les compétences provinciales pour la région de langue allemande, le transfert du personnel, des biens, droits et obligations de la province de Liège à la province d'Eupen-Saint-Vith devra être réglé par arrêté royal.
Article 8
Conformément aux dispositions de cet article, la région de langue allemande, pour pouvoir disposer d'une représentation à la Chambre, de même que les autres régions linguistiques, constituera une circonscription électorale propre pour les élections à la Chambre des représentants.
Article 9
L'actuelle répartition en circonscriptions électorales pour l'élection des sénateurs élus directement porte atteinte à l'équivalence de la région de langue allemande avec les autres régions linguistiques de notre pays. L'élection des sénateurs élus directement doit s'opérer sur la base de quatre circonscriptions électorales au lieu de trois, et sur la base de trois collèges électoraux au lieu de deux.
Article 10
Pour réaliser cette nouvelle répartition en circonscriptions électorales, il s'impose de modifier un certain nombre d'articles du Code électoral.
Article 11
D'une part, les habitants de la Communauté germanophone contribuent au financement de la Région wallonne. D'autre part, les compétences de la Région wallonne visées à cet article ne portent pas sur la Communauté germanophone. C'est pourquoi il est proposé de transférer les moyens correspondants à la Communauté germanophone, pour financer ses propres compétences communautaires, en adoptant pour ce transfert une clé équivalant au rapport entre la population de la Communauté germanophone et celle de la Région wallonne.
Article 12
Étant donné que les organes de la Communauté germanophone exerceront les nouvelles compétences provinciales, la province d'Eupen-Saint-Vith pourra être créée dès la prochaine élection pour le Conseil de la Communauté germanophone.
Article 13
Pour assurer la continuité du droit, le jour de la création de la province d'Eupen-Saint-Vith, les arrêtés et règlements de l'ancienne province de Liège resteront en vigueur dans la nouvelle province d'Eupen-Saint-Vith aussi longtemps qu'ils n'auront pas été modifiés ou remplacés par les institutions qui exerceront les compétences de cette dernière province.
Article 14
Les articles 8 et 9 entreront en vigueur à partir des prochaines élections législatives.
Jan LOONES. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
Il est créé une province d'Eupen-Saint-Vith, comprenant les communes d'Amblève, Bullange, Burg-Reuland, Butgenbach, Eupen, La Calamine, Lontzen, Raeren et Saint-Vith.
Art. 3
La province d'Eupen-Saint-Vith a Eupen pour chef-lieu.
Art. 4
Les tâches d'administration générale qui, dans la province de Liège, sont exécutées par le conseil provincial, sont exécutées, pour le territoire de la Communauté germanophone, par le Conseil de la Communauté germanophone.
Art. 5
Les tâches d'administration générale qui, dans la province de Liège, sont exécutées par la députation permanente, sont exécutées, pour le territoire de la Communauté germanophone, par le Gouvernement de la Communauté germanophone.
Art. 6
Les tâches juridictionnelles qui, dans la province de Liège, sont exécutées par la députation permanente, sont exécutées, pour le territoire de la Communauté germanophone, par un collège de trois membres désignés par le Conseil de la Communauté germanophone, sur présentation du Gouvernement de la Communauté germanophone.
Art. 7
Le transfert du personnel, des biens, droits et obligations de la province de Liège à la province d'Eupen-Saint-Vith est réglé par arrêté royal.
