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25 JUIN 1996
La loi du 20 février 1991 a modifié et complété les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer.
L'exposé des motifs de la loi du 20 février 1991 révèle que le but poursuivi par le ministre de la Justice était triple :
1. Il s'agissait d'abord de mettre en place une législation définitive qui se démarquerait ainsi des précédentes lois de blocage essentiellement provisoires et maintes fois renouvelée. C'était l'objectif de sécurité juridique.
2. Ensuite, il s'agissait de réaliser un nouvel équilibre entre les droits et obligations respectives des propriétaires et des locataires. C'était l'objectif social.
3. Enfin, il importait également de concilier la rentabilité que les propriétaires entendent tirer de leurs biens immobiliers avec la nécessaire sécurité que les locataires sont en droit d'attendre en ce qui concerne la durée de leur bail et leur maintien dans les lieux. C'était l'objectif socio-économique.
Tels étaient donc aux dires du ministre de la Justice de l'époque les trois objectifs recherchés par le projet.
Nous pouvons dire aujourd'hui qu'en réalité aucun de ces objectifs n'a été atteint. Nous allons nous en expliquer plus longuement ci-après.
L'objet de la présente proposition de loi est donc de remédier aux effets néfastes de la loi et d'en revenir à une plus grande liberté contractuelle, notamment en ce qui concerne la durée des baux.
Notons dès à présent que nos travaux ont été influencés par les remarques et les conclusions formulées par la commission spéciale chargée par le ministre Wathelet d'évaluer les effets de la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer.
Cependant notre réflexion a dépassé le cadre dans lequel était malheureusement confinée cette commission, à savoir qu'il n'était pas possible pour la commission de remettre en cause les principes mêmes de la loi.
En 1991, le Parlement a procédé avec la loi du 20 février 1991 à une modification fondamentale de la législation en matière de baux à loyer.
Lors des discussions à propos de cette loi, en commission comme en séance publique de la Chambre et du Sénat, le ministre de la Justice n'a pu fournir la moindre statistique en matière de contentieux locatif.
Notez que tel a d'ailleurs été à nouveau le cas lors de la discussion et du vote au Parlement de la loi de prorogation de certains baux du mois de décembre 1995. Il a en effet été fait état d'un nombre fort important de renons qui auraient été adressés par les propriétaires. À aucun moment, la majorité gouvernementale n'a justifié les chiffres cités par certains de ses membres et il y a eu manifestement manipulation de l'opinion.
L'opposition libérale de son côté disposait déjà en 1991 de chiffres intéressants provenant d'une étude réalisée par certains juristes et sociologues de l'Université d'Anvers. En résumé, il ressortait de cette étude que les litiges locatifs n'étaient pas tellement nombreux.
Or, et c'est un comble la législation de 1991 que le P.R.L. et le F.D.F. ont combattue à l'époque a engendré l'insécurité juridique et mécontenté tous les usagers. Sa complexité a entraîné une confusion jurisprudentielle inqualifiable.
Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs cette situation puisqu'il va lui-même déposer un projet rectifiant l'une ou l'autre disposition de cette loi.
Ce projet est toutefois trop limité, eu égard au volumineux inventaire de nombreux problèmes d'interprétation suscités par la loi, lequel a été dressé par la Commission d'évaluation (Annexe 3 du Rapport). Nous ne les mentionnerons pas ici, nous nous bornons à constater que la plupart d'entre eux sont dus à la complexité de l'article 3 qui impose le bail de neuf ans avec des dérogations et limitations qui en rendent l'application complexe et obscure.
Ce bilan catastrophique a été récemment confirmé par l'ensemble des praticiens réunis à Liège et à Bruxelles pour une journée d'étude sur le thème : « Le bail de résidence principale : cinq ans d'application de la loi du 20 février 1991. Bilan et perspectives. »
Ce n'est certainement pas l'abondante doctrine développée autour de ces problèmes qui viendra contredire notre constat.
Donc, pour ce qui est de présenter la loi de février 1991 comme une législation définitive rétablissant la sécurité juridique, la majorité gouvernementale peut revoir sa copie.
De surcroît, la majorité gouvernementale est passée de la parole aux actes en faisant voter au mois de décembre 1995 la loi prorogeant certains baux et ce, au mépris de certaines dispositions définitives de la loi du mois de février 1991, ainsi qu'au mépris de l'avis de la commission d'évaluation qu'elle a elle-même mis en place. Elle a d'ailleurs l'intention de renouveler l'expérience en 1996 !
