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Question écrite n° 7-2047

de Gaëtan Van Goidsenhoven (MR) du 4 juillet 2023

à la ministre de la Défense

Guerre en Ukraine - Campagnes russes de désinformation - Opération «Doppelgänger» - Situation en Belgique - Lutte - Mesures

guerre
Ukraine
Russie
désinformation
guerre de l'information
médias sociaux

Chronologie

4/7/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 3/8/2023)
4/9/2023Réponse

Question n° 7-2047 du 4 juillet 2023 : (Question posée en français)

Le mardi 13 juin 2023 une information selon laquelle «une taxe de 1,5 % sur chaque transaction monétaire était mise en place pour financer le soutien militaire à l'Ukraine» était diffusée en ligne et ressemblait en tout point à un communiqué de presse officiel du ministère des Affaires étrangères français, reprenant tous les éléments caractéristiques du genre: charte graphique, logo, liens vers les comptes officiels du ministère sur les réseaux sociaux, etc. Le ministère français des Affaires étrangères révèle, au sein d'une déclaration officielle, que cette page constitue une infime partie d'une vaste campagne de désinformation qui dure depuis plus d'un an, surnommée «Doppelgänger». Nos voisins français mettent en cause la Russie à travers l'implication d'individus russes ou russophones et de plusieurs sociétés russes.

Selon les services français, les agents qui ont créé et diffusé cette fausse page de la diplomatie française sont aussi à l'origine de très nombreuses imitations d'articles de médias, reprenant parfaitement les mises en page du «Monde», du «Parisien» et de «20 Minutes», ainsi que de la plupart des grands médias allemands. Des faux similaires ont aussi été diffusés en Italie, au Royaume-Uni et en Ukraine. À chaque fois, le mode opératoire est le même: un article factice qui prend position pour la Russie, critiquant, par exemple, la visite du ministère des armées français en Ukraine, annonçant que les sanctions contre la Russie ruinent l'économie allemande, ou que le président ukrainien Volodymyr Zelensky conduit son pays à la catastrophe.

En effet, à la fin de 2022, après de premières enquêtes de la presse allemande et d'organisations non gouvernementales EU DisinfoLab et Qurium, le groupe Meta (Facebook) avait frappé fort pour tenter de bloquer ce que l'entreprise estimait être «la plus grande, et la plus complexe, opération [de désinformation] russe depuis le début de la guerre en Ukraine, avec un niveau inhabituel de sophistication et de puissance».

Ces nouveaux éléments aujourd'hui dénoncés par la France montrent pourtant, six mois plus tard, que «Doppelgänger» est toujours actif, et a même étendu ses opérations, avec de fausses pages du ministère des Affaires étrangères français, du ministère de l'Intérieur allemand, ou en copiant désormais des médias jusqu'en Israël.

Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN, France) souligne la sophistication croissante des assauts («raids») déferlant sur les réseaux sociaux et Internet, tant au niveau du narratif développé que de leurs moyens de diffusion, et estime à près de trois millions de vues au total l'audience de ces campagnes.

1) Vos services ont-ils pris connaissance de ces cyber-attaques et campagnes de désinformation dans le cadre de l'opération «Doppelgänger» ayant frappé bon nombre de nos voisins? Notre pays a-t-il été touché?

2) Au cas où de tels évènements advenaient sur notre sol et sur les réseaux sociaux de nos concitoyens, quelles procédures seraient suivies et quelles seraient les actions de nos différents services?

3) Nos services ainsi que ceux de nos alliés mettent-ils en place de mesure de rétorsion?

En ce qui concerne le caractère transversal de la question écrite, les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont mis d'accord sur les phénomènes à traiter en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans le Mémorandum-cadre sur la sécurité intégrale et le Plan national de sécurité pour la période 2022-2025, et ont été discutés lors d'une Conférence interministérielle, à laquelle les acteurs policiers et judiciaires étaient également présents. Il s'agit donc d'une matière transversale avec les Régions où le rôle de celles-ci se situe principalement dans la partie préventive.

Réponse reçue le 4 septembre 2023 :

1) Au sein de la Défense, cette problématique est suivie par le «Cyber Command» du Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS). Le SGRS est soit informé par ses partenaires, soit découvre avec ces propres moyens ce type de menace. La désinformation mise en œuvre par des grandes puissances envers nombre de pays, et le combat contre la désinformation sont un défi quotidien et constant. Cette dimension ne fera que s’accentuer au cours de l’année à venir, marquée par des élections importantes en Belgique, pour le Parlement européen et l’élection présidentielle aux États-Unis. Le travail de collecte et d’analyse de l’information, de même que les échanges avec nos partenaires se poursuivent en vue de déterminer si et dans quelle mesure la Belgique est touchée par des opérations d’influence russe, dont par exemple l’Opération Doppelgänger.

2) Au sein du SGRS, il existe une entité qui identifie, surveille et signale les éventuels «Foreign Information and Manipulation Interference» (FIMI), avec la Sûreté de l’État (VSSE), le Centre de crise national (NCCN), l’Union européenne (UE) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cette entité surveille quotidiennement les tentatives de désinformation ou de manipulation sur les réseaux sociaux en Belgique. En outre, le NCCN organise et coordonne le groupe de travail «désinformation StratCom» qui réunit les porte-paroles et les spécialistes en désinformation du service public fédéral (SPF) Affaires étrangères, de la Chancellerie du premier ministre, de la Défense, du SGRS et de la VSSE. Il vise à apporter une réaction coordonnée en matière de communication sur certaines tentatives de désinformation qui visent la Belgique. Enfin, le Conseil national de sécurité, le Comité de coordination du renseignement et de la sécurité et le Comité stratégique du renseignement et de la sécurité exerceront leurs compétences en cas d’attaque significative contre la Belgique.

3) Le SGRS ne communique publiquement ni sur ses opérations ni s’exprime pour ses alliés.