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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1995

5 JUILLET 1995


Proposition de loi sur le « closed shop » et d'autres atteintes aux libertés de se syndiquer ou de ne pas se syndiquer (1)

(Déposée par M. Foret et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le « closed shop », par lequel certains syndicats exigent qu'une entreprise embauche uniquement leurs affiliés et licencie ceux qui n'auraient pas ou n'auraient plus cette qualité, est une pratique répandue dans certains pays. En Belgique, certains signes font craindre qu'elle ne se propage à la faveur de la crise.

Lorsqu'une entreprise envisage une réduction de personnel, il n'est pas rare que les syndicats, ou même un seul syndicat hégémonique, subordonnent leur accord à la communication de la liste nominative des sacrifiés sur laquelle ils veillent à ce qu'aucun de leurs membres ne figure. Bien que la plupart des syndicats proclament le dessein de protéger l'ensemble des travailleurs de leur secteur, la tentation corporatiste de se réserver l'emploi reste présente et se fait même plus pressante dans les moments où l'emploi est plus menacé.

L'article 4 de la loi du 24 mai 1921 sur la liberté d'association punit l'employeur qui subordonne l'emploi de quelqu'un à sa situation sur le plan syndical mais exige un dol spécial : il faut que l'employeur agisse ainsi « méchamment », c'est-à-dire « dans le but de porter atteinte à la liberté d'association ».

Or, il arrive que l'employeur qui exerce de telles pressions sur ses salariés n'agisse nullement dans cette intention « méchante », mais uniquement afin de s'épargner une grève dont il est menacé par des syndicats exigeant le « closed shop » ou par un syndicat exigeant que les membres d'un syndicat concurrent soient écartés. Dans ce cas, l'employeur est l'instrument d'une pression contraire à la liberté syndicale, sans commettre nécessairement les délits intentionnels prévus par l'article 3 et l'article 4. Il convient en tout cas de punir ceux qui font pression sur lui en le menaçant de grève s'il emploie des non-syndiqués, ou des travailleurs syndiqués dans une organisation déterminée qu'ils mettent ainsi à l'index. Cette responsabilité pénale ne vise ni les syndicats ni leurs dirigeants ou leurs militants comme tels, mais seulement ceux qui exercent personnellement la menace visée au texte.

La proposition n'innove pas sur le plan des peines, car il faudrait sinon refaire la loi de 1921 dans son ensemble. Elle reprend l'article 4 qui deviendrait l'article 4, 1º, en supprimant l'expression « contrat de services » devenue inutile dans l'état actuel du droit de travail. Elle y ajoute un article 4, 2º, portant une nouvelle infraction.

Michel FORET.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 4 de la loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d'association est remplacé par la disposition suivante :

« Article 4 . ­ Sera puni des mêmes peines,

1º quiconque aura méchamment, dans le but de porter atteinte à la liberté d'association, subordonné la conclusion, l'exécution ou, même en respectant les préavis d'usage, la continuation d'un contrat de travail, soit à l'affiliation, soit à la non-affiliation d'une ou plusieurs personnes à une association;

2º quiconque aura menacé un employeur d'organiser, de poursuivre ou de faire poursuivre une grève s'il ne subordonne pas la conclusion, l'exécution ou, même en respectant les préavis d'usage, la continuation d'un contrat de travail, soit à l'affiliation, soit à la non-affiliation d'une ou de plusieurs personnes à une association. »

Michel FORET.
Paul HATRY.
Jean BOCK.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 8 décembre 1994, sous le numéro 1253-1 (1994-1995).