1. Recherche d'un équilibre propriétaires-locataires
Loin d'avoir simplifié les rapports propriétaires-locataires, cette loi bâclée les a compliqués, sans compter que sous certains aspects, le locataire est bien moins protégé qu'avant.
Ne prenons comme exemple que la possibilité pour le bailleur, dans le cadre du bail légal de neuf ans, de récupérer son bien à tout moment pour occupation personnelle et ce, sur un simple renon de six mois.
Notre proposition se veut constructive et légaliste. Nous conservons la structure de la loi de 1991, mais nous nous sommes attachés à rétablir un juste équilibre là où cela s'avérait nécessaire.
Les locataires bénéficieront enfin d'une véritable protection. Citons par exemple l'interdiction pour le bailleur de donner congé au locataire quel qu'en soit le motif pendant toute la durée de l'engagement.
Le locataire par contre aura la possibilité de mettre fin au bail à tout moment en cas de circonstances exceptionnelles et personnelles.
Nous légalisons également certaines pratiques antérieures à la loi de 1991 qui ont fait leurs preuves, à la satisfaction tant des locataires que des bailleurs. Nous pensons ici au « bail 3-6-9 ».
2. Le droit à un logement décent
L'article 23 de notre Constitution reconnait à chacun le droit de disposer d'un logement décent.
Or, depuis plusieurs années, les différentes majorités rouge romaine tentent de faire supporter par les propriétaires privés l'absence de véritable politique sociale du logement.
Devant les problèmes de logement rencontrés par un certain nombre de nos concitoyens, le P.R.L.-F.D.F. a, par contre, formulé des propositions complètes, concrètes et consensuelles.
Complètes car au-delà de la question du logement, d'autres problèmes doivent être solutionnés et ce, notamment dans le cadre d'une guidance sociale voire même d'un accompagnement global.
Concrètes car elles doivent être mises en oeuvre et aboutir à des résultats rapidement.
Consensuelles car elles doivent inciter d'une part, les particuliers à investir dans le logement destiné à la location et d'autre part, à accepter des locataires à faibles revenus.
Les présentes dispositions participent entièrement à ce mouvement.
Nous devons finalement nous interroger pour savoir si la loi du 20 février 1991 est bien parvenue à concilier la sécurité du maintien dans les lieux revendiquée par les locataires d'une part, et le droit pour les propriétaires d'obtenir une rentabilité raisonnable de leurs placements immobiliers d'autre part.
Faisant fi de nos traditions juridiques, la loi a remis en question le principe fondamental de la liberté contractuelle en matière civile. Le plus grave, c'est que cela a été fait sans raisons objectives, juridiques, économiques ou sociales. Il est indéniable que la loi du 20 février 1991 a été votée à l'emporte-pièce.
Or, un constat s'impose : la loi du 20 février 1991 a eu pour conséquence de détourner encore davantage les particuliers des investissements immobiliers et cette situation engendrera à la fois la raréfaction de l'offre de logement et la dégradation du patrimoine existant.
Dans le dossier immobilier de l'Écho du mois de janvier 1995, Xavier Zech présentait l'immobilier comme un investissement aujourd'hui délaissé et il mentionnait :
« En matière de logement une grande majorité des transactions ont concerné des achats pour occupation propre. Les maisons et appartements à mettre en location ont encore toujours des adeptes, mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux chaque année.
Certains notaires font état de propriétaires-bailleurs dégoûtés de la location par suite de négligence des locataires et des problèmes rencontrés dans la gestion de leurs biens. Ceux-ci s'empressent alors de vendre ».
Nous avons la conviction que ni l'une ni l'autre des conséquences de la loi du mois de février 1991 en matière de baux à loyer c'est-à-dire la raréfaction de l'offre de logements et la dégradation du patrimoine existant, ne vont dans le sens d'un meilleur confort du locataire.
Le secteur public ne suffisant pas, il est indéniable que pour répondre à l'ensemble des besoins de nos concitoyens, il faut des investissements privés : le cas du logement social est suffisamment exemplatif à ce sujet.
Dans un récent rapport, la C.O.F.A.C.E. observait par ailleurs que, partout en Europe, la part des propriétaires/occupants progresse de façon significative.
