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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1995

27 JUIN 1995


Proposition de loi portant uniformisation de la législation relative au salaire garanti et suppresssion du jour de carence (1)

(Déposée par Mme Maximus)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi vise à assurer l'égalité de traitement des ouvriers et des employés en ce qui concerne le salaire garanti. Cette question a déjà été abordée à plusieurs reprises au cours de la concertation sociale interprofessionnelle. Celle-ci n'a pas permis de dégager une solution générale. Il n'empêche que les partenaires sociaux ont déjà pris d'importantes initiatives dans ce domaine. C'est ainsi que la C.C.T. nº 12bis du 26 février 1979 prévoit l'octroi d'un salaire mensuel garanti aux ouvriers et que diverses réglementations ont été élaborées en commission ou sous-commission paritaires en vue de supprimer totalement ou partiellement le jour de carence.

Cette façon de procéder présente toutefois deux inconvénients. Certains secteurs sont à la traîne, si bien qu'il ne sera pas possible de réaliser complètement l'égalité de traitement pour ce qui est du droit au salaire garanti à court terme. Il y aura, dès lors, des travailleurs plus privilégiés que d'autres. L'insécurité juridique qui en résulte constitue un second problème. Le droit du travail présente de plus en plus l'aspect d'un enchevêtrement inextricable de droits et de devoirs dans lequel seuls les spécialistes se retrouvent encore. Face à cette réalité, une uniformisation de la législation sur le travail serait également bienvenue.

C'est à la lumière de tous ces éléments que l'on propose de généraliser la réglementation actuelle relative au salaire mensuel garanti des employés en l'étendant à tous les travailleurs salariés, ce qui nécessite une modification de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Cette loi accorde actuellement aux employés un salaire mensuel garanti en cas de maladie autre qu'une maladie professionnelle ou en cas d'accident autre qu'un accident du travail.

Par contre, l'ouvrier a droit, quant à lui, à son salaire normal à charge de l'employeur, durant la première semaine, à une indemnité plafonnée, à charge de l'employeur, durant les sept jours suivants et, enfin, à une indemnité composée qui est partiellement à charge de l'assurance maladie-invalidité et partiellement à charge de l'employeur durant les seize jours suivants, comme le précise la C.C.T. nº 12bis du 26 février 1979 conclue au sein du Conseil national du travail.

Il est proposé aussi d'appliquer, uniformément aux ouvriers et aux employés, la réglementation relative au salaire garanti en cas de maladie professionnelle, d'accident du travail ou d'accident survenu sur le chemin du travail. Cela signifie que l'octroi d'un salaire mensuel garanti aux ouvriers est également prévu pour ces cas-là.

Pour être complet, l'on peut signaler que les employés engagés à l'essai, pour une durée déterminée de moins de trois mois ou pour un travail nettement défini et dont l'exécution requiert normalement une occupation de moins de trois mois, sont soumis jusqu'à ce jour au régime des ouvriers. Il va de soi que la présente proposition de loi vise à étendre le régime général applicable aux employés, non seulement aux ouvriers, mais aussi à ces catégories d'employés-là.

Commentaire des articles

Article 2

L'article 2 inscrit, à l'article 31 du titre Ier de la loi relative aux contrats de travail, les dispositions concernant le régime salarial appliqué en cas de suspension de l'exécution du contrat de travail d'employé qui figurent aux articles 70 et 73 à 76 du titre III de la même loi. La réglementation actuelle relative au salaire mensuel garanti des employés deviendrait ainsi applicable à tous les travailleurs visés à l'article 1er de la loi relative aux contrats de travail. Il s'agit plus précisément, ici, de généraliser les dispositions concernant la durée pendant laquelle le travailleur conserve son droit à une rémunération en cas d'incapacité de travail (art. 31bis , § 1er ), les dispositions concernant l'incapacité de travail répétée (§ 1er ) ou l'incapacité de travail à la suite d'un accident occasionné par un exercice physique pratiqué au cours d'une compétition ou d'une exhibition sportive ou à la suite d'une faute grave (§ 2). Les dispositions concernant le régime d'indemnisation par la compagnie d'assurances, la caisse d'assurance ou le Fonds des maladies professionnelles, ainsi que celles concernant les moyens de défense de l'employeur contre les tiers responsables, sont également intégrées dans les dispositions générales (art. 31ter, §§ 1er et 2).

Article 3

L'article 53 devenu superflu, qui habilite le Roi à adapter le régime salarial applicable en cas de suspension des contrats de travail d'ouvrier, est supprimé et remplacé par une disposition habilitant le Roi à fixer, après avis de la commission paritaire, des conditions supplémentaires à remplir en cas d'incapacité de travail. Cette nouvelle disposition doit permettre de lutter efficacement contre d'éventuels abus.

Articles 4, 5 et 6

Les articles 56, 57 et 77 de la loi relative aux contrats de travail comportent un certain nombre de références aux articles abrogés par la loi proposée. Il convient, dès lors, de les adapter de manière que les références restent exactes.

Article 7

Cet article abroge les articles qui contiennent les dispositions spécifiques relatives au salaire garanti des ouvriers et des employés. C'est normal, puisqu'ils sont remplacés par la réglementation générale définie à l'article 2 de la loi proposée.

