1-209/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

20 DÉCEMBRE 1995


Proposition de loi complétant la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987

(Déposée par Mme Maximus et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le législateur cherche en permanence à améliorer la qualité des soins de santé en général et, plus particulièrement, le séjour des patients dans les hôpitaux et, là où c'est possible, à en corriger les modalités. Cette préoccupation a pour but de garantir les droits des patients aux soins de santé en milieu hospitalier.

Diverses initiatives législatives ont déjà été prises par le passé pour affiner les normes de qualité relatives aux soins de santé en accordant une place essentielle au patient : c'est ainsi, notamment, que l'on a structuré de façon poussée l'activité médicale au sein des hôpitaux, que l'on a donné forme à la dimension spécifique de l'activité infirmière en créant un département distinct et que l'on a établi des critères d'agrément et des formes de fonctionnement plus sévères pour les services médicaux.

Cependant, un des problèmes préoccupants qui se posent encore concerne l'organisation d'un contrôle effectif de la qualité, permettant de vérifier en permanence les aspects structurels et organisationnels et le respect des intérêts des patients au sens le plus large. Il va de soi que les patients doivent être étroitement associés à cette évaluation et pouvoir communiquer leurs souhaits et leurs plaintes personnels à une instance capable d'examiner ceux-ci en toute objectivité et en toute sérénité. En outre, si l'objectif n'est pas de veiller à ce que les remarques liées à la perception des choses sous l'angle qualitatif donnent lieu à des traitements individualisés, l'on n'en éprouve pas moins le vif besoin d'adapter la politique hospitalière en tenant compte des plaintes individuelles. Il est clair, en effet, que les données qu'elles contiennent peuvent constituer une source d'information importante pour le management des établissements de soins et la politique de la santé en général.

Il nous semble dès lors indiqué de créer un nouvel organisme qui puisse réaliser les objectifs en question et contribuer ainsi de manière fondamentale à l'amélioration de la qualité. En créant une fonction de médiateur, l'on vise à développer un nouvel instrument efficace permettant d'associer davantage le patient à la définition de la norme de qualité en matière d'organisation sanitaire.

Si le problème du contrôle de la qualité se pose pour ce qui est des soins de santé en général, l'on constate qu'il se pose essentiellement dans le cadre de l'hôpital, au carrefour de l'offre et de la demande. Pour pouvoir évaluer valablement l'efficacité de cette nouvelle fonction par rapport aux objectifs à atteindre en ce qui concerne le contrôle de la qualité, il est souhaitable de la développer progressivement. On pourra, de la sorte, corriger les choses là où cela s'avérerait nécessaire. Il semble, dès lors, opportun de créer d'abord la fonction de médiateur dans le cadre hospitalier, à l'exception du secteur psychiatrique, étant donné que celui-ci a un caractère spécifique.

Lorsque l'on examine, en particulier, ce qui se passe dans le cadre hospitalier, l'on est forcé de constater qu'il y a un déséquilibre fondamental entre la situation du patient et ses proches, d'une part, et l'organisation hospitalière et son personnel médical, d'autre part. Qui plus est, ce déséquilibre se ressent le plus dans les relations humaines, et ce à un moment où l'individu-patient est souvent très vulnérable.

Pour commencer, les possibilités de choix du patient sont limitées. La relation entre le patient et le dispensateur de l'aide médicale, qu'il s'agisse d'un établissement ou d'un individu, ne s'établit généralement pas dans des circonstances « normales », c'est-à-dire en fonction d'une décision bien réfléchie ou d'un accord incontestable entre les parties. En réalité, cette relation s'établit souvent par la force des choses, en raison d'un accident ou d'une maladie imprévue, mais les possibilités de choix sont également limitées en dehors des situations urgentes et graves. Le patient choisit son médecin traitant, il a normalement son mot à dire lorsqu'il y a lieu de choisir un médecin spécialiste, mais il n'a généralement guère la possibilité de faire valoir ses préférences lorsque les soins de santé qui lui sont proposés sont des soins divers (devant être administrés par une équipe chargée du traitement et des soins) ou lorsque ces soins requièrent l'utilisation d'équipements collectifs non médicaux (service et assistance logistique).

Il est évident, par ailleurs, que tout le monde ne dispose pas des mêmes connaissances globales ni des mêmes informations préalables. Le patient n'a pas la même connaissance intrinsèque des choses et il ne dispose pas des mêmes informations que le prestataire de soins. Il est totalement tributaire des informations que lui donnent les médecins et les infirmiers. L'enchevêtrement des obligations financières et administratives auxquelles l'on est confronté en matière de soins de santé est encore plus incompréhensible pour le patient et ne fait qu'aggraver sa dépendance. La tendance à agrandir l'organisation sanitaire et l'anonymat croissant qui en découle portent atteinte à la position du patient. Enfin, la complexité et la technicité accrues des soins de santé contribuent à l'aliénation du patient.