Ce mouvement, confirmé par les derniers recensements, n'est pas sans conduire à des interrogations. Dans certains pays, la diminution du nombre de logements locatifs risque de réduire la mobilité professionnelle et aura davantage pour effet d'accroître à l'avenir le niveau des loyers, ce qui pénalisera les familles à revenus modestes et, plus encore, les familles démunies.
Cette situation est alarmante lorsqu'elle va de pair, ce qui est le cas dans un certain nombre de pays, avec une politique plus ou moins prononcée de vente de logements sociaux locatifs ou lorsque les mutations immobilières font l'objet de taxes importantes.
La C.O.F.A.C.E. plaide pour que la mobilité soit facilitée tant dans le logement social que dans le logement privé, et le soit davantage en fonction de l'évolution de la taille des familles.
Elle considère comme indispensable le maintien d'un stock de logements locatifs, seule réponse au besoin de logement des personnes qui vivent une période d'incertitude, et notamment des jeunes, quant à leur avenir professionnel.
En conclusion, il faut restaurer la confiance des propriétaires privés car, plus l'offre en logement sera importante, mieux ce sera pour les candidats locataires tant au niveau du coût que de la qualité des logements.
Dès lors, pour les raisons explicitées ci-avant, il nous est apparu opportun d'apporter un certain nombre de modifications et de compléments aux différentes dispositions de la section II intitulée « Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur » insérée à la suite de l'article 1762bis du Code civil par la loi du 20 février 1991. Les commentaires particuliers relatifs à chaque article que nous proposons affineront notre analyse et éclaireront le lecteur sur l'utilité des modifications souhaitées.
Article 1er
Conformément au prescrit de l'article 83 de la Constitution, il est précisé que cette proposition règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Article 2
Il est proposé ici de modifier de façon fondamentale l'article 1er de la section II insérée dans le Code civil après l'article 1762bis du Code civil par la loi du 20 février 1991.
En effet, cette disposition est confuse et ne laisse aucun choix au bailleur : c'est le locataire qui décide de l'affectation de l'immeuble loué comme résidence principale.
Il y a dès lors lieu de la simplifier et de prévoir que l'accord des parties est nécessaire pour que l'immeuble soit affecté à la résidence principale du preneur.
Moyennant quelques aménagements, nous conservons le principe selon lequel toute clause interdisant l'affectation des lieux loués à la résidence principale du preneur doit être appuyée par une justification sérieuse.
Article 3
Nous proposons de remplacer le texte actuel de l'article 3 de la même section II par un nouveau libellé.
Nous avons déjà souligné que le système mis en place par la nouvelle législation est beaucoup trop compliqué et suscite de nombreuses interrogations chez les commentateurs et chez les praticiens.
Il est dès lors proposé de remplacer le système d'un bail légal de « 9 ans » par un bail légal de « 3 ans ».
1. La durée de neuf ans retenue par l'article 3 de la section II est beaucoup trop longue. Nous préférons remplacer tout l'article en le simplifiant considérablement pour adopter, pour les baux à durée indéterminée, une durée légale de trois ans automatiquement renouvelable sauf préavis.
Pendant cette durée, la sécurité d'occupation du preneur est totale, même pour occupation personnelle du bailleur ou de ses proches (Tel n'est pas le cas avec le présent libellé de l'article 3). Pour les baux à durée déterminée, les parties peuvent conclure comme elles l'entendent, mais si le preneur se maintient dans les lieux à l'échéance finale, le bail est reconduit aux mêmes conditions, sous réserve de la durée qui est réglée par les dispositions relatives aux baux à durée indéterminée.
2. Ce système sera mieux à même de répondre aux aspirations tant des locataires que des propriétaires et ce, pour les raisons suivantes :
a) Les très longues durées vont à contre-courant du phénomène de mobilité croissante exigé par notre société moderne.
b) Il était illogique de vouloir, en même temps, pour une seule des parties, tant la stabilité (9 ans) que la mobilité (trois mois de préavis sans indemnité si l'occupation est au moins de trois ans). Le déséquilibre est important et la gestion immobilière en devient aléatoire.
c) Ces très longues durées sont contraires au caractère intuitu personae de la plupart des baux de logement. Au cours de ces longues durées, un preneur peut avoir changé d'état civil, son mode de vie est peut-être devenu différent de même que sa solvabilité, les garanties éventuelles peuvent avoir disparu ou vouloir se récuser.
