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26 MARS 1996
La Commission de la Justice s'est réunie les 5, 12, 13 et 26 mars 1996 pour débattre de ce projet.
1. La libre circulation des biens est une des grandes réalisations de l'Union européenne. Une exception à ce principe est cependant contenue à l'article 36 du Traité C.E. qui accorde aux États membres la possibilité de limiter ou d'interdire l'exportation, l'importation ou le transit d'un trésor national ayant une valeur artistique, historique ou archéologique, en vue de protéger leur patrimoine culturel national. Le contrôle aux frontières constituait un aspect important de la protection de ces biens culturels. La suppression des frontières intérieures liée à la création du marché intérieur au sein de l'Union européenne a eu pour effet de supprimer ce contrôle frontalier du respect des diverses dispositions légales visant à protéger le patrimoine culturel national des différents États membres. Afin de pouvoir continuer à offrir une protection suffisante en la matière, il fut jugé indispensable d'adopter une réglementation au niveau communautaire. Celle-ci est contenue dans une directive et un règlement de la Communauté européenne qui doivent être considérés comme formant un tout. (L'objectif du règlement est de contrôler l'exportation de certains biens culturels hors de l'espace douanier de la Communauté européenne par le biais d'un système de licences d'exportation. C'est ainsi qu'une licence d'exportation est requise pour toute exportation d'un bien culturel en dehors de la Communauté. Ce règlement est directement applicable dans l'ensemble de l'Union européenne.)
2. La directive relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre précise les règles en matière de restitution de biens culturels qui, eu égard à la législation nationale de l'État requérant, ont quitté le pays de manière illicite. Pour qu'un bien culturel tombe sous l'application de la directive, il faut en premier lieu qu'il fasse l'objet d'une protection nationale; il doit en outre appartenir à une des catégories mentionnées dans l'annexe de la directive, ou faire partie intégrante d'une collection publique reprise dans l'inventaire d'un musée, d'archives ou d'un fonds de conservation d'une bibliothèque, ou encore être repris dans l'inventaire d'institutions ecclésiastiques. La définition de bien culturel figure à l'article 2 du présent projet de loi.
La directive instaure en premier lieu une procédure de collaboration qui a pour but de rechercher et de rendre à l'État membre originaire les biens culturels exportés de manière illicite. À cette fin, chaque État membre doit désigner une ou plusieurs autorités centrales pour exercer les compétences accordées par la directive. Ces autorités centrales sont appelées à collaborer entre elles, mais également avec les autorités des États membres chargées de rechercher les biens et de les mettre en sécurité.
3. Le projet de loi désigne le Ministère de la Justice comme étant l'autorité centrale chargée d'exercer les compétences de coordination et de collaboration définies par la directive. Les tâches de l'autorité centrale énumérées par la directive et, bien entendu, à l'article 4 de la loi en projet, consistent notamment à rechercher, à la demande de l'État requérant, un bien culturel déterminé ayant quitté illicitement son territoire et l'identité du possesseur ou détenteur de ce bien. Cette demande doit comprendre toutes les informations nécessaires pour faciliter cette recherche, notamment celles relatives à la localisation effective ou présumée du bien. En cas de découverte de biens culturels sur leur territoire, les autorités centrales doivent le notifier aux États concernés et leur faire savoir s'il existe des motifs raisonnables de présumer que lesdits biens ont quitté illicitement le territoire d'un autre État.
4. La transposition de la directive oblige les États membres à engager ou organiser une procédure devant un tribunal pour permettre aux autres États membres d'obtenir, sous certaines conditions, la restitution de biens culturels qui ont quitté illicitement leur territoire. C'est pourquoi la loi en projet dispose, en ses articles 10 à 13, qu'un bien culturel qui a été exporté illicitement peut être recouvré par l'intermédiaire d'une procédure judiciaire. Seul l'État membre dont un bien culturel a quitté illicitement son territoire peut engager une telle procédure. Le tribunal compétent ordonne la restitution du bien, lorsque le requérant prouve qu'il s'agit bel et bien d'un bien culturel au sens de la loi et que celui-ci a quitté illicitement le territoire de l'État requérant. Il ne peut toutefois pas y avoir eu prescription au moment où l'action en restitution est intentée et la sortie du bien du territoire de l'État requérant doit encore être illégale. Le pouvoir d'appréciation du tribunal compétent de l'État requis est très limité, puisqu'il n'a même pas à statuer sur le droit de propriété du bien culturel lorsqu'il statue sur une demande de restitution (voir article 12 de la directive et article 13 du projet de loi).
5. L'article 10 de la loi en projet dispose que le tribunal compétent est le tribunal de première instance de Bruxelles. L'article 15 protège les intérêts du possesseur qui est de bonne foi. Cet article dispose en effet que si la restitution du bien culturel à l'État requérant est ordonnée, le tribunal accorde au possesseur du bien culturel une indemnité qu'il estime équitable en fonction des circonstances. Le possesseur du bien a droit à une indemnité lorsque le juge a acquis la conviction qu'il a exercé la diligence requise au moment de l'acquisition de l'objet. C'est à juste titre que l'article 15 de la loi en projet introduit une présomption de bonne foi et cette bonne foi doit avoir existé au moment de l'acquisition. Il n'y a d'ailleurs là qu'une application du régime de droit commun.
Il est par ailleurs extrêmement important aussi de constater que selon l'article 13 de la directive, celle-ci n'est applicable qu'aux biens culturels qui ont quitté le territoire d'un État membre depuis le 1er janvier 1993. Cela signifie que ni la directive ni la loi en projet ne permettent de revendiquer, par exemple, les pièces archéologiques découvertes en Grèce qui appartiennent depuis longtemps aux musées belges.
Un membre rappelle que le Sénat examine le projet de loi en discussion à la demande d'un grand nombre de sénateurs. Il incombe au Sénat de suivre avec vigilance le travail législatif de la Chambre et de vérifier la portée des textes.
Concrètement, cela implique qu'il faut vérifier la qualité juridique et l'accessibilité des textes.
L'intervenant estime qu'il est nécessaire, dans le cas présent, de déposer plusieurs amendements. Il propose en outre d'apporter quelques corrections de texte, notamment dans la version néerlandaise. Peut-être quelques adaptations s'imposent-elles également dans le texte français.
Comme le projet de loi vise simplement à transposer une directive européenne, l'on s'étonnera quelque peu que ce soit précisément lui qui suscite des difficultés. Par ailleurs, l'on a déjà constaté à de nombreuses reprises dans le passé que le langage juridique de l'Union européenne et celui de la Belgique ne correspondent pas toujours. La genèse de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins en est une illustration frappante.
Un autre membre renvoie à l'avis solidement étayé du Conseil d'État (Doc. Chambre, 1995-1996, 289/1, pp. 29 et suiv.) selon lequel les articles 9, 10 et 19 du projet de loi règlent une matière visée à l'article 77, premier alinéa, 3º, de la Constitution; les autres articles règlent une matière visée à l'article 78 de celle-ci (ibidem, p. 36).
La Commission de la Justice de la Chambre a estimé, par contre, que le projet de loi concerne une matière visée à l'article 78 de la Constitution (cf. Rapport de M. D. Vandenbossche, Doc. Chambre, 1995-1996, 289/3, pp. 4-5 et 7-8) et a suivi le ministre dans son interprétation stricte de l'article 77, 9º, de la Constitution.
Le président de la commission de la Chambre a ajouté que l'on ne pouvait pas transmettre le projet de loi à la commission de concertation parlementaire, étant donné qu'en le faisant, l'on bloquerait les travaux de la commission de la Chambre un argument auquel on peut difficilement se rallier.
Finalement, le projet de loi a quand même été soumis à la commission de concertation parlementaire, qui a décidé, en dépit de l'avis impressionnant du Conseil d'État, que le texte règle une matière visée à l'article 78. L'intervenant aimerait obtenir quelques explications concernant cette décision.
Le texte en discussion lui inspire également deux réflexions quant au contenu. L'article 8 autorise les services de police à se faire ouvrir l'accès des lieux où les biens recherchés sont susceptibles de se trouver. Il y est donc question d'une perquisition. Ne requiert-elle pas un mandat du juge d'instruction ?
En outre, l'article 9 dispose que le juge des saisies peut ordonner toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la conservation matérielle du bien recherché. Mais qui est habilité à s'adresser au juge des saisies pour demander de telles mesures ? Est-ce uniquement le ministre de la Justice ou d'autres personnes peuvent-elles requérir ces mesures ? Les règles de procédure doivent être aussi claires que possible.
Le texte est parsemé d'imprécisions de ce genre. Si l'on n'épluche pas ce projet, le système communautaire de protection des biens culturels ne fonctionnera pas en Belgique.
Un commissaire fait observer que la décision de la commission de concertation parlementaire clôt définitivement les débats sur la qualification du projet de loi en discussion. La commission de concertation a conclu que le texte règle une matière « optionnellement » bicamérale. En résumé, elle a considéré que la procédure complètement bicamérale n'est applicable qu'en ce qui concerne la définition des compétences des cours et tribunaux si celle-ci a une incidence sur leur organisation.
En l'espèce, les dispositions portant sur les compétences des cours et des tribunaux n'affecteront que très marginalement leur fonctionnement et elles n'ont donc aucun effet sur leur organisation. La commission de concertation parlementaire opte dès lors pour une solution qui peut soulever des objections juridiques, mais qui est en tout cas pragmatique.
Après une première discussion des articles, la commission a constaté la faible qualité légistique du projet, et a estimé qu'une complète réécriture du texte s'imposait.
C'est pourquoi, après le dépôt d'une première série d'amendements par différents membres, un amendement récapitulatif, portant sur l'ensemble du projet, et regroupant certains articles du texte initial, a été déposé par M. Lallemand et consorts (voir Doc. Sénat, 1-246/2, amendement nº 13).
Il est proposé de modifier l'intitulé du projet, en insérant les mots « à la revendication et » avant les mots « à la restitution ».
Le ministre s'oppose à cette modification car l'État requérant qui réclame la restitution du bien peut ne pas en être le propriétaire.
En raison de la portée générale du terme restitution, la commission décide de ne pas modifier l'intitulé du projet de loi.
Cet article ne fait l'objet d'aucune observation.
Articles 2, 3 et 5 (art. 2 du texte adopté)
Un membre relance la discussion qui a eu lieu en Commission de la Justice de la Chambre concernant la notion d'« institutions ecclésiastiques ». À cette occasion, le ministre avait plaidé pour le maintien de ces termes, étant donné qu'ils étaient tirés de la directive.
En droit belge, toutefois, le mot « ecclésiastique » doit être interprété de manière restrictive. Cette notion n'englobe pas les fabriques d'églises, les couvents, les chapitres, etc.
En outre, seules les institutions du culte catholique sont « ecclésiastiques ». Il s'ensuit que les institutions d'autres cultes restent exclues du champ d'application de la loi proposée. Pourtant, des biens culturels peuvent également être conservés par les institutions de ces autres cultes.
Du reste, durant les années 1940-1944, de nombreuses oeuvres d'art ont été dérobées à des synagogues et rassemblées dans un musée de Prague.
Enfin, les institutions laïques ne sont pas non plus visées par le terme « ecclésiastiques ». Le pouvoir normatif européen n'a manifestement pas tenu compte du fait qu'en Belgique, la laïcité bénéficie d'une reconnaissance constitutionnelle (art. 181 de la Constitution). Les institutions laïques peuvent, elles aussi, posséder des biens culturels.
C'est pourquoi M. Erdman dépose un amendement visant à étendre la protection des biens culturels aux biens figurant dans les inventaires des institutions religieuses et laïques (Doc. Sénat, 1-246/2, amendement nº 1).
Cet amendement est libellé comme suit :
« Au 2º, b, de cet article, remplacer les mots « institutions ecclésiastiques » par les mots « institutions religieuses et laïques. »
Justification
L'accent a déjà été mis sur cette terminologie à la Chambre. Les fabriques d'église ont été considérées comme des institutions de droit public, mais qu'en est-il des autres institutions religieuses ? Lors d'événements récents, des synagogues également ont été pillées. D'autre part, la terminologie proposée met sur pied d'égalité institutions de cultes et institutions laïques.
