1-162/2 | 1-162/2 |
29 AVRIL 1997
Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, deuxième chambre, saisi par le président du Sénat, le 22 juillet 1996, d'une demande d'avis sur une proposition de loi « modifiant le Code électoral, en vue de permettre aux Belges résidant à l'étranger de participer aux élections législatives » (doc. Sénat, session 1995-1996, nº 1-162/1), a donné le 16 avril 1997 l'avis suivant :
1. Comme l'indiquent son intitulé et ses développements, la proposition de loi déposée par MM. Destexhe et Desmedt entend « permettre » aux Belges résidant à l'étranger de participer aux élections législatives. Partant de l'idée que « tous les Belges résidant à l'étranger » n'ont pas conservé un intérêt « à l'égard de la politique belge », la proposition souhaite octroyer le droit de vote « à ceux qui, par leur démarche volontaire, prouvent avoir conservé cet intérêt suffisant ». Une telle démarche serait attestée par l'inscription, lors du départ à l'étranger, sur un registre spécial tenu à la commune.
Telle qu'elle est formulée, la proposition ne traduit pas clairement les intentions de ses auteurs. L'on n'aperçoit pas, notamment, dans la rédaction proposée pour l'article 147ter, si le Belge qui réside à l'étranger est tenu, en règle générale, de participer aux élections législatives, s'il est libre ou non d'exprimer un suffrage à l'occasion de telles élections ou encore si, après inscription au registre spécial, il est obligé d'utiliser les modes du vote par procuration pour remplir le devoir électoral qui est désormais le sien.
L'on peut comprendre que les auteurs de la proposition de loi ne retiennent que l'idée d'une inscription facultative, voire celle du vote facultatif. La loi qui entendrait imposer l'inscription administrative et l'obligation de vote à tous les Belges qui quittent le territoire pour résider à l'étranger pourrait se heurter à des difficultés considérables d'application. Elle laisserait, par exemple, sans réponse la question de recensement et du statut des Belges qui résident à l'étranger sans l'avoir jamais fait en Belgique ou de ceux qui, résidant à l'étranger, auraient entre-temps perdu la nationalité belge. Elle pourrait également heurter les dispositions inscrites dans l'article 22 de la Constitution et dans l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en apportant des restrictions excessives au droit qu'a le citoyen de se déplacer, y compris en dehors de son pays, sans devoir « signaler ses nouvelles coordonnées » aux autorités de ce dernier.
En recourant à la technique de l'inscription facultative et donc de la participation facultative aux élections législatives, la proposition de loi s'inscrit, cependant, en méconnaissance du principe inscrit à l'article 62, alinéa 3, de la Constitution. Cette disposition ne se borne pas à prescrire l'inscription des électeurs à la commune et à requérir qu'ils y accomplissent, soit personnellement, soit par mandataire, leur devoir électoral. Elle veut aussi que « le vote » soit « obligatoire » (alinéa 3, première phrase). Elle ne saurait être interprétée comme faisant peser sur les seuls électeurs résidant en Belgique et inscrits ainsi de plein droit sur la liste des électeurs l'obligation de voter. Dès lors que les Belges résidant à l'étranger acquerraient la qualité d'électeur, ils devraient voter.
2. La proposition à l'examen ne peut laisser sans réponse la question des sanctions applicables au citoyen qui ne se serait pas inscrit sur le registre spécial ou qui, y étant inscrit, ne remplirait pas son devoir électoral.
3. Contrairement à ce que semblent indiquer les développements, le champ d'application de la proposition se limite aux élections à la Chambre des représentants et au Sénat. Pour accorder le droit de vote pour les élections du Conseil flamand, du Conseil régional wallon et du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, une loi spéciale devrait être conçue.
4. Contrairement à ce qu'indique l'article 1er de la proposition soumise à l'examen, celle-ci n'entend pas régler une matière visée à l'article 77, mais à l'article 78 de la Constitution.
La chambre était composée de :
M. J.-J. STRYCKMANS, président de chambre;
MM. Y. KREINS et P. LIENARDY, conseillers d'État;
MM. F. DELPEREE et J. van COMPERNOLLE, assesseurs de la section de législation;
Mme J. GIELISSEN, greffier.
Le rapport a été présenté par M. M. BAUWENS, auditeur adjoint. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par M. L. DETROUX, référendaire adjoint.
La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de J.-J. STRYCKMANS.
Le Greffier, | Le Président, |
J. GIELISSEN. | J.-J. STRYCKMANS. |