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5 JUIN 1996
Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale
Procédure d'évocation
1.1. Par lettre du 9 mai 1996, le Président du Sénat, en application de l'article 24 du Règlement, a demandé à la Commission de la Justice de donner à la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives un avis motivé sur le projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et plus particulièrement sur les articles 5, 6 et 7 (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-311/1 et Chambre, 1995-1996, nº 513/1).
Ce projet comporte exclusivement des dispositions qui règlent une matière pour laquelle la Chambre et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité en vertu de l'article 77 de la Constitution.
1.2. Le 22 mai 1996, le Président du Sénat a adressé une demande similaire à la Commission de la Justice, mais cette fois pour les articles 11, 19, 22, 58, 59 et 69 du projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (cf. doc. Sénat, 1995-1996, nº 1-310/1 et Chambre, 1995-1996, nº 364/15).
Ce projet de loi règle une matière soumise à l'application de la procédure bicamérale optionnelle en vertu de l'article 78 de la Constitution.
La procédure d'évocation définie au deuxième alinéa de l'article susvisé a été engagée le 30 avril 1996.
1.3. Conformément aux demandes susvisées, la commission a examiné, les 21 et 22 mai et le 5 juin 1996, les deux projets de loi qui lui avaient été soumis pour avis.
1.4. Étant donné que les articles pour lesquels l'avis a été demandé modifient tous des dispositions de la même loi, la commission a décidé de n'émettre qu'un seul avis à leur sujet.
Elle s'est fixé pour objectif de vérifier tant l'opportunité des dispositions proposées que leur conformité au droit international et à la Constitution.
En raison de la complexité de la matière et de la brièveté du délai dans lequel la commission est appelée à se prononcer, celle-ci a préféré ne pas émettre un avis stricto sensu , mais soumettre à la réflexion de la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives les observations, points de vue, questions des commissaires et réponses du Vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur reproduits ci-après.
À titre de synthèse, la Commission de la Justice a toutefois jugé utile de clôturer son examen par une conclusion énumérant les points névralgiques qu'elle a relevés dans la loi en projet.
Les dispositions pour lesquelles l'avis de la commission est demandé concernent, d'une part, la détention des étrangers qui séjournent illégalement sur le territoire, qu'ils aient ou non introduit une demande d'asile, et, d'autre part, le contrôle que la chambre du conseil exerce sur cette détention (cf. respectivement les articles 11, 19, 22, 58, 59 et 69 du projet facultativement bicaméral doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/15 et les articles 5, 6 et 7 du projet obligatoirement bicaméral doc. Chambre, 1995-1996, nº 513/1).
En vertu de l'article 7 en vigueur de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après dénommée la loi sur les étrangers), le ministre qui a cette matière dans ses attributions ou son délégué peut, sous certaines conditions précises fixées par la loi, donner l'ordre de quitter le territoire avant une date déterminée à l'étranger qui n'est ni autorisé ni admis à séjourner plus de trois mois ou à s'établir dans le Royaume.
Si le ministre ou son délégué l'estime nécessaire, il peut faire ramener sans délai l'étranger à la frontière.
À cette fin, l'étranger peut être détenu pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure sans que la durée de la détention puisse dépasser deux mois (cf. également les articles 25, 27 et 29).
Les articles 11, 19, 22, 58 et 59 du projet bicaméral optionnel (doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/15) modifient la loi sur les étrangers en prévoyant que la durée de détention peut être prolongée par période de deux mois, mais ne fixent pas explicitement de délai maximum (cf. la disposition transitoire contenue à l'article 69, § 3).
Certaines restrictions, comme par exemple le fait que la prolongation pour deux mois n'est admise que lorsqu'il subsiste une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable, répondent à l'objection suivant laquelle ce procédé permettrait de détenir un étranger pour une durée indéterminée. Les deux projets de loi ne précisent pas quels sont les critères devant permettre de déterminer si un délai est ou non raisonnable.
Cette notion est toutefois suffisamment connue dans notre droit (cf. art. 6.1. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme).
Dans le projet de loi soumis à la Chambre, il n'était pas prévu de limite à la possibilité de prolonger le délai initial de deux mois par une ou plusieurs périodes de la même durée (cf. art. 11 - doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/1, pp. 17-23 et 162-164).
Quoique atténuée par la notion de délai raisonnable, la réglementation susvisée relative à la durée illimitée de la détention, de la mise à la disposition du Gouvernement et du maintien a néanmoins suscité des réserves à la Chambre, qui en a limité l'application au 31 décembre 1997.
Pour la fin du mois de septembre 1997, le ministre devra présenter au Parlement fédéral un rapport d'évaluation sur l'application de cette réglementation.
S'il ne s'ensuit pas d'initiatives législatives, la disposition fixant la durée maximale de la détention à huit mois entrera en vigueur le 1er janvier 1998 (cf. art. 69, § 3 - doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/15).
Le pouvoir de contrôle de la chambre du conseil est élargi pour compenser l'absence de limitation dans le temps de la durée de la détention. En réalité, cette instance n'est toujours pas habilitée à se prononcer sur l'opportunité de prolonger la détention, mais elle dispose d'une marge de manoeuvre plus grande pour apprécier la légalité de la mesure de prolongation. En effet, la chambre du conseil doit vérifier si les trois conditions suivantes sont réunies :
1. Les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger doivent avoir été accomplies dans les sept jours ouvrables de la mise en détention.
2. Les démarches doivent avoir été poursuivies avec la diligence requise.
3. Il doit toujours subsister une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable (cf. art. 11 - doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/15).
La chambre du conseil ne peut toutefois pas se prononcer sur l'opportunité de la détention même.
Il est prévu aussi, pour limiter les possibilités d'abus, après une première prolongation (donc après quatre mois), que le ministre est seul habilité à encore prendre une mesure de prolongation. Il est donc, en quelque sorte, obligé de se contrôler lui-même. Aux termes de l'article 74 proposé de la loi sur les étrangers, le ministre doit en outre saisir, dans les cinq jours ouvrables de la prolongation, par requête, la chambre du conseil afin qu'elle se prononce sur la légalité de la prolongation.
La ratio legis en vertu de laquelle l'on a prévu la possibilité de prolonger la détention par période de deux mois sans aucune limitation dans le temps, pour autant que les conditions précitées soient respectées, se fonde sur l'opinion selon laquelle les services chargés de mener à bien la procédure d'éloignement feront preuve d'une plus grande vigilance lorsqu'ils prendront les mesures nécessaires. Le ministre espère pouvoir corroborer cette opinion, qui n'est pas infirmée par l'expérience néerlandaise, dans son rapport d'évaluation.
Comme la chambre du conseil dispose d'un pouvoir de contrôle élargi, ces services veilleront strictement à ce qu'aucun étranger ne soit détenu plus longtemps que ne le requiert son éloignement.
Selon un deuxième argument contre la limitation de la durée de la détention à huit mois au maximum, cette limitation, qui, sauf dispositions légales contraires, entrera en vigueur le 1er janvier 1998, aura pour conséquence d'élever de fait la durée maximale au rang de norme. Les services responsables auront de plus en plus tendance à garder l'étranger qui doit être éloigné du pays pendant la durée maximale autorisée. Une certaine accoutumance se développera même au sein de l'instance de contrôle, en l'espèce, la chambre du conseil.
L'on a déjà souligné qu'en raison de la méfiance exprimée par la Chambre vis-à-vis de la possibilité de prolonger la détention de manière illimitée, un rapport d'évaluation devra être présenté aux chambres fédérales dès septembre 1997. Ce n'est que plus tard, à savoir le 1er janvier 1998, que la règle relative à la limitation du délai de détention à une durée maximale de huit mois entrera en vigueur, sauf dispositions légales contraires.
L'on peut dire, dès lors, en se référant aux dates d'entrée en vigueur des deux lois en projet, qu'il y aura déjà plus ou moins une limitation de fait du délai de détention (cf. art. 70 - doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/15).
A. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (art. 77 de la Constitution) (nº 1-311/1)
Cet article est libellé comme suit :
L'article 71 de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 71. L'étranger qui fait l'objet d'une mesure privative de liberté prise en application des articles 7, 25, 27, 29, alinéa 2, 51/5, § 3, alinéa 4, 52bis, alinéa 4, 54, 63/5, alinéa 3, 67 et 74/6 peut introduire un recours contre cette mesure en déposant requête à la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu de sa résidence dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé.
L'étranger dont le maintien dans un lieu déterminé situé aux frontières est prolongé conformément à l'article 74/5, § 3, peut introduire un recours contre cette mesure, en déposant requête à la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu où il est maintenu.
L'intéressé peut réintroduire le recours visé aux alinéas précédents de mois en mois.
Toutefois, lorsque, conformément à l'article 74, le ministre a saisi la chambre du conseil, l'étranger ne peut introduire le recours visé aux alinéas précédents contre la décision de prolongation du délai de la détention ou du maintien qu'à partir du trentième jour qui suit la prolongation. »
Un commissaire souhaite connaître la situation juridique de l'étranger auquel l'accès au territoire a été refusé et qui, conformément à l'article 74/5 en vigueur de la loi sur les étrangers, est maintenu pendant deux mois au maximum dans un lieu déterminé situé aux frontières.
En vertu de l'article 63/2 de la même loi, cet étranger peut introduire auprès du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides un recours urgent contre la décision par laquelle sa demande d'asile est déclarée irrecevable et qui lui refuse l'accès au Royaume.
Dans quelle mesure cette procédure est-elle modifiée ou non ?
Le ministre répond qu'il faut faire une distinction selon que l'étranger qui est retenu à la frontière et auquel l'accès au Royaume est refusé a introduit ou non une demande de reconnaissance comme réfugié (cf. l'annexe 1).
a) Conformément à l'article 74/5, § 3, proposé, ceux qui n'ont pas introduit de demande d'asile peuvent être maintenus pendant deux mois au maximum dans un lieu déterminé situé aux frontières.
Au cours de cette période, la décision de maintien n'est susceptible d'aucun recours (cf. l'article 71, premier alinéa, proposé).
Toutefois, le ministre ou son délégué peut chaque fois prolonger de deux mois la durée du maintien, à la condition que les trois conditions énumérées dans l'exposé introductif soient respectées.
L'étranger peut néanmoins introduire un recours contre cette mesure en déposant requête à la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu où il est maintenu (cf. l'article 71, deuxième alinéa, proposé).
b) Les étrangers qui désirent obtenir le statut de réfugié reconnu doivent attendre la décision relative à la recevabilité de leur demande.
si leur demande est déclarée recevable par l'Office des étrangers, ils sont admis sur le territoire du Royaume;
si elle est déclarée irrecevable, les étrangers peuvent être maintenus jusqu'à ce que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides se soit prononcé sur le recours formé contre la décision.
Entre la décision qui déclare la demande d'asile irrecevable et la décision en appel par laquelle la demande est considérée comme recevable, l'étranger concerné peut être maintenu aux frontières pendant une période de deux mois au maximum. Ce n'est que si la durée du maintien est prolongée qu'un recours contre cette mesure peut être introduit devant la chambre du conseil.
Selon certains, le fait qu'un étranger ne peut pas contester devant une instance judiciaire la décision autorisant son maintien pendant deux mois constitue une violation de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
À cette objection on peut opposer à titre principal la thèse de la Commission européenne des droits de l'homme (ci-après dénommée « la Commission »), selon laquelle l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable aux étrangers auxquels l'accès au territoire est refusé et qui sont maintenus aux frontières, parce que cette mesure n'implique pas une détention au sens de l'article 5.