Si le présent amendement est adopté, il convient d'introduire également cette terminologie à l'article 14.
Effectivement, on s'écarte ainsi de la terminologie de la directive. Toutefois, l'objet du projet de loi en discussion est non pas simplement de confirmer la directive, mais de la transposer. La directive vise à harmoniser le droit interne des États membres. Cela ne signifie pas nécessairement que ses dispositions doivent se traduire formellement et littéralement par des dispositions légales explicites et spécifiques. Une directive est impérative sous l'angle du résultat à atteindre, mais rien n'empêche les États membres d'étendre le champ d'application de la directive dans leur législation nationale. La directive comporte une norme minimale que les États membres doivent introduire dans leur ordre juridique interne.
Le projet de loi en discussion permettra d'atteindre le résultat visé par la directive et on ne dérogera pas à cet impératif en harmonisant le projet avec les principes constitutionnels belges et le langage juridique belge.
Le ministre déclare qu'à l'exemple de l'avis du Conseil d'État, on a opté pour une transposition littérale de la directive. La Cour de justice a le pouvoir de vérifier la conformité de la loi de transposition à la directive. La portée exacte de la notion d'« institutions ecclésiastiques » sera également définie par la loi s'il y a lieu.
Le législateur national ne peut interpréter à sa manière les notions utilisées par la directive.
Le préopinant s'oppose à une transposition littérale de la directive. La Cour de justice ne sera d'ailleurs pas la seule à confronter la loi de transposition à la directive. Le juge national et d'autres instances publiques devront également vérifier si, dans l'exercice de la faculté qui leur est laissée, les autorités nationales compétentes sont restées dans les limites d'interprétation fixées par la directive. Cela vaut par exemple aussi pour le ministre de la Justice, qui interviendra en qualité d'autorité centrale.
Le ministre confirme que tout juge doit interpréter autant que possible le droit national dans l'esprit de la directive. Tel est également le point de vue de la Cour de justice [arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing, affaire C-106/89, Jur. 1990 (I-4135) I-4159]. Et cette obligation s'applique effectivement aussi à toutes les autorités administratives nationales.
En outre, l'article 2 du projet de loi définit les biens culturels pouvant être revendiqués en Belgique par un autre État. L'amendement étend l'obligation faite à la Belgique de restituer les biens culturels aux biens mentionnés repris dans les inventaires des institutions religieuses et laïques d'autres États. Cet amendement n'est d'aucune utilité pour les institutions religieuses et laïques belges. Les biens culturels figurant dans leurs inventaires ne pourront pas être revendiqués dans un autre État, à moins que, de son côté, celui-ci n'ait étendu la notion d'« institutions ecclésiastiques » aux institutions religieuses et laïques.
Le préopinant déclare que le législateur belge ne doit et ne peut s'occuper que de la transposition dans le droit national belge. Mais la loi de transposition doit être adaptée aux principes et à la terminologie propres à l'ordre juridique belge, sous réserve d'atteindre le résultat visé par la directive.
Il précise que l'obligation d'interpréter la loi conformément à la directive s'impose en cas de contestation. Cela n'a rien à voir avec la liberté qu'a le législateur national d'utiliser certaines marges dans la transposition de la directive.
Une directive ne vise pas à l'uniformité et elle permet aux instances nationales de choisir la forme et les moyens. Le législateur belge n'est pas tenu de reproduire littéralement la terminologie de la directive, même s'il ne peut donner aux dispositions communautaires une interprétation qui aille à l'encontre de celles-ci. Or, l'amendement ne va pas à l'encontre des dispositions communautaires; il les élargit.
Un autre membre estime que le législateur belge peut effectivement élargir la portée de la notion de biens culturels. Ce faisant, la Belgique étend l'obligation de restitution au profit d'autres pays. Chaque pays décide librement de l'extension de son obligation de restituer.
Le ministre reconnaît qu'un État peut élargir dans une mesure limitée l'obligation de restitution. En l'occurrence, cette possibilité repose sur l'article 14 de la directive, en vertu duquel chaque État membre peut étendre son obligation de restitution à « d'autres catégories de biens culturels que ceux visés à l'annexe ». Ce droit d'extension n'est toutefois pas inhérent à la transposition des directives.
L'article 14 n'autorise donc pas une extension illimitée de l'obligation de restitution. Cette obligation ne peut être étendue qu'à d'autres catégories de biens culturels que ceux mentionnés dans l'annexe. La directive ne fait pas état d'une extension possible de l'obligation à la restitution de biens culturels faisant partie des collections publiques ou des inventaires des institutions ecclésiastiques, mentionnés à l'article 1er de la directive.
Si la loi de transposition devait étendre le champ d'application de la directive au-delà des limites définies à l'article 14, elle ne serait plus conforme à la directive. Toute personne qui s'estime lésée par la non-conformité à la directive pourra invoquer cette transposition incorrecte devant la juridiction nationale, laquelle sera obligée de poser à la Cour de justice une question préjudicielle sur la comptabilité de la loi de transposition avec la directive.
Un intervenant précédent ne comprend pas pourquoi le ministre s'oppose à l'extension de la notion que couvre l'adjectif « ecclésiastique ». Il existe tout de même une différence entre, d'une part, une directive et, d'autre part, un traité que les Chambres législatives peuvent simplement adopter ou rejeter sans le modifier. La Belgique doit atteindre l'objectif visé par la directive, mais elle peut également choisir de le dépasser.
Suivant la conception du ministre, il n'y aurait pas non plus de différence entre une directive et un règlement.
Le ministre justifie l'interprétation stricte qu'il fait de la directive en soulignant que cette dernière introduit un régime d'exception. Le régime élaboré est très différent du système de protection de droit commun dont jouissent les possesseurs d'un bien meuble.
Le projet de directive ne faisait d'ailleurs pas mention des inventaires des institutions ecclésiastiques. Cette mention a été ajoutée par la suite à la demande de certains États, dont l'Italie, la Grèce, l'Espagne et le Portugal, où les vols de trésors ecclésiastiques sont fréquents.
Le préopinant déclare que son amendement procède de la même préoccupation, à savoir celle qui concerne le vol des biens culturels dans les institutions religieuses et laïques.
Un autre commissaire estime que les mots « institutions ecclésiastiques » traduisent imparfaitement l'intention véritable de la directive. À n'en pas douter, la directive vise à protéger les biens culturels de toutes les institutions religieuses.
Le ministre souligne que la loi néerlandaise utilise les mots « kerkelijke goederen ». La loi française de transposition du 3 août 1995 parle d'« institutions ecclésiastiques » et la loi britannique de « ecclesiastical goods ». Telle qu'elle a été transposée, la directive ne permet pas à la Belgique de requérir des Pays-Bas, de la France ou du Royaume-Uni la restitution de biens culturels volés dans des institutions non ecclésiastiques.
Un commissaire réplique que chaque État est libre de transposer la directive dans la forme et avec les moyens de son choix.
Le ministre étaye son propos en renvoyant au préambule de la directive. La directive part du principe que la libre circulation des biens est garantie au sein du marché intérieur. Il s'agit d'un principe d'harmonisation fondé sur l'article 100 A du Traité instituant la Communauté européenne. La protection particulière des biens culturels constitue une dérogation au principe de la libre circulation des biens. Une telle dérogation doit être interprétée dans un sens restrictif. La directive n'accorde aucune marge d'appréciation au législateur national.
Le préopinant fait remarquer qu'il ressort des considérants du préambule de la directive que la procédure instituée n'est qu'un premier pas vers une coopération entre les États membres dans le domaine de la protection des trésors nationaux. L'on ne peut donc pas parler d'une conception restrictive en l'espèce.
Un autre membre s'interroge sur la signification pratique de l'amendement. Que veut dire l'auteur lorsqu'il parle d'« inventaires des institutions laïques » ?
L'auteur déclare qu'à son avis, la plupart des institutions laïques doivent probablement encore dresser l'inventaire de leurs biens culturels. Cela n'empêche pas que la laïcité soit reconnue légalement. Il suffit, pour s'en convaincre, de penser notamment au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique et de se référer à l'article 181, § 2, de la Constitution.
Selon le préopinant, les diverses institutions devront établir un inventaire dès que la loi entrera en vigueur.
L'on réplique que cette loi en projet n'impose aucune obligation aux institutions belges.
Un membre estime que l'amendement doit être examiné en détail.
L'annexe de la directive contient une liste impressionnante de catégories de biens culturels que l'article 14 permet d'allonger. La directive vise manifestement à assurer la plus large protection possible des biens culturels. Cette protection ne pourra pas être garantie si l'on donne des biens culturels une définition limitant le nombre d'endroits où ils peuvent se trouver. Dans cette perspective, il semble indiqué de remplacer par un terme plus général le terme « ecclésiastique » dont l'usage soulève la question de savoir si les cloîtres, les abbayes, les bibliothèques et les musées religieux, ainsi que les institutions des autres cultes et de la laïcité tombent sous l'application de la loi.
Le ministre nie que la directive vise à assurer la plus large protection possible aux biens culturels. Le texte même du préambule de la directive indique que le système communautaire de protection des biens culturels constitue une dérogation au principe de la libre circulation des biens. La directive renforce la position juridique du propriétaire au détriment de celle de l'acquéreur, même si ce dernier est de bonne foi.
Si cet amendement est adopté, l'acquéreur d'un bien figurant dans l'inventaire d'une institution laïque pourra faire valoir à l'encontre d'une demande éventuelle de restitution que la loi belge n'est pas conforme à la directive. Lorsqu'elle vérifiera si la loi est conforme à la directive, la Cour de justice posera que l'on ne peut pas déroger davantage au principe de la libre circulation des marchandises que ne le permet la directive et que le loi belge méconnaît le droit communautaire. La possibilité d'allonger la liste visée à l'article 14 de la directive ne permet pas de remédier à cette difficulté, puisqu'elle ne vaut pas pour les inventaires des institutions ecclésiastiques.
Le préopinant demande quelle est la signification de l'article 36 du Traité instituant les Communautés européennes. Le préambule de la directive fait en effet référence à cet article.
Le représentant du ministre lui répond que l'article 36 prévoit, notamment, que l'on peut limiter la libre circulation des marchandises pour protéger les biens classés « comme trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique ». Les termes entre guillemets figurent à l'article 1er de la directive et à l'article 2, 1º, du projet de loi.
Un membre estime que le remplacement du mot « ecclésiastique » par le mot « religieux » est conforme à l'esprit de la directive. Par contre, étendre le champ d'application de la loi en projet aux institutions laïques reviendrait à élargir le champ d'application de la directive. En outre le terme « laïcité » a un contenu juridique précis en Belgique. Une organisation laïque est une organisation qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle (cf. article 181, § 2, de la Constitution). Dans d'autres pays, le terme « laïque » a peut-être un contenu différent ou moins explicite.
L'auteur de l'amendement estime néanmoins qu'il faut nécessairement étendre le champ d'application de la loi en projet, étant donné que la Constitution met sur un pied d'égalité la laïcité et les autres cultes reconnus.
Le ministre souligne une nouvelle fois que l'amendement en question ne bénéficie qu'aux autres pays. Devons-nous étendre nos garanties constitutionnelles au-delà de nos frontières ?
L'intervenant précédent répond que toutes les lois belges doivent être conformes à la Constitution, qui est la norme suprême de droit interne.
Il estime, en outre, que la rédaction de l'article 2, 2º, a , du projet de loi est particulièrement confuse. Diverses interprétations en sont possibles.
Le ministre déclare que ce texte est repris de la directive (article 1er , deuxième tiret). Selon lui, le bien culturel dont il est question à l'article 2, 2º, a , du projet de loi doit faire partie intégrante, soit des collections publiques figurant dans les inventaires des musées, soit d'archives, soit de fonds de conservation des bibliothèques.
L'on propose de remplacer, à l'article 2, 1º, du texte néerlandais, le mot « aangemerkt » par le mot « gerangschikt ». En effet, « aanmerken » signifie « beschouwen als » (« être réputé »).
La commission accepte néanmoins la proposition du ministre d'utiliser le mot « aangeduid ». (Voir également infra , l'amendement de synthèse, où l'on a finalement donné la préférence au terme « erkend ».)
