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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1995

5 JUILLET 1995


Proposition de résolution relative à l'admission de Taïwan aux Nations Unies (1)

(Déposée par M. Hatry)


DÉVELOPPEMENTS


Nous approchons du cinquantenaire de la plupart des institutions nées à la fin de la seconde guerre mondiale pour organiser et régir l'ordre international.

À cette occasion, l'Organisation des Nations Unies se cherche un nouveau visage et discute de l'entrée éventuelle en son sein de nouveaux pays en vue de donner un élan nouveau, et surtout un caractère plus représentatif à l'organisation au moment de son cinquantième anniversaire.

À cet égard, il convient de rappeler la situation particulière de la République chinoise de Taïwan.

On sait que cet État fut l'un des membres fondateurs des Nations Unies et a fait, en tant que tel partie, pendant de nombreuses années, soit jusqu'en 1971, de tous les organes qui composent l'O.N.U., y compris du Conseil de Sécurité. Ce n'est qu'en 1971, par la résolution 2758, que la République de Chine a perdu son siège au profit de la République populaire de Chine.

Ainsi, au nom du principe de l'unicité de la Chine, les 21 millions d'habitants que compte actuellement Taïwan n'ont plus de représentation aux Nations Unies.

Or, l'évolution de cet État ne cesse d'être positive.

Notons que Taïwan est représentée, sur un strict pied d'égalité avec la République populaire de Chine, dans un certain nombre d'institutions ou d'organismes internationaux officiels ou semi-officiels. Citons ainsi, par exemple, l'Asian Federation of Advertising, l'International Advertising Association, l'International Association for Hydraulic Research, l'International Commission for Optics, l'International Commission on Irrigation and Drainage, l'International Council of Scientific Unions, l'International Union of Biological Sciences, l'International Union of Microbiological Societies, le Pacific Economic Cooperation Council, le Pacific Committee for Nondestructive Testing, le World Energy Council, l'Asian Development Bank, l'Asia-Pacific Economic Cooperation, l'International Seed Testing Association, etc.

La représentation conjointe des deux Chines ne semble pas poser de problèmes particuliers au sein de ces organismes où la Chine de Taïwan se comporte comme un partenaire tout à fait valable et respecte scrupuleusement les règles de toutes les institutions dont elle fait partie.

Sur le plan économique et social, les progrès réalisés par la République chinoise de Taïwan sont considérables : il suffit de rappeler que Taïwan dispose de la deuxième réserve la plus importante du monde sur le plan monétaire (quelque 85 à 90 milliards de dollars américains), que le niveau de vie de sa population la place au 25e rang des pays industrialisés, qu'elle occupe la 14e place en matière de commerce international et qu'elle investit bon an mal an dans le continent chinois, par l'intermédiaire de Hong Kong, environ 20 milliards de dollars américains.

Sur le plan politique, les progrès de libéralisation et de démocratisation réalisés au cours de ces dernières années ne peuvent être niés : le pluralisme politique est devenu une réalité et, sur le plan du respect des libertés individuelles, Taïwan n'a certes pas de leçon à recevoir de la République populaire de Chine lorsqu'on se souvient des événements de la place Tien An Men.

Toujours sur le plan politique, si Taïwan n'a pas officiellement abandonné son principe que le gouvernement taïwanais représente toute la Chine, force est néanmoins de reconnaître que ce pays s'efforce, depuis plusieurs années, d'intensifier ses liens commerciaux et humains avec le continent et que la réalité quotidienne des rapports avec la Chine continentale est aujourd'hui très différente de la doctrine politique officielle.

Enfin, notons que le nombre de pays qui, à ce jour, ont officiellement reconnu Taïwan ne cesse d'augmenter. De même, ne cesse également d'augmenter le nombre des pays qui appuient officiellement une proposition d'adhésion de Taïwan à l'Organisation des Nations Unies.

Au vu de ces éléments, on comprend mal que l'on persiste à ne pas vouloir appliquer à Taïwan la solution pratiquée de longue date à l'égard des pays restés divisés à la fin, soit de la seconde guerre mondiale, soit de la guerre froide (Allemagne et Corée).

C'est la raison pour laquelle nous pensons que le Gouvernement belge devrait encourager et lui même prendre des initiatives en vue de permettre l'admission de Taïwan au sein des Nations Unies, afin de permettre enfin la représentation, au sein de cet organisme mondial, de plus de 21 millions d'habitants dont le rôle économique important n'est plus contesté par personne sur le plan international.

Il ne s'agit pas de procéder à une reconnaissance, mais de faire en sorte que notre diplomatie aille de l'avant et oeuvre, avec nos partenaires de l'Union européenne, pour que la Belgique et ses alliés jouent un rôle conforme à leurs traditions dans le domaine de la réconciliation internationale, tout en conciliant les exigences des deux pays en présence.

Paul HATRY.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

­ considérant que, conformément à la Charte des Nations Unies, l'adhésion à cette organisation est en principe ouverte à tous les États qui le souhaitent;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan est un des membres fondateurs des Nations Unies où elle a siégé jusqu'en 1972;

­ qu'elle présente actuellement une demande d'adhésion et que cette demande est appuyée par un certain nombre de pays qui ont officiellement proposé cette adhésion à l'Assemblée générale des Nations Unies;

­ considérant que la République chinoise de Taïwan représente démocratiquement et légitimement quelque 21 millions de citoyens;

­ soulignant que la République chinoise de Taïwan a, de façon décisive, progressé en matière de réformes démocratiques, que le pluralisme politique y est une réalité, que les droits fondamentaux de la personne humaine y sont garantis, de sorte que cet État répond aujourd'hui aux idéaux démocratiques prônés par l'Organisation des Nations Unies;

­ rappelant que le développement économique et social de Taïwan est supérieur à la moyenne et place cet État parmi les pays les plus prospères;

­ rappelant que les relations entre la République populaire de Chine et Taïwan se sont considérablement améliorées et que les échanges commerciaux et humains entre les deux pays ne cessent de s'accroître;

­ soulignant que la demande d'adhésion de Taïwan à l'O.N.U. ne remet nullement en cause la présence de la République populaire de Chine au sein de cette même organisation,

­ estime que la République chinoise de Taïwan présente toutes les qualifications nécessaires pour être membre des Nations Unies;

­ juge injustifié un refus prolongé d'adhésion de cet État à l'O.N.U.;

­ invite le Gouvernement belge à entreprendre les démarches nécessaires et à prendre toutes initiatives en vue de permettre à Taïwan d'obtenir, à des conditions déterminées, son adhésion aux Nations Unies;

­ invite le Gouvernement belge à appuyer la proposition introduite en ce sens par un certain nombre de pays à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Paul HATRY.

(1) Cette proposition de résolution a déjà été déposée au Sénat le 7 mars 1995, sous le numéro 1342-1 (1994-1995).