Lydia MAXIMUS.


PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 31 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail est complété par un article 31bis et un article 31ter, libellés comme suit :

« Article 31 bis. ­ § 1er . Le travailleur conserve le droit à sa rémunération pendant les trente premiers jours d'incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident.

En cas d'incapacité de travail résultant d'une maladie autre qu'une maladie professionnelle, ou d'un accident autre qu'un accident de travail ou d'un accident survenu sur le chemin du travail, la rémunération visée au premier alinéa n'est pas due une nouvelle fois lorsqu'une nouvelle incapacité de travail survient dans les quatorze premiers jours qui suivent la fin d'une période d'incapacité de travail ayant donné lieu au paiement de ladite rémunération.

Toutefois, la rémunération visée au premier alinéa est due :

1º pour la partie de la période de trente jours restant à courir, si la première période d'incapacité de travail n'a pas donné lieu au paiement de la rémunération prévue au premier alinéa durant la période de 30 jours;

2º lorsque l'employé établit par un certificat médical que cette nouvelle incapacité de travail est due à une autre maladie ou à un autre accident.

§ 2. En cas d'incapacité de travail résultant d'une maladie autre qu'une maladie professionnelle ou d'un accident autre qu'un accident du travail ou d'un accident survenu sur le chemin du travail, la rémunération visée au § 1er n'est pas due au travailleur :

a) qui a été accidenté à l'occasion d'un exercice physique pratiqué au cours d'une compétition ou exhibition sportive pour lesquelles l'organisateur perçoit un droit d'entrée et pour lesquelles les participants reçoivent une rémunération sous quelque forme que ce soit;

b) dont l'incapacité de travail trouve sa source dans une faute grave qu'il a commise.

Article 31 ter. ­ § 1er . Par dérogation aux articles 22 et 25 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et aux articles 34 et 35 des lois coordonnées du 3 juin 1970, relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, la société, la caisse d'assurance ou le Fonds des accidents du travail visés aux articles 49 et 58 de la loi sur les accidents du travail, ainsi que le Fonds des maladies professionnelles visé à l'article 4 desdites lois coordonnées du 3 juin 1970, sont tenus de verser à l'employeur les indemnités journalières dues au travailleur pour la période visée à l'article 31bis, § 1er .

Dans ce cas, les cotisations prévues par l'article 43 de la loi du 10 avril 1971 précitée et par l'article 42 des lois coordonnées du 3 juin 1970 précitées ne sont pas dues.

L'employeur est tenu de verser au travailleur les indemnités journalières afférentes soit aux journées d'inactivité habituelle de l'entreprise, soit aux journées de suspension de l'exécution du contrat en application de l'article 50 ou de l'article 51.

Les indemnités visées à l'alinéa précédent sont assimilées à une rémunération pour l'application des dispositions relatives à la sécurité sociale.

§ 2. L'employeur dispose, contre les tiers responsables des accidents, des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles qui ont occasionné une suspension de l'exécution du contrat au sens de l'article 31bis, § 1er , d'une action en remboursement de la rémunération payée à la victime et des cotisations sociales auxquelles l'employeur est tenu par la loi ou en vertu d'une convention individuelle ou collective de travail.

§ 3. En cas d'incapacité de travail de la travailleuse résultant de la grossesse ou de l'accouchement en dehors des périodes de congé ou d'interruption de travail fixées à l'article 39 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, les dispositions de l'article 31bis , § 1er , sont applicables. »

Art. 3

L'article 53 de la même loi est remplacé par la disposition suivante :

« Article 53. ­ Le Roi peut, après avis de la commission paritaire compétente et par arrêté délibéré en Conseil des ministres, fixer des conditions supplémentaires à celles prévues par l'article 31, § 2.

La commission paritaire fait connaître son avis dans les deux mois de la demande qui lui en est faite; à l'expiration de ce délai, une décision peut être prise. »

Art. 4

À l'article 56 de la même loi, les mots « fixés par les dispositions des articles 29, 30, 49, 51, 52, 54 et 55 » sont remplacés par les mots « fixés par les dispositions des articles 29, 30, 31bis, 31ter , 49 et 51 ».

Art. 5

À l'article 57 de la même loi, les mots « définies aux articles 27, 29, 30, 49 à 52, 54 et 55 » sont remplacés par les mots « définies aux articles 27, 29, 30, 31bis , 31ter , 49 à 51 ».

Art. 6

À l'article 77 de la même loi, les mots « visée aux articles 70, 71 et 72 » sont remplacés par les mots « visée à l'article 31bis , § 1er »,

Art. 7

Dans la même loi, les articles 52, 54, 55 et 70 à 76 sont abrogés.

Art. 8

Sans préjudice de l'article 2, qui modifie l'article 53, les arrêtés qui ont été pris en exécution de l'ancien article 53, premier alinéa, 3º, concernant les conditions supplémentaires, et ceux qui sont prévus à l'article 31 restent applicables à titre transitoire.

Lydia MAXIMUS.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 13 mars 1992, sous le numéro 250-1 (S.E. 1991-1992).