Art. 8
§ 1er . L'article 87 du Code électoral est complété par la disposition suivante :
« Fait exception la région de langue allemande, qui forme une circonscription électorale propre. »
§ 2. Le tableau qui, conformément à ce même article, est annexé au même Code est, pour ce qui concerne la province de Liège, modifié comme suit :
Province de Liège
Circonscription électorale Kieskring |
Chef-lieu de la circonscr. élect. Hoofdplaats kieskring |
Arrondissement administratif Administratief arrondissement |
Canton électoral Kieskanton |
Chef-lieu du canton électoral Hoofdplaats kieskanton |
Communes composant le canton électoral Gemeenten van het kieskanton |
Liège/Luik | Liège/Luik | Liège/Luik | Liège/Luik | Liège/Luik | Liège/Luik |
Visé/Wezet | Visé/Wezet | Visé/Wezet
Dalhem |
|||
Bassenge/Bitsingen | Bassenge/Bitsingen | Bassenge/Bitsingen
Juprelle Oupeye |
|||
Fléron | Fléron | Fléron Beyne-Heusay Blégny Chaudfontaine Soumagne Trooz |
|||
Herstal | Herstal | Herstal | |||
Grâce-Hollogne | Grâce-Hollogne | Grâce-Hollogne Awans Flémalle |
|||
Aywaille | Aywaille | Aywaille Comblain-au-Pont Esneux Sprimont |
|||
Saint-Nicolas | Saint-Nicolas | Saint-Nicolas Ans |
|||
Seraing | Seraing | Seraing Neupré |
|||
Huy-Waremme/ Hoei-Borgworm |
Huy/Hoei | Huy/Hoei | Huy/Hoei | Huy/Hoei | Huy/Hoei
Amay Marchin Wanze |
Ferrières | Ferrières | Ferrières | |||
Héron | Héron | Héron Burdinne |
|||
Verlaine | Verlaine | Verlaine Villers-le-Bouillet |
|||
Nandrin | Nandrin | Nandrin Anthisnes Clavier Engis Hamoir Modave Ouffet Tinlot |
|||
Waremme/ Borgworm |
Waremme/Borgworm | Waremme/Borgworm | Waremme/Borgworm
Berloz Crisnée Donceel Faimes Fexhe-le-Haut-Clocher Geer Oreye/Oerle Remicourt Saint-Georges-sur-Meuse |
||
Hannut/Hannuit | Hannut/Hannuit | Hannut/Hannuit
Braives Lincent/Lijsem Wasseiges |
|||
Verviers | Verviers | Verviers | Verviers | Verviers | Verviers Olne |
Aubel | Aubel | Aubel Plombières |
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Dison | Dison | Dison | |||
Herve | Herve | Herve Thimister Clermont |
|||
Limbourg/Limburg | Limbourg/Limburg | Limbourg/Limburg
Baelen Jalhay Welkenraedt |
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Malmedy | Malmedy | Malmedy Waimes/Weismes |
|||
Spa | Spa | Spa Pepinster Theux |
|||
Stavelot | Stavelot | Stavelot Lierneux Stoumont Trois-Ponts |
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Eupen-Saint-Vith/ Eupen-Sankt Vith |
Eupen | Verviers | Eupen | Eupen | Eupen La Calamine/Kelmis Lontzen Raeren |
Saint-Vith/Sankt Vith | Saint-Vith/Sankt Vith | Saint-Vith/Sankt Vith
Amblève/Amel Bullange/Büllingen Burg-Reuland Butgenbach/Bütgenbach |
Art. 9
L'article 87bis du même Code est modifié comme suit :
1º Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« L'élection des sénateurs élus directement se fait sur la base des quatre circonscriptions électorales suivantes :
1º la circonscription électorale flamande, qui comprend les arrondissements administratifs appartenant à la Région flamande, à l'exception de l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde;
2º la circonscription électorale wallonne, qui comprend les arrondissements administratifs appartenant à la Région wallonne, à l'exception de la région de langue allemande au sens de l'article 4 de la Constitution;
3º la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui comprend les arrondissements administratifs de Bruxelles-Capitale et de Hal-Vilvorde;
4º la circonscription électorale qui comprend la région de langue allemande visée à l'article 4 de la Constitution. »
2º Le deuxième alinéa est remplacé par la disposition suivante :
« Il y a trois collèges électoraux : un français, un néerlandais et un allemand. »
3º Le troisième alinéa est remplacé par la disposition suivante :
« Les personnes inscrites sur la liste des électeurs d'une commune de la circonscription électorale wallonne appartiennent au collège électoral français, celles qui sont inscrites sur la liste des électeurs d'une commune de la circonscription électorale flamande appartiennent au collège électoral néerlandais et celles qui sont inscrites sur la liste des électeurs d'une commune de la circonscription électorale allemande appartiennent au collège électoral allemand. »
4º Au quatrième alinéa, les mots « à l'un de ces deux collèges électoraux » sont remplacés par les mots « à l'un des deux premiers collèges électoraux cités à l'alinéa qui précède ».
Art. 10
Le Roi met les autres dispositions du même Code en concordance avec les articles 8 et 9 de la présente loi.
Art. 11
Pour ce qui est de l'exercice des compétences déléguées à la Région wallonne conformément à l'article 138 de la Constitution, le Conseil régional wallon transfère des moyens financiers à la Communauté germanophone selon une clé de répartition fondée sur le rapport numérique existant entre la population de la Communauté germanophone et la population de la Région wallonne.
Art. 12
La province d'Eupen-Saint-Vith sera créée au lendemain de la prochaine élection pour le Conseil de la Communauté germanophone.
Art. 13
Les règlements provinciaux qui sont en vigueur au moment de la création de la province d'Eupen-Saint-Vith gardent force de droit pour l'ensemble du territoire de la province d'Eupen-Saint-Vith jusqu'à leur abrogation éventuelle par les nouvelles autorités compétentes.
Art. 14
Les articles 8 et 9 entrent en vigueur à compter du prochain renouvellement intégral de la Chambre des représentants et du Sénat.
Jan LOONES. Bert ANCIAUX. Christiaan VANDENBROEKE. |