Le ministre admet que l'on peut difficilement déterminer, en se basant sur les décisions de cette commission, dans quelle mesure l'article 5 est applicable ou non en la matière et, lorsqu'il est applicable, s'il y a eu infraction à ses dispositions. En effet, jusqu'à ce jour, la commission s'est toujours prononcée sur des recours fondés sur une violation des articles 3 et 5 combinés de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.
La C.E.D.H. dispose en son article 3 que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Les recours ont donc toujours été appréciés à la lumière de l'article 3 lu en relation avec l'article 5. La commission est parvenue aux conclusions suivantes :
si l'étranger peut retourner dans son pays, il n'est pas question de détention si bien que l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas applicable;
si l'étranger ne peut pas retourner dans son pays, parce qu'il y subira, selon toute vraisemblance, un traitement inhumain ou dégradant, l'on ne peut le rapatrier sans violer les articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.
Cette interprétation est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle le pays qui extrade ou expulse un étranger est responsable de ce qui pourrait raisonnablement lui arriver dans le pays vers lequel il est extradé ou expulsé.
C'est ainsi que, dans l'arrêt Cruz Varas et autres contre la Suède, du 20 mars 1991, la Cour a jugé que « la décision d'un État contractant d'extrader un fugitif peut soulever un problème au regard de l'article 3, donc engager la responsabilité de l'État en cause au titre de la Convention, lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le livre à l'État requérant, y courra un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » (Cour européenne des droits de l'homme, 20 mars 1991, Cruz Varas et autres contre la Suède, Publ. Cour Eur. D.H., Série A, nº 201).
En ce qui concerne plus particulièrement l'extradition, la Cour a estimé, le 7 juillet 1989, dans l'arrêt Soering contre le Royaume-Uni, que « le caractère démocratique de l'ordre juridique des États-Unis ne suscite aucun doute (...). Eu égard, cependant, à la très longue période à passer dans le « couloir de la mort » dans des conditions aussi extrêmes, avec l'angoisse omniprésente et croissante de l'exécution de la peine capitale, et à la situation personnelle du requérant, en particulier son âge et son état mental à l'époque de l'infraction, une extradition vers les États-Unis exposerait l'intéressé à un risque réel de traitement dépassant le seuil fixé par l'article 3. » (Cour européenne des droits de l'homme, 7 juillet 1989, Soering contre le Royaume-Uni, Publ. Cour Eur. D.H., Série A, nº 161).
Le Royaume-Uni a refusé l'extradition en se fondant sur cet arrêt.
Même si l'on admettait subsidiairement que l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme est quand même applicable en la matière, le fait que l'étranger ne puisse introduire un recours devant aucun juge dans les deux premiers mois de sa détention ne constituerait pas une infraction à ses dispositions.
L'article 5.4. de la Convention dispose que toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention (...). Mais il ne précise pas ce qu'il y a lieu d'entendre par « bref délai ».
La réponse à la question de savoir si l'étranger peut former un recours à court terme dépendra étroitement de la décision qui aura été prise à propos de la recevabilité ou non de sa demande d'asile (cf. supra ). Au cas où l'étranger n'aurait pas introduit de demande d'asile ou au cas où la demande qu'il aurait introduite serait déclarée irrecevable, l'on pourrait arguer que l'obligation de statuer à bref délai a été remplie, étant donné que l'étranger concerné, qui est maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières, pourrait introduire, au bout de deux mois, un recours contre la prolongation de cette mesure de maintien devant la chambre du conseil. En outre, l'étranger peut attaquer, devant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides et suivant la procédure du recours urgent à bref délai, la décision en vertu de laquelle l'Office des étrangers a déclaré sa demande d'asile irrecevable.
Le ministre reconnaît que la question de l'applicabilité des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est toujours pas tranchée. Il constate cependant que l'interprétation de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht) va plutôt dans le même sens que la sienne, tandis que le Hoge Raad néerlandais va dans l'autre direction.
Le même membre aimerait savoir dans quelle mesure et de quelle manière on limite la liberté des étrangers maintenus aux frontières.
Le ministre déclare que la réponse varie selon que les intéressés acceptent ou non de retourner dans un autre pays.
a) S'ils y sont disposés, ils sont accueillis au centre I.N.A.D.S. (passagers inadmissibles) dans la zone de transit de l'aéroport national ou dans l'aéroport même, jusqu'à a que l'on puisse les renvoyer par vol. S'ils se rallient à cette solution et ne tentent pas de pénétrer dans le pays, aucune mesure privative de liberté ne sera prise à leur encontre.
b) S'ils ne souhaitent pas repartir, les étrangers sont maintenus au centre I.N.A.D.S. ou au centre 127, dans la zone de transit de l'aéroport national. Cette mesure prend fin dès que les intéressés expriment le souhait de rentrer et s'y conforment effectivement.
La question de savoir si cette mesure est conforme aux articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme a été examinée par la Commission des droits de l'homme à la suite d'un recours introduit contre une mesure de maintien qui avait eu pour effet de priver un étranger de liberté pendant sept mois.
La commission en était arrivée à la conclusion que l'article 3 de la C.E.D.H. n'était pas applicable en l'espèce, et que, par conséquent, il ne pouvait être question d'une violation de celui-ci.
L'intervenante suivante peut comprendre les arguments juridiques d'après lesquels le maintien d'un étranger dans un lieu déterminé situé aux frontières, tel que le prévoit l'article 74/5 proposé, ne constitue pas une forme de détention assimilable aux autres formes de privation de liberté contre lesquelles un recours est ouvert.
Il reste que d'un point de vue humanitaire et éthique, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'une procédure qui permet d'incarcérer pendant deux mois une personne, en l'occurrence un étranger, sans qu'il ne puisse contester cette mesure devant une instance judiciaire. Selon l'article 71, alinéa deux, proposé, seule la décision de prolonger le maintien peut faire l'objet d'un recours.
Un autre membre souligne que l'article 7 de la loi sur les étrangers actuellement en vigueur n'assure pas non plus de recours contre la décision permettant, en vertu de l'article 74/5, § 5, de maintenir un étranger pendant une durée maximale de deux mois dans un lieu déterminé situé aux frontières. À l'expiration de ce délai, l'intéressé reçoit actuellement l'autorisation d'entrer dans le Royaume.
L'intervenant rappelle à ce propos que c'est la Commission de la Justice du Sénat qui a rejeté la proposition du ministre de la Justice précédent d'autoriser la détention d'un étranger pendant six mois. C'est elle qui a proposé la durée maximale de deux mois en vigueur actuellement.
La préopinante réplique que le fait que la législation existante n'est pas modifiée sur ce point ne peut faire obstacle à la remise en question de l'absence de possibilité de recours pour l'étranger maintenu en vertu de l'article 74/5.
Le ministre comprend les objections éthiques à l'encontre de cette réglementation stricte. Il la juge néanmoins juridiquement fondée. Il fait observer que le droit international n'établit pas un droit libre et illimité d'accès au territoire d'un État. Ce droit est réglementé strictement, par exemple par l'obligation de visa et la procédure d'asile.
Le choix opéré dans la loi sur les étrangers, qui consiste à refuser à un étranger maintenu pendant deux mois dans un lieu déterminé situé aux frontières la possibilité de se pourvoir en justice contre cette décision, est inspiré par des considérations d'opportunité. En effet, la Belgique s'aligne ainsi sur ses voisins, dont la législation est même plus sévère que la nôtre (cf. les annexes 8, 9 et 10). Le premier pays qui rompra ce front et instaurera un droit de recours devra en supporter les conséquences.
Toutefois, le principe fondamental inspiré de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel nul ne peut être extradé dans un pays où sa vie est en danger, est scrupuleusement respecté.
En outre, il ne faut pas perdre de vue que l'étranger dont la demande d'asile a été déclarée recevable est soumis à une procédure tout à fait différente.
L'intervenant suivant constate que la possibilité de maintenir un étranger pendant deux mois sans qu'il puisse contester cette décision devant une instance judiciaire est devenue, pour beaucoup, la pierre d'achoppement des projets en discussion.
On peut se demander si telle est aussi la pratique courante. Dispose-t-on de données chiffrées relatives à la durée moyenne des maintiens ? Y a-t-il des indications qui laissent à penser que l'on utilise systématiquement la période complète de deux mois pour procéder aux enquêtes et vérifications nécessaires en vue du rapatriement des étrangers maintenus ?
Le ministre répond que cela dépend de la nationalité des étrangers concernés. Pour les ressortissants de certains États, la procédure peut être terminée en un jour. Pour d'autres, la période de deux mois s'avère toujours trop courte.
L'Inde contrôle les demandes de renseignements émanant des services belges avec une telle minutie que le délai de deux mois est quasiment toujours écoulé et que l'intéressé se voit accorder de plein droit l'accès au territoire belge. Le Maroc recourt à une tactique identique, qui consiste à faire savoir aux services belges juste avant l'expiration du délai que l'étranger en question n'est pas marocain, mais algérien. Comme les services belges ne pourront plus vérifier l'identité de ce dernier, il pourra, lui aussi, pénétrer dans le Royaume. En outre, étant donné la constellation politique qui caractérise ce pays, plus personne ne peut être renvoyé en Algérie, sauf les criminels de droit commun, ce qui a pour conséquence que tous les étrangers des pays du Maghreb prétendent être algériens, avec toutes les difficultés que cela comporte pour établir leur identité (cf. l'annexe 6).
Depuis septembre 1995, toutefois, on oeuvre, dans la perspective de la réforme proposée actuellement, à une réglementation en vertu de laquelle la procédure peut se réaliser en l'espace de deux jours au maximum pour les ressortissants de certains États (par exemple les Polonais, les Roumains et les Zaïrois). L'idée sous-jacente était que les services pourraient, dès le deuxième jour, être confrontés à un recours auprès de la chambre du conseil et, dès lors, courir le risque de voir cette instance leur donner tort. Ce sentiment pousse les services à tenter de terminer la procédure le plus rapidement possible et à ne pas maintenir les étrangers plus longtemps que le strict nécessaire.
Il s'ensuit qu'actuellement, un dossier d'expulsion sur trois est traité sans qu'il soit nécessaire de maintenir l'intéressé plus d'une journée dans un centre de transit ou un commissariat de police. À l'heure actuelle, 60 p.c. des étrangers maintenus sont expulsés.
Les raisons qui font qu'une enquête échoue sont liées, d'une part, au facteur temps et, d'autre part, à la mauvaise volonté manifeste mise par certains pays à fournir les informations demandées ou à la corruption de leurs services ou de leurs ambassades. Il est à noter d'ailleurs que si certains États ne veulent pas communiquer des informations à nos services, ils n'opposent pas le même refus à certains de nos voisins.
Un commissaire aimerait savoir si la possibilité de repartir qu'a l'étranger retenu à la frontière découle de la loi ou relève de la pratique courante. Peut-on, par exemple, maintenir un étranger se trouvant en séjour illégal qui ne possède pas de passeport valable, mais est disposé à partir ?
Le ministre répond que cette question est réglée par la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale (cf. l'annexe 7), par la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et par la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres des Communautés européennes. Cette dernière convention n'est pas encore entrée en vigueur (cf. l'exposé des motifs, Doc. Chambre, 1995-1996, nº 364/1, pp. 2-4 et 11).
Il va de soi que l'application de ces dispositions du droit international peut poser des difficultés, par exemple lorsqu'il s'agit de mineurs d'âge ou d'étrangers ne pouvant rentrer dans leur pays d'origine sans risquer leur vie. Dans ce dernier cas, ils peuvent demander le droit d'asile.