Un membre demande, par ailleurs, s'il existe une définition des biens culturels en droit belge.
Le ministre répond que la définition des biens culturels est du ressort des communautés en ce qui concerne le patrimoine culturel et les musées, et des régions en ce qui concerne les monuments et les fouilles. Jusqu'à présent, ces institutions n'ont pas usé de leurs compétences pour qualifier certains biens de biens culturels.
Un membre demande comment l'on définit les « collections publiques » en Belgique. Les communautés et les régions ont-elles été consultées à ce sujet ?
Le ministre estime qu'il n'y a pas lieu de repréciser ce qu'il faut entendre par collections publiques au sens de l'article 2, 2º, a, du projet de loi et de l'article 1er de la directive.
Il n'y a pas eu, jusqu'ici, de concertation à ce sujet avec les communautés ou les régions. Il y a par contre concertation sur l'exportation des biens culturels.
Le préopinant insiste pour que l'on utilise pleinement les structures de concertation existantes à l'occasion de la transposition de cette directive.
Un membre fait remarquer que la rédaction des deux premiers alinéas de cet article manque de cohérence.
Sur le fond, il constate que la définition des termes « possesseur (deuxième alinéa) et « détenteur » (troisième alinéa) s'écarte de celle du droit commun énoncé à l'article 2228 du Code civil. Pourquoi le projet ne reprend-il pas cette définition ? Les notions de « possesseur » et de « détenteur » sont clairement définies en droit belge.
Le ministre objecte que le droit interne des différents États membres n'attribue pas le même contenu aux notions de possesseur ou de détenteur. Pour permettre une interprétation uniforme, il convenait que la directive en donne sa propre définition. Ces notions acquièrent de ce fait une signification européenne propre et c'est la raison pour laquelle la loi de transposition ne peut pas reprendre la définition belge traditionnelle.
Cela implique, selon le préopinant, que, pour déterminer le contenu de ces deux notions, on ne peut se reporter à l'article 2228 du Code civil ni davantage à la jurisprudence et à la doctrine abondantes qui existent sur la question.
Un autre membre estime satisfaisante la formulation contenue dans la loi de transposition. La possession est la détention matérielle et l'intention de l'exercer pour son propre compte.
Certes, cette idée n'est pas rendue de manière idéale par l'expression « a la détention ». Sans doute eût-il été plus clair de définir le possesseur comme celui qui exerce pour lui-même le pouvoir matériel sur un bien culturel. Les définitions proposées n'en sont pas moins satisfaisantes et elles attribuent aux notions de « possession » et de « détention » leur signification classique.
La commission se rallie à ce point de vue.
M. Lallemand et consorts déposent un amendement de synthèse (amendement nº 13) tendant à rédiger l'article 2 comme suit :
« Art. 2. Au sens de la présente loi, on entend par :
1º « État » : un État membre de la Communauté européenne, ou un État de l'Association européenne de libre-échange auquel s'applique la directive 93/7/C.E.E. du Conseil du 15 mars 1993, relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre;
2º « bien culturel » : un bien classé, avant ou après qu'il ait quitté le territoire de l'État requérant, comme trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique, au sens de l'article 36 du traité instituant la Communauté européenne ou de l'article 13 de l'accord sur l'Espace économique européen. Le classement doit avoir été effectué conformément à la législation ou aux procédures administratives de l'État requérant.
Le bien doit appartenir à l'une des catégories visées à l'annexe à la présente loi ou, à défaut, faire partie intégrante :
a) des collections publiques reprises dans les inventaires des musées, des archives ou des fonds de conservation des bibliothèques;
b) des inventaires des institutions religieuses ou des organisations offrant une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle;
3º « collections publiques » : les collections classées publiques conformément à la législation d'un État, et appartenant à cet État, à une de ses autorités locales ou régionales, ou à une institution située sur son territoire. Cette dernière doit être la propriété de l'État ou d'une autorité locale ou régionale, ou être financée de façon significative par l'un d'eux;
4º « restitution » : le retour matériel du bien culturel sur le territoire de l'État requérant;
5º « possesseur » : la personne qui a la détention matérielle du bien culturel pour son propre compte, ou dont la détention est exercée en son nom par un autre;
6º « détenteur » : la personne qui a la détention matérielle du bien culturel pour le compte d'autrui;
7 « État requérant » : l'État dont le bien culturel a quitté illicitement le territoire. »
Les auteurs de l'amendement proposent donc d'insérer, à l'article 2, une définition de la notion d'« État » pour éviter de la répéter dans les articles suivants. L'amendement vise en outre à regrouper toutes les définitions dans l'article 2.
En ce qui concerne la référence faite, dans la définition du « bien culturel », à l'article 36 du traité instituant la Communauté européenne, un commissaire demande si le texte cité existe encore dans sa version initiale.
Le ministre répond par l'affirmative. Cet article n'a pas été modifié par le Traité de Maastricht.
L'amendement tend à libeller comme suit le point b) de la définition de « bien culturel » : « b) des inventaires des institutions religieuses ou des organisations offrant une assistance selon une conception philosophique non confessionnelle ».
Le ministre renvoie à la remarque qu'il a faite précédemment à ce sujet. Il s'agit en l'occurrence d'une extension illicite du champ d'application de la directive. Le législateur français s'en est d'ailleurs tenu au texte de cette dernière.
Un membre rappelle qu'à son sens, la directive ne fixe que les exigences minimales en la matière. Rien n'interdit aux États d'élargir les garanties offertes par cette directive.
Le point a) de la définition envisage des biens à caractère public, tandis que le point b) concerne des biens privés. Le terme « ecclésiastique », à la différence du terme « ecclésial », peut donner à penser que l'on entend limiter strictement le champ d'application de la disposition aux biens appartenant à l'Église catholique.
Il convient au contraire de viser non seulement toutes les « structures religieuses », mais aussi les structures philosophiques au sens large. La question du champ d'extension de la définition se pose d'ailleurs. En effet, il faudrait considérer qu'est laïque ce qui n'est pas religieux, et ce dans un champ identique.
Or, on peut imaginer qu'il existe certaines propriétés qui ne sont pas publiques, mais qui appartiennent à des associations non susceptibles d'être qualifiées strictement d'« ecclésiastiques », d'« ecclésiales » ou de « laïques » et auxquelles la présente loi devrait s'appliquer.
M. Goris plaide pour une définition plus succincte des institutions non religieuses et dépose un amendement en ce sens (amendement nº 12), libellé comme suit :
« Remplacer le 2º, b), de cet article par ce qui suit :
« b) ou des inventaires des organisations ecclésiastiques et philophiques non confessionnelles. »
Il propose d'employer le mot « organisations », parce que c'est le terme qui a été retenu dans d'autres textes pour les questions non confessionnelles.
Un membre souligne que ce terme étend considérablement le champ d'application du projet.
Un autre commissaire attire l'attention sur la portée extrêmement étendue du mot « religieux », par comparaison au terme « ecclésiastique ».
Les couvents attachés à une clinique ne jouissent pas d'un statut public. Le commissaire est d'avis qu'en utilisant le mot « religieux », l'on fait tomber ce type de couvent dans le champ d'application de la loi. Il estime que les auteurs n'avaient pas cette intention.
Il lui est répondu que ce type d'hypothèse doit être visé, si l'on veut éviter que des possesseurs de mauvaise foi ne tirent argument du caractère très restrictif du texte.
Le ministre souligne qu'il s'agit en l'occurrence d'un principe fondamental du droit, qui est consacré par le Code civil, à savoir la protection du tiers acquéreur de bonne foi. La directive porte atteinte à ce principe.
La question qui se pose est de savoir si l'on souhaite, pour défendre les intérêts d'institutions étrangères quelles qu'elles soient, mettre en cause la protection des tiers acquéreurs de bonne foi, qu'ils soient belges ou étrangers résidant en Belgique.
La directive ne le permet pas. Son article 14 permet uniquement de compléter la liste des biens énumérés dans l'annexe en faisant référence à d'autres catégories de biens culturels, mais sans prendre le propriétaire du bien comme référence. Dans l'hypothèse où il serait évident que les États membres ont la possibilité d'étendre la champ d'application d'une directive, quelle serait alors l'utilité de l'article 14 de celle-ci ?
Si la loi belge n'est pas conforme à la directive, c'est cette dernière qui primera.
Un commissaire signale une fois de plus que, suivant la conception défendue par le préopinant, il n'existe plus aucune différence entre l'approbation d'un traité et la transposition d'une directive dans notre droit interne, et pas davantage entre un règlement et une directive.
L'article 14 de la directive est en effet superflu, mais « ad abundandum non viciat » .
En ce qui concerne le 6º de l'article 2 proposé dans l'amendement, un membre se demande s'il est nécessaire de maintenir la définition du mot « détenteur », étant donné qu'elle découle implicitement de celle du mot « possesseur ».
Le ministre plaide pour le maintien de la définition de « détenteur », qui figure également dans la directive.
En ce qui concerne la définition du terme « possesseur », le ministre ne peut pas se rallier à la proposition de la compléter par les mots « de manière continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».
En effet, ces ajouts devront être explicités par le juge belge.
Le ministre renvoie aux observations que le Conseil d'État a formulées sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque le Gouvernement a voulu préciser la notion de « bonne foi ». Le Conseil d'État a souligné à cette occasion que la Belgique n'était pas compétente en la matière.
Finalement, M. Goris retire son amendement (amendement nº 12).
Le point 2º, b) , de l'amendement de synthèse fait l'objet d'un vote distinct. Il est adopté par 6 voix et 3 abstentions.
À la suite de ce vote, M. Erdman retire son amendement (amendement nº 1).
L'article 2 tel qu'il est proposé dans l'amendement de synthèse est adopté dans son ensemble par 8 voix et 1 abstention.
Le membre qui s'est abstenu déclare que son abstention se justifie, non pas par l'extension du champ d'application du 2º, b) , mais par le fait que l'on étend ainsi le champ d'application de la directive, alors que la Belgique ne bénéficiera pas nécessairement de la réciprocité de la part des autres États membres.
Article 4 (art. 3 du texte adopté)
Un membre propose de remplacer, dans le texte néerlandais, le mot « gevorderde » par le mot « teruggevorderde ». Il s'inspire en l'occurrence des articles 1462 et suivants du texte néerlandais du Code judiciaire, qui y figurent sous l'intitulé « beslag tot terugvordering » (saisie-revendication).
La commission adopte cette correction.
Le préopinant estime en outre que l'article 4 aurait pu être formulé de manière plus succincte. Il suggère le texte suivant : « Un bien culturel est sorti illicitement du territoire d'un État s'il y a eu violation de la législation relative à (...), ou s'il n'est pas restitué à l'expiration de (...). »
Le ministre déclare que le texte est la reproduction littérale du texte de la directive.
L'intervenant précédent signale qu'il est question, dans le texte néerlandais, d'une « rechtmatige tijdelijke zending » et, dans le texte français, d'« une expédition temporaire légale ». Il propose de remplacer, en néerlandais, le mot « rechtmatige » par le mot « wettige » et, en français, le mot « légale » par le mot « licite ».
La commission retient cette proposition.
Un membre souligne que le texte néerlandais dit « een van de andere voorwaarden » alors que le texte français dit « les autres conditions ».
La commission décide de modifier le texte français et d'y écrire « l'une des autres conditions », comme à l'article 2 de la directive, au lieu de « les autres conditions ».
Le préopinant estime d'ailleurs que le texte de l'article 4 laisse beaucoup à désirer.
Le ministre fait remarquer que le Conseil d'État s'est prononcé contre une reformulation de la directive.
Le préopinant émet des réserves à l'encontre d'une transposition littérale. Il rappelle la transposition de la directive 91/250/C.E.E. relative à la protection juridique des programmes informatiques du 14 mai 1991, au moment de la rédaction de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. À cette occasion, le texte de la directive a également été réécrit.
Selon le représentant du ministre, le jargon juridique des institutions communautaires soulève des problèmes pour beaucoup d'États membres. Récemment, les Pays-Bas ont lancé une initiative en vue d'une amélioration de la technique législative utilisée en droit communautaire.