Le consommateur des soins de santé ne s'accommode pas sans plus de cette inégalité. On constate, à la lumière de diverses initiatives nouvelles et fort illustratives, qu'il y a un besoin collectif de remédier autant que possible à cette inégalité. C'est ainsi que l'on voit des associations de patients et des mutuelles s'ériger en défenseurs des intérêts des patients dépendants.

Il est certain qu'un consensus s'est réalisé, dans une perspective sociale large, sur la nécessité d'associer plus activement les patients à ce qui se passe dans le secteur des soins de santé.

Par conséquent, le médiateur devra commencer par jouer le rôle d'interlocuteur du patient. Il est absolument nécessaire, dès lors, pour assurer une bonne communication entre le patient et le médiateur, que l'on réduise au maximum le seuil d'accès à celui-ci. C'est pourquoi l'on devra accorder dans chaque établissement de soins, au médiateur, les facilités nécessaires pour garantir aux patients la possibilité de s'adresser à lui à tout moment et en toute discrétion.

Le patient, son préposé ou toute personne intéressée doivent pouvoir s'adresser au médiateur à propos de tout ce qui concerne les soins de santé en général et l'admission à l'hôpital en particulier. Le médiateur doit, dès lors, avoir compétence pour connaître de plaintes d'ordre médico-technique, financier, relationnel ou organisationnel. La mission principale du médiateur est d'entendre chaque plainte, de l'enregistrer et de chercher, par la voie de la conciliation, une solution au litige en question. Dans le cadre de son intervention, le médiateur se contentera de jouer un rôle d'intermédiaire, veillant d'abord au respect des intérêts du patient.

L'objectif auquel répondrait la création d'une fonction de médiateur n'est pas de remplacer par celle-ci les normes de qualité que les gestionnaires hospitaliers doivent respecter, mais une telle initiative contribuerait, à n'en pas douter, dans une large mesure, à améliorer sensiblement la qualité des soins prodigués dans le cadre hospitalier.

Lydia MAXIMUS.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

La loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, est complétée par un titre V, libellé comme suit : « Titre V. ­ Dispositions spécifiques relatives à la création et à l'organisation de la fonction de médiateur », et comportant les articles 152 à 169, libellés comme suit :

CHAPITRE PREMIER

Des objectifs

Art. 152. ­ Le Roi détermine pour quels hôpitaux, services hospitaliers, fonctions hospitalières, sections hospitalières ou activités hospitalières il y a lieu d'instaurer une fonction de médiateur.

Le respect des dispositions du présent titre constitue une exigence pour l'agrément des hôpitaux.

Art. 153. ­ Le médiateur a pour mission d'intervenir en cas de plainte d'un patient, de sa famille ou de son mandataire.

Les plaintes justifiant son intervention peuvent être d'ordre médico-technique, financier, relationnel et organisationnel.

Art. 154. ­ L'intervention du médiateur doit être axée sur la réalisation d'une conciliation.

Le médiateur peut servir d'intermédiaire entre le patient, d'une part, et l'administration de l'hôpital, les prestataires de soins attachés à l'hôpital, le conseil médical, les assureurs de l'hôpital et les prestataires de soins, d'autre part, en ce qui concerne toutes les plaintes relatives aux soins prodigués au patient et à son accueil à l'hôpital.

Si une conciliation interne s'avère impossible, le médiateur informe le patient des moyens dont celui-ci dispose et lui désigne les instances compétentes, en fonction de la nature de la plainte, auxquelles il peut s'adresser.

Art. 155. ­ Le médiateur occupe une position indépendante au sein de l'hôpital.

Il dispose, au sein de l'hôpital, d'un bureau et d'un téléphone personnels.

Pour l'assistance administrative et structurelle, le médiateur peut faire appel à l'Institut des services de médiation visé à l'article 165.

Art. 156. ­ Le Roi peut déterminer quels mandats, professions ou fonctions sont incompatibles avec l'exercice de la fonction de médiateur.

Art. 157. ­ Le gestionnaire veille à ce que le médiateur ait la possibilité d'établir et d'entretenir des contacts avec tous les gestionnaires, le personnel et les instances qui assument des responsabilités au sein de l'hôpital ou qui peuvent avoir une influence sur celles-ci.

Art. 158. ­ Le gestionnaire doit veiller à ce qu'au sein de l'hôpital, le médiateur ait la possibilité de s'entretenir avec tous les patients, moyennant le respect de leur vie privée et des normes en vigueur. En outre, chaque patient, sa famille et son mandataire doivent avoir la possibilité d'entrer facilement en contact avec le médiateur.