Un autre intervenant partage le point de vue du ministre suivant lequel il n'est pas possible de prendre immédiatement une décision définitive à l'égard d'un étranger maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières.
On ne peut toutefois ignorer l'avis rendu le 10 janvier 1995 par la Commission européenne des droits de l'homme dans l'affaire Amuur contre la France, sur laquelle la Cour européenne des droits de l'homme devra se prononcer prochainement (cf. l'annexe 11).
Cet avis a trait à des étrangers qui ont été maintenus dans la zone internationale d'un aéroport français.
D'après la Commission des droits de l'homme, pour déterminer si un étranger se trouve privé de sa liberté au sens de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, « il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités de l'exécution de la mesure considérée ».
Partant de ce principe, la Commission a examiné si, en l'espèce, la limitation de liberté était telle que l'on pouvait parler d'une privation de liberté au sens de l'article 5.1, f) , de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ce qui entraîne l'obligation de respecter les garanties définies à l'article 5.4. de cette convention.
La Commission a déclaré que « la Convention étant un instrument garantissant des droits concrets et effectifs, il y a lieu d'examiner s'il existait pour les requérants une possibilité réelle de se soustraire à la mesure de maintien en zone internationale et de se rendre dans un pays qui ne serait ni leur pays d'origine, ni un pays susceptible de les livrer aux autorités qu'ils fuyaient ».
Cela signifie que l'étranger doit disposer d'une solution de rechange concrète. La possibilité de quitter à nouveau le pays ne peut dès lors être théorique; elle doit être réelle. Elle l'est lorsque l'étranger n'introduit pas une demande d'asile. Par contre, s'il demande l'asile, il ne dispose plus de la possibilité de retourner dans son pays, à moins que la demande d'asile soit déclarée irrecevable et que le recours contre cette décision soit rejeté par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.
Le ministre souligne que, dans le cas de la famille Amuur, les autorités françaises ont rejeté la demande d'asile des intéressés parce que ceux-ci ne se trouvaient pas sur le territoire français, mais bien dans la zone de transit. Cette exception ne vaut pas en Belgique.
Le préopinant estime que l'étranger maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières et qui ne peut entrer dans le Royaume fait l'objet d'une mesure privative de liberté visée à l'article 5.1. de la C.E.D.H. s'il ne dispose pas de la possibilité réelle de se rendre dans un autre pays. Le Hoge Raad néerlandais et le Conseil constitutionnel français se sont déjà prononcés dans ce sens.
Dans cette optique, la période de deux mois pendant laquelle un étranger peut être maintenu sans pouvoir introduire de recours devant une instance judiciaire contre ce maintien est trop longue. L'intervenant renvoie à un commentaire récent, article par article, de la Convention européenne des droits de l'homme, lequel dit, sur la base de la jurisprudence de la C.E.D.H., qu'un délai de 31 jours ne correspond pas au critère du « délai bref » qui figure à l'article 5.4. de la C.E.D.H. (cf. La Convention européenne des droits de l'homme. Commentaire article par article, sous la direction de Pettiti, L.-E., Decaux, E. et Imbert, P.-H., Economica, 1995, p. 233) (cf. l'annexe 12).
Le ministre répond que cette conclusion ne vaut que pour la détention judiciaire, et non pour le maintien dans le cadre de la loi sur les étrangers. La possibilité objective de se rendre dans un autre pays dépend en effet de l'introduction ou non d'une demande d'asile. Si la demande est déclarée irrecevable et manifestement non fondée, cette possibilité existe effectivement. Si la demande est déclarée fondée, l'intéressé dispose d'un délai bien plus court pour introduire un recours.
L'intervenant maintient son point de vue selon lequel, tant que la Cour européenne des droits de l'homme ne prend pas une autre décision concernant la portée de l'article 5 de la C.E.D.H., cet article ne s'applique pas à la procédure du maintien visée à l'article 74/5 de la loi sur les étrangers.
Il se sent conforté dans son opinion par l'interprétation de la Cour de cassation et du Bundesverfassungsgericht allemand, laquelle est contraire à celle du Hoge Raad néerlandais et du Conseil constitutionnel français.
Si la Cour européenne des droits de l'homme devait juger que l'article 5 de la C.E.D.H. s'applique malgré tout en l'espèce, il faudrait tenir compte du fait que le délai de deux mois diffère selon que l'Office des étrangers et le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ont pris ou non une décision en appel sur la recevabilité de la demande d'asile. Si la demande est déclaré irrecevable, cette décision constitue un élément objectif qui doit être pris en compte lors de l'appréciation du délai raisonnable.
L'intervenant suivant estime qu'un étranger qui est retenu aux frontières, alors qu'il est en possession d'un passeport valable et qu'il ne conteste pas son identité, ne peut pas y être maintenu plus que quelques jours s'il est disposé à retourner dans son pays. Le ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences, doit veiller à ce que l'étranger en question s'en aille aussi rapidement que possible, éventuellement en le rapatriant.
Il est, dès lors, inadmissible que l'on maintienne un étranger pendant huit mois s'il est possible de mener à bien plus rapidement la procédure d'éloignement.
Le deuxième cas envisageable est celui de l'étranger qui ne souhaite pas retourner dans son pays, même s'il n'y court aucun danger. Cet étranger ne peut pas non plus être maintenu plus longtemps que ne le requiert son éloignement effectif.
Le troisième cas envisageable est celui de l'étranger qui ne révèle pas son identité ou qui ne peut pas la prouver à l'aide de documents valables, et que l'on ne peut pas renvoyer dans son pays soit parce que celui-ci refuse de l'accueillir, soit parce qu'il refuse de fournir les informations demandées.
Le ministre souligne que l'on ne peut plus maintenir un étranger dans un lieu déterminé, en application de l'article 74/5, lorsqu'il s'avère que son éloignement effectif n'est plus possible dans un délai raisonnable.
À propos de ce dernier cas, le ministre souligne qu'en l'état actuel de la législation, l'étranger comme le pays d'origine ont intérêt à ne pas collaborer avec les autorités belges. En effet, à l'expiration du délai de deux mois visé à l'article 74/5, § 5, l'intéressé qui ne serait pas accueilli à bras ouverts dans son pays reçoit l'autorisation d'entrer dans le Royaume.
Sachant cela, les ambassades de certains États ont usé de toutes sortes de manoeuvres dilatoires pour faire trainer pendant deux mois l'enquête menée par les autorités belges.
L'on a déjà cité ci-dessus le cas de l'Inde (cf. p. 13). Pour sa part, le Maroc fait systématiquement savoir que les personnes qui font l'objet d'une demande d'information ne sont pas de nationalité marocaine mais de nationalité algérienne. Qui plus est, les informations demandées sont fournies avec tellement de retard qu'il n'est plus possible de poursuivre l'enquête dans les délais prévus. En outre, l'on a cessé, pour des raisons politiques, d'extrader des gens vers l'Algérie, sauf si les intéressés sont des criminels de droit commun. Tout cela prouve que les services belges sont confrontés à des situations qui dépassent l'entendement.
En prévoyant la possibilité de proroger les délais de deux mois lorsque certaines conditions précises sont remplies, l'on fait échec à la collusion entre l'étranger et son pays d'origine, et l'on peut exercer davantage de pressions sur les ambassades pour qu'elles se montrent plus coopérantes.
Selon les nouvelles dispositions, un étranger qui aura déjà été remis en liberté ne pourra plus être maintenu dans un lieu determiné, à moins qu'un fait nouveau se produise (p. ex. on lui délivre finalement quand même un visa). L'étranger peut néanmoins introduire immédiatement un recours en arguant qu'il n'est plus possible de l'éloigner effectivement dans un délai raisonnable.
Le ministre estime que, pour prévenir des marchandages avec des étrangers que l'on maintient dans un lieu déterminé situé à la frontière, il faut prévoir la possibilité de proroger la durée de leur maintien sous certaines conditions.
Le risque de voir la prolongation devenir automatique est compensé par le renforcement du contrôle judiciaire.
Personnellement, le ministre est d'avis que si l'on fixe la durée maximale de la détention à 8 mois, après quelque temps, ce délai deviendra la norme. C'est pourquoi il est partisan de prolongations par période de deux mois, sans limitation, car cela incitera les services à examiner, avant chaque prolongation, s'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable. Ils n'auront en effet aucune certitude quant au délai que le juge admettra comme raisonnable dans un cas concret. Si le ministre est tenu de soumettre à la chambre du conseil sa décision de deuxième prolongation, c'est-à-dire après 4 mois de détention, et si la durée de la détention est limitée à 8 mois maximum, de nombreux magistrats risquent d'interpréter la notion de délai raisonnable dans un sens large.
Un membre se déclare convaincu que le ministre a raison lorsqu'il soutient que, dans un certain nombre de cas, il existe une alliance objective entre l'étranger et son ambassade.
Mais quand tel n'est pas le cas, et que l'ambassade ne collabore pas avec les autorités belges, que se passe-t-il ?
L'étranger ne risque-t-il pas de faire les frais de cette situation, et de faire l'objet d'une détention d'une durée excessive ?
Le ministre répond que, si l'ambassade se refuse absolument à coopérer, il sera très difficile aux autorités belges d'agir dans un délai raisonnable.
Plus la situation se prolonge, plus l'administration aura du mal à prouver qu'il subsiste encore une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
L'intervenante précédente observe que le ministre fonde son argumentation sur les réactions actuelles de sa propre administration, ce qui ne lui paraît guère convaincant.
Le ministre réplique qu'à partir du moment où l'on sait que l'on peut éloigner 60 p.c. des étrangers en situation illégale, et que les 40 p.c. restants ne peuvent l'être, il est évident que l'on cherchera à épuiser le délai de deux mois qui est fixé.
L'intervenante précédente aimerait également connaître les critères sur la base desquels certaines personnes sont dirigées vers un centre fermé.
À plusieurs reprises, un parallèle a été fait entre cette situation et celle de la détention préventive. La question devient particulièrement douloureuse lorsqu'il s'agit de familles, de jeunes enfants, etc.
Le ministre répond que de telles situations ne se présentent plus que très rarement.
De plus, aucune solution n'échappe à la critique. Si l'on ne détient que le père de famille, on reproche à l'administration de disloquer la famille. Si l'on s'en prend à l'ensemble de celle-ci, cela suscite tout autant de réactions négatives.
L'administration n'envoie une personne dans un centre fermé que lorsqu'elle a la conviction qu'à défaut d'une telle mesure, l'intéressé ne quitterait jamais le territoire.
Il s'agit de demandeurs d'asile dont on sait que la demande est presque certainement vouée à l'échec.
L'on cherche à éviter que cette procédure ne connaisse une inflation.
Par ailleurs, lorsqu'une personne se voit signifier une décision du commissaire général rejetant sa demande, un ordre de quitter le territoire est généralement délivré. Cette décision est accompagnée d'indications écrites relatives à la possibilité de retour volontaire dans le pays d'origine via l'O.I.M., qui prend en charge les frais de rapatriement.
Lorsque l'on doit constater ultérieurement que l'injonction de l'autorité belge n'a pas été suivie, cet élément est déterminant pour l'envoi dans un centre fermé.
Sauf exceptions, et sous réserve des cas où l'on est pratiquement sûr que la demande d'asile n'est pas justifiée, personne n'est détenu dans un centre fermé sans avoir au préalable refusé d'exécuter l'ordre de quitter le territoire.
Il est aussi arrivé que l'on libère quelqu'un qui manifestait l'intention de quitter volontairement le territoire.
Cependant, le pourcentage de réussite de ce système ne dépasse pas les 10 p.c. Il n'atteint pas les 40 p.c. en ce qui concerne l'O.I.M.