Dans l'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13), il est proposé de formuler l'article 4 (qui devient l'art. 3) comme suit :
« Art. 3. Un bien culturel a quitté illicitement le territoire d'un État :
1º lorsqu'il est sorti du territoire de cet État en violation de sa législation en matière de protection des trésors nationaux, ou en violation du règlement (C.E.E.) nº 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l'exportation de biens culturels;
2º lorsqu'il n'est pas restitué à l'expiration du terme d'une expédition temporaire licite vers un autre pays, ou lorsque l'une des conditions de cette expédition n'est pas respectée. »
Il est souligné que le mot « revendiqué » a été supprimé, parce qu'il est sans rapport avec l'objet de la définition donnée à cet article.
L'article ainsi amendé a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
Article 5 : voir supra , discussion de l'article 2
Articles 6 et 7 (art. 4 du texte adopté)
M. Erdman dépose un amendement (amendement nº 2) tendant à remplacer les mots « le Ministère de la Justice est désigné » par les mots « Le ministre de la Justice est désigné ». La même correction a été apportée au projet de loi relative à la reconnaissance du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, et du Tribunal international pour le Rwanda, et à la coopération avec ces tribunaux (Doc. Sénat, 1-247/4). Le ministère n'est pas une autorité.
Le ministre rappelle que dans les traités internationaux antérieurs, le ministère de la Justice était toujours désigné comme autorité centrale.
L'auteur de l'amendement le reconnaît, mais souligne que cette désignation figurait déjà dans les traités eux-mêmes et que le Parlement ne pouvait plus rien y changer après coup. Ici, par contre, c'est le projet de loi qui opte pour le Ministère de la Justice, de sorte que le Parlement peut bel et bien y apporter la correction voulue.
Plusieurs membres partagent ce point de vue.
M. Erdman et consorts déposent un amendement (amendement nº 3) tendant à insérer les mots « à l'autorité centrale des » à l'article 7, deuxième alinéa, 2). Conformément à l'article 17 du projet de loi, les contacts doivent se faire par le biais des autorités centrales et non par celui des États.
L'ensemble de l'article 7 devrait d'ailleurs être reformulé. Le texte proposé rassemble une série de choses qui n'ont guère de lien entre elles.
Enfin, il demande si le délai prescrit à l'article 7, deuxième alinéa, 3), est un délai de forclusion. Qu'advient-il si les autorités compétentes de l'État requérant ne vérifient pas dans les deux mois si le bien en question constitue un bien culturel ? La coopération devient-elle sans objet ? Ce délai a-t-il une signification quelconque pour l'action en restitution ? Passé l'expiration du délai fixé au point 3), l'État requérant peut-il introduire éventuellement une nouvelle demande sur la base du point 1) ?
Le ministre déclare qu'il s'agit d'un délai de forclusion dans la procédure préalable à l'action en restitution proprement dite. L'expiration du délai n'empêche toutefois pas l'État requérant de demander au juge de pratiquer une saisie conservatoire sur le bien culturel. Par ailleurs, l'expiration du délai empêche bel et bien l'État requérant de présenter une nouvelle demande relative aux mêmes biens culturels sur la base du point 1). Dans le cas contraire, le délai prévu au point 3) n'aurait plus aucune raison d'être.
Plusieurs membres suggèrent diverses corrections linguistiques :
au premier alinéa, remplacer les mots « bestaat erin » par « is »;
au deuxième alinéa, 3) et 6), insérer le mot « te » devant les mots « geven » et « fungeren »;
au deuxième alinéa, 6), remplacer les mots « de weg effenen voor » par les mots « het opstarten van »;
remplacer les mots « à condition que » et « bij toepassing van » par les mots « à la condition que » et « met toepassing van ».
Au sujet de la phrase liminaire de l'article 7, deuxième alinéa, un membre propose de supprimer les mots « dans chaque État », pour le motif qu'il n'appartient pas au législateur fédéral belge de définir la tâche des autorités centrales des autres États.
La phrase liminaire de l'article 7, deuxième alinéa, serait donc formulée comme suit : « Ces autorités ont pour tâche : ... ».
En ce qui concerne l'article 7, deuxième alinéa, 6º, l'intervenant est d'avis que le mot « ou » dans le membre de phrase « de remplir le rôle d'intermédiaire entre le possesseur ou le détenteur et l'État requérant », couvre l'hypothèse dans laquelle il y a à la fois un possesseur et un détenteur.
Dans l'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13), il est proposé de réunir les articles 6 et 7 initiaux en un seul et même article, qui serait rédigé comme suit :
« Art. 4. Le ministre de la Justice est l'autorité centrale compétente pour collaborer avec les autorités centrales des autres États, et favoriser la consultation entre les autorités compétentes de ceux-ci.
Ces autorités ont notamment pour tâche :
1) de rechercher, à la demande de l'État requérant, un bien culturel déterminé ayant quitté illicitement son territoire et l'identité du possesseur ou détenteur de ce bien. Cette demande doit comprendre toutes les informations nécessaires pour faciliter cette recherche, notamment celles relatives à la localisation effective ou présumée du bien;
2) de notifier à l'autorité centrale des États concernés la découverte, sur le territoire de biens culturels dont on peut raisonnablement présumer qu'ils ont quitté illicitement le territoire d'un autre État;
3) de permettre aux autorités compétentes de l'État requérant de vérifier si le bien en question constitue un bien culturel, à condition que la vérification soit effectuée au cours des deux mois suivant la notification prévue au point 2). Si cette vérification n'est pas effectuée dans le délai prévu, les dispositions des points 4) et 5) ne s'appliquent pas;
4) de prendre, en coopération avec l'État requérant, toutes les mesures nécessaires à la conservation matérielle du bien culturel;
5) d'éviter, par les mesures provisoires appropriées, que le bien culturel soit soustrait à la procédure de restitution;
6) de remplir le rôle d'intermédiaire entre le possesseur ou le détenteur et l'État requérant, en vue de la restitution des biens culturels. À cet effet, et sans préjudice de l'action en restitution introduite conformément à l'article 7, les autorités compétentes peuvent, conformément à la loi, faciliter la mise en oeuvre d'une procédure d'arbitrage, à condition que l'État requérant et le possesseur ou le détenteur donnent formellement leur accord. »
Il est souligné que, dans la phrase liminaire du deuxième alinéa, le mot « notamment », qui figure dans la directive, a été ajouté entre les mots « les autorités ont » et les mots « pour tâche ».
Au 2), les mots « leur territoire » ont été remplacés par les mots « le territoire », car on vise évidemment le territoire belge.
Au 6), la proposition consistant à remplacer, dans la deuxième phrase, les mots « l'action en restitution » par les mots « l'action en revendication » n'est pas retenue. En effet, il ne s'agit pas d'une action en revendication, au sens strict de ce terme.
Au sujet de la même phrase, un membre propose de supprimer les mots « de l'État membre requis » et les mots « nationale » et « de cet État ». Il ne peut en effet s'agir que de la Belgique, et le texte de la directive doit être transposé dans notre législation.
On peut même faire référence à la sixième partie du Code judiciaire.
Un autre membre se rallie à cette suggestion. Chaque État membre doit légiférer pour son propre compte sur la base de la directive.
Un autre membre fait remarquer qu'un problème pourrait se poser sur le plan du droit international privé. Le sort des biens meubles trouvés sur le territoire d'un autre État ne suit pas nécessairement le statut de la législation nationale.
La formulation du projet de loi exclut toute possibilité de contestation sur le statut du droit international privé : c'est la législation arbitrale de l'État requis qui est applicable.
Le ministre déclare que l'on peut imaginer qu'il existe un lien contractuel entre l'État qui revendique un bien et celui qui l'a en sa possession en Belgique. Dans ce cas, ce sera la lex contractus qui déterminera quelle sera la procédure d'arbitrage à suivre.
Finalement, l'article est adopté tel que proposé dans l'amendement de synthèse, à l'unanimité des 9 membres présents.
Par conséquent, les amendements nºs 2 et 3 de M. Erdman, qui y sont repris, sont retirés.
Article 8 (art. 5 du texte adopté)
Un commissaire signale que les services de police belges n'interviennent pas sur l'ordre de l'autorité centrale de l'État requérant, mais sur l'ordre de l'autorité centrale belge, c'est-à-dire du ministre de la Justice. Pourquoi l'article 8, deuxième alinéa, renvoie-t-il dès lors à l'article 7, alinéa 2, point 3, qui traite des autorités compétentes de l'État requérant qui ont l'occasion de vérifier si le bien en question constitue un bien culturel au cours des deux mois suivant la notification prévue au point 2 ?
Le ministre répond que l'autorité centrale peut se faire assister par d'autres instances pour exécuter les tâches énumérées à l'article 7.
L'intervenant précédent ne s'oppose pas à cet argument, mais estime que la référence à l'article 7, deuxième alinéa, point 3, n'est pas justifiée parce qu'il n'incombe pas au législateur fédéral belge de fixer la tâche des autorités centrales étrangères. C'est pourquoi il propose que l'on se réfère à l'ensemble de l'article 7.
Selon un autre membre, l'article 8, deuxième alinéa, pose des problèmes également sur un autre plan. En effet, on peut inférer du texte qu'afin de permettre la vérification prévue à l'article 7, deuxième alinéa, point 3, les services de police belges pourront se faire ouvrir sans trop de formalités l'accès des lieux où les biens recherchés sont susceptibles de se trouver. Peuvent-ils agir de leur propre initiative ou uniquement sur l'ordre du ministre de la Justice ou moyennant un mandat de perquisition délivré par un juge d'instruction ?
Le ministre répond que les dispositions du Code d'instruction criminelle doivent être respectées (cf. Rapport de M. D. Vandenbossche, Doc. Chambre, 1995-1996, nº 289/3, p. 10).
Étant donné qu'il n'y a pas lieu de déroger au droit commun dans cette matière, M. Lallemand propose d'insérer les mots « dans les formes légales » entre le mot « autorisés » et les mots « à se faire ouvrir... » (amendement nº 11).
La commission se rallie à cette proposition.
Un membre note également que les services de police belges interviennent sur l'ordre de l'autorité centrale belge, à savoir le ministre de la Justice, qui porte ainsi la responsabilité politique.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de remplacer l'article par ce qui suit :
« Art. 5. Les services de police, au sens de l'article 2 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, recherchent les biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État, ainsi que l'identité de leur possesseur ou détenteur, si les biens se trouvent sur le territoire belge.
Afin de permettre la vérification prévue à l'article 4, alinéa 2, 3), ils sont autorisés, dans les formes légales, à se faire ouvrir l'accès des lieux où les liens recherchés sont susceptibles de se trouver. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 11 de M. Lallemand, qui est repris dans l'amendement de synthèse, est retiré.
Article 9 (art. 6 du texte adopté)
M. Erdman et consorts déposent l'amendement suivant (amendement nº 4) :
« Remplacer cet article par ce qui suit :
« Art. 9. L'action en saisie conservatoire ou en saisie-revendication est intentée devant le juge des saisies du lieu où se trouve un bien culturel revendiqué par un autre État. Conformément à l'article 584 du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance peut être saisi d'une demande de désignation de séquestre. »
Justification
Il n'y a pas la moindre raison de s'écarter en l'espèce des procédures connues. L'objectif décrit par « les mesures nécessaires en vue d'assurer la conservation matérielle de ce bien et pour éviter qu'il soit soustrait à la procédure de restitution » est précisément atteint par la saisie. Pourquoi, dès lors, ne pas appliquer tout simplement cette procédure, qui est bien connue, présente une garantie de publicité et peut donc se dérouler selon les règles familières ? En revanche, le séquestre (deuxième phrase de l'article 9 proposé) n'est pas de la compétence du juge des saisies, mais bien du président du tribunal de première instance. Dans ces conditions, il convient d'adapter l'article 9 dans ce sens.
Le même commissaire demande si la procédure de saisie définie à l'article 9 ne peut pas entrer en conflit avec l'article 1408, § 1er , 4º, du Code judiciaire, qui dispose qu'outre les choses déclarées insaisissables par des lois particulières, l'on ne peut saisir les objets servant à l'exercice du culte.
