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1 DÉCEMBRE 1995
L'achèvement de la réforme de l'État a fait apparaître des problèmes quant à l'application des règles d'incompatibilité entre les fonctions exécutives et les fonctions législatives des différents niveaux de pouvoir de notre État fédéral.
Ces règles d'incompatibilités sont prescrites par diverses normes.
Au niveau fédéral, l'article 50 de la Constitution édicte désormais l'impossibilité de siéger comme membre de l'une des deux Chambres législatives, tout en exerçant la fonction de ministre ou de secrétaire d'État du Gouvernement fédéral. C'est là une application, longtemps méconnue dans notre pays, du principe de la séparation des pouvoirs.
La loi du 6 août 1931 organise, en son article 1er bis (ainsi modifié par l'article 103 de la loi du 16 juillet 1993), le remplacement du membre empêché de siéger et la situation du membre d'un gouvernement démissionnaire, lors d'un renouvellement intégral des Chambres législatives.
L'article 49, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 (tel que modifié par l'article 49 de la loi spéciale du 16 juillet 1993) autorise les Conseils de la Communauté française et de la Région wallonne et le Conseil flamand à décider par décret qu'un membre du conseil élu en qualité de membre de leur gouvernement cesse immédiatement de siéger. Les conseils susvisés ont usé de la possibilité qui leur était ouverte (voir décret flamand du 26 juin 1995, Moniteur belge du 1er juillet 1995, p. 18691; décret wallon du 13 juillet 1995, Moniteur belge du 21 juillet 1995, p. 19961; décret Communauté française du 24 juillet 1995, Moniteur belge du 29 juillet 1995, p. 20473).
Ces décrets édictent des règles d'incompatibilités entre le mandat de conseiller régional ou communautaire avec la fonction de ministre du Gouvernement régional ou communautaire; ils organisent le remplacement des ministres par leur suppléant parlementaire pour la durée des fonctions ministérielles, et prévoient donc une possibilité de retour similaire à celle prévue au niveau fédéral; enfin, ils prévoient la possibilité, pour un membre du gouvernement démissionnaire élu dans une chambre renouvelée, de concilier ses fonctions législatives et exécutives pendant un délai maximum de six mois.
La loi spéciale du 8 août 1980 a édicté, en son article 24bis, § 2, des incompatibilités entre le mandat de membre du Conseil de la Communauté française, du Conseil régional wallon et du Conseil flamand et des fonctions ou mandat public, dont :
1º membre de la Chambre des représentants;
2º sénateur, visé à l'article 53, § 1er , 1º, 2º, 5º, 6º et 7º, de la Constitution;
3º ministre ou secrétaire d'État fédéral (...).
Ces incompatibilités sont étendues aux membres du Gouvernement de la Communauté française, du Gouvernement wallon et du Gouvernement flamand, par l'article 59, § 3.
Cet article est également applicable, mutatis mutandis, aux membres du Conseil et du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, en vertu de l'article 12, § 2, et de l'article 35, § 3, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.
Mais ces règles d'incompatibilités sont absolues. Elles ne prévoient pas de mécanismes similaires à ceux prévus par l'article 50 de la Constitution ou l'article 49, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, édictant une impossibilité de siéger temporaire.
Un certain nombre de parlementaires ont donc dû renoncer à leur mandat en raison de leur participation à un Gouvernement fédéral, régional ou communautaire, pour se conformer à ces dispositions.
C'est le cas des parlementaires fédéraux désignés comme membres d'un gouvernement régional ou communautaire et de conseillers régionaux ou communautaires qui ont été nommés membres du Gouvernement fédéral.
Ces parlementaires dont donc dû abandonner définitivement leur mandat, contrairement à leurs collègues nommés membres de l'Exécutif de l'entité fédérale ou fédérée où ils siègent comme élus.
On aperçoit mal la justification de cette différence de traitement.
En organisant le système d'incompatibilités décrit ci-dessus, le législateur poursuit en effet deux buts légitimes.
D'une part, il fait une application logique du principe de séparation des pouvoirs au sein d'une même entité fédérale ou fédérée. D'autre part, il interdit le cumul de mandat de différents niveaux de pouvoirs, en limitant le système de double et triple casquettes afin d'éviter les conflits d'intérêt dans le chef des mandataires et de favoriser la qualité du travail parlementaire des assemblées en permettant à chaque mandataire de se consacrer pleinement à l'exercice de sa tâche.
Or, le maintien d'incompatibilités absolues ne paraît pas nécessaire à la réalisation de ces objectifs, l'organisation de l'impossibilité de siéger les rencontrant parfaitement.