Un membre demande ce qui se passe lorsqu'un étranger présumé de bonne foi n'a plus de documents d'identité, et que le pays dont il prétend être sujet refuse de délivrer les documents nécessaires.
Le ministre répond que l'administration doit tout mettre en oeuvre pour rechercher l'identité de l'étranger. Si elle ne peut l'établir, il faudra, après un certain temps, libérer l'intéressé.
Cela ne dépend donc pas uniquement de l'attitude de ce dernier, mais aussi, notamment, de l'attitude du pays en question.
Cependant, rares sont les cas où une personne décline son identité et où l'ambassade oppose à l'administration une fin de non-recevoir pure et simple.
Un moyen de pression qui a déjà été envisagé, mais non encore appliqué, serait de refuser systématiquement tout visa aux ressortissants du pays qui agirait de la sorte.
Un intervenant rappelle que le délai de 2 mois évoqué par le ministre a été introduit en 1993. Le membre suppose qu'aucun recours n'a été introduit à Strasbourg contre ce délai, ce que le ministre confirme.
L'orateur ajoute que l'on savait qu'au terme de ce délai, on pourrait entrer librement dans le pays.
D'autre part, pendant que court le premier délai de 2 mois, la demande d'asile, et donc la procédure de recevabilité (et, le cas échéant, le recours contre la décision de l'office des étrangers auprès du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides), court également.
On peut supposer qu'aucun recours ne sera introduit durant cette période, car un tel recours pourrait être interprété comme une reconnaissance implicite de l'irrecevabilité de la demande d'asile.
Le problème se pose donc dès le moment où une décision de non-recevabilité est prise.
Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'intéressé a un intérêt à contester la période de détention. Selon le ministre, chaque fois que le délai de 2 mois est prolongé, un contrôle juridictionnel est prévu.
Ce contrôle juridictionnel ne se base pas sur des directives générales, mais s'exerce au cas par cas, par référence à la notion de délai raisonnable, jointe à celle d'efforts diligents de l'administration. L'article 58 du projet bicaméral optionnel, qui fixe ces conditions, impose donc à l'administration une obligation de moyen, et une obligation de résultat.
À partir du moment où l'administration estime ou constate qu'il est impossible d'exécuter la mesure d'éloignement (que ce soit à cause de l'absence de collaboration du pays concerné, ou en raison du danger que l'intéressé courrait en y retournant, joint à l'impossibilité de le renvoyer vers un autre État, ou encore à cause de l'impossibilité de contrôler son identité), il faut, conformément aux principes de la C.E.D.H., libérer la personne détenue.
Il importe de souligner que toutes sortes d'interprétations circulent à ce sujet.
Un intervenant demande si le texte doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne a été arrêtée à la frontière, et qu'il n'existe aucun moyen de la renvoyer vers son pays d'origine, ou vers un autre pays, les autorités belges sont contraintes de la laisser entrer sur le territoire belge.
Selon le ministre, le texte signifie que, dans cette hypothèse, l'on ne peut plus priver l'intéressé de sa liberté. L'autorisation d'entrer sur le territoire est purement technique. Elle s'accompagne de l'obligation de quitter celui-ci.
À propos de la question du précédent intervenant, le ministre précise que sa réponse se base sur la double condition du respect d'un délai raisonnable, et de la nécessité de tout mettre en oeuvre pour éloigner effectivement l'étranger dans ce délai (article 58 du projet bicaméral optionnel).
Supposons qu'un accident survienne à la personne détenue, à un moment où il était déjà évident que son éloignement ne serait pas possible.
Dans un tel cas, le ministre encourt une responsabilité civile de droit commun.
Les instructions à l'administration doivent donc être de mettre fin à la détention dès l'instant où l'impossibilité de l'éloignement est établie.
Quant au contrôle sur ce point, lorsqu'il s'agit d'une personne qui est entrée en Belgique en demandant l'asile politique, il s'exerce chaque mois au moins, mais peut être demandé à tout instant.
Lorsque l'intéressé est entré sur le territoire sans pièces d'identité et qu'il n'a pas encore été statué sur la recevabilité de sa demande, le premier contrôle s'exerce après 2 mois.
Le projet fixe donc plus de critères et impose plus de diligence à l'administration que la loi actuelle.
Un rapporteur évoque la question du contrôle que la chambre du conseil exerce sur l'obligation de moyen et l'obligation de résultat qui incombent à l'administration. Peut-on considérer que l'administration commet une faute si elle ne remplit aucune de ces deux obligations ?
L'intervenant se réfère à titre de comparaison à la loi sur la détention préventive. Si aucun acte d'instruction n'a plus été posé pendant un certain temps, les juridictions d'instruction statuant sur le maintien de la détention préventive peuvent décider que celle-ci ne se justifie plus.
Le ministre déclare qu'une mesure privative de liberté ne peut être maintenue dès lors qu'il n'est pas satisfait, soit à l'obligation de moyen, soit à l'obligation de résultat.
Le fait qu'une juridiction d'instruction décide de remettre l'intéressé en liberté ne signifie pas pour autant qu'il y ait eu faute dans le chef de l'administration. Une telle corrélation impliquerait en effet un jugement sur la responsabilité d'une autorité.
D'autre part, le pouvoir de contrôle de la chambre du conseil se limite à l'obligation de moyens et à l'obligation de résultat incombant à l'autorité. La chambre du conseil ne peut se prononcer sur l'opportunité de la mesure privative de liberté.
Selon un commissaire, la loi néerlandaise permet aux tribunaux de contrôler la légalité et l'opportunité d'une mesure privative de liberté. La loi belge ne pourrait-elle disposer elle aussi que la juridiction d'instruction appelée à se prononcer sur la prolongation de la mesure privative de liberté, doit faire, dans des limites raisonnables, la balance entre tous les intérêts ?
Le ministre s'oppose résolument à l'idée d'octroyer un contrôle d'opportunité au pouvoir judiciaire. Ce serait contraire à la séparation des pouvoirs : n'étant pas chargé de la politique des étrangers, le juge ne peut donc pas non plus apprécier l'opportunité de la politique suivie. Quiconque est investi d'une responsabilité politique doit rendre des comptes au Parlement. Et comme le Parlement ne peut en réclamer à un juge, celui-ci ne peut pas se prononcer sur des questions d'opportunité.
Par ailleurs, si le pouvoir judiciaire est autorisé à apprécier l'opportunité de la politique, cette compétence d'appréciation ne peut pas se limiter à la politique des étrangers. La logique veut que, dans ce cas, le juge puisse également se prononcer sur l'opportunité de décisions ministérielles dans d'autres domaines de la politique, a fortiori si ces décisions portent sur l'intégrité physique ou psychique de la personne.
L'intervenante précédente souligne que la privation de liberté est une sanction lourde pour une personne qui tente de s'introduire illégalement dans le Royaume ou qui s'y trouve en situation de séjour illégal. La disproportion existant entre la faute et la sanction justifie l'instauration d'un contrôle d'opportunité par le pouvoir judiciaire.
Le ministre conteste cette thèse et compare la réglementation en projet avec la décision de libérer un condamné sous conditions. Il s'agit, là aussi, d'une décision discrétionnaire, prise dans ce cas par le ministre de la Justice, et qui échappe à tout contrôle judiciaire.
Un commissaire fait remarquer que la chambre du conseil peut de toute façon confronter la mesure privative de liberté à un certain nombre de critères légaux. À chaque nouvelle décision de prolongation, cette vérification sera plus sévère.
Un autre commissaire aimerait obtenir des précisions sur le statut juridique des personnes refoulées à la frontière qui sont hébergées dans le centre I.N.A.D.S., ainsi que sur celui des personnes hébergées dans un centre fermé.
Le ministre répond que les deux situations sont très différentes. Les séjours en centre I.N.A.D.S. sont toujours de courte durée; les personnes concernées sont renvoyées le plus rapidement possible dans leurs pays d'origine.
Quant aux personnes détenues dans un centre fermé, on les informe de leurs droits et de leurs obligations. Une brochure, disponible en plusieurs langues, leur est remise dès leur arrivée. Tout cela est prévu dans les réglementations d'ordre intérieur des centres fermés.
Un membre propose que l'on signale également, dans l'évaluation de la règle relative à la reduction à huit mois de la durée maximale de la privation de liberté, combien de personnes en moyenne se trouvent dans les différents centres, quelle est leur nationalité et combien de temps il faut pour qu'elles soient effectivement éloignées.
Le ministre se rallie à cette proposition. Il appartient à la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives d'organiser le suivi concret de l'application de la loi.
Un membre estime par ailleurs que les données de ce genre sont importantes non seulement en ce qui concerne le contrôle sur les pouvoirs publics, mais également parce qu'elles peuvent constituer un fil conducteur pour ce qui est de nos relations avec certains États, notamment ceux qui sont peu ou rarement disposés à délivrer des laissez-passer en temps voulu.
Le ministre renvoie à la liste des pays qui, actuellement, ne collaborent guère à la délivrance d'un laissez-passer (Exposé des motifs, doc. Chambre, 364/1, p. 21).
Une membre rétorque que les pays qui figurent dans cette liste doivent eux-mêmes souvent faire face à un flux important d'immigrés. Elle ne voit pas très bien comment la Belgique pourrait pousser ces pays à reprendre plus rapidement quelques émigrés.
Un membre répond que ces pays ne peuvent pas non plus se soustraire à l'obligation de droit international de délivrer un laissez-passer dès que les conditions pour ce faire ont été remplies.
La préopinante constate que les personnes qui sont privées de leur liberté dans le cadre de la future loi ont moins de droits que les personnes qui se trouvent en détention préventive.
Un membre rappelle que, déjà en 1980, lors de l'élaboration de la loi sur les étrangers, le législateur avait opté pour une différenciation entre la détention préventive et la privation de liberté dont sont frappés les étrangers qui résident illégalement dans le Royaume ou tentent d'y entrer.
Il est fondé, tant en droit qu'en fait, que la loi impose un statut sui generis aux étrangers clandestins. Ceux-ci n'ont en effet pas le droit de résider sur le territoire belge et doivent être ramenés aussi vite que possible dans leur pays d'origine. En outre, leur statut juridique est bien plus favorable que celui des détenus en prison, par exemple sur le plan des communications et des visites.
Un autre membre ajoute que la personne qui se trouve en détention préventive est seulement soupçonnée d'avoir commis une infraction. Par contre, l'on est sûr que l'étranger en séjour illégal en a déjà commis une.
Un sénateur estime qu'il est indiqué de prévoir expressément à l'article 71 proposé de la loi sur les étrangers que l'étranger concerné lui-même ou son avocat peuvent signer la requête déposée à la chambre du conseil. En la matière en effet, un courant de la jurisprudence va dans le sens de l'ancienne loi relative à la détention préventive, laquelle prescrivait que l'inculpé devait signer lui-même la requête. Cette exigence est plutôt absurde dans le cadre de la loi sur les étrangers, puisqu'en général l'étranger ne connaît pas la langue dans laquelle est établie la requête. La Cour de cassation a en outre décidé, lorsque l'ancienne loi relative à la détention préventive était encore en vigueur, que l'avocat pouvait signer la requête. Pourtant, plusieurs chambres du conseil continuent à exiger que la signature soit apposée par l'étranger même. L'on peut en finir pour de bon avec cette interprétation en insérant dans la loi une disposition formelle précisant que la requête peut également être signée par l'avocat.