Le ministre estime qu'il est impensable que le possesseur de bonne foi d'un bien puisse invoquer l'insaisissabilité au cas où la fabrique d'église qui en serait propriétaire chercherait à obtenir une saisie-revendication du bien simplement parce que celui-ci serait destiné à l'exercice d'un culte.
Le commissaire réplique que l'article 9 concerne les procédures relatives à la saisie conservatoire et au séquestre précédant la saisie-revendication. Cette dernière procédure se déroule devant le tribunal de première instance.
Il demande que l'on s'abstienne d'introduire par le biais de l'article 9 une nouvelle procédure dans le droit belge et que l'on maintienne plutôt les procédures de saisie existantes.
Le ministre souligne que, lorsque le juge des saisies d'Anvers est saisi d'une requête de saisie conservatoire ou de désignation de séquestre (qui porte par exemple sur une voiture ou un navire), il siège en tant que juge des saisies en ce qui concerne la saisie, et en tant que président faisant fonction du tribunal de première instance pour ce qui est du séquestre.
L'auteur de l'amendement rétorque qu'à Anvers, cette manière de procéder s'applique exclusivement aux navires. Pour tous les autres biens, le demandeur intente deux procédures : la première, qui a trait à la saisie conservatoire, est introduite devant le juge des saisies; la deuxième, qui concerne la désignation d'un séquestre, est engagée devant le président du tribunal de première instance.
Le ministre se fonde sur l'autorité des professeurs Dirix et de Leval, qui considèrent que la manière de procéder qu'il vient de décrire relève de la pratique courante et ne se limite donc pas aux navires. Le professeur de Leval affirme même sans détours que le juge des saisies peut également désigner un séquestre.
La doctrine et la jurisprudence dominantes ne permettent par conséquent pas au juge des saisies qui a été saisi d'une demande de désignation de séquestre, de se déclarer incompétent.
Le préopinant objecte que cette pratique n'est pas définie de manière explicite dans le Code judiciaire. Il juge donc préférable que l'on adopte son amendement qui a pour effet d'appliquer les procédures existantes et pose en même temps le fondement de la pratique décrite par le ministre.
Le ministre estime que la procédure définie à l'article 9 se justifie pour des raisons d'efficacité du processus. Dans les cas où l'on craint que le bien soit soustrait à la procédure de restitution, il est plus efficace de permettre au saisissant d'introduire une seule procédure devant le juge des saisies en vue d'obtenir à la fois la saisie conservatoire et la désignation de séquestre.
Le préopinant signale qu'en vertu de l'article 584 du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance est seul compétent pour désigner des séquestres. Le fait que l'on ait été amené, dans la pratique, à autoriser les juges des saisies à désigner des séquestres n'est, en soi, pas une raison suffisante pour déroger, dans le cadre de la loi en projet, aux procédures en vigueur.
L'orateur doute d'ailleurs que la pratique soit aussi répandue que le ministre l'affirme.
Le ministre souligne que l'amendement ne couvre pas toute la teneur de l'article, qui vise toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la conservation matérielle du bien et d'éviter qu'il soit soustrait à la procédure de restitution.
L'auteur de l'amendement répond qu'il ne voit pas comment le juge pourrait prendre d'autres mesures que celles définies par l'amendement. Celui-ci étend même la portée du texte original, puisqu'il y est question de « saisie conservatoire » et de « saisie-revendication », auxquelles il faut encore ajouter le séquestre.
Insérer des nuances imprécises sans les relier à des procédures bien déterminées ne peut qu'engendrer des contestations.
Le ministre fait observer que l'amendement ne fait pas mention de la possibilité d'interdire au possesseur ou au détenteur du bien de disposer de ce dernier.
Un commissaire revient à la question de savoir si l'article proposé est compatible avec l'article 1408 du Code judiciaire (lequel dispose que les choses destinées à l'exercice du culte sont insaisissables) et avec l'article 1412bis du même Code.
Le ministre ne pense pas qu'une personne contre laquelle une action en revendication a été intentée puisse, dans le cadre de l'article 9, faire valoir l'insaisissabilité du bien.
Le droit commun lui non plus ne permet pas d'invoquer l'insaisissabilité d'un bien contre la personne qui veut obtenir une saisie-revendication, puisque cette personne est en l'occurrence le propriétaire de la chose.
En ce qui concerne la deuxième phrase de l'article 9, l'intervenant déclare qu'il n'est pas impensable que la personne qui affirme être le propriétaire du bien pose un acte de disposition, même si le bien a été placé sous séquestre.
Un commissaire répond que cette personne n'en a pas le droit. C'est le séquestre qui porte la responsabilité et il doit prendre possession du bien si celui-ci risque d'être déplacé.
Le ministre répond que, dans le cadre de la présente directive, les États ont l'obligation de faire en sorte qu'une action en restitution ait quelques chances d'aboutir. Dire qu'il s'agit d'une saisie conservatoire ne rime à rien. En effet, la saisie conservatoire au sens du Code judiciaire suppose que le demandeur a la qualité de créancier.
En l'occurrence, il est parfaitement possible que l'État concerné ne détienne pas de créance sur le détenteur de la chose, au sens de l'article 1413 du Code judiciaire.
Il ne s'agit pas davantage d'une saisie-revendication. Notre droit réserve en effet ce type de saisies aux propriétaires ou aux personnes qui détiennent un droit réel sur la chose.
L'on a donc affaire à une procédure sui generis suivant laquelle le juge des saisies peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires pour s'assurer que le bien n'est pas déplacé, qu'il ne peut plus être vendu, etc.
Pour conclure, l'auteur de l'amendement constate ce qui suit :
1º l'article 9 concerne une procédure exceptionnelle relevant de la compétence du juge des saisies qui peut prendre toutes les mesures nécessaires;
2º cette compétence peut éventuellement se confondre avec celles du séquestre, mais elle ne porte pas préjudice aux règles de procédure relatives à la saisie et au séquestre qui sont définies par le Code judiciaire.
Compte tenu de ces précisions, il retire son amendement.
L'amendement de synthèse de MM. Lallemand et consorts (amendement nº 13) vise à modifier le texte de l'article comme suit :
« Art. 6. Le juge des saisies du lieu où se trouve un bien culturel réclamé par un État peut ordonner toutes les mesures nécssaires en vue d'assurer la conservation matérielle de ce bien et d'éviter qu'il soit soustrait à la procédure de restitution. À cet effet, il peut interdire au possesseur ou détenteur de ce bien de le déplacer ou d'en disposer, et désigner un gardien pour la durée de cette procédure. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Articles 10, 11 et 12 (art. 7 du texte adopté)
Un commissaire estime que l'action en restitution du bien à l'encontre du possesseur doit être cumulable avec l'action à l'encontre du détenteur. Si le possesseur n'est pas le détenteur du bien et qu'une action en restitution n'est introduite que contre le possesseur, le détenteur peut exciper de son ignorance pour encore transmettre le bien.
C'est pourquoi il propose de remplacer les mots « à l'encontre du possesseur ou, à défaut, du détenteur » par les mots « à l'encontre du possesseur et du détenteur ». Si l'un et l'autre sont impliqués dans la procédure, ils ne peuvent plus aliéner le bien et l'on a la garantie que l'action en restitution sera menée à bonne fin.
Le ministre plaide en faveur du maintien du texte proposé, qui a été repris de l'article 5, premier alinéa, de la directive 93/7 du 15 mars 1993. Il n'y a donc qu'une partie adverse dans l'instance, le possesseur ou le détenteur. Si l'on n'accepte pas ce point de vue, la question se pose de savoir pourquoi le propriétaire ne pourrait pas, lui aussi, intervenir dans la procédure.
L'intervenant suivant objecte que la finalité du projet de loi, qui est de protéger les biens culturels, n'est pas favorisée par la limitation de la procédure à une seule personne, par exemple, le possesseur. En effet, il n'est pas exclu qu'une autre personne, le détenteur, qui sera même éventuellement de bonne foi, transmette en cours d'instance le bien visé à des tiers.
Le ministre réplique que l'action en restitution est introduite à l'encontre de celui chez qui le bien est trouvé, c'est-à-dire le possesseur ou le détenteur. Il n'est pas exclu que cette personne soit le propriétaire.
Le préopinant fait observer que cette conception est contraire à l'article 10, qui dispose que l'action en restitution est introduite à l'encontre du possesseur ou, à défaut, du détenteur.
Si une action est introduite à l'encontre du détenteur, qui affirme ne pas être le possesseur, il faut, en vertu de l'article 10, intenter une nouvelle action contre le possesseur, ce qui donne au détenteur l'occasion de transmettre le bien concerné à des tiers.
Le ministre maintient son point de vue selon lequel lorsque le bien est trouvé chez une personne qui prétend le garder pour un tiers, l'action doit pouvoir être introduite contre le détenteur. Le possesseur a dans ce cas la possibilité d'intervenir dans l'instance. L'État requérant n'a toutefois pas intérêt à impliquer le possesseur dans la procédure.
Il ajoute que la prescription commence à la date à laquelle le lieu où se trouve le bien culturel et l'identité du « possesseur ou du détenteur » de ce bien sont portés à la connaissance de l'État requérant. Si tant l'identité du possesseur que celle du détenteur sont connues, l'action peut être introduite contre l'un et l'autre. Ce n'est toutefois pas une obligation légale.
Selon l'intervenant précédent, lorsque le possesseur est connu, le détenteur peut invoquer le système de responsabilité en cascade prévu à l'article 10 pour opposer l'irrecevabilité de l'action en restitution intentée contre lui.
Pour mettre fin à la règle de la responsabilité en cascade, il est proposé de supprimer, dans le membre de phrase « à l'encontre du possesseur ou, à défaut, du détenteur » , les mots « , à défaut, » .
La commission marque son accord (voir toutefois infra , la formulation adoptée dans le cadre de l'amendement de synthèse).
En ce qui concerne l'article 11, 2º, a) , le ministre déclare que la personne qui représente l'État requérant dans la procédure relative à la restitution d'un bien culturel ne doit pas nécessairement être l'autorité centrale qui exerce les compétences définies à l'article 4 de la directive 93/7/C.E.E. du 15 mars 1993.
Il faut donc faire la distinction entre la personne visée à l'article 11, 2º, a) , qui représente l'État requérant dans la procédure, et l'autorité centrale de cet État.
M. Erdman et consorts déposent l'amendement suivant (amendement nº 5) :
« Remplacer cet article par ce qui suit :
« Art. 12. Sont joints à la requête contradictoire mentionnée à l'article 10 :
a) un document décrivant le bien visé par l'action et déclarant qu'il s'agit d'un bien culturel en vertu de la législation de l'État requérant;
b) une déclaration des autorités compétentes de l'État requérant faisant apparaître que le bien culturel a quitté illicitement le territoire de cet État, en violation de sa législation en la matière ou du règlement (C.E.E.) nº 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l'exportation de biens culturels.
Lorsque ces documents n'ont pas été joints lors de l'introduction de l'action et sauf communication de ces pièces dans le délai fixé par le tribunal, celui-ci déclare d'office que l'action ne peut être admise. »
Justification
Lorsque les pièces en question n'ont pas été jointes à la requête, on choisit de dire, non pas que la requête est nulle, mais bien que l'action ne peut être admise. De cette manière, on pourra donc suivre aussi la formulation utilisée pour les sanctions à l'article 41 des lois relatives au registre du commerce, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1964.
Le terme « non recevable » est dépassé; l'article 17 du Code judiciaire emploie le terme « ne peut être admise ». C'est donc une « non-admission » qui est visée ici.
Il est clair que cette non-admission est cumulative, c'est-à-dire que les deux conditions doivent être remplies. D'autre part, il est évident que l'alinéa 1er et l'alinéa 3 de l'article 12 proposé font double emploi, puisque, si l'on produit une attestation comme quoi le bien culturel a été « exporté » illicitement, celui-ci ne peut évidemment avoir « quitté légalement le territoire ».
L'auteur souligne que la ratio legis du projet est de permettre de revendiquer le bien ou de rentrer en possession de celui-ci. Il estime que, pour des raisons pratiques, il convient que les documents à joindre à la requête par l'État requérant puissent encore être produits après l'introduction de l'instance, dans un délai fixé par le tribunal, sans que la non-admissibilité de la requête puisse être invoquée. Il n'est pas exclu, par exemple, que l'on doive encore traduire certains documents avant de les déposer.