Le Roi fixe les modalités de l'information du public quant à la possibilité de prendre contact avec le médiateur et au fonctionnement de la médiation.

Art. 159. ­ Le médiateur peut toujours solliciter l'intervention de l'Institut des services de médiation visé à l'article 165.

CHAPITRE II

De la définition de la mission

Art. 160. ­ Le médiateur peut connaître des plaintes concernant les éléments suivants, dont la liste n'est pas limitative :

1º le diagnostic ainsi que le traitement et le traitement posthospitalier du patient;

2º l'autorisation de traitement et le refus de traitement;

3º les informations à fournir au patient, y compris tous les résultats, toutes les données et tous les documents relatifs aux examens objectifs;

4º le libre choix du médecin;

5º la qualité du séjour à l'hôpital et des soins paramédicaux, ainsi que le respect de la vie privée;

6º les honoraires, les factures hospitalières et la délivrance des documents prescrits par la loi.

Chaque plainte est enregistrée et un accusé de réception est remis au plaignant. La plainte est examinée dans les meilleurs délais.

Art. 161. ­ § 1er . À l'égard des tiers, le médiateur est tenu au secret professionnel sur ce que le patient lui a confié ou sur ce dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

§ 2. À l'égard du patient, le médiateur ne peut invoquer le secret professionnel au sujet de données qui concernent uniquement le patient, sauf s'il s'agit d'informations qui lui ont été communiquées de manière explicitement confidentielle.

§ 3. Les informations confidentielles communiquées au médiateur ne peuvent être utilisées en droit.

Art. 162. ­ Le médiateur rédige chaque année un rapport relatif à ses activités et à ses constatations. Ce rapport annuel est transmis au ministre qui a l'agrément des services hospitaliers dans ses attributions, à l'Institut des services de médiation visé à l'article 165, au directeur de l'hôpital et au conseil médical.

CHAPITRE III

Du statut

Art. 163. ­ Le médiateur est recruté par l'Institut des services de médiation visé à l'article 165.

Il doit être diplômé de l'enseignement supérieur de type court au moins et avoir suivi une formation médicale, infirmière ou paramédicale.

Art. 164. ­ Le médiateur est affecté par l'Institut des services de médiation visé à l'article 165 dans un ou plusieurs hôpitaux ou dans une ou plusieurs parties d'un hôpital, conformément aux critères fixés par le Roi.

CHAPITRE IV

De l'organisation

Art. 165. ­ § 1er . Il est créé un Institut des services de médiation ayant le statut d'organisme d'intérêt public.

Le Roi fixe, par arrêté ministériel délibéré en Conseil des ministres, la composition du comité de gestion de l'Institut. Ce comité de gestion est composé de telle sorte que les membres à nommer doivent, soit être particulièrement familiarisés avec la gestion administrative des hôpitaux, soit être associés aux activités médicales ou infirmières des hôpitaux, soit appartenir aux organismes assureurs dans le cadre de la législation sur l'assurance maladie-invalidité, ou à une organisation chargée de la défense des droits du patient ou du consommateur.

§ 2. La présidence du comité de gestion est assurée par un magistrat ou un magistrat honoraire.

Art. 166. ­ Un mandat de gestionnaire a en principe une durée de six ans. Le comité de gestion est renouvelé pour moitié tous les trois ans.

Art. 167. ­ L'Institut des services de médiation coordonne au niveau communautaire les activités des médiateurs individuels.

L'Institut a pour mission :

1º d'assister les médiateurs dans chacun des domaines qui leur sont utiles (notamment le domaine juridico-technique, médico-technique, etc.);

2º d'intervenir en cas de conflit entre un médiateur et la direction de l'hôpital;

3º de veiller à ce que l'examen individuel des problèmes puisse aboutir à des adaptations de la politique au niveau collectif;

4º de conseiller le ministre.

Art. 168. ­ Tout patient ou intéressé peut saisir par écrit l'Institut des services de médiation d'une plainte relative au fonctionnement et à l'organisation de la fonction de médiateur.

Le plaignant reçoit, par retour de courrier, un accusé de réception et, dans un délai raisonnable, une réponse écrite, dont le médiateur reçoit une copie.

Art. 169. ­ L'Institut des services de médiation rédige chaque année un rapport relatif à son fonctionnement et à ses constatations. Ce rapport annuel est transmis au ministre qui a la fixation du prix de journée dans ses attributions ainsi qu'au ministre qui a l'agrément des services hospitaliers dans ses attributions.

Lydia MAXIMUS.
Philippe MAHOUX.
Marc OLIVIER.
Nadia MERCHIERS.