De plus, les conditions avantageuses que le bailleur a consenties (par exemple, à un jeune) peuvent ne plus se justifier (si le locataire a fait fortune par exemple).
d) Les investisseurs vont continuer à se détourner du secteur du logement pour choisir des créneaux plus lucratifs : placements mobiliers, immeubles commerciaux ou de bureaux. La crise du secteur du logement risque de se prolonger.
En définitive, la rareté de l'offre fait monter les loyers, ce qui est encore une fois à l'opposé des buts recherchés initialement par la loi du 20 février 1991.
e) Pour tenter de rencontrer ces différentes objections, les auteurs de loi du 20 février 1991 ont prévu quelques possibilités, mais celles-ci ont, à leur tour, de graves inconvénients :
au § 2 de l'article 3, la loi prévoit qu'à tout moment, le bailleur peut donner congé pour occupation personnelle. Toutefois, le preneur peut alors demander prorogation, ce qui rend la gestion du bailleur tout à fait aléatoire;
le § 3 de l'article 3 prévoit un congé pour gros travaux. Outre la prorogation possible précitée, les formalités retenues sont nombreuses, difficiles, très coûteuses, voire impossibles à satisfaire. Ainsi, si un immeuble comporte quatre locataires, les triennats ne coïncideront pas, il sera dès lors impossible de satisfaire aux conditions cumulatives de l'article 3 au point de vue des délais de début et d'achèvement des travaux. En effet, pour un tel immeuble, il faudra laisser certains appartements vides pendant deux ans puis seulement espérer commencer les travaux, sans avoir de certitudes au sujet des permis de bâtir qui eux ne sont valables que pour un an (renouvelable une seule fois);
le § 4 de l'article 3 prévoit que le bailleur peut à la fin de chaque triennat mettre fin au bail moyennant de fortes indemnités et un long préavis, exigences qui n'existent nullement lorsque c'est le preneur qui quitte les lieux; l'équilibre n'est donc pas respecté;
enfin au § 6 de l'article 3, il est prévu que les parties peuvent conclure des baux de courte durée, pour une durée maximale de 3 ans non renouvelables, sauf si la durée totale n'excède pas 3 ans. C'est un carcan dont les parties ne peuvent pas sortir même si toutes deux le veulent, ce qui n'est pas souhaitable.
f) Les dispositions de l'article 3 telles que libellées à l'heure actuelle sont beaucoup trop compliquées pour « l'homme de la rue ». Le recours aux avocats et à la Justice devient la règle, ce qui est très coûteux pour les parties et encombre les prétoires.
Voyez d'ailleurs l'annexe 3 du Rapport de la commission d'évaluation qui décrit les innombrables problèmes d'interprétation suscités par cet article.
g) La loi actuelle ne satisfait pas les locataires. On a pu constater une prolifération de demandes faites par des locataires étrangers pour voir insérer dans les baux des clauses pseudo-diplomatiques alors qu'ils n'y ont pas droit.
3. Le libellé retenu dans le cadre de la présente proposition de loi simplifie radicalement l'article 3 de la section II en ramenant la durée légale des baux à durée indéterminée à trois ans renouvelables. Cette durée étant raisonnable et conforme à la pratique courante, il n'y a plus lieu de faire intervenir une quelconque interruption par le bailleur pour occupation personnelle, travaux ou sans motifs quelconque moyennant une indemnité. La sécurité du preneur est donc totale pendant une période de trois ans au moins. À défaut de préavis, le bail est prorogé pour une même durée de 3 années.
4. Le § 2 du nouveau libellé proposé pour l'article 3 retient le principe de la liberté contractuelle pour les baux à durée déterminée. Ces derniers peuvent, de plus, comporter des échéances intermédiaires tels que cela existait précédemment dans la pratique du bail 3, 6, 9. Sans compter que pour assurer la sécurité des parties et spécialement du preneur, ces baux sont reconduits si le preneur se maintient dans les lieux sans protestation du bailleur.
5. Le § 3 du nouveau libellé proposé pour l'article 3 permet enfin au seul preneur de rompre le bail à tout moment en raison de circonstances exceptionnelles et personnelles, moyennant un préavis de trois mois. Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours des trois première années du contrat de bail, le bailleur aura droit à une indemnité dégressive. Notons que si le bail est reconduit tacitement, il faut considérer que l'entrée en vigueur du bail initial sert de point de départ au calcul du délai de 3 ans.