À l'appui de cette façon de faire, on peut également se référer à la jurisprudence relative à l'article 270 de la loi communale et à l'article 74 de la loi provinciale.
En vertu de ces articles, le conseil communal et le conseil provincial doivent autoriser respectivement le collège des bourgmestre et échevins et la députation permanente à ester en justice.
Selon une jurisprudence constante, les documents portant autorisation du conseil communal et du conseil provincial peuvent toutefois être produits en temps voulu dans le courant de l'instance.
Le ministre estime que pour l'État requérant, qui intente l'action en restitution, il doit être possible de joindre les documents en question à la requête dès l'introduction de l'instance.
Cette exigence paraît substantielle.
Dans le cadre de la procédure en cause, dès l'instant où elle satisfait aux conditions de recevabilité, l'action est en fait fondée.
Dans ces conditions, on peut faire preuve d'une certaine rigueur à l'égard de l'État requérant, d'autant plus que cette procédure aura déjà pu être précédée d'une mesure conservatoire pour laquelle l'État aura déjà utilisé les mêmes documents.
Lorsque les conditions qu'il énumère ne sont pas remplies, l'article 12 prévoit, non pas la nullité, mais l'irrecevabilité.
Quant à la question de savoir s'il faut utiliser le terme « recevable » ou le terme « admissible », il fait remarquer que l'article 7.2 de la directive utilise le premier de ces termes. Les ouvrages de droit attribuent une portée identique aux deux termes.
L'auteur de l'amendement défend le point de vue que, par souci de concordance avec le Code judiciaire, mieux vaut utiliser le terme « admissible ».
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de réunir les dispositions des articles 10, 11 et 12 initiaux (qui concernent tous trois l'action en restitution) en un seul et même article qui serait libellé comme suit :
« Art. 7. § 1er . Lorsqu'un bien culturel qui a quitté illicitement le territoire d'un État se trouve en Belgique, cet État peut intenter une action en restitution contre celui entre les mains duquel le bien se trouve.
L'action n'est pas recevable si, au moment où elle est introduite, la sortie du bien du territoire de l'État requérant n'est plus illicite.
§ 2. L'action est introduite par requête contradictoire devant le tribunal de première instance de Bruxelles.
Sont joints à la requête :
1º un document décrivant le bien visé par l'action et déclarant qu'il s'agit d'un bien culturel en vertu de la législation de l'État requérant;
2º une déclaration des autorités compétentes de l'État requérant faisant apparaître que le bien culturel a quitté illicitement le territoire de cet État, en violation de sa législation en la matière ou du règlement (C.E.E.) nº 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l'exportation de biens culturels.
Lorsque ces documents n'ont pas été joints lors de l'introduction de l'action et sauf communication de ces pièces dans le délai fixé par le tribunal, celui-ci déclare d'office que l'action ne peut être admise.
Outre les mentions prévues à l'article 1034ter, 1º, 4º, 5º et 6º, du Code judiciaire, la requête contient, à peine de nullité :
1º l'indication de l'État requérant et les nom, prénom et qualité de la personne qui le représente;
2º les nom, prénom, domicile ou, à défaut de domicile, résidence, et, le cas échéant, qualité de la personne à convoquer. »
Pour les raisons déjà exposées ci-avant, la commission ne retient pas la suggestion tendant à remplacer le terme « restitution » par le mot « revendication » .
La formule du second alinéa du § 1er s'inspire de celle de l'article 7.2 de la directive.
Quant aux mentions requises à peine de nullité, le texte du projet a été légèrement adapté, en vue de l'aligner sur celui de l'article 1034ter du Code judiciaire.
En ce qui concerne le § 2, la commission opte finalement pour l'amendement de M. Erdman (amendement nº 5), qui a été adopté par 4 voix et 4 abstentions, en tant que sous-amendement à l'amendement de synthèse susmentionné. Ce dernier est, moyennant cette modification, adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 13 (art. 8 du texte adopté)
Un commissaire rappelle qu'en fait de meubles corporels, la possession vaut titre (art. 2279 du Code civil). En pareil cas, il n'y a donc pas prescription si la possession est de bonne foi, puisqu'une telle possession donne lieu à l'acquisition immédiate de la propriété.
Le délai spécial de trente années ne vaut que pour les choses perdues ou volées dans la mesure où le possesseur est de mauvaise foi.
Le délai est de trois ans si le possesseur est de bonne foi; lorsque le bien a été vendu en un lieu qui inspire confiance, il faut payer le prix.
L'intervenant demande quelle est alors la portée des mots « sous réserve de la prescription » qui figurent à l'article 13.
M. Erdman renvoie à son amendement à l'article 15 (amendement nº 6).
Le ministre répond que l'on renvoie spécifiquement à l'exception de prescription qui, dans le cadre de la directive et du projet de loi (art. 14), peut être invoquée dans certaines circonstances, à savoir lorsque l'on demande tardivement la restitution. Le projet de loi dans son ensemble déroge donc au droit commun.
On fait observer que les mots « met ingang van 1 januari 1993 » sont la traduction des mots « à partir du » , alors qu'ici, le sens est : « vanaf 1 januari 1993 » .
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de libeller l'article comme suit :
« Art. 8. Sous réserve de la prescription, la restitution du bien culturel réclamé est ordonnée par le tribunal s'il est établi que la demande a pour objet un bien culturel qui a quitté illicitement le territoire de l'État requérant au plus tôt le 1er janvier 1993.
La propriété du bien culturel est, après la restitution, régie par la loi de l'État requérant. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 14 (art. 9 du texte adopté)
À cet article, MM. Foret et Desmedt déposent un amendement (l'amendement nº 10) rédigé comme suit :
« À l'alinéa 2 de cet article, remplacer les mots « En aucun cas ce délai ne peut être supérieur à » par les mots : « En tout état de cause, l'action en restitution se prescrit dans un délai de. »
Justification
Le texte actuel de l'alinéa 2 est ambigu puisqu'il utilise l'adjectif démonstratif « ce » pour qualifier le mot « délai ». L'alinéa 2 semble donc faire référence au délai d'un an prévu à l'alinéa précédent. Or, il s'agit évidemment de deux délais différents. Par souci de clarté, il est préférable de revenir au texte de la directive qui est nettement plus précis.
Un membre souligne qu'au deuxième alinéa de l'article 14, les mots « biens ecclésiastiques » doivent être remplacés par la formule proposée à l'article 2.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger l'article comme suit :
« Art. 9. L'action en restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État se prescrit par un an à compter du jour où l'État requérant a eu connaissance du lieu où se trouvait le bien culturel et de l'identité de son possesseur ou détenteur.
Toutefois, si le bien fait partie d'une collection publique ou d'un inventaire d'une institution religieuse ou d'une organisation offrant une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle visés à l'article 2, 2º, b), et s'il fait l'objet d'une protection spéciale en vertu de la législation de l'État requérant, l'action en restitution se prescrit par 75 ans, à moins qu'elle ne soit imprescriptible d'après cette même législation et sauf application d'un accord bilatéral entre les États concernés fixant un délai supérieur à 75 ans. »
Un membre souligne qu'en ce qui concerne le second alinéa de l'article, le sens du texte proposé dans l'amendement diffère de celui du projet de loi.
En effet, selon le premier, l'imprescribilité s'apprécie par rapport à la loi de l'État où l'action est introduite, ce qui semble conforme à l'article 7, 1, deuxième alinéa, de la directive.
Au contraire, selon l'article 14, deuxième alinéa, du projet, il faut s'en référer à la législation de l'État requérant.
Le ministre répond que cette question s'est posée dès la publication de la directive.
Deux arguments plaident pour l'interprétation de la directive que donne le projet de loi.
Tout d'abord, l'une des idées de base de la directive est que, dans chaque État, on applique la législation des autres États membres. Le préambule de la directive indique que c'est là un premier pas vers la reconnaissance mutuelle des législations nationales en la matière.
Dans chaque État requis, on applique donc la législation de l'État requérant en ce qui concerne les conditions de recevabilité de l'action, la définition des biens culturels, et les délais de prescription.
De plus, pourquoi la Belgique devrait-elle déclarer imprescriptible une action en restitution introduite par un autre pays, au motif qu'en Belgique, le bien réclamé serait par exemple soumis au régime du domaine public ?
Un membre réplique que l'interprétation des principes de la directive donnée par le préopinant ne se retrouve pas dans le texte du préambule.
Voici ce que mentionne le préambule : « Considérant que la procédure instituée par la présente directive constitue un premier pas vers une coopération entre États membres dans ce domaine dans le cadre du marché intérieur; que l'objectif est la reconnaissance mutuelle des législations nationales en la matière; qu'il convient, par conséquent, de prévoir notamment que la commission soit assistée par un comité consultatif; ».
Le texte de l'article 7, 1, deuxième alinéa, de la directive est clair et l'amendement proposé est conforme à ce texte.
Le ministre renvoie à l'article 10 de la loi française, qui donne la même interprétation de la directive que le présent projet de loi, et dont le texte est le suivant :
« Art. 10. L'action tendant au retour d'un bien culturel est prescrite à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle l'État membre a eu connaissance du lieu où se trouve ce bien et de l'identité de son propriétaire, de son possesseur ou de son détenteur.
En tout état de cause, l'action se prescrit dans un délai de trente ans à compter de la date à laquelle le bien culturel est sorti illicitement du territoire de l'État membre requérant. Toutefois, l'action se prescrit dans un délai de soixante-quinze ans, ou demeure imprescriptible si la législation de l'État membre requérant le prévoit, pour les biens inventoriés dans les collections publiques, ainsi que pour les biens figurant sur les inventaires des autorités ecclésiastiques, lorsque la loi de l'État membre requérant accorde à ces biens une protection spécifique. »
La commission décide de s'inspirer de cette formule, en maintenant toutefois la référence à un éventuel accord bilatéral, qui figure dans le texte de la directive.
M. Erdman dépose par conséquent un sous-amendement (amendement nº 14) libellé comme suit :
« Remplacer le deuxième alinéa de l'article proposé par ce qui suit :
« En tout état de cause, l'action se prescrit par trente ans à compter du jour où le bien culturel a quitté illicitement le territoire de l'État requérant. Toutefois, l'action se prescrit par septante-cinq ans, ou demeure imprescriptible, si la législation de l'État requérant le prévoit, pour les biens faisant partie de collections publiques, et les biens visés à l'article 2, 2º, b), faisant l'objet d'une protection spéciale dans l'État requérant.
Un accord bilatéral avec l'État requérant peut fixer un délai de prescription supérieur à septante-cinq ans. »
Le texte proposé par l'amendement de synthèse, ainsi sous-amendé, est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
L'amendement de MM. Foret et Desmedt est retiré car il est repris dans l'amendement de synthèse.
Article 15 (art. 10 du texte adopté)
M. Erdman et consorts déposent un amendement (amendement nº 6), rédigé comme suit :
« Apporter à cet article les modifications ci-après :
A. Faire débuter le premier alinéa par les mots « Par dérogation à l'article 2280 du Code civil, ... ».
B. Dans le texte néerlandais du quatrième alinéa, remplacer les mots « de verkrijger » par les mots « de bezitter. »
Justification
1. L'article 2280 du Code civil prévoit une disposition spécifique pour indemniser le possesseur actuel d'une chose volée. Le but ne saurait être d'accorder cumulativement l'indemnité prévue à l'article 15 du projet et celle de l'article 2280 du Code civil.
2. La traduction est correcte : l'intéressé est effectivement un « acquéreur« (verkrijger), mais il est en tout cas « possesseur » au moment de l'action.
Le ministre rappelle que la directive et le projet de loi dérogent au droit commun (notamment à l'art. 2279).
Un commissaire ajoute que l'exercice du droit de revendication des biens visés à l'article 1er constitue en soi une dérogation à l'article 2279 du Code civil, puisque, en vertu du droit commun, la revendication contre le possesseur de bonne foi n'est pas possible.
L'article 2280 n'est qu'une modalité particulière de l'article 2279.
En réponse à une question d'un membre, le ministre déclare que l'indemnité est payée par l'État requérant et que le paiement est une condition préalable à la restitution.