De plus, ce caractère absolu risque de mener à la parcellisation de notre paysage politique et institutionnel en supprimant totalement les contacts personnels entre les différents niveaux de pouvoirs. Les responsables politiques élus dans une assemblée répugneront en effet à s'investir dans l'exercice de tâches exécutives à un autre niveau de pouvoirs si on exige de leur part l'abandon définitif de leur mandat d'élu.
En maintenant des passerelles entre entité fédérale et fédérée, on surmonte, par l'investissement personnel des élus, la logique centrifuge que pourrait induire des clivages trop importants.
La présente proposition de loi tend, en conséquence, à substituer une incompatibilité de fonction à l'incompatibilité absolue de mandat, en organisant un système qui prévoit le retour du mandataire dans son assemblée d'origine, lorsque la source de l'incompatibilité a pris fin et le remplacement du mandataire dans son assemblée d'origine, préservant à la fois l'exercice serein des fonctions exécutives et la qualité du travail des assemblées.
Article 2
Cet article a pour objectif d'organiser l'impossibilité de siéger consécutive à l'incompatibilité entre le mandat de membre du Conseil de la Communauté française, du Conseil régional wallon et du Conseil flamand et la fonction de ministre ou secrétaire d'État fédéral.
Cette incompatibilité est prévue par l'article 24bis , § 2, 3º, de la loi du 8 août 1980 (tel que modifié par l'article 10 de la loi spéciale du 16 juillet 1993).
Le présent article 2 prévoit un mécanisme semblable à celui prévu à l'article 50 de la Constitution, pour permettre à un membre du Conseil de la Communauté française, du Conseil régional wallon et du Conseil flamand, nommé par le Roi en qualité de ministre ou secrétaire fédéral, de cesser de siéger pendant la durée d'exercice de ses fonctions de ministre, et de reprendre son mandat lorsqu'il a été mis fin à celles-ci par le Roi.
Un décret devra prévoir les modalités de remplacement du mandataire accédant à la fonction de ministre au sein du conseil concerné. Il appartient en effet aux Conseils, en vertu de leur autonomie constitutive, de régler ces règles de fonctionnement interne. Le décret pourra prévoir, outre le remplacement, l'organisation de la situation d'un mandataire élu membre d'un conseil lors d'un renouvellement de celui-ci, et qui serait membre d'un gouvernement fédéral démissionnaire, par analogie avec les décrets flamands, wallons et de la Communauté française, pris en application de l'article 49, § 2, de la loi du 8 août 1980 et de l'article 1bis , alinéa 2, de la loi du 6 août 1931 établissant les incompatibilités, prise en application de l'article 50 de la Constitution.
Article 3
L'article 59, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, prévoit que l'article 24bis , §§ 2 et 3, est applicable, mutatis mutandis , aux membres du Gouvernement de la Communauté française, du Gouvernement wallon et du Gouvernement flamand.
En vertu du § 2, 1º et 2º, de l'article 24bis , un membre d'un exécutif communautaire ou régional précité, ne peut donc être sénateur (direct ou coopté) ou député.
Cette incompatibilité est pour l'instant absolue. L'article 3 de la présente loi vise à introduire un mécanisme similaire à celui de l'article 2, pour les membres de la Chambre des représentants ou les élus directs et cooptés du Sénat qui seraient élus membres du Gouvernement wallon, du Gouvernement de la Communauté française ou du Gouvernement flamand.
Ainsi, un § 4 ajouté à l'article 59 de la loi spéciale du 8 août 1980 prévoirait que le membre de l'une des deux Chambres législatives élu membre d'un Exécutif régional ou communautaire cesse immédiatement de siéger et reprend son mandat lorsque ses fonctions de ministre prennent fin, instaurant un mécanisme similaire à celui prévu à l'article 50 de la Constitution, à l'article 49, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 et à l'article 2 de la présente proposition de loi.
C'est une loi qui devra prévoir les modalités de remplacement, s'agissant ici du statut des membres des chambres fédérales. Quelques aménagements simples à l'article 1bis de la loi du 6 août 1931 devraient permettre d'organiser le remplacement et la situation du membre d'un gouvernement communautaire ou régional démissionnaire qui serait élu à la Chambre ou au Sénat.
Article 4
L'article 12, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, tel que modifié par l'article 68, § 1er , de la loi spéciale du 16 juillet 1993, étend les incompatibilités prévues à l'article 24bis, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 au mandat de membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.
Afin de se conformer à la modification de la loi spéciale du 8 août 1980 prévue à l'article 2 de la présente proposition de loi, les termes « et § 2bis » doivent être insérés dans cet article 12, § 2.
Article 5
Les modalités de remplacement, prévues à l'article 24bis, § 2bis, de la loi du 8 août 1980 ne pourraient être organisées par une ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale, celle-ci ne disposant pas de l'autonomie constitutive. Il est donc nécessaire de régler le remplacement d'un membre du Conseil de la Région dans la loi spéciale du 12 janvier 1989.