Par circonstances exceptionnelles et personnelles, nous visons par exemple un changement du lieu de travail qui était imprévisible, des modifications inopinées dans la composition de la famille qui occupait le logement, un accident provoquant un handicap tel que les lieux ne sont plus adaptés, ...
Article 4
Il est proposé ici de remplacer le texte actuel de l'article 6 de la section II insérée dans le Code civil après l'article 1762bis par la loi du 20 février 1991 par un nouveau libellé qui tient compte des remarques suivantes.
Sur base des différentes lois en matière de blocage des loyers, les baux antérieurs au 1er janvier 1981 ont été indexés depuis des années au 1er janvier de chaque année. Tel n'a cependant pas été le cas pour les baux postérieurs au 1er janvier 1981 qui, eux, ont été indexés à la date anniversaire d'entrée en vigueur du bail.
Dès lors, pour des questions de sécurité juridique évidentes qu'il est inutile d'expliquer davantage, il y a lieu de prévoir que pour les baux antérieurs au 1er janvier 1981, l'indexation se fera au 1er janvier de chaque année. Il convient de compléter le premier alinéa de l'actuel article 6 de la section II en ce sens.
Le deuxième alinéa de ce même article 6 prévoit que la demande d'indexation n'a aucun effet rétroactif sauf pour les trois mois précédant la demande.
Or, l'index n'est connu qu'en fin de mois, par définition. Pour peu que le bailleur soit absent, malade, blessé ou décédé, il est évident qu'un délai d'un mois, voire même de plus de trois mois, s'écoulera avant que lui ou ses ayants droit puissent demander une indexation au preneur. La gestion locative devient d'autant plus difficile.
Par ailleurs, l'article 2273 a toujours été interprété comme donnant la possibilité au bailleur de réclamer l'indexation pendant un délai d'un an et ceci n'a jamais été contesté. Cette position est d'autant plus logique que le preneur dispose d'un délai de cinq ans pour réclamer les indus. Il y a là un déséquilibre nouveau.
En conséquence, les mots « les trois mois » retenus au second alinéa de l'article 6 sont remplacés par les mots « les douze mois ».
Dans le nouveau texte proposé, les deux alinéas de l'actuel article 6 de la section II constitueront le premier paragraphe du nouvel article 6 que nous proposons.
En effet, nous proposons d'insérer un second paragraphe à cet article 6.
L'article 1728quater actuel prévoit que les sommes payées par le preneur au-delà de celles dues par la loi (notamment les indexations erronées) sont exigibles pour des montants payés au cours des cinq années qui précèdent la demande.
Par contre, comme explicité déjà ci-avant, pour les indexations non réclamées par le bailleur, ce dernier ne peut remonter que de trois mois.
Cette discrimination est illogique et il est dès lors proposé de ramener le délai donné au preneur de cinq ans à deux ans.
Article 5
Cet article vise à supprimer purement et simplement l'article 7 de la section II relative aux baux de résidence principale.
En effet, cette disposition ne se justifie plus à partir du moment où l'article 3 de la même section est fondamentalement modifié dans le cadre de la présente proposition de loi.
Il est en outre indéniable qu'une telle disposition est particulièrement difficile à mettre en oeuvre et entraîne un encombrement des prétoires.
Article 6
Il convient de compléter l'article 8 de la même section II. En effet, cette disposition telle qu'elle est rédigée à l'heure actuelle pose de nombreux problèmes, notamment lorsque l'une des parties ne respecte pas ses engagements.
Nous proposons donc de suivre le « Rapport de la Commission spéciale chargée d'évaluer les effets de la loi du 20 février », en ce qu'il propose d'exiger la conclusion d'un contrat écrit déterminant de façon précise la nature et l'étendue des obligations des parties.
Article 7
Les dispositions prévues à cet article sont inspirées de la proposition de loi de M. Duquesne, déposée à la Chambre au cours de cette législature (Doc. Ch., S.E. 1995-1996, nº 164/1).
Soulignons que cette même proposition a été initiée par M. Pierre Van Den Eynde, notaire à Bruxelles, dans sa contribution à l'ouvrage intitulé « Mélanges et suggestions de lois en hommage à Pierre Harmel ». Nous renvoyons aux développements de M. Duquesne pour un commentaire général sur cette initiative originale.