Le même membre demande si l'État peut intenter une action contre le propriétaire réel lorsqu'il a payé.
Le ministre répond que l'État peut le faire à l'encontre de celui (quelqu'il soit) qui a exporté illégalement le bien.
Le préopinant fait observer que le propriétaire reprendrait donc possession du bien sans devoir intervenir dans l'indemnité que l'État a payée.
Le ministre déclare que c'est exact.
Il est même concevable que l'on en arrive à restituer, en application de la directive, un bien à un possesseur qui prétend en être le propriétaire. Dans un tel cas, le bien est rapporté dans l'État concerné, où un litige pourrait surgir concernant le droit de propriété de ce bien. Il pourrait même s'avérer que le possesseur du bien est bel et bien son propriétaire en vertu du droit de cet État.
Le préopinant demande s'il est exact que l'État qui paie une indemnité au possesseur ou au détenteur de bonne foi n'a pas nécessairement un droit de recours contre le propriétaire réel qui aurait été rétabli dans ses droits.
Le ministre répond affirmativement, mais que les choses sont différentes si le propriétaire est responsable de l'exportation illicite du bien.
Le membre en déduit que les États membres fournissent une garantie aux propriétaires pour autant qu'ils ne soient pas complices de l'exportation illicite.
Le ministre répond que cette question n'est pas réglée par la directive. Il faudra se prononcer en application du droit de l'État concerné.
Une certaine doctrine affirme même que ceux qui ont de bonnes relations avec leur État national pourront recourir à cette procédure et les autres pas.
Il est toutefois souligné que, dans la majorité des cas, c'est l'État requérant qui est propriétaire du bien.
Un membre demande si, au premier alinéa de l'article, le mot « diligence » ne doit pas être remplacé par celui de « prudence », de « circonspection » ou encore de « précaution ».
Le ministre insiste pour que l'on s'en tienne strictement au texte de la directive. Il s'agit en outre d'un point crucial, qui, en dernier ressort, sera interprété par la Cour de la justice.
Il faut aussi veiller à ne pas renverser la charge de la preuve, par rapport au texte du projet de loi.
Ce texte signifie que le possesseur doit avoir pris, au moment de l'acquisition, toutes les informations nécessaires pour être certain que le bien pouvait être exporté.
En ce qui concerne le deuxième alinéa, il est proposé de supprimer les mots « et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver », qui paraissent superflus, puisqu'ils ne font que reproduire le droit commun en la matière.
Un commissaire déclare qu'il n'approuve pas cette proposition, étant donné que le projet de loi déroge aux articles 2279 et suivants du Code civil.
La commission décide de laisser le texte inchangé sur ce point.
Elle constate en outre que l'une des définitions possibles du mot « diligence » est « soin attentif, appliqué ». Elle décide par conséquent de s'en tenir à cette terminologie.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger l'article comme suit :
« Art. 10. S'il ordonne la restitution du bien culturel à l'État requérant, le tribunal accorde au possesseur une indemnité équitable, pour autant que le possesseur ait agi avec la diligence requise lors de l'acquisition.
La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.
Il suffit que la bonne foi ait existé au moment de l'acquisition.
En cas de donation ou de succession, le possesseur ne peut bénéficier d'un statut plus favorable que celui de la personne dont il a reçu le bien à ce titre.
L'indemnité est payée par l'État requérant au moment de la restitution. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Les amendements 6 A) et 6 B) de M. Erdman sont retirés, le premier à la lumière des précisions mentionnées ci-dessus concernant l'article 2280, le second parce qu'il est inclus dans l'amendement de synthèse.
Article 16 (art. 11 du texte adopté)
Dans le cadre d'un premier examen, cet article ne donne lieu à aucune remarque.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger cet article comme suit :
« Art. 11. Sont à charge de l'État requérant, les dépenses qui résultent de l'exécution de la décision judiciaire ordonnant la restitution du bien culturel, ainsi que les frais résultant des mesures prises en vertu des articles 4, 5 et 6, pour assurer la conservation matérielle du bien culturel.
L'État requérant peut réclamer le remboursement de l'indemnité et des dépenses mises à sa charge aux personnes responsables du déplacement illicite du bien culturel hors de son territoire. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 17 (art. 12 du texte adopté)
Lors d'une première discussion, cet article n'a donné lieu à aucune observation.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger cet article comme suit :
« Art. 12. L'autorité centrale de l'État requérant informe sans délai l'autorité centrale de l'État requis de l'introduction de l'action en restitution.
L'autorité centrale de l'État requis informe sans délai les autorités centrales des autres États. »
M. Erdman dépose le sous-amendement suivant (amendement nº 15).
« Remplacer l'article proposé par ce qui suit :
« Art. 12. Le ministre de la Justice, informé par l'autorité centrale de l'État requérant de l'introduction de l'action en restitution, en informe sans délai l'autorité centrale des autres États. »
Ce sous-amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Article 18 (art. 13 du texte adopté)
À cet article, M. Erdman et consorts déposent l'amendement suivant (amendement nº 7) :
« Art. 18. Faire précéder cet article par les mots suivants :
« Sans préjudice des dispositions de l'article 8, »
Justification
Comme la loi elle-même désigne, à l'article 8, certaines autorités pour accomplir des missions déterminées qui relèvent également des tâches définies à l'article 7, il convient d'y faire référence.
Il est également souligné que les mots « lorsque la Belgique est l'État requis » sont superflus et doivent être supprimés.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger l'article comme suit :
« Art. 13. Sans préjudice des dispositions de l'article 5, le Roi peut désigner les autorités compétentes pour remplir les missions décrites à l'article 4. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
L'amendement de M. Erdman est retiré, étant donné qu'il est inclus dans l'amendement de synthèse.
Article 19 (art. 14 du texte adopté)
À cet article, M. Erdman et consorts déposent les deux amendements suivants (amendements nºs 8 et 9) :
« Nº 8. Remplacer « 25º » par « 27º. »
Justification
Un « 25º » a déjà été inséré à l'article 569 du Code judiciaire par l'article 98 de la loi du 20 mai 1994 et un « 26º » a même été inséré par l'article 13, premier alinéa, de la loi du 6 août 1993.
« Nº 9. Compléter cet article par un second alinéa, libellé comme suit :
« À l'avant-dernier alinéa de l'article 569 du Code judiciaire, les mots « et 26º » sont remplacés par les mots « , 26º et 27º. »
Justification
Si l'article 569 du Code judiciaire accorde une compétence ratione loci au tribunal de première instance de Bruxelles (une compétence qui est certes confirmée par l'article 10 du texte proposé), il convient malgré tout, pour maintenir la concordance, d'adapter également l'avant-dernier alinéa de l'article 569 du Code judiciaire.
L'amendement de synthèse de M. Lallemand et consorts (amendement nº 13) propose de rédiger l'article comme suit :
« Art. 14. À l'article 569 du Code judiciaire sont apportées les modifications suivantes :
« A) L'alinéa 1er est complété par un 27º rédigé comme suit : « 27º des demandes en restitution de biens culturels introduites sur la base de l'article 7 de la loi du ... relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire de certains États étrangers. »
B) À l'alinéa 2, les mots « et 26º » sont remplacés par les mots «, 26º et 27º. »
L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Les amendements de M. Erdman et consorts sont retirés, étant donné qu'ils sont inclus dans l'amendement de synthèse.
L'ensemble du projet de loi amendé a été adopté à l'unanimité des 8 membres présents.
Le présent rapport a été approuvé à la même unanimité.
La Rapporteuse,
Nadia MERCHIERS. |
Le Président,
Roger LALLEMAND. |
TABLE DE CONCORDANCE
I
Projet de loi transmis par la Chambre des représentants |
Texte adopté par la Commission de la Justice du Sénat |
| |
Art. | Art. |
| |
1 | 1 |
2 | 2 |
3 | 2 |
4 | 3 |
5 | 2 |
6 | 4 |
7 | 4 |
8 | 5 |
9 | 6 |
10 | 7 |
11 | 7 |
12 | 7 |
13 | 8 |
14 | 9 |
15 | 10 |
16 | 11 |
17 | 12 |
18 | 13 |
19 | 14 |
II
Texte adopté par la Commission de la Justice du Sénat |
Projet de loi transmis par la Chambre des représentants |
| |
Art. | Art. |
| |
1 | 1 |
2 | 2 |
3 | |
5 | |
3 | 4 |
4 | 6 |
7 | |
5 | 8 |
6 | 9 |
7 | 10 |
11 | |
12 | |
8 | 13 |
9 | 14 |
10 | 15 |
11 | 16 |
12 | 17 |
13 | 18 |
14 | 19 |
(Actes dont la publication n'est pas
une condition de leur applicabilité)
Directive 93/7/C.E.E. du Conseil
du 15 mars 1993
relative à la restitution de biens culturels
ayant quitté illicitement le territoire
d'un État membre
LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 100 A,
vu la proposition de la Commission (2),
en coopération avec le Parlement européen (3),
vu l'avis du Comité économique et social (4),
considérant que l'article 8 A du traité prévoit l'établissement, au plus tard le 1er janvier 1993, du marché intérieur comportant un espace sans frontières dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée conformément aux dispositions du traité;
considérant que, en vertu et dans les limites de l'article 36 du traité, les États membres garderont, après 1992, le droit de définir leurs trésors nationaux et la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de ces trésors nationaux dans cet espace sans frontières;
considérant qu'il convient donc de mettre en place un système permettant aux États membres d'obtenir la restitution, sur le territoire, des biens culturels classés « trésors nationaux » au sens dudit article 36 et qui ont quitté leur territoire en violation des mesures nationales susmentionnées ou du règlement (C.E.E.) nº 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l'exportation de biens culturels (5); que la mise en oeuvre de ce système devrait être la plus simple et la plus efficace possible; qu'il est nécessaire, afin de faciliter la coopération en matière de restitution, de limiter le champ d'application du présent système à des objets appartenant à des catégories communes de biens culturels; que l'annexe de la présente directive n'a, par conséquent, pas pour objet de définir les biens ayant rang de « trésors nationaux » au sens dudit article 36, mais uniquement des catégories de biens susceptibles d'être classés comme tels et pouvant, à ce titre, faire l'objet d'une procédure de restitution au sens de la présente directive;
considérant que la présente directive devrait également couvrir les objets culturels classés trésors nationaux et qui forment partie intégrante des collections publiques ou des inventaires des institutions ecclésiastiques, mais qui n'entrent pas dans ces catégories communes;
considérant qu'il conviendrait d'établir une coopération administrative entre les États membres à l'égard de leurs trésors nationaux, en liaison étroite avec leur coopération dans le domaine des oeuvres d'art volées et comportant notamment l'enregistrement, auprès d'Interpol et d'autres organismes compétents émettant des listes similaires d'objets culturels perdus, volés ou ayant illicitement quitté le territoire et faisant partie de leurs trésors nationaux et de leurs collections publiques;
considérant que la procédure instituée par la présente directive constitue un premier pas vers une coopération entre États membres dans ce domaine dans le cadre du marché intérieur; que l'objectif est la reconnaissance mutuelle des législations nationales en la matière; qu'il convient, par conséquent, de prévoir notamment que la Commission soit assistée par un comité consultatif;
considérant que le règlement (C.E.E.) nº 3911/92 institue, ensemble avec la présente directive, un système communautaire de protection des biens culturels des États membres; que la date à laquelle les États membres doivent se conformer à la présente directive doit être la plus proche possible de la date d'entrée en vigueur dudit règlement; que certains États membres auront besoin d'une période plus longue, compte tenu de la nature de leur système juridique et de la portée des modifications qu'ils devront apporter à leur législation pour mettre en oeuvre la présente directive,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :
Article premier
Aux fins de la présente directive, on entend par :
1. « bien culturel » :
un bien classé, avant ou après avoir quitté illicitement le territoire d'un État membre, comme « trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique », conformément à la législation ou aux procédures administratives nationales au sens de l'article 36 du traité et
appartenant à l'une des catégories visées à l'annexe ou n'appartenant pas à l'une de ces catégories, mais faisant partie intégrante :
des collections publiques figurant sur les inventaires des musées, des archives et des fonds de conservation des bibliothèques.
