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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1995

13 JUILLET 1995


Proposition de loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques (1)

(Déposée par M. Foret)


DÉVELOPPEMENTS


« L'ampleur toujours croissante prise par la demande, la production, l'offre, le trafic et la distribution illicite de stupéfiants et de substances psychotropes font peser une menace grave et persistante sur la santé et le bien-être de l'humanité, la stabilité de nations, les structures politiques, économiques, sociales et culturelles de toutes les sociétés et la vie de millions d'êtres humains, spécialement les jeunes. » (Assemblée générale de l'O.N.U. le 23 janvier 1990; Doc. O.N.U. A/RES/S 17 février au 12 mars 1990.)

En Belgique, le phénomène atteint des proportions alarmantes. Les derniers rapports sur la criminalité font état d'une hausse constante liée directement ou indirectement au trafic de stupéfiants.

Le coût social de la toxicomanie ne cesse de croître dramatiquement. Face à ce phénomène, dont la nature en fait un véritable enjeu de société, il importe de déterminer préalablement les différents domaines concernés.

Il y a tout d'abord celui de la santé (conséquences personnelles tragiques sur la condition physique et mentale des toxicomanes, mais aussi propagation du virus du sida, liée à l'utilisation de seringues infectées).

Il y a ensuite le problème de la sécurité (augmentation directe ou indirecte de la criminalité, due à la nécessité de se procurer de la drogue).

Enfin, la même motivation conduit, dans de nombreux cas, à un accroissement de la prostitution.

Cette problématique ne peut en aucun cas être minimisée. Il faut éviter de banaliser le phénomène au motif qu'il n'est pas neuf, que notre société connaît de multiples formes de comportement d'évasion et que d'autres produits tels alcool, tabac et médicaments sont utilisés exagérément.

Il va de soi qu'à côté de considérations éthiques à long terme, il faut aussi agir dans l'immédiat, aider les utilisateurs de drogues et en diminuer le nombre.

« C'est dans cette optique que depuis plusieurs années de nouvelles thérapies ont vu le jour, ayant pour base l'utilisation de produits de substitution à la drogue.

L'objectif principal de ces techniques est la « stabilisation » des personnes dépendant de la drogue, essentiellement dans l'espoir de réduire, voire d'éliminer leur consommation d'opiacés illégaux et d'augmenter leurs chances de se voir réintégrer dans la vie normale » (Rapport de la fondation Roi Baudouin du 15 janvier 1993).

Il existe plusieurs médicaments de substitution, mais le plus connu d'entre eux est sans aucun doute la méthadone. Il ne faut pas se leurrer. Si le but ultime du traitement doit être le sevrage du patient, la méthadone reste une drogue qui provoque également des effets de dépendance. Il est tout aussi évident que l'on ne résout pas un problème de toxicomanie par un produit. La présente proposition de loi a pour modeste objet de répondre à une série de questions que se posent le cadre médical à propos de l'utilisation de produits de substitution.

Elle vise à supprimer l'infraction prévue à l'article 3 de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques si les traitements de substitution sont entourés de contrôle et de garanties sérieuses. Un accompagnement thérapeutique et psychosocial sont nécessaires.

Si l'on ne parvient pas à désintoxiquer totalement une personne, une dose d'entretien peut lui être administrée, sous le contrôle de la commission médicale provinciale compétente.

C'est pourquoi il convient que ces traitements soient dispenses en relation avec un centre multidisciplinaire doté d'un personnel suffisant, de matériel de pointe, d'une équipe spécialement formée. Certains des contrôles et garanties que les auteurs de la présente proposition souhaitent mettre en place ne relèvent pas de la compétence du législateur national. Il est donc prévu de déposer parallèlement à cette proposition de loi une proposition de décret au niveau des entités fédérées.

Michel FORET.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Un article 3bis, rédigé comme suit, est inséré dans la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques :

« Article 3 bis. ­ Les traitements de substitution, prescrits aux conditions fixées par le Roi par un praticien de l'art de guérir possédant une formation spécifique en la matière reconnue par la commission médicale provinciale compétente et exerçant en relation avec un centre d'aide aux toxicomanes agréé, ne sont pas visés par l'article 3.

Les conditions visées à l'alinéa 1er porteront sur :

­ le nombre de patients toxicomanes par praticien de l'art de guérir ainsi que les modalités de contrôle de cette disposition;

­ la résidence du patient toxicomane;

­ le contrôle de la dépendance réelle de la toxicomanie du patient ainsi que l'efficacité du traitement de substitution;

­ les substances médicamenteuses qui peuvent être utilisées dans le cadre des traitements de substitution.

Les substances prescrites sur base des alinéas 1er et 2 sont administrées par voie orale, sous une forme se prêtant à la manipulation pour le patient. Le traitement a pour objectif une réduction progressive des doses administrées. »

Michel FORET.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 5 avril 1993, sous le numéro 703-1 (1992-1993).