Nous avons quelque peu adapté la proposition initiale afin de tenir compte des modifications que nous avons proposées à l'article 3 de l'actuelle loi, à savoir l'abandon du système du bail légal de 9 ans.
1. L'article 9 de la section sur les baux de résidence principale protège le preneur qui a un bail ayant une date certaine antérieure à l'aliénation. Les praticiens connaissent les problèmes issus de l'article 12 de la loi du 29 juin 1955 relative aux baux commerciaux. En effet, l'acquéreur doit envoyer au preneur le préavis d'un an dans les trois mois de l'acquisition. Que faut-il entendre par le terme « acquisition » ? La doctrine et la jurisprudence ne sont pas unanimes. Trois solutions sont actuellement proposées : la date du compromis de vente, celle de l'acte authentique et enfin celle de la transcription de l'acte au bureau des hyptohèques.
Depuis plus de cinq ans, aucune solution ne prédomine.
L'article 9 précité prévoit l'obligation de la date certaine avant l'« aliénation ». Que recouvre ce terme : la date du compromis de vente, celle de l'acte authentique ou celle de la transcription ? Ne convient-il pas dès lors de fixer une date non sujette à discussion ? L'acte authentique ou l'acte sous seing privé enregistré ne souffre aucune discussion et assure la sécurité juridique.
2. La loi prévoit que le preneur occupe le bien depuis plus de six mois et que son bail n'a pas date certaine, l'acquéreur pourra mettre fin au bail aux motifs et dans les conditions visées à l'article 3, §§ 2, 3 et 4, moyennant un préavis de 3 mois.
La majorité des contrats portant cession d'un immeuble prévoient une clause d'entretien de bail à charge de l'acquéreur. Il en résulte que l'acquéreur est purement et simplement subrogé dans tous les droits et obligations du bailleur à l'égard du preneur.
Cette clause a une portée plus large que l'article 1473 du Code civil qui exige un bail ayant date certaine pour qu'il soit opposable à l'acquéreur. Elle s'applique dès lors à tous les baux. Faut-il en conclure qu'un acquéreur ne puisse bénéficier notamment du délai réduit de 3 mois et dès lors du second alinéa de l'article 9 parce qu'une clause d'entretien du bail figure dans l'acte de cession ? Le doute existe dans la pratique.
Peut-on admettre :
a) qu'une convention qui prévoit une clause d'entretien du bail, déroge à un droit impérativement reconnu à l'acquéreur qui souhaite se prévaloir du fait que le bail n'a pas date certaine;
b) que la négligence du preneur qui n'a pas enregistré son bail serait couverte par la clause d'entretien du bail qui se retrouve dans la majorité des contrats ? Rappelons que le législateur a entendu favoriser l'enregistrement des baux relatifs à la résidence principale du preneur en fixant les droits d'enregistrement à 1 000 BEF;
c) que la clause d'entretien qui implique une subrogation de l'acquéreur dans les droits et obligations du bailleur implique également la perte pour l'acquéreur d'un droit personnel et impératif qui n'a pas été cédé par le bailleur qui ne le détenait pas.
Nous suggérons dès lors de confirmer le caractère personnel de ce droit reconnu à l'acquéreur et de supprimer la référence aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 3, étant donné que nous les avons remplacé par de nouvelles dispositions (cf. article 3 de la présente proposition).
3. La loi prévoit que l'acquéreur doit notifier le congé dans les trois mois qui suivent la transcription de l'acte authentique. La jurisprudence a reconnu à l'acquéreur le droit de notifier le congé au preneur avant la transcription de l'acte authentique de vente car le preneur n'était pas un tiers protégé par l'article 1er de la loi hypothécaire.
Par ailleurs, la date de la transcription est aléatoire et incertaine durant un certain temps. En effet, la durée de la formalité de la transcription au bureau des hypothèques est variable : ce délai peut varier entre 15 jours et plus de 3 mois. Est-il normal qu'un acquéreur doive subir le retard apporté à cette formalité ? En ce croyant propriétaire, il peut avoir de bonne foi notifié le congé par exemple, le lendemain de la signature de l'acte authentique alors que celui-ci n'est pas encore transcrit. N'est-il dès lors pas plus logique de retenir la date de l'acte authentique ou, à défaut, du jugement ou arrêt coulé en force de chose jugée comme point de départ pour notifier le congé ?