Le ministre explique que la réglementation projetée s'inspire de la loi actuelle relative à la détention préventive. L'article 72, quatrième alinéa, actuel de la loi sur les étrangers prescrit clairement qu'il est procédé conformément aux dispositions légales relatives à la détention préventive, sauf en ce qui concerne quelques exceptions énumérées à cet alinéa. Puisque le dépôt de la requête ne figure pas parmi ces exceptions, la loi relative à la détention préventive s'applique en la matière. Le ministre est d'avis qu'il suffit qu'une requête soit déposée par un avocat. Elle ne doit pas nécessairement être signée par l'étranger.
Le ministre de la Justice remarque qu'aux termes de la loi relative à la détention préventive, l'inculpé peut introduire un recours devant la chambre des mises en accusation contre les décisions de la chambre du conseil. Ladite loi ne parle cependant pas d'une requête déposée devant la chambre du conseil.
Un commissaire demande pourquoi la chambre du conseil ne doit pas se prononcer de plein droit sur toute mesure privative de liberté et toute décision de prolongation de cette mesure. Il désire savoir par ailleurs pour quelle raison la chambre du conseil doit entendre également le ministre, son délégué ou son avocat. Dans le cadre des mesures de détention préventive, la chambre du conseil entend uniquement l'inculpé et le ministère public.
Le ministre répond que, pendant la détention d'un étranger en séjour illégal, le dossier de celui-ci est entre les mains de l'administration, alors qu'en cas de détention préventive, c'est la justice qui le détient. Avant toute décision de prolongation de la détention d'un étranger ou de son maintien dans un lieu déterminé, le ministre doit vérifier si les conditions légales qui justifient cette décision sont remplies. Comme il est familiarisé avec le dossier, il est mieux placé que le ministère public pour expliquer sa décision devant la chambre du conseil. Cela permettra sans doute d'améliorer la qualité de la procédure devant la chambre du conseil et d'éviter que le ministère public ne refasse le travail du ministre.
C'est la même préoccupation qui justifie le refus de permettre à la chambre du conseil de se prononcer de plein droit sur toute mesure privative de liberté et toute décision de prolongation quelle qu'elles soient. En effet, le contrôle de la chambre du conseil risquerait de dégénérer en une besogne de routine.
Un membre ajoute qu'un étranger n'a aucun intérêt à être remis en liberté tant que l'on n'a pas fini d'examiner si sa demande d'asile est recevable ou non.
Un autre membre dit pouvoir souscrire au raisonnement du ministre, mais il se demande pourquoi le ministre en question, son délégué ou son avocat ne doivent être entendus qu'après la deuxième prolongation. Si l'étranger a déjà contesté la privation de liberté dans une phase précédente, le ministère public doit examiner le dossier et la décision, en détail, indépendamment des explications du ministre.
Le ministre fait valoir que le contrôle de la conformité des décisions aux conditions légales devient plus strict à mesure que la privation de liberté se prolonge. Il est beaucoup plus difficile de démontrer que l'éloignement effectif est encore possible dans un délai raisonnable après une détention de six mois, par exemple, qu'après la toute première décision de mise en détention ou d'arrestation.
L'intervenant considère que les premières mesures privatives de liberté doivent, elles aussi, être justifiées en détail.
Un commissaire estime que la rédaction du dernier alinéa de l'article 71 en projet est confuse. Selon cette disposition, l'étranger ne peut, dans l'hypothèse prévue à l'article 74, introduire le recours devant la chambre du conseil qu'à partir du trentième jour qui suit la prolongation. À quelle date le délai de trente jours commence-t-il à courir ? Est-ce à partir du jour où la décision de prolongation est prise ? Est-ce à partir du premier jour de prolongation ou à partir du premier jour suivant l'expiration de la prolongation de deux mois ?
Le ministre répond que le délai prend cours le premier jour de la prolongation.
Un intervenant souligne que l'article vise l'hypothèse où l'étranger peut être privé de sa liberté, et peut introduire un recours devant la chambre du conseil du tribunal correctionnel.
La première question que soulève l'article est celle des critères qu'applique la chambre du conseil pour juger de la légalité d'une telle décision.
L'article 5 renvoie, sauf erreur, à l'article 58 (ancien article 61) du projet bicaméral optionnel dont la commission est également saisie pour avis.
Selon ce dernier article, la durée de la détention en un lieu déterminé situé aux frontières ne peut dépasser deux mois.
Le ministre peut prolonger ce délai par périodes de deux mois, « lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable ».
La règle juridique matérielle que l'on doit appliquer à l'article 5 pour le contrôle de la légalité est-elle bien l'article 58 précité ?
Si tel est le cas, l'intervenant renvoie à l'avis émis par le Conseil d'État (pp. 91 et 92, alinéa 1er ), où l'on peut lire notamment :
« 7. Ainsi, c'est non seulement « l'organisation », mais aussi la compétence des cours et tribunaux qui sont des matières intégralement bicamérales. »
Pourquoi, dès lors, l'article 58 n'est-il pas considéré comme une matière bicamérale pure et simple, par référence à l'article 77, 9º, de la Constitution ?
En effet, la référence à l'organisation des cours et tribunaux ne s'apprécie pas seulement en fonction de l'aspect formel des dispositions, mais aussi à raison de leur contenu.
Le ministre réplique que la considération émise par le Conseil d'État se retrouve actuellement dans tous ses avis, et suscite d'importantes discussions.
Si l'on suivait l'interprétation du précédent intervenant, tous les projets de loi devraient être considérés comme bicaméraux purs et simples.
En effet, il suffirait d'introduire dans un projet monocaméral une disposition susceptible de donner lieu à contestation devant un tribunal pour en faire un projet bicaméral.
Le précédent intervenant conteste cette conclusion.
Il entend seulement souligner que, lorsqu'on organise le contrôle légal sur la privation de liberté des étrangers, il ne s'agit pas d'un point de détail.
Le ministre fait observer que ce contrôle existe déjà depuis de nombreuses années.
À suivre un tel raisonnement, la législation en matière de baux à loyer serait une matière bicamérale, parce qu'elle comporte une disposition précisant qu'en cas de congé, le juge doit tenir compte des aspects humains de la cause.
Le précédent intervenant réplique que qualifier de bicaméral pur et simple un projet décrivant la composition de la chambre du conseil, et considérer comme bicaméral optionnel un texte décrivant les conditions et modalités de l'intervention de cette juridiction, c'est confondre l'essentiel et l'accessoire, car un tribunal n'existe en définitive que pour appliquer une règle matérielle.
En l'occurrence, l'article 5 du projet purement bicaméral est indissociable de l'article 58 du projet bicaméral optionnel, lequel aurait dû, par conséquent, être lui aussi qualifié de matière bicamérale pure et simple.
Il est fait observer que ce problème n'a pas été soumis en temps opportun à la Commission de concertation, et que le délai pour ce faire est aujourd'hui dépassé.
Un intervenant rappelle qu'il a été admis par le Conseil d'État que tout ce qui touche de façon indissociable à l'organisation judiciaire doit être considéré comme bicaméral.
La Commission de concertation elle-même a accepté que, lorsque la définition de compétences, par hypothèse non bicamérales, a une incidence sur l'organisation judiciaire (par exemple, en cas de transfert de compétences d'une juridiction à une autre), elle doit être considérée comme bicamérale.
Un autre membre souligne que la Cour de Strasbourg est compétente pour vérifier si une loi n'a pas été élaborée suivant une procédure non conforme. Elle contrôle ainsi la qualité de la norme.
Qu'arriverait-il si chacun s'accordait à reconnaître, après expiration du délai de saisine de la Commission de concertation, qu'une norme déterminée a été traitée comme une matière bicamérale optionnelle, alors qu'il s'agissait d'une matière bicamérale pure et simple ?
Comment cette erreur pourrait-elle encore être rectifiée ?
Le ministre répond que, jusqu'à ce jour, il n'existe pas de sanction en ce cas.
À l'article 72 de la même loi, modifié par la loi du 28 juin 1984, sont apportées les modifications suivantes :
1º l'alinéa 1er est remplacé par la disposition suivante :
« La chambre du conseil statue dans les cinq jours ouvrables du dépôt de la requête après avoir entendu l'intéressé ou son conseil en ses moyens et le ministère public en son avis. Lorsque, conformément à l'article 74, le ministre a saisi la chambre du conseil, le ministre, son délégué ou son conseil doit également être entendu dans ses moyens. Si la chambre du conseil n'a pas statué dans le délai fixé, l'étranger est mis en liberté. »;
2º l'alinéa 3 est remplacé par la disposition suivante :
« Les ordonnances de la chambre du conseil sont susceptibles d'appel de la part de l'étranger, du ministère public et, dans le cas prévu à l'article 74, du ministre ou son délégué. »
Un membre fait observer que, dans la loi sur la détention préventive, les délais ont toujours été calculés en jours civils.
Ici, on introduit la notion de jours ouvrables, alors que l'impératif de rapidité est le même, puisqu'il s'agit de la détention d'une personne.
Le ministre répond que cette différence (de deux ou trois jours au maximum) est intentionnelle. On a souhaité accorder un peu plus de temps à la chambre du conseil, qui ne connaît pas le dossier puisqu'elle ne le gère pas.
À la demande d'un membre, il est précisé que, si l'avocat est présent mais non l'intéressé, l'absence de ce dernier n'empêche pas la procédure de se poursuivre.
M. Boutmans se réfère à l'amendement qu'il a déposé à l'article 6 avec un autre sénateur. Cet amendement est libellé comme suit (Doc. parl. Sénat, 1-311/3, p. 4, amendement nº 9) :
« Insérer dans cet article un 3º (nouveau), rédigé comme suit :
« 3º au quatrième alinéa, les mots « y compris celles de l'article 31, § 1er à 4 », sont insérés entre les mots « détention préventive » et « sauf celles. »
Justification
Grâce à cet ajout, l'amendement précise que la procédure de cassation ordinaire en matière de détention préventive est également applicable, si bien que la Cour de cassation doit se prononcer dans les quinze jours. Actuellement, la Cour estime, sur la base d'une interprétation contestable du texte existant, que ce délai n'est pas applicable (9 décembre 1992, A.R. 361, affaire Bondembe).
Le ministre déclare qu'il ne peut que constater que la loi est claire, et que l'interprétation de la Cour de cassation est en contradiction avec elle.
Cet article est libellé comme suit :
L'article 74 de la même loi, modifié par l'arrêté royal du 13 juillet 1992, est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 74. Lorsque le ministre décide de prolonger la détention ou le maintien de l'étranger en application des articles 7, alinéa 5, 25, alinéa 5, 29, alinéa 3, 74/5, § 3, et 74/6, § 2, il doit saisir, par requête dans les cinq jours ouvrables de la prolongation, la chambre du conseil du lieu de la résidence de l'étranger dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé, afin que celle-ci se prononce sur la légalité de la prolongation.
À défaut de saisie de la chambre du conseil dans le délai fixé, l'étranger doit être remis en liberté.
Pour le surplus, il est procédé conformément aux articles 72 et 73. »
Il est souligné que l'article 25, alinéa 5, visé à l'article 7 est celui qu'introduit l'article 19 du projet bicaméral optionnel.
Un intervenant constate que, selon les articles 6 et 7, la chambre du conseil doit être saisie par requête dans les 5 jours ouvrables de la prolongation de la détention ou du maintien de l'étranger, et qu'elle dispose également d'un délai de 5 jours pour se prononcer.
Lorsque la chambre du conseil ne se prononce pas dans le délai fixé, l'étranger doit être remis en liberté.
L'intervenant aimerait disposer de données statistiques relatives au nombre de cas dans lesquels une mise en liberté est intervenue dans de telles circonstances.
