1-747/1

1-747/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

16 OCTOBRE 1997


Proposition de loi modifiant certaines dispositions relatives aux radars automatiques

(Déposée par M. Foret)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 4 août 1996 (Moniteur belge du 12 septembre 1996) relative à l'agrément et à l'utilisation dans la circulation routière d'appareils fonctionnant automatiquement en présence ou en l'absence d'un agent qualifié, viole à trois reprises la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques. Ainsi, elle met à mal plusieurs principes généraux de notre droit, tels que la présomption d'innocence, les droits de la défense ou l'individualisation de la responsabilité pénale. Au cours des débats parlementaires ayant abouti à l'adoption de cette législation, nous n'avons eu de cesse de dénoncer ces violations.

La majorité parlementaire, elle-même consciente des nombreux problèmes posés par le texte de la loi de 1996, s'était engagée à adopter rapidement une législation de correction (Annales Chambre, 1995/1996, 20 juillet 1996, p. 3503).

Toutefois, aucune initiative de sa part en ce sens n'a encore vu le jour. C'est pourquoi nous proposons de rectifier les défauts essentiels de la loi de 1996.

Soulignons que cette initiative est à mettre en parallèle avec la proposition de décret que nous déposons au Parlement wallon afin d'imposer la signalisation de la présence des radars automatiques sur les voiries communales, provinciales et régionales situées en Région wallonne.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cette modification de la loi actuelle s'impose pour respecter l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, le texte de la loi de 1996 permet la confiscation et la destruction des détecteurs de radars sans intervention préalable d'un juge.

Or, comme l'a dénoncé le Conseil d'État dans son avis du 6 mai 1996 (doc. Chambre, nº 577/1, 1995-1996, p.p. 9 et suivantes), « la confiscation et la destruction des objets saisis constituent des peines et elles ne peuvent, à ce titre, être prononcées que par un jugement de condamnation (...) sous peine de méconnaître l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ».

Article 3

Une réévaluation des peines établies par la loi s'impose pour qu'au vu d'autres peines établies par le Code pénal, une certaine hiérarchie de valeurs soit respectée. En vertu du nouvel article 29bis de la loi relative à la police de la sécurité routière et après application du régime des décimes additionnels, la personne qui détient un détecteur de radars peut être condamnée à une peine de prison de 15 jours à 3 mois, ainsi qu'à une amende allant de 20 000 à 200 000 francs.

Ainsi, comment peut-on justifier que la détention d'un détecteur de radars soit sanctionnable d'une amende deux fois plus lourde que l'abandon d'enfant dans le besoin (article 360bis du Code pénal), l'abandon de famille (article 391bis du Code pénal), le défaut de prévoyance ayant entraîné des coups et blessures (article 420 du Code pénal) et la non-assistance à autrui (article 422bis du Code pénal) ? Tous ces articles prévoient une peine d'emprisonnement de 8 jours à 6 mois maximum et/ou d'une amende de 50 à 500 francs (c'est-à-dire après application des centimes additionnels de 10 000 à 100 000 francs). Nous ne pouvons que dénoncer les dérives de l'autofinancement de la justice.

Article 4

L'introduction de cet alinéa 8 est imposée par le principe du respect des droits de la défense. La personne accusée de l'infraction doit pouvoir disposer de tous les éléments utiles à la préparation de sa défense. La Convention européenne des droits de l'homme (article 6, 3º, b ) prévoit d'ailleurs expressément le droit de « l'accusé de disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense ». Le gouvernement, en février 1995, a marqué son accord sur l'idée d'une telle disposition. En toute logique, aujourd'hui également, il devrait marquer son consentement à l'introduction de ce droit du prévenu.

Article 5

Dans son avis précité, le Conseil d'État a eu des mots très durs pour condamner la disposition de l'article 67bis. Pour le Conseil d'État, « la disposition en projet a pour but de substituer à (la) présomption d'innocence, une présomption de culpabilité à charge de la personne physique, titulaire de la plaque d'immatriculation lorsque le conducteur du véhicule n'a pu être identifié lors de la constatation de l'infraction ».

L'article 67bis bafoue le principe général de la présomption d'innocence et viole l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme qui énonce explicitement que « toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». Il est donc impératif de supprimer l'article 67bis pour que la présomption d'innocence reprenne ses droits.

Article 6

L'article 67ter impute des infractions aux personnes morales. Le droit pénal belge actuel ne connaît pas la responsabilité pénale des personnes morales. Aussi, quand une personne morale commet une infraction, c'est la personne physique par laquelle elle a agi qui en est pénalement responsable (Cass. 26 février 1934, Pas. 1934, I, 180; Cass. 19 septembre 1972, Pas. 1973, I, 64; Cass. 7 octobre 1974, Pas. 1975, I, 155).

M. P. Delatte explique que « cette thèse rend nécessaire le recours à l'imputabilité qui se définit comme étant le lien causal entre l'agent et l'infraction et qui doit permettre d'identifier plus précisément la personne physique pénalement responsable de l'infraction commise par la personne morale » (P. Delatte, « La question de la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge », R.D.P. 1980, p. 200).

Comme le note le Conseil d'État dans son avis précité, « le mécanisme d'imputabilité mis en place par l'article 67ter est très imprécis et repose sur des dénonciations en cascade » (...).

Il s'ensuit que le texte doit être reformulé de manière précise. Cette reformulation s'impose d'autant plus que doit être respecté le principe selon lequel « les incriminations légales doivent être parfaitement claires ». Nous estimons que l'article 67ter ne satisfait pas à l'exigence d'individualisation de la responsabilité pénale.

Michel FORET.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 4, § 6, deuxième phrase, de la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport par terre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité, inséré par la loi du 4 août 1996, est remplacé par ce qui suit :

« Le juge, lorsqu'il prononcera l'une des peines prévues par la présente loi, pourra éventuellement décider de la confiscation et de la destruction de ces équipements. »

Art. 3

À l'article 29bis, alinéa 1er , de la loi relative à la police de la sécurité routière, coordonnée le 16 mars 1968, inséré par la loi du 4 août 1996, les mots « d'une amende de 100 francs à 1 000 francs » sont remplacés par les mots « d'une amende de 20 francs à 200 francs ».

Art. 4

Dans l'article 62 de la même loi, modifié par la loi du 4 août 1996, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 7 et 8 :

« Lorsque le contrevenant en fait la demande, la photo prise par l'appareil automatique lui est adressée. Le Roi fixe les modalités d'application de cette disposition. »

Art. 5

L'article 67bis de la même loi, inséré par la loi du 4 août 1996, est abrogé.

Art. 6

L'article 67ter de la même loi, inséré par la loi du 4 août 1996, est abrogé.

Michel FORET.