Article 8
Nous suggérons de remplacer le texte actuel de l'article 11 de la section II insérée dans le Code civil par la loi du 20 février 1991, par un nouveau libellé.
Tout d'abord, il y a lieu de prévoir que la prorogation ne peut être demandée au bailleur qu'au plus tard trois mois avant l'expiration du bail. En effet, le délai d'un mois tel que retenu dans la disposition actuelle est beaucoup trop bref.
Une exception toutefois : si le congé est notifié par le nouvel acquéreur du bien conformément à l'article 9, alinéa 2, de la section II, la demande doit être adressée à cet acquéreur dans les quinze jours qui suivent la notification du congé.
Ensuite, nous proposons de supprimer toute référence au grand âge éventuel d'une des parties. Cette disposition n'ajoute rien au pouvoir d'appréciation du juge et est donc superflue. D'ailleurs, on pourrait tout aussi bien viser les personnes handicapées mentales ou physiques, les femmes seules vivant avec des enfants en bas âge,... De plus, une référence aussi expresse à une catégorie de locataire peut se révéler néfaste : certains bailleurs ont parfois tendance à refuser de contracter un bail avec les locataires « de grand âge », craignant les contraintes supplémentaires.
Par ailleurs, les pouvoirs donnés au juge quant à la fixation de la durée de la prorogation doivent être limités. Dans l'état actuel des choses, ce pouvoir est exorbitant. Rien n'empêche un juge de paix d'accorder une prorogation de cinq, dix ou vingt ans. Il y a lieu de prévoir une limite maximale de un an.
Enfin, les quatrième et cinquième alinéas de l'actuel article 11 doivent être supprimés. La prorogation doit présenter un caractère exceptionnel et non devenir la règle générale. Nous ne comprenons pas pourquoi, après avoir obtenu une première prorogation, un locataire pourrait en obtenir une seconde.
Article 9
Cette disposition précise qu'à défaut de réglementation contraire propre à la Région flamande, à la Région wallonne ou à la Région bruxelloise, les dispositions de la présente section s'appliquent également au logement social.
Le rapport de la Commission d'évaluation souligne à juste titre que « la jurisprudence (...) admet la compétence réglementaire du pouvoir régional sous réserve de l'application de la loi fédérale en cas de carence du législateur régional. »
Or, nous voyons mal pour quelles raisons les locataires sociaux qui, par définition, ont affecté leur logement à leur résidence principale, ne pourraient pas bénéficier des protections prévues dans cette section II. Quelle est la différence entre le logement principal d'un locataire privé et le logement principal d'un locataire social.
Rappelons donc que tant la doctrine que la jurisprudence s'accordent à souligner le caractère hybride de la relation juridique existant entre le locataire social et la société agréée de logement : tantôt le droit commun du bail à loyer, tantôt la réglementation administrative des baux sociaux est applicable.
Article 10
Afin de permettre une publicité et une diffusion suffisante dans le grand public, il est prévu que la loi n'entrera en vigueur que 6 mois après sa publication au Moniteur belge.
Michel FORET. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 1er de la section II du chapitre II « du louage de choses » du titre VIII du livre III du Code civil, inséré après l'article 1762bis par la loi du 20 février 1991, est remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 1er . La présente section s'applique aux baux relatifs aux biens immeubles non meublés qui, de l'accord des parties, constituent la résidence principale du preneur.
En l'absence d'écrit, le vailleur doit apporter la preuve, par toute voie de droit, que le logement n'est pas affecté à la résidence principale du preneur.
Toute clause interdisant l'affectation des lieux loués à la résidence principale du preneur doit être appuyée par une justification sérieuse. »
Art. 3
L'article 3 de la même section II est remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 3. § 1er . Si aucune durée n'est convenue dans le bail, celui-ci est présumé conclu pour une durée de trois années prenant cours à la date d'entrée en vigueur du bail. Si celle-ci n'est pas définie, elle peut-être établie par toute voie de droit.
À l'issue des trois ans, le bailleur ou le preneur peut mettre fin au bail moyennant un préavis de six mois pour le bailleur et de trois mois pour le preneur; à défaut, le bail est prorogé pour une même durée de trois années.
§ 2. Si un bail est conclu pour une durée déterminée, les parties peuvent convenir d'une ou plusieurs échéances intermédiaires.
Le bailleur ou le preneur peut mettre fin au bail à chaque échéance intermédiaire moyennant un préavis d'au moins six mois pour le bailleur et de trois mois pour le preneur.