Il se demande en effet dans quelle mesure les délais ne sont pas parfois manipulés pour faire prévaloir une opinion ou une philosophie déterminée, sans devoir exprimer celles-ci dans une décision judiciaire.
Le ministre répond qu'à sa connaissance, il ne s'est jamais présenté de cas de ce type.
Le suivi de cette question sera assuré, compte tenu notamment des délais plus stricts fixés par le projet.
B. Projet de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale; n º 1-310/1 (article 78 de la Constitution)
Le président rappelle que l'avis de la Commission de la Justice est sollicité sur les articles 11, 19, 22, 58, 59 et 69 du projet.
Cet article est libellé comme suit :
L'article 7 de la même loi, modifié par les lois des 14 juillet 1987 et 6 mai 1993 et par l'arrêté royal du 13 juillet 1992, est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 7. Sans préjudice des dispositions plus favorables contenues dans un traité international, le ministre ou son délégué peut donner l'ordre de quitter le territoire avant une date déterminée, à l'étranger qui n'est ni autorisé ni admis à séjourner plus de trois mois ou à s'établir dans le Royaume :
1º s'il demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis par l'article 2;
2º s'il demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 6, ou ne peut apporter la preuve que ce délai n'est pas dépassé;
3º si, par son comportement, il est considéré comme pouvant compromettre l'ordre public ou la sécurité nationale;
4º s'il est considéré par le ministre, après avis conforme de la Commission consultative des étrangers, comme pouvant compromettre les relations internationales de la Belgique ou d'un État partie à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique;
5º s'il est signalé aux fins de non-admission conformément à l'article 3, 5º;
6º s'il ne dispose pas des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un État tiers dans lequel son admission est garantie, et n'est pas en mesure d'acquérir légalement ces moyens;
7º s'il est atteint d'une des maladies ou infirmités énumérées à l'annexe de la présente loi;
8º s'il exerce une activité professionnelle indépendante ou en subordination sans être en possession de l'autorisation requise à cet effet;
9º si, en application des conventions ou des accords internationaux liant la Belgique, il est remis aux autorités belges par les autorités des États contractants en vue de son éloignement des territoires de ces États;
10º si, en application des conventions ou des accords internationaux liant la Belgique, il doit être remis par les autorités belges aux autorités des États contractants;
11º s'il a été renvoyé ou expulsé du Royaume depuis moins de dix ans, lorsque la mesure n'a pas été suspendue ou rapportée.
Dans les mêmes cas, si le ministre ou son délégué l'estime nécessaire, il peut faire ramener sans délai l'étranger à la frontière.
L'étranger peut être détenu à cette fin pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure sans que la durée de la détention puisse dépasser deux mois.
Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger cette détention par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mise en détention de l'étranger, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l'alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre.
Après huit mois de détention, l'étranger doit être mis en liberté. ».
Une intervenante constate que l'actuel 6º de l'article en projet figure déjà dans la loi actuelle, sous le 5º de l'article 7, la qualification des faits visés étant toutefois différente. La loi actuelle prévoit, en son article 74, la possibilité d'apporter la preuve que l'on dispose de moyens de subsistance suffisants.
Le projet semble ne plus faire mention de ce recours.
Le ministre répond qu'il est prévu à l'article 3bis nouveau, contenu à l'article 7 du projet à l'examen.
Un membre observe que, si les conditions dans lesquelles on peut présumer l'existence de moyens de subsistance suffisants sont décrites avec précision lorsque l'étranger est pris en charge par un tiers, elles sont par contre très floues lorsque l'étranger subvient lui-même à ses besoins, ce qui risque d'ouvrir la porte à l'arbitraire le plus large.
Un autre membre souligne que l'un des points les plus délicats de la législation en projet est que celle-ci prévoit que les étrangers ne pourront plus bénéficier de l'aide sociale qui leur était octroyée auparavant, mais uniquement de l'aide médicale urgente.
Dorénavant, il y aura donc dans notre pays une catégorie de personnes qui ne pourront s'adresser nulle part, qui n'auront ni travail, ni droit à résidence, et ne pourront pas non plus être expulsées.
Chacun connaît des cas de ce genre, où les personnes vivent dans des situations intolérables.
Outre le fait que ceci est humanitairement inacceptable, cela constitue aussi un facteur criminogène.
Si l'on ne peut donner à tous un statut légal, au moins pourrait-on éviter de réduire l'aide sociale aussi drastiquement que le fait le projet.
Le ministre répond qu'il n'est pas interdit aux C.P.A.S. de fournir cette aide. Cependant, la question est de savoir qui paiera les C.P.A.S. pour les frais exposés à cette occasion.
Un membre souligne qu'un hôpital est contraint de donner l'aide médicale urgente requise à toute personne en difficulté.
Or, que constate-t-on ?
Une fois le patient transportable, celui-ci est dirigé vers un hôpital dépendant du C.P.A.S., parce que l'étranger n'est pas assuré et que l'hôpital qui a donné l'aide médicale urgente craint de ne pas être payé.
En effet, pour un Belge, même non assuré, un recours peut être exercé contre le C.P.A.S. du lieu du logement de secours, ce qui n'est pas possible pour un étranger en séjour illégal qui n'a, par définition, pas d'adresse.
Le ministre répond qu'au-delà de l'aspect financier des choses, et même quand l'hôpital sait qu'il sera payé parce qu'il s'agit d'une aide médicale urgente (exemple : l'accouchement), le problème se situe dans l'attitude de certains établissements hospitaliers, qui veulent éviter que l'ambiance de leurs services soit perturbée par la présence d'étrangers.
Un membre s'interroge sur les points 7º et 8º de l'article.
Il semble que les exigences énoncées dans ces dispositions ne figurent pas dans la convention de Schengen.
L'intervenante ne voit pas pourquoi elles devraient figurer dans le texte à l'examen, alors que ce dernier a notamment pour objectif d'harmoniser notre législation avec cette convention.
Le ministre répond que le point 7º a été maintenu dans la loi du 15 décembre 1980 et est maintenu dans l'article 7, alinéa 1er , actuel parce que les maladies ou infirmités qui peuvent fonder un ordre de quitter le territoire sont les mêmes que celles qui, conformément à l'article 4, § 1er , de la directive 64/221/C.E.E., peuvent justifier un refus d'entrée sur le territoire ou de délivrance du premier titre de séjour à un étranger C.E. Il a paru judicieux, dans un souci d'uniformisation, d'étendre à tous les étrangers l'application des dispositions déjà en vigueur dans le cadre européen.
Le point 7º ne s'applique donc pas aux demandeurs d'asile, mais aux étrangers qui ne sont pas autorisés à résider en Belgique pour plus de trois mois.
D'autre part, on ne peut supprimer purement et simplement cette exigence à l'égard de tous, y compris des Européens, car la Belgique serait alors en contradiction avec la directive précitée.
Quant à la convention de Schengen, elle est totalement étrangère à cette question.
En ce qui concerne le point 8º, dans notre système où le travail au noir accompli par un étranger est assez sévèrement réprimé, il paraît logique qu'une telle activité soit une cause d'expulsion.
La précédente intervenante se demande si la liste des maladies visées (tuberculose, maladies quarantenaires, maladies présentant un danger pour la santé publique, ...), telle qu'elle figure en annexe au projet de loi, est conforme aux exigences de la C.E.D.H. Comment déterminera-t-on qu'un étranger est atteint de l'une de ces affections ?
Le ministre répond que le fait peut être signalé aux autorités belges, ou constaté par elles.
Ainsi, il pourrait s'agir d'un touriste en provenance d'un pays où existe un début d'épidémie (comme celle que l'on a connue par exemple au Zaïre, avec le virus d'Ebola).
L'intervenante fait encore observer que la directive à laquelle se réfère le ministre est vieille de plus de 30 ans. La liste des maladies qui y figure est manifestement désuète, inapplicable, voire même aberrante (syphilis, toxicomanie, état manifeste de psychose ou d'agitation ...).
Un autre membre croit savoir que cette liste, qui date de 1964, se justifiait par le souci d'éviter le « shopping médical », c'est-à-dire le fait de se rendre dans un pays possédant un système de sécurité sociale avantageux, pour s'y faire soigner.
Le membre ne pense pas que le moment soit opportun pour modifier la liste en question.
Par contre, l'on pourrait utilement y consacrer un vaste débat.
Il est clair que certaines maladies devraient disparaître de la liste, et que d'autres devraient s'y ajouter.
Une précédente intervenante persiste à penser que le ministre eût mieux fait de ne pas insérer le 7º dans l'article en projet, dès lors que, comme il le reconnaît lui-même, la disposition identique applicable aux Européens n'a jamais été mise en oeuvre.
Le ministre répond qu'il n'est pas exclu qu'on doive l'appliquer un jour.
Un sénateur attire l'attention sur le fait que la directive à laquelle le ministre se réfère n'oblige pas la Belgique à refuser l'accès au territoire belge dans les cas indiqués.
Elle précise seulement que les seules exceptions que les États peuvent faire au principe de la libre circulation des personnes en Europe sont celles tirées de l'ordre public et de la santé publique, et dans ce dernier cas, uniquement pour l'une des maladies reprises dans la liste.
Un membre souligne que l'article 7, tel que proposé par l'article 11 du projet, débute par les mots « Sans préjudice des dispositions plus favorables contenues dans un traité international... ».
Il rappelle qu'en matière d'extradition, l'article 3 de la C.E.D.H. doit être respecté.
Le début de l'article 7 réserve donc les dispositions de la C.E.D.H. qui seraient plus favorables à l'étranger que l'article en projet.
En cas de renvoi, non seulement l'article 3, mais aussi l'article 8 de la C.E.D.H. (relatif au respect de la vie familiale) doivent être respectés.
L'une des questions soulevées par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est celle du non-respect de la vie familiale d'un individu qui est renvoyé du territoire d'un État, après un délai tel qu'il a pu y fonder une famille.
L'intervenant se demande en outre, à propos du point 11º de l'article 11, si cette disposition vise le cas des personnes qui sont restées en Belgique, par exemple pendant 8 ou 9 ans, après avoir reçu un ordre de quitter le territoire.
Le ministre répond que la référence faite par le membre à la C.E.D.H. est pertinente.
La Cour de Strasbourg a d'ailleurs traité la question de savoir si l'on pouvait pratiquer des tests de dépistage du sida, notamment sur des étrangers.
Le Conseil d'État fait assez fréquemment application des dispositions citées.
Cependant, cela ne peut aboutir au résultat que plus personne ne pourrait être renvoyé.
Il s'agira, dans chaque cas, d'un délicat travail d'appréciation des circonstances (la famille de l'intéressé peut-elle le suivre, depuis combien de temps la personne réside-t-elle en Belgique, quels sont les inconvénients qui résulteront de la mesure, l'intéressé a-t-il commis un délit grave, etc.).
À propos du 11º de l'article 11, le ministre rappelle qu'à la différence du refoulement et de l'ordre de quitter le territoire, le renvoi et l'expulsion ont des effets durables, puisqu'ils comportent interdiction de revenir en Belgique pendant dix ans.
Le renvoi (à l'égard de l'étranger admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois) et l'expulsion (à l'égard de l'étranger établi sur le territoire du royaume) ne se conçoivent, en principe, qu'après une violation très sérieuse des lois du pays.
Quant au cas, cité par le précédent intervenant, d'un étranger demeuré en Belgique pendant 8 ou 9 ans malgré un ordre de quitter le territoire, il est régi par le 1º de l'article 7.
Le ministre admet cependant que l'éloignement d'une personne qui se trouve dans une telle situation soulèvera un délicat problème d'appréciation.