Le présent article vise à organiser ce remplacement ainsi que la situation d'un membre d'un gouvernement fédéral démissionnaire qui serait élu après renouvellement du Conseil membre du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.
Il instaure comme dans les autres cas une suspension temporaire de la règle d'incompatibilités.
Article 6
L'absence du mécanisme que la présente proposition de loi vise à instaurer, a conduit plusieurs mandataires à devoir démissionner de leur fonction législative pour pouvoir exercer un mandat exécutif à un autre niveau de pouvoir.
On a montré que cette différence de traitement ne paraissait pas justifiée.
La présente disposition transitoire tend à lever la discrimination dont ces mandataires ont été l'objet, en leur permettant de bénéficier des dispositions de la présente proposition de loi.
Les mécanismes de remplacement au sein de l'assemblée seraient donc appliqués automatiquement aux mandataires élus lors du dernier renouvellement intégral des Chambres législatives et des Conseils communautaires et régionaux qui auraient démissionné de leur fonction pour se conformer au prescrit des articles 24bis , § 2, et 59, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 ou des articles 12, § 2, et 35, § 3, de la loi spéciale du 12 janvier 1989, mais une possibilité est ouverte à ces mandataires de réitérer expressément leur démission par déclaration écrite adressée au Président de l'assemblée où ils ont été élus, dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, s'ils ne désirent pas profiter des dispositions de la présente loi.
Roger LALLEMAND. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
Il est inséré dans l'article 24bis de la loi spéciale du 8 août 1980 un § 2bis, rédigé comme suit :
« § 2bis. Le membre du Conseil de la Communauté française, du Conseil régional wallon ou du Conseil flamand, nommé par le Roi en qualité de ministre ou de secrétaire d'État fédéral et qui l'accepte, cesse de siéger et reprend son mandat lorsqu'il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre ou de secrétaire d'État. Le décret prévoit les modalités de son remplacement au sein du Conseil concerné. »
Art. 3
L'article 59 de la loi spéciale du 8 août 1980 est complété par un § 4, libellé comme suit :
« § 4. Le membre du Sénat visé à l'article 67, § 1er , 1º, 2º, 5º, 6º et 7º, de la Constitution, ou le membre de la Chambre des représentants, élu membre du Gouvernement wallon, du Gouvernement de la Communauté française, du Gouvernement flamand, cesse immédiatement de siéger et reprend son mandat lorsque ses fonctions de ministre prennent fin. La loi prévoit les modalités de son remplacement au sein de la Chambre concernée. »
Art. 4
À l'article 12, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, modifié par l'article 68, § 1er , de la loi spéciale du 16 juillet 1993, les mots « et § 2bis » sont insérés entre les mots « l'article 24bis, § 2 » et les mots « de la loi spéciale est d'application ».
Art. 5
Dans l'article 12, § 2, de la même loi spéciale, les alinéas suivants sont insérés après le premier alinéa :
« Le membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale qui cesse de siéger suite à sa nomination en qualité de ministre ou de secrétaire d'État fédéral, est remplacé par le premier suppléant en ordre utile de la liste sur laquelle il a été élu.
Cependant, le ministre ou secrétaire d'État d'un gouvernement fédéral qui a présenté sa démission au Roi peut, après renouvellement du Conseil, concilier sa fonction de ministre ou de secrétaire d'État avec le mandat de membre du Conseil, jusqu'au moment où le Roi a statué définitivement sur cette démission. »
Art. 6
Le membre de l'une des deux chambres législatives ou le membre d'un Conseil régional ou communautaire élu lors du dernier renouvellement intégral des Chambres et des Conseils qui, nommé par le Roi en qualité de ministre ou de secrétaire d'État fédéral ou élu membre d'un gouvernement régional ou communautaire, a démissionné de ses fonctions de membre de l'une des deux chambres législatives, ou de membre d'un Conseil régional ou communautaire avant l'entrée en vigueur de la présente loi, pour se conformer aux prescrits des articles 24bis, § 2, et 59, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 ou des articles 12, § 2, et 35, § 3, de la loi spéciale du 12 janvier 1989, bénéficiera des dispositions de la présente loi, à moins qu'il ne réitère expréssement sa volonté de ne plus siéger par déclaration écrite adressée au président de l'assemblée où il a été élu, dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
En l'absence d'une telle déclaration, il sera considéré comme ayant cessé de siéger et ayant été remplacé par son suppléant pour la durée de l'exercice de ses fonctions ministérielles.
Il pourra reprendre son mandat dès que ses fonctions de ministre auront pris fin.
Roger LALLEMAND. Frederik ERDMAN. Michel FORET. Charles-Ferdinand NOTHOMB. |