Si le preneur est maintenu dans les lieux à l'échéance finale du bail, celui-ci est renouvelé, aux mêmes conditions, sous réserve de la durée dont l'effet est réglé par le § 1er du présent article.
§ 3. Si en raison de circonstances exceptionnelles et personnelles le preneur désire mettre fin anticipativement au bail, il peut le faire à tout moment, moyennant un congé de trois mois. Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours des trois premières années du contrat de bail, le bailleur a droit à une indemnité. Cette indemnité est égale à trois mois, deux mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième année. »
Art. 4
L'article 6 de la même section II est remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 6. § 1er . Si elle n'a pas été exclue expressément, l'adaptation du loyer au coût de la vie est due une fois par année de location à la date anniversaire de l'entrée en vigueur du bail ou au 1er janvier pour les baux antérieurs au 1er janvier 1981, dans les conditions prévues à l'article 1728bis.
Cette adaptation ne s'opère qu'après que la partie intéressée en a fait la demande écrite et n'a d'effet pour le passé que pour les douze mois précédant celui de la demande.
§ 2. Les sommes que le preneur aurait payées en matière d'indexation, au-delà de celles dues en application de la loi ou de la convention lui seront remboursées à sa demande. Celle-ci devra être adressée au bailleur par lettre recommandée à la poste.
La restitution n'est toutefois exigible que pour des montants échus et payés au cours des deux années qui précèdent cette demande.
L'action en recouvrement se prescrit dans un délai d'un an comme prévu à l'article 2273. »
Art. 5
L'article 7 de la même section II est abrogé.
Art. 6
À l'article 8 de la même section II sont apportées les modifications suivantes :
1º Il est inséré entre les deuxième et troisième alinéas, l'alinéa suivant :
« Ces travaux doivent être précisés par écrit et approuvés par le bailleur. »;
2º À la fin du même article, l'alinéa suivant est ajouté :
« À la fin des travaux, il est procédé à une réception contradictoire de ceux-ci. »
Art. 7
À l'article 9 de la même section II sont apportées les modifications suivantes :
1º au premier alinéa, les mots « à l'aliénation » sont remplacés par les mots « à l'acte authentique ou enregistré de cession ».
2º au premier alinéa, in fine , les mots « d'alinéation » sont remplacés par les mots « de cession »;
3º l'alinéa 2 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Il en va de même lorsque le bail n'a pas date certaine antérieure à l'acte authentique ou enregistré de cession, si le preneur occupe le bien loué depuis six mois au moins.
Dans ce cas, nonobstant toute clause contraire, l'acquéreur peut cependant mettre fin au bail, à tout moment, moyennant un congé de trois mois notifié au preneur, à peine de déchéance, dans les trois mois qui suivent l'acte authentique, le jugement ou l'arrêt coulé en force de chose jugée constatant la cession ou la propriété. »
Art. 8
L'article 11 de la même section II est remplacé par les dispositions suivantes :
« Article 11. Lorsque le bail vient à échéance ou prend fin par l'effet d'un congé, le preneur peut demander une prorogation pour autant qu'il justifie de circonstances exceptionnelles.
A peine de nullité, cette prorogation est demandée au bailleur par lettre recommandée à la poste, au plus tard deux mois avant l'expiration du bail.
Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque le bail prend fin par l'effet d'un congé notifié par l'acquéreur visé à l'article 9, alinéa 2, de la présente section, la prorogation doit, à peine de nullité, lui être demandée par lettre recommandée à la poste au plus tard dans les quinze jours suivant la notification du congé.
À défaut d'accord entre les parties, le juge peut accorder la prorogation en tenant compte de l'intérêt des deux parties. Il en fixe la durée qui ne peut excéder un an. Il peut également, s'il l'estime équitable, accorder dans ce cas une augmentation de loyer au bailleur qui lui en fait la demande. »
Art. 9
Un article 13 (nouveau), rédigé comme suit, est inséré dans la même section II :
« Article 13. À défaut de décret, d'ordonnance ou d'arrêté contraires propres à la Région wallonne, à la Région flamande ou à la Région bruxelloise, les dispositions de la présente section s'appliquent également au logement social. »
Art. 10
La présente loi entre en vigueur six mois après sa publication au Moniteur belge.
Michel FORET. Claude DESMEDT. |