Aux fins de la présente directive, on entend par « collections publiques » les collections qui sont la propriété d'un État membre, d'une autorité locale ou régionale dans un État membre, ou d'une institution située sur le territoire d'un État membre et classées publiques conformément à la législation de cet État membre, à condition qu'une telle institution soit la propriété de cet État membre ou d'une autorité locale ou régionale, ou qu'elle soit financée de façon significative par celui-ci ou l'une ou l'autre minorité,
des inventaires des institutions ecclésiastiques;
2. « ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre » :
toute sortie du territoire d'un État membre en violation de la législation de cet État membre en matière de protection des trésors nationaux ou en violation du règlement (C.E.E.) nº 3911/92 ou
tout non-retour à la fin du délai d'une expédition temporaire légale ou toute violation de l'une des autres conditions de cette expédition temporaire;
3. « État membre requérant » : l'État membre dont le bien culturel a quitté illicitement le territoire;
4. « État membre requis » : l'État membre sur le territoire duquel se trouve un bien culturel ayant quitté illicitement le territoire d'un autre État membre;
5. « restitution » : le retour matériel du bien culturel sur le territoire de l'État membre requérant;
6. « possesseur » : la personne qui a la détention matérielle du bien culturel pour son propre compte;
7. « détenteur » : la personne qui a la détention matérielle du bien culturel pour compte d'autrui.
Article 2
Les biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre sont restitués, conformément à la procédure et dans les conditions prévues par la présente directive.
Article 3
Chaque État membre désigne une ou plusieurs autorités centrales pour exercer les fonctions prévues par la présente directive.
Les États membres communiquent à la Commission toutes les autorités centrales qu'ils désignent conformément au présent article.
La Commission publie la liste de ces autorités centrales, ainsi que les changements les concernant, au Journal officiel des Communautés européennes, série C.
Article 4
Les autorités centrales des États membres coopèrent et favorisent la consultation entre les autorités compétentes des États membres. Ces dernières assurent notamment les tâches suivantes :
1. rechercher, à la demande de l'État membre requérant, un bien culturel déterminé ayant quitté illicitement le territoire et l'identité du possesseur et/ou détenteur. Cette demande doit comprendre toutes les informations nécessaires pour faciliter cette recherche, notamment sur la localisation effective ou présumée du bien;
2. notifier aux États membres concernés, la découverte de biens culturels sur leur territoire et s'il y a des motifs raisonnables de présumer que lesdits biens ont quitté illicitement le territoire d'un autre État membre;
3. permettre aux autorités compétentes de l'État membre requérant de vérifier si le bien en question constitue un bien culturel, à condition que la vérification soit effectuée au cours des deux mois suivant la notification prévue au point 2. Si cette vérification n'est pas effectuée dans le délai prévu, les points 4 et 5 ne s'appliquent plus;
4. prendre, en coopération avec l'État membre concerné, toutes les mesures nécessaires à la conservation matérielle du bien culturel;
5. éviter, par des mesures provisoires nécessaires, que le bien culturel soit soustrait à la procédure de restitution;
6. remplir le rôle d'intermédiaire entre le possesseur et/ou le détenteur et l'État membre requérant en matière de restitution. À cet effet, les autorités compétentes de l'État membre requis peuvent, sans préjudice de l'article 5, faciliter la mise en oeuvre d'une procédure d'arbitrage, conformément à la législation nationale de l'État requis et à condition que l'État requérant et le possesseur ou le détenteur leur donnent formellement leur accord.
Article 5
L'État membre requérant peut introduire, à l'encontre du possesseur et, à défaut, à l'encontre du détenteur, une action en restitution d'un bien culturel ayant quitté illicitement son territoire, auprès du tribunal compétent de l'État membre requis.
Pour être recevable, l'acte introductif de l'action en restitution doit être accompagné :
d'un document décrivant le bien faisant l'objet de la demande et déclarant que celui-ci est un bien culturel,
d'une déclaration des autorités compétentes de l'État membre requérant selon laquelle le bien culturel a quitté illicitement son territoire.
Article 6
L'autorité centrale de l'État membre requérant informe sans délai l'autorité centrale de l'État membre requis de l'introduction de l'action en restitution afin que soit assurée la restitution du bien en question.
L'autorité centrale de l'État membre requis informe sans délai les autorités centrales des autres États membres.
Article 7
1. Les États membres prévoient dans leur législation que l'action en restitution prévue par la présente directive est prescrite dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle l'État membre requérant a eu connaissance du lieu où se trouvait le bien culturel et de l'identité de son possesseur ou détenteur.
En tout état de cause, l'action en restitution se prescrit dans un délai de trente ans à compter de la date où le bien culturel a quitté illicitement le territoire de l'État membre requérant. Toutefois, dans le cas des biens faisant partie des collections publiques visées à l'article 1er , paragraphe 1er , et des biens ecclésiastiques dans les États membres dans lesquels ils font l'objet d'une protection spéciale conformément à la loi nationale, l'action en restitution se prescrit dans un délai de 75 ans, sauf dans les États membres où l'action est imprescriptible ou dans le cas d'accords bilatéraux entre États membres établissant un délai supérieur à 75 ans.
2. L'action en restitution est irrecevable si la sortie du territoire de l'État membre requérant n'est plus illégale au moment où l'action est introduite.
Article 8
Sous réserve des articles 7 et 13, la restitution du bien culturel en question est ordonnée par le tribunal compétent s'il est établi que ce bien est un bien culturel au sens de l'article 1er , paragraphe 1, et que la sortie du territoire national était illicite.
Article 9
Dans le cas où la restitution du bien est ordonnée, le tribunal compétent de l'État membre requis accorde au possesseur une indemnité qu'il estime équitable en fonction des circonstances du cas d'espèce, à condition qu'il soit convaincu que le possesseur a exercé la diligence requise lors de l'acquisition.
La charge de la preuve est régie par la législation de l'État membre requis.
En cas de donation ou de succession, le possesseur ne peut bénéficier d'un statut plus favorable que la personne dont il a acquis le bien à ce titre.
L'État membre requérant est tenu de payer cette indemnité lors de la restitution.
Article 10
Les dépenses découlant de l'exécution de la décision ordonnant la restitution du bien culturel incombent à l'État membre requérant. Il en est de même des frais des mesures visées à l'article 4, point 4.
Article 11
Le paiement de l'indemnité équitable visée à l'article 9 et des dépenses visées à l'article 10 ne porte pas atteinte au droit de l'État membre requérant de réclamer le remboursement de ces montants aux personnes responsables de la sortie illicite du bien culturel de son territoire.
Article 12
La propriété du bien culturel après la restitution est régie par la législation de l'État membre requérant.
Article 13
La présente directive n'est applicable qu'aux biens culturels qui ont quitté illicitement le territoire d'un État membre à partir du 1er janvier 1993.
Article 14
1. Chaque État membre peut étendre son obligation de restitution à d'autres catégories de biens culturels que ceux visés à l'annexe.
2. Chaque État membre peut appliquer le système prévu par la présente directive aux demandes de restitution de biens culturels qui ont quitté illicitement le territoire d'autres États membres avant le 1er janvier 1993.
Article 15
La présente directive ne porte pas atteinte aux actions civiles ou pénales que peuvent engager, conformément au droit national des États membres, l'État membre requérant et/ou le propriétaire auquel un bien culturel a été volé.
Article 16
1. Tous les trois ans, et pour la première fois en février 1996, les États membres adressent à la Commission un rapport concernant l'application de la présente directive.
2. La Commission adresse tous les trois ans au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport d'évaluation de l'application de la présente directive.
3. Le Conseil réexamine l'efficacité de la présente directive après une période d'application de trois ans et, sur proposition de la Commission, il procède, le cas échéant, aux adaptations nécessaires.
4. En tout état de cause, le Conseil, sur proposition de la Commission, procède tous les trois ans à l'examen et, le cas échéant, à l'actualisation des montants visés à l'annexe, en fonction des indices économiques et monétaires dans la Communauté.
Article 17
La Commission est assistée par le comité institué à l'article 8 du règlement (C.E.E.) nº 3911/92.
Le comité examine toute question relative à l'application de l'annexe de la présente directive que son président peut soulever, soit de sa propre initiative, soit à la demande du représentant d'un État membre.
Article 18
Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de neuf mois à compter de son adoption, sauf en ce qui concerne le royaume de Belgique, la république fédérale d'Allemagne et le royaume des Pays-Bas qui doivent se conformer à la présente directive au plus tard douze mois à compter de la date de son adoption. Ils en informent la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
Article 19
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 15 mars 1993.
Par le Conseil
Le président
M. JELVED
ANNEXE
Catégories de biens visées à l'article 1er , point 1, deuxième tiret, auxquelles les biens classés « trésors nationaux » au sens de l'article 36 du traité doivent appartenir pour pouvoir être restitués conformément à la présente directive
A. 1. Objets archéologiques ayant plus de 100 ans et provenant de :
fouilles ou découvertes terrestres et sous-marines;
sites archéologiques;
collections archéologiques.
2. Éléments faisant partie intégrante de monuments artistiques, historiques ou religieux et provenant du démembrement de ceux-ci, ayant plus de 100 ans.
3. Tableaux et peintures faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (6).
4. Mosaïques, autres que celles qui entrent dans les catégories 1 ou 2, et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (6).
5. Gravures, estampes, sérigraphies et lithographies originales et leurs matrices respectives, ainsi que les affiches originales (6).
6. Productions originales de l'art statutaire ou de la sculpture et copies obtenues par le même procédé que l'original (6), autres que celles qui entrent dans la catégorie 1.
7. Photographies, films et leurs négatifs (6).
8. Incunables et manuscrits, y compris les cartes géographiques et les partitions musicales, isolés ou en collections (6).
9. Livres ayant plus de 100 ans, isolés ou en collection.
10. Cartes géographiques imprimées ayant plus de 200 ans.
11. Archives de toute nature comportant des éléments de plus de 50 ans, quel que soit leur support.
12. a) Collections (7) et spécimens provenant de collections de zoologie, de botanique, de minéralogie ou d'anatomie.
b) Collections (7) présentant un intérêt historique, paléontologique, ethnographique ou numismatique.
13. Moyens de transport ayant plus de 75 ans.
14. Autres objets d'antiquité non repris dans les catégories visées aux points A1 à A13, ayant plus de 50 ans.
Les biens culturels visés aux catégories des points A1 à A14 ne sont régis par la présente directive que si leur valeur est égale ou supérieure aux seuils financiers figurant au point B.
B. Seuils financiers applicables à certaines catégories visées au point A (en écus)
Valeur : 0 (zéro).
1 (Objets archéologiques)
2 (Démembrement de monuments)
8 (Incunables et manuscrits)
11 (Archives)
15 000
4 (Mosaïques et dessins)
5 (Gravures)
7 (Photographies)
10 (Cartes géographiques imprimées)
50 000
6 (Statuaires)
9 (Livres)
12 (Collections)
13 (Moyens de transport)
14 (Tout autre objet)
150 000
3 (Tableaux)
Le respect des conditions relatives aux valeurs financières doit être jugé au moment de l'introduction de la demande en restitution. La valeur financière est celle du bien dans l'État membre requis.
La date de conversion en monnaie nationale des valeurs exprimées en écus à l'annexe est le 1er janvier 1993.
(1) Le présent projet a été évoqué le 15 février 1996.
(2) JO nº C 53 du 28. 2. 1992, p. 11; JO nº C 172 du 8. 7. 1992, p. 7.
(3) JO nº C 176 du 13. 7. 1992, p. 129; JO nº C 72 du 15. 3. 1993.
(4) JO nº C 223 du 31. 8. 1992, p. 10.
(5) JO nº L 395 du 31. 12. 1992, p. 1.
(6) Ayant plus de 50 ans et n'appartenant pas à leurs auteurs.
(7) Telles que définies par la Cour de justice dans son arrêt 252/84, comme suit : « Les objets pour collections au sens de la position 99.05 du tarif douanier commun sont ceux qui présentent les qualités requises pour être admises au sein d'une collection, c'est-à-dire les objets qui sont relativement rares, ne sont pas normalement utilisés conformément à leur destination initiale, font l'objet de transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires utilisables et ont une valeur élevée. »