1-918/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

24 MARS 1998


Proposition de loi modifiant la loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel

(Déposée par M. Foret et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le titre de journaliste professionnel fait l'objet de la loi du 30 décembre 1963.

Pour l'octroi du titre, cette loi requiert cinq conditions dont deux font référence à des critères de valeur civique et trois à des critères de fait matériel. L'examen des conditions est effectué par les commissions d'agréation (une de première instance, l'autre d'appel). Les membres de ces commissions sont nommés par le Roi sur proposition paritaire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (A.G.J.P.B.) et l'Association belge des éditeurs de journaux (A.B.E.I.).

L'agréation donne droit à une « carte de journaliste professionnel » émise par les services du Premier ministre. L'exposé des motifs de la loi de 1963 précise que « toute confusion devra être évitée entre cette carte et le `laissez-passer' dont la délivrance est actuellement assurée, en fonction de considérations de police, par le ministère de l'Intérieur et restera soumise à l'autorité de ce dernier ».

L'agréation est donc en quelque sorte « l'acte de naissance du journaliste professionel » (Michel Fromont dans Journalistes , juillet 1979). La carte rouge portant le numéro d'agréation, signée par le Premier ministre, ne doit jamais être renouvelée. L'agréation donne automatiquement accès aux documents de presse (« laissez-passer » et « carton-insigne ») émis par le ministère de l'Intérieur lesquels sont renouvelés tous les cinq ans. Ce renouvellement passe par le filtre de la commission d'agréation.

La loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel doit être remise à jour sans toutefois porter atteinte à son architecture. C'est l'objet de la présente proposition.

Déjà en 1987, dans Journalistes , organe officiel de l'A.G.J.P.B., deux membres de la commission d'agréation écrivaient « que la loi du 30 décembre 1963 soit `ambiguë' ou ne réponde pas aux attentes d'une presse en constante mutation est une évidence, mais jusqu'à modification de la loi, les membres de la commission sont tenus de l'appliquer. Telle qu'elle est ! ».

La présente proposition porte sur l'abaissement de l'âge minimal pour l'octroi du titre de journaliste professionnel ainsi que sur le maintien de ce titre en cas d'exercice du droit d'éligibilité, de congé de maladie de longue durée, de la mise à la pension ou prépension d'un journaliste agréé par la commission ad hoc.

En 1963, l'âge minimpal pour l'octroi du titre de journaliste professionnel a été fixé à l'âge de la majorité légale qui ouvre la voie à la responsabilité civique. L'âge de la majorité légale ayant été fixé à 18 ans, il y a lieu de fixer l'âge minimal de l'octroi du titre de journaliste professionnel à ce même niveau.

Par ailleurs, l'exercice de son droit d'éligibilité par un titulaire du titre de journaliste professionnel ne peut avoir comme conséquence de lui ôter ce titre. La commission d'agréation considère aujourd'hui qu'un titulaire du titre de journaliste professionnel élu à un mandat politique (député, sénateur, ...) se trouve en « délégation politique ». Le titre de ce dernier lui est retiré, son numéro d'agréation étant « bloqué ».

Outre que la délégation politique ne repose sur aucun fondement juridique, l'attitude de la commission d'agréation va à l'encontre, d'une part, d'une tradition historique qui a vu des journalistes être acteurs de la vie politique ­ la première liberté constitutionnelle adoptée fut la liberté de presse rédigée par le journaliste-constituant Devaux soutenu par d'autres journalistes-constituants ­, d'autre part, de la politique suivie depuis une vingtaine d'années par le législateur en vue d'instaurer le « congé politique » de manière à ce que la représentation politique soit le meilleur reflet de la société dans sa réalité.

Élu par la Nation avec le titre de journaliste professionnel, le mandataire n'a pas à souffrir d'un quelconque ostracisme de ses pairs. Le maintien de son titre de journaliste professionnel se justifie, que le mandataire ait continué d'exercer sa profession initiale ou qu'il ait été en congé politique obligatoire ou volontaire.

Du reste, le porteur du titre de journaliste professionnel qui est amené à cesser d'exercer sa profession par suite de maladie durant plus de deux ans doit également être maintenu dans son droit de porter le titre de journaliste professionnel. Il ressort d'ailleurs des débats parlementaires de 1963 que telle a été la volonté du législateur initial.

Enfin, le journaliste professionnel admis à la retraite ou prépensionné doit pouvoir continuer de porter le titre de journaliste professionnel, en qualité de « retraité actif » s'il continue d'exercer, dans les limites légales, une activité ou en qualité d'« honoraire » dans les autres cas. Il y a, en effet, un aspect quelque peu « inhumain » à retirer le titre de journaliste professionnel à une personne qui a consacré sa vie à la défense et à l'illustration de la profession de journaliste, profession qui participe très intensément à la vie démocratique.

Michel FORET.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 1er , alinéa 1er , de la loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel, sont apportées les modifications suivantes :

a) Le 1º est remplacé par la disposition suivante : « être âgé de 18 ans au moins »;

b) Au 4º, les mots « sauf dans les cas visés aux articles 1er bis et 1er ter » sont insérés entre le mot « et » et les mots « ne pas l'avoir cessé depuis plus de deux ans ».

Art. 3

Un article 1er bis , libellé comme suit, est inséré dans la même loi :

« Art. 1er bis. ­ Le titre de journaliste professionnel reste acquis aux titulaires qui exercent un mandat politique, qu'ils bénéficient ou non d'un congé politique, ainsi qu'à ceux qui bénéficient d'un congé pour cause de maladie ou d'invalidité. »

Art. 4

Un article 1er ter , libellé comme suit, est inséré dans la même loi :

« Art. 1er ter. ­ La disposition visée à l'article précédent s'applique également aux titulaires qui bénéficient d'une mise à la retraite anticipée ou non, pour autant qu'ils continuent à exercer à titre accessoire et dans les limites légales, une activité visée à l'article premier, 3º. Dans le cas contraire, l'intéressé sera admis à porter le titre de journaliste professionnel à titre honoraire uniquement. »

Art. 5

À l'article 2 de la même loi, les mots « par l'article premier pour l'octroi du titre de journaliste professionnel », sont remplacés par les mots « par les articles premier, 1er bis , et 1er ter , pour l'octroi du titre de journaliste professionnel ou de journaliste professionnel honoraire ».

Michel FORET.
Philippe MAHOUX.
Frederik ERDMAN.