Un membre attire l'attention sur les sanctions pénales prévues par les article 75 et suivants de la loi du 15 décembre 1980 vis-à-vis des étrangers qui enfreignent une mesure d'éloignement.
L'intervenant songe aux personnes arrêtées en vue de leur éloignement, et que l'on est contraint de libérer après un certain temps, sans que leur situation soit régularisée. Par la force des choses, ces personnes se rendent quotidiennenment coupables des infractions précitées, et peuvent être à tout moment réarrêtées. Cette situation constitue un facteur criminogène, en raison de l'insécurité qu'elle entretient chez les personnes intéressées.
Le membre estime qu'il faudra tôt ou tard trouver une solution à ce problème.
Un autre membre se rallie à cette observation. Les personnes en question devraient bénéficier d'un statut spécifique, leur donnant droit à l'aide minimale nécessaire pour pouvoir subsister sans commettre de délit.
Un autre membre encore souligne que le système est tel que, même après 8 mois, l'administration se trouve, dans un certain nombre de cas, dans l'impossibilité d'exécuter une mesure d'éloignement. L'étranger qui est relâché en situation illégale, se retrouve en fait à son point de départ. Il se crée ainsi un cercle vicieux apparemment insoluble.
Il serait intéressant de connaître tous les cas de figure aboutissant à cette situation, et qui ne sont pas liés après épuisement de voies de recours existantes au refus de l'intéressé de régler sa situation.
Le ministre répond qu'il n'existe pas de solution unique à ce problème.
La solution la plus mauvaise car susceptible de constituer un attrait supplémentaire pour les candidats migrants serait, devant l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement, de légaliser systématiquement le séjour de l'étranger. Il arrive que la régularisation soit opérée, mais c'est relativement rare.
On recourt parfois aussi à la prolongation du séjour lorsque l'on estime qu'une solution est possible dans un délai relativement bref, par exemple parce que des négociations sont en cours pour l'obtention d'un visa.
La pratique la plus fréquente consiste à confirmer l'ordre de quitter le territoire. Une partie non négligeable des personnes se trouvant dans cette situation exécutent cet ordre.
Les autres restent en Belgique en situation illégale. Beaucoup d'éléments doivent être pris en considération, et notamment la situation internationale.
La même chose vaut pour les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée, mais pour lesquelles le commissaire général estime que l'on ne peut procéder à l'expulsion.
Quant aux causes du blocage, elles sont multiples.
Actuellement, la cause essentielle est le blocage par le pays concerné. Pour l'instant, on rencontre souvent cette attitude dans les pays du Maghreb.
Cependant, la situation évolue avec le temps.
Ainsi, à un moment donné, un certain nombre de personnes malades sont arrivées en Belgique, sans doute envoyées par leurs familles.
Elles n'ont pas été renvoyées vers leur pays d'origine, et leur situation a été régularisée.
À propos du 11º de l'article 11, un autre membre constate que l'on se trouve par définition en présence de personnes en situation irrégulière, puisqu'elles ont été renvoyées ou expulsées du Royaume, et y sont revenues alors que la mesure n'avait pas été levée.
En de pareils cas, l'autorité judiciaire n'est-elle pas saisie, et n'y a-t-il pas de poursuites judiciaires susceptibles d'aboutir au prononcé d'une peine privative de liberté ?
Si oui, le délai de 8 mois s'ajoute-t-il à la durée de la détention judiciaire, ou vient-il en déduction de celle-ci ?
Le ministre répond que l'administration ne renvoie pas ce genre de cas à l'autorité judiciaire, en raison de la surcharge que connaissent déjà les tribunaux.
D'autre part, quel intérêt aurait-on à garder des personnes dans cette situation en prison pendant quelques mois ?
Une telle condamnation aboutirait de toute façon à une expulsion dans les délais les plus brefs, pour autant, bien évidemment, que ce soit possible.
C'est pourquoi, généralement, on prend plutôt un nouvel arrêté de renvoi ou d'expulsion.
Ce n'est que lorsque des crimes ou délits de droit commun ont été commis, tels que, par exemple, la traite des êtres humains, que des poursuites judiciaires sont entreprises.
D'autre part, il arrive parfois que l'on postpose l'expulsion, afin de pouvoir recueillir le témoignage de l'intéressé, par exemple en vue de démanteler une filière.
Dans ce cas, le parquet avertit l'Office des étrangers.
Ces articles sont libellés comme suit :
« Article 19
L'article 25, alinéa 4, de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est remplacé par les alinéas suivants :
« À cet effet, l'étranger est mis à la disposition du Gouvernement pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure, sans que cette mise à la disposition puisse dépasser la durée de deux mois, augmentée éventuellement de la durée de l'examen de la demande en révision. Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger cette détention par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mise en détention de l'étranger, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l'alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre.
Après huit mois de détention, l'étranger doit être mis en liberté. »
« Article 22
L'article 29 de la même loi, modifié par la loi du 6 mai 1993, est complété par les alinéas suivants :
« Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger cette détention par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mise en détention de l'étranger, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l'alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre.
Après huit mois de détention, l'étranger doit être mis en liberté. »
Il est renvoyé aux observations déjà formulées à propos des articles précédents.
Cet article est libellé comme suit :
« Article 58
Dans l'article 74/5 de la même loi, inséré par la loi du 18 juillet 1991, les §§ 3, 4 et 5 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« § 3. La durée du maintien dans un lieu déterminé situé aux frontières ne peut excéder deux mois. Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger le maintien de l'étranger visé au § 1er , 2º, qui fait l'objet d'une décision de refus d'entrée exécutoire ou d'une décision confirmative de refus d'entrée exécutoire, par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l'alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre.
La durée totale du maintien ne peut jamais excéder huit mois.
§ 4. Est autorisé à entrer dans le Royaume :
1º l'étranger visé au § 1er , 2º, qui, à l'expiration du délai de deux mois, n'a fait l'objet d'aucune décision de refus d'entrée exécutoire;
2º l'étranger visé au § 1er , 2º, qui fait l'objet d'une décision de refus d'entrée exécutoire ou d'une décision confirmative de refus d'entrée exécutoire, lorsque, à l'expiration du délai de deux mois, éventuellement prolongé, le ministre ou son délégué ne prend aucune décision de prolongation du délai;
3º l'étranger visé au § 1er , 2º, dont la durée totale du maintien atteint huit mois.
§ 5. La décision de refus d'entrée ou la décision confirmative de refus d'entrée prise à l'égard de l'étranger visé au § 4, qui est autorisé à entrer dans le Royaume, est assimilée de plein droit à une décision de refus de séjour au sens de l'article 52, § 2, ou 63/3, alinéa 1er .
Sauf disposition contraire de la loi, cette décision doit être assortie d'un délai pour quitter le territoire.
§ 6. Lorsque l'étranger visé au § 1er , 2º, quitte le lieu où il est maintenu, sans autorisation, pendant le délai ouvert pour l'introduction du recours urgent ou pendant la durée de l'examen de ce recours, la décision de refus d'entrée prise à son égard est assimilée de plein droit à une décision de refus de séjour au sens de l'article 52, § 2. »
Un membre rappelle les remarques déjà formulées à propos du caractère illimité de la détention et à propos du fait que celle-ci ne pourrait plus, à partir du 1er janvier 1998, excéder huit mois.
L'intervenante aurait souhaité que l'on inverse le système du projet, en prévoyant d'emblée une durée maximale de huit mois, ainsi qu'une évaluation après un délai raisonnable, et enfin un retour possible à une durée illimitée si cela s'avérait nécessaire.
Le ministre rappelle que le système proposé par le projet, tel qu'il résulte du compromis adopté à la Chambre, peut être résumé comme suit.
La disposition relative à la durée indéterminée est adoptée en tant que régime transitoire, valable jusque fin 1997.
Avant cette échéance, le Gouvernement soumettra aux Chambres fédérales un rapport qui leur permettra d'évaluer l'application du régime de la détention et d'autoriser, le cas échéant, une prolongation (définitive ou pour une période déterminée) du régime (ce qui implique une modification de la loi).
Si les Chambres fédérales décident qu'aucune prolongation ne peut être accordée ou si elles ne parviennent pas à prendre de décision, on appliquera, à partir du 1er janvier 1998, un régime pour lequel la loi prévoira une durée maximale (par exemple, huit mois).
Un autre membre rappelle que le ministre a déclaré que l'étranger à l'égard duquel la mesure d'éloignement ne peut être exécutée et qui est remis en liberté, se retrouve en situation illégale, à moins que l'administration n'en décide autrement.
L'intervenant s'étonne dès lors de lire, au § 4 proposé par l'article 58 :
« § 4. Est autorisé à entrer dans le Royaume (...) :
3º l'étranger visé au § 1er , 2º, dont la durée totale du maintien atteint huit mois. »
Le ministre répond que, dans ce cas, l'étranger est autorisé à entrer, car il ne peut plus être détenu, mais que cette autorisation est assortie de l'obligation de quitter le pays.
L'approche de certains pays voisins est différente.
Ainsi, aux Pays-Bas, les conditions de détention sont meilleures. Une sorte de village a été construit pour accueillir les étrangers dans cette situation, mais ils y sont maintenus jusqu'à leur éloignement.
Un membre estime qu'un délai maximal de 8 mois est fort long. Un terme de 6 mois eût été préférable, compte tenu du fait que l'on n'a aucune garantie quant à la qualité de l'accueil, notamment pour les familles et les enfants, et qu'en outre, un certain nombre d'étrangers ne sont pas responsables du blocage de leur situation, lequel provient de l'attitude de leur pays d'origine.
La même intervenante croit savoir que les frais d'hébergement dans un centre fermé sont importants, et en tout cas plus élevés que pour une personne qui n'est pas privée de sa liberté.
À titre de comparaison, les frais s'élèvent, pour un isolé, à environ 700 francs dans un C.P.A.S., et à plus de 1 000 francs dans un centre ouvert de la Croix-Rouge.
Le ministre répond que les centres gérés par le gouvernement coûtent considérablement moins cher.
Un autre membre constate que la Belgique n'est pas un pays particulièrement performant sur le plan de l'accueil des demandeurs d'asile.
Le ministre répond que, par rapport aux autres pays européens, la Belgique se situe dans une bonne moyenne.
À la demande de la précédente intervenante, il ajoute qu'il communiquera des données statistiques à ce sujet.
La même intervenante croit savoir que la durée moyenne des formalités nécessaires pour entrer en contact avec le pays d'origine et veiller au rapatriement est de 4 mois.
Pourquoi, dès lors, avoir porté à 8 mois la durée maximale de la détention, alors que, manifestement, les chances de succès s'amincissent de plus en plus au fil du temps.
Le ministre rappelle qu'actuellement, l'éloignement touche 60 p.c. des étrangers, et s'avère impossible pour les 40 autres p.c. Il faut, dans le calcul de la moyenne, tenir compte du fait qu'après 2 mois, la plupart des personnes relevant de cette seconde catégorie doivent être remises en liberté.
La plupart des ambassadeurs ou des consuls veulent rencontrer l'étranger avant de lui délivrer les documents nécessaires.
Le chiffre moyen cité par le membre ne concerne que les cas où une chance de réussite subsiste.
Le ministre conteste ce mode de calcul. En effet, le délai de quatre mois représente la durée moyenne des examens de dossiers qui donnent finalement lieu à un éloignement effectif. Pour calculer cette moyenne, l'on ne tient pas compte des dossiers qui n'ont pas donné lieu à un éloignement effectif.
