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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

8 JUILLET 1997


Proposition de résolution relative à la détention irrégulière de citoyens koweïtiens et non koweïtiens en Irak


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR M. BOURGEOIS


I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME NELIS-VAN LIEDEKERKE, AUTEUR DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

En août 1990, l'Irak envahit par surprise le Koweït en vue de l'annexer à son territoire.

Le Koweït est un petit pays entouré de très grands voisins : l'Irak, l'Iran et l'Arabie Saoudite. Dans la période de l'occupation qui a duré jusqu'en avril 1991, les Irakiens ont fait prisionniers un grand nombre de Koweïtiens. On n'a jamais pu déterminer avec précision le nombre exact de prisonniers. À l'heure actuelle, il reste plus de 600 prisonniers de guerre en Irak. Il s'agit de citoyens Koweïtiens, mais aussi de non-Koweïtiens.

Le Koweït compte 1,8 million d'habitants, dont 36 % de Koweïtiens.

Le Comité national des prisonniers de guerre et des détenus ne dispose pas de données précises sur le nombre de prisonniers, de femmes, d'étudiants et de personnes âgées. Selon les témoignages d'anciens prisonniers de guerre, le gouvernement de Saddam Hussein traite les détenus d'une manière particulièrement barbare.

Les comités internationaux éprouvent de grandes difficultés à identifier les prisonniers de guerre parce qu'ils sont transférés d'une prison à l'autre ou incarcérés parmi les criminels ordinaires.

On dispose par ailleurs de nombreux témoignages sur l'approche psychologique inadmissible qui est adoptée vis-à-vis des membres de la famille des prisonniers de guerre.

Selon ses déclarations officielles, l'Irak a libéré, après la guerre du Golfe Persique, plus de 11 000 prisonniers de guerre, conformément à la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations unies, et n'en détient plus aucun.

Le Comité national des prisonniers de guerre et des détenus lutte pour obtenir la libération de plus de 600 prisonniers.

La présente proposition de résolution n'est certainement pas incompatible avec la résolution sur la situation en Irak, qui réclame la levée partielle de l'embargo pour satisfaire aux besoins de la population irakienne, et surtout des enfants. Ces résolutions visent au contraire toutes deux un objectif humanitaire par excellence.

La proposition de résolution, qui a été déposée le 4 juin 1996 à la suite de la visite effectuée au Koweït par une délégation parlementaire belge et de la visite que le président du Comité national des prisonniers de guerre et des détenus du Koweït a faite au Parlement belge en mai 1996, n'a rien perdu de son autorité.

Les fondements de la présente proposition de résolution restent pertinents : on n'a toujours pas obtenu d'éclaircissements sur le sort des prisonniers de guerre.

C'est pourquoi la proposition de résolution appelle le Gouvernement fédéral à faire les démarches nécessaires auprès du gouvernement irakien et du Conseil européen des ministres des Affaires étrangères. Le Gouvernement fédéral est également invité à transmettre le texte de la résolution au secrétaire général des Nations unies et au Comité international de la Croix-Rouge.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un premier intervenant estime que la proposition de résolution correspond bien aux informations que la délégation parlementaire belge a recueillies au Koweït même.

Afin de juger de l'exactitude du texte de la résolution, il souhaiterait cependant disposer du texte de la résolution 687 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. ainsi que du texte du communiqué officiel de la Croix-Rouge internationale, dans lequel il est fait état de 625 disparus ou prisonniers de guerre koweïtiens. En effet, le Comité national des prisonniers de guerre et des détenus parle de « prisonniers de guerre », alors que le Comité international de la Croix-Rouge, lui, utilise le terme « disparus ». L'intervenant se réfère par ailleurs au dernier considérant de la résolution proposée, où il est dit qu'il existe des preuves « irréfutables » que l'Irak détient toujours ces personnes. D'après les conversations que le membre a eues au Koweït même, il s'agirait de personnes disparues dont on sait qu'elles ont été détenues par les Irakiens à un certain moment, sans toutefois avoir la preuve « irréfutable » qu'elles le sont encore aujourd'hui.

Plusieurs membres se joignent aux propos du premier intervenant et demandent à consulter les textes susvisés afin d'éviter que la proposition de résolution ne contienne des erreurs. Un intervenant propose ainsi de préférer, dans le dispositif de la résolution, le terme « disparus » au terme « prisonniers ». Les résolutions des Nations unies font d'ailleurs elles aussi état de « missing citizens » ou de « missing persons ». Le membre propose d'adapter le texte de la résolution de manière à demander au Gouvernement d'intervenir auprès des autorités irakiennes afin que celles-ci respectent scrupuleusement les résolutions du Conseil de sécurité de l'O.N.U., notamment en ce qui concerne les prisonniers et les personnes disparues. Pour éviter les erreurs, il propose également de ne pas mentionner le nombre exact de personnes disparues : le ministère des Affaires étrangères parle par exemple de 420 citoyens du Koweït disparus et non de 600.

Il serait donc plus prudent de rédiger le texte de la résolution dans les termes les plus larges possible.

Un sénateur émet les observations suivantes au sujet de la résolution à l'examen :

1º Le Koweït est l'illustration par excellence du pays au régime non démocratique où sévit le fanatisme religieux et où les gens sont exploités et réduits en esclavage. Il illustre ses propos en évoquant les dizaines de milliers de travailleurs philippins dont on a confisqué les documents pour les empêcher de quitter le pays.

2º La famille royale détient une large part du pouvoir et décide de tous les aspects de la vie sociale.