Il ajoute, du reste, qu'il n'est pas partisan d'un délai maximum de huit mois. Il faut craindre que, sous la contrainte d'un tel délai, les chambres du conseil n'examinent les dossiers moins en détail.
Cet article est libellé comme suit :
« Article 59
Dans l'article 74/6 de la même loi, y inséré par la loi du 6 mai 1993, les §§ 2, 3 et 4 sont remplacés par la disposition suivante :
« § 2. La durée du maintien décidé en application du § 1er ne peut excéder deux mois. Lorsque l'étranger visé au § 1er fait l'objet d'une décision de refus de séjour ou d'une décision confirmative de refus de séjour exécutoire, le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger son maintien par période de deux mois si les démarches en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l'alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre.
Après huit mois de maintien, l'étranger doit être mis en liberté. »
Pour cet article, il est fait référence aux observations faites précédemment.
Art. 69
Cet article est libellé comme suit :
§ 1er . Dès son entrée en vigueur, la présente loi est applicable à toutes les situations visées par ses dispositions.
§ 2. Dans les cas mentionnés ci-après, il est toutefois dérogé au principe prévu au § 1er :
1º les règles prévues à l'article 7 de la présente loi sont d'application aux attestations de prise en charge qui sont signées après la date de l'entrée en vigueur de la présente loi;
2º l'article 12 est d'application aux demandes de séjour introduites après la date de l'entrée en vigueur de la présente loi;
3º les articles 32, 33 et 34 de la présente loi sont applicables aux demandes d'asile et aux demandes de reprise en charge, introduites après la date d'entrée en vigueur de la présente loi;
4º l'article 57 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifié par la présente loi, s'applique également aux demandes introduites avant la date de l'entrée en vigueur de la présente loi;
5º la procédure fixée à l'article 64, alinéa 1er , 5º et 6º, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, est également d'application aux décisions prises sur les demandes d'être assimilé au réfugié, introduites avant la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.
§ 3. Sauf dispositions légales contraires, la règle relative à la limitation du délai de détention, de mise à la disposition du Gouvernement ou de maintien, à une durée maximale de huit mois, prévue dans les articles 7, alinéa 6, 25, alinéa 6, 29, alinéa 4, 74/5, § 3, alinéa 3, et § 4, 3º et 74/6, § 2, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, introduits par la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 1998.
Le ministre doit procéder à une évaluation de la règle relative à la durée illimitée du délai de détention, de mise à la disposition du gouvernement ou de maintien, prévue dans les articles 7, alinéa 4, 25, alinéa 4, 29, alinéa 2, 74/5, § 3, alinéa 1er et 74/6, § 2, alinéa 1er , de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, introduits par la présente loi, et doit soumettre le résultat de cette évaluation aux Chambres fédérales, trois mois avant l'entrée en vigueur de la règle visée à l'alinéa précédent. »
Un membre craint que l'évaluation de la règle relative à la durée illimitée de la privation de liberté ne donne que de bien maigres résultats.
En effet, de par l'article 70, il faudra peut-être attendre encore longtemps avant que la réglementation n'entre en vigueur. Le ministre doit de toute façon déjà soumettre le résultat de l'évaluation aux Chambres fédérales, le 1er octobre 1997.
Le ministre partage cet avis. Rien ne l'empêche toutefois de procéder aussi, ultérieurement, à une évaluation de la règle relative à la limitation à huit mois de la durée maximale de la privation de la liberté et de communiquer les constations aux Chambres fédérales.
L'intervenante ajoute qu'elle n'est pas partisane d'une durée illimitée de la privation de la liberté, ni d'une limitation à huit mois de la durée maximale. Une durée maximale de six mois lui semble suffire amplement.
Un membre se demande si une privation de liberté d'une durée maximale de six mois est plus avantageuse pour un étranger illégal qu'une privation de liberté de huit mois.
Les dispositions en projet garantissent qu'un contrôle juridictionnel aura lieu. Celui-ci peut être effectué tous les deux mois. Si, après une détention de six mois de l'étranger, la chambre du conseil estime que les conditions légales justifiant une nouvelle prolongation ne sont pas remplies, elle ordonne sa mise en liberté. Inversement, si elle constate que l'administration respecte son obligation de diligence et que l'éloignement effectif reste possible dans un délai raisonnable, elle autorise une dernière prolongation.
Dans ce cas, l'étranger illégal reste soumis à un contrôle en vue de son éloignement et ce, pendant un délai supplémentaire de deux mois. Une fois ce délai passé, l'étranger doit être libéré définitivement. Il sombre alors, malheureusement, tout de suite dans la clandestinité dans bien des cas. Si, comme le propose la préopinante, on limite la durée maximale de la privation de liberté à six mois, l'étranger libéré sombrera deux mois plus tôt dans la clandestinité, même si tout indique que son éloignement effectif est imminent. En effet, la mise en liberté d'un étranger illégal ne signifie pas que sa situation est régularisée. En pratique, une limitation de la durée maximale entraîne un retour plus rapide à la clandestinité.
La préopinante répond que le contrôle qu'exercera la chambre du conseil sera souvent purement formel. Lorsque l'on décide, aprés six mois de détention, de prolonger une nouvelle fois de deux mois cette détention, l'on n'a aucune garantie qu'au terme de ce nouveau délai, il y aura un éloignement effectif.
Le ministre répète que l'on a précisément organisé le contrôle juridictionnel à effectuer par la chambre du conseil de manière à éviter, autant que possible, qu'il ne soit purement formel.
L'intervenante pense que la chambre du conseil pourra mieux remplir son rôle si elle obtient un pouvoir d'appréciation plus large.
Par ailleurs, l'on ne peut pas arguer du risque de voir sombrer à nouveau dans la clandestinité l'étranger en situation illégale libéré ce qui est généralement le cas , pour maintenir la durée maximale de détention de huit mois. Il y a, en effet, des solutions de rechange, comme l'hébergement encadré.
Un membre attire l'attention sur le fait que l'hébergement encadré est une matière relevant de la compétence des communautés.
Un membre souligne que les conditions légales auxquelles est soumise la privation de la liberté varient en fonction du moment auquel elle est appliquée : au cours des deux premiers mois, l'étranger peut être mis en détention si cela s'avère strictement nécessaire pour que l'on puisse exécuter la mesure d'éloignement. Après cette période, la mesure de privation de liberté peut être maintenue si les démarches en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables du début de la privation de liberté, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable. Pourquoi cette dernière condition ne vaut-elle pas en ce qui concerne la privation de liberté au cours des deux premiers mois ?
Le ministre répond que l'étranger peut contester immédiatement la mesure privative de liberté. À ce tout premier stade, la chambre du conseil ne peut pas encore vérifier si les mesures d'éloignement ont bien été prises dans les sept jours qui suivent la privation de liberté et si elles sont poursuivies avec la diligence requise. Elle peut par contre veiller, en se basant sur le dossier, à ce que l'étranger se trouve dans un des cas prescrits par la loi comme justifiant une privation de liberté et à ce que la durée de la détention ne dépasse pas ce qui est strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure.
Au cours des deux premiers mois de la privation de liberté, la chambre du conseil ne peut donc pas ordonner la remise en liberté en arguant du fait que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement n'ont pas été entreprises dans les sept jours qui ont suivi le début de la détention. Elle doit, en revanche, ordonner la mise en liberté si ce même étranger introduit un recours contre la prolongation de sa privation de liberté. En résumé, si les autorités n'entreprennent pas les démarches nécessaires en vue de l'éloignement durant les sept premiers jours, elles s'engagent à éloigner effectivement l'étranger dans les deux premiers mois. Si elles n'y parviennent pas, la chambre du conseil ne peut que constater que les conditions légales ne sont pas réunies pour une prolongation de la privation de liberté.
Un membre considère que le projet est inspiré par des considérations pragmatiques. Celles-ci ne doivent toutefois pas occulter le contexte plus large dans lequel il s'inscrit. Qu'en est-il, par exemple, des membres de la famille d'un étranger détenu ? Le projet de loi en discussion n'a certes pas d'incidence directe sur leur situation, mais un débat approfondi sur la politique des étrangers ne saurait passer cet aspect sous silence.
Il se demande en outre si les modifications proposées auront un effet dissuasif quelconque sur les étrangers qui tentent de pénétrer illégalement dans le Royaume. La nouvelle réglementation incitera-t-elle les étrangers en séjour illégal à quitter plus rapidement le territoire belge ? Enfin, ne recourt-on pas encore plus qu'auparavant à la séparation des familles comme moyen de pression pour éloigner les étrangers clandestins ? Ce sont là des questions dont le Sénat ne peut se désintéresser.
Le ministre reconnaît que ces éléments méritent réflexion, même si les questions soulevée ne sont pas neuves.
Une préopinante déclare que les réserves qu'elle émet tiennent surtout à la façon dont la loi en projet traite la liberté des gens. Les personnes font l'objet d'une arrestation administrative pouvant aller jusqu'à huit mois parce qu'elles refusent de quitter le territoire belge. Une telle mesure suscite des objections éthiques.
Un commissaire déplore que d'aucuns réduisent le débat à une guerre de positions entre pragmatistes et défenseurs de l'éthique. Le pragmatisme n'exclut pas nécessairement l'éthique. Du reste, l'objet de la loi en projet n'est pas de résoudre les grands problèmes migratoires, mais de mieux régler une série de problèmes concrets.
Bien entendu, chaque jour de privation de liberté est un jour de trop. On ne peut néanmoins reprocher aux autorités de recourir à ce moyen; dans le dossier des étrangers, la privation de liberté ou sa prolongation trouve généralement son origine dans l'attitude d'un État étranger, et non dans celle des autorités belges.
Du reste, si, formellement, la mise en liberté d'un étranger en séjour illégal peut apparaître comme une solution humaine, concrètement, le bénéficiaire de la remise en liberté ne se retrouve que trop souvent dans la clandestinité, où il risque d'être victime de l'exploitation, de la traite des êtres humains, etc.
Plusieurs membres récusent l'idée qu'il puisse s'agir d'un débat opposant pragmatistes et défenseurs de l'éthique.
La commission souligne qu'il appartient à la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives de prendre les décisions. Sans préjudice de la question de savoir si l'article 78 de la Constitution a été appliqué à juste titre à certaines dispositions du projet nº 1-310/1 (cf. supra , pp. 26 à 28), la commission conclut de l'examen des articles qui lui ont été soumis pour avis que l'on peut considérer comme importants les points et questions ci-après :
La discussion relative à une violation éventuelle de l'article 5 de la C.E.D.H. lorsqu'un étranger est retenu pendant deux mois en application de l'article 74/5, § 3, et ne peut exercer aucun recours contre cette privation de liberté.
Le contrôle juridictionnel de la chambre du conseil sur les mesures privatives de liberté et la vérification qu'elle doit faire du respect, par l'autorité publique, de ses obligations de moyens et de résultat.
L'application conforme de la loi sur la détention préventive et les éléments de procédure à en déduire.
L'aide du C.P.A.S. et l'accueil : l'aide médicale urgente, et la définition de sa portée et de son contenu.
La liste des maladies visée au 7º de l'article 7 proposé à l'article 11 du projet nº 1-310/1, liste qui est obsolète; le contrôle et l'applicabilité de l'article 7, 7º, dans le contexte européen.
Le suivi et l'évaluation de la durée de la privation de liberté, et le contrôle de l'exécution des mesures qui sont requises pour la bonne exécution de la loi, doivent constituer un élément essentiel de la construction juridique élaborée par le projet de loi.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 12 membres présents.
Les Rapporteurs,
Fred ERDMAN. |
Le Président,
Roger LALLEMAND. |
Claude DESMEDT. |