3º Le sénateur est disposé à apporter son soutien à la proposition de résolution en dépit de l'analyse critique qu'il a faite du régime koweïtien. L'essentiel est en effet que le Sénat encourage tous les régimes, quels qu'ils soient, à respecter les droits de l'homme et leur demande de ne pas détenir des gens sans procès. La résolution ne saurait donner un blanc-seing à un régime comme celui qui existe actuellement au Koweït ou à tout autre régime qui se trouverait dans une situation similaire. Il reste donc nécessaire de maintenir, vis-à-vis des dirigeants koweïtiens, une attitude critique cohérente.

L'auteur de la proposition de résolution ainsi que d'autres membres soulignent que celle-ci vise expressément un objectif humanitaire et ne porte pas de jugement sur le régime koweïtien. Les membres de la commission sont parfaitement conscients du caractère non démocratique de ce régime. Toutefois, le Koweït est sans doute un des États les plus démocratiques de cette région du monde.

III. DISCUSSION DE LA PROPOSITION DE TEXTE

1. Référence à la « Croix-Rouge internationale » dans les développements et le dispositif de la résolution.

Une membre propose de supprimer, au point 3 du dispositif, la référence qui est faite au Comité international de la Croix-Rouge, qui est une organisation neutre. Elle propose également de supprimer, dans le septième paragraphe des développements, les mots « de manière que la Croix-Rouge internationale puisse mener les négociations nécessaires avec le gouvernement irakien ». Il n'appartient en effet pas à la Croix-Rouge internationale d'intervenir comme partie dans les négociations.

L'auteur de la proposition de résolution précise qu'en la matière, la résolution ainsi que ses développements ont pour but d'amener la Croix-Rouge internationale à entreprendre éventuellement les démarches nécessaires en se basant sur les données que lui transmet le Comité national des prisonniers de guerre et des détenus. Il va de soi que la Croix-Rouge internationale décide de son action de manière autonome. Elle signale, à titre d'information, que la Croix-Rouge internationale a d'ores et déjà été désignée comme médiateur. Elle propose de maintenir le texte initial des développements et de la proposition de résolution même.

L'intervenante précédente propose de remplacer, dans les développements, le mot « négociations » par le mot « médiations ». L'auteur de la proposition n'y voit pas d'inconvénient.

2. Concordance entre le titre de la résolution et son contenu

Un membre attire l'attention sur le fait que l'intitulé de la proposition de résolution parle à raison de « détention irrégulière de citoyens koweïtiens et non koweïtiens en Irak; le texte même de la proposition de résolution parle toutefois uniquement de « koweïtiens ».

C'est pourquoi l'intervenant propose de compléter systématiquement le texte par les mots « et non koweïtiens ».

La commission approuve cet ajout.

IV. VOTE

La proposition de résolution ainsi amendée par la commission a été adoptée à l'unanimité des 8 membres présents.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le rapporteur,
André BOURGEOIS.
Le président,
Valère VAUTMANS.

Proposition de résolution Texte adopté par la commission
des Affaires étrangéres

Le Sénat, Le Sénat,
Eu égard à la résolution 687 des Nations unies; Eu égard à la résolution 687 des Nations unies;
Eu égard au communiqué officiel de la Croix-Rouge internationale, qui fait mention de six cent vingt-cinq Koweitiens disparus ou prisonniers de guerre, dont un grand nombre de femmes, de personnes âgées et de jeunes étudiants; Eu égard au communiqué officiel de la Croix-Rouge internationale, qui fait mention de six cent vingt-cinq Koweitiens disparus ou prisonniers de guerre, dont un grand nombre de femmes, de personnes âgées et de jeunes étudiants;
Étant donné la situation inhumaine dans laquelle se trouvent ces prisonniers et l'incertitude dans laquelle vivent leurs familles; Étant donné la situation inhumaine dans laquelle se trouvent ces prisonniers et l'incertitude dans laquelle vivent leurs familles;
Étant donné la violation de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre; Étant donné la violation de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre;
Constatant que beaucoup doutent de la crédibilité des déclarations irakiennes selon lesquelles tous les détenus auraient été libérés; Constatant que beaucoup doutent de la crédibilité des déclarations irakiennes selon lesquelles tous les détenus auraient été libérés;
Constatant que le Comité national pour les prisonniers de guerre et les détenus créé par le Koweït dispose d'informations qui prouvent de manière irréfutable que l'Irak détient toujours injustement des Koweitiens; Constatant que le Comité national pour les prisonniers de guerre et les détenus créé par le Koweït dispose d'informations qui prouvent de manière irréfutable que l'Irak détient toujours injustement des Koweitiens et des non-Koweitiens;
Demande au Gouvernement fédéral : Demande au gouvernement fédéral :
­ de faire les démarches nécessaires auprès des autorités irakiennes pour que ce problème puisse être résolu le plus rapidement possible; ­ de faire les démarches nécessaires auprès des autorités irakiennes pour que ce problème puisse être résolu le plus rapidement possible;
­ de mettre cette question à l'ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres européens des Affaires étrangères, pour que l'on obtienne la libération desdits Koweitiens détenus en Irak; ­ de mettre cette question à l'ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres européens des Affaires étrangères, pour que l'on obtienne la libération desdits Koweitiens et non-Koweitiens détenus en Irak;
­ de remettre la présente résolution au secrétaire général des Nations unies et au Comité international de la Croix-Rouge. ­ de remettre la présente résolution au secrétaire général des Nations unies et au Comité international de la Croix-Rouge.