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Question écrite n° 7-1962

de Rik Daems (Open Vld) du 29 mars 2023

à la secrétaire d'État au Budget et à la Protection des consommateurs, adjointe au Ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Cryptomonnaies - Applis de trading - Bots - Escroquerie - Chiffres et tendances - Lutte - Mesures - Coopération avec les banques et les autorités de surveillance

monnaie électronique
monnaie virtuelle
fraude
protection du consommateur
délit économique
application de l'informatique

Chronologie

29/3/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/4/2023)
25/4/2023Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1960
Aussi posée à : question écrite 7-1961

Question n° 7-1962 du 29 mars 2023 : (Question posée en néerlandais)

L'application «iEarn Bot» promettait aux clients que leurs investissements seraient traités par l'intelligence artificielle, ce qui leur garantirait des rendements élevés.

Toutefois, des experts qui ont analysé l'entreprise – laquelle prétend être établie aux États-Unis – disent qu'il pourrait s'agir là d'un des plus gros scandales de cryptomonnaies connus à ce jour (cf. https://metro.co.uk/2023/03/19/thousands may have fallen for crypto trading app scam 18466345/).

Le commerce de cryptomonnaies est devenu populaire, car il promet souvent des rendements très rémunérateurs sur une courte période. Les instances de répression mettent en garde contre le nombre croissant d'escroqueries et conseillent aux investisseurs de faire preuve de prudence.

Une victime roumaine déclare avoir perdu plusieurs centaines d'euros en investissant via «iEarn Bot».

Des clients ayant acheté des «bots» s'étaient laissé dire que leur investissement serait traité par le programme d'intelligence artificielle de l'entreprise, ce qui leur garantirait un rendement élevé.

La victime témoigne : «J'ai investi dans un bot de cryptomonnaies pour un mois. On pouvait voir dans l'appli combien de dollars le bot générait : des graphiques montraient la progression de l'investissement. Cela semblait très professionnel, jusqu'à ce qu'ils annoncent, à un moment donné, une opération de maintenance.» (traduction) À ce moment, les retraits d'argent à partir de l'application ont été gelés un certain temps.

Et la victime d'expliquer : «Certaines personnes ont commencé à s'étonner de ne pas pouvoir effectuer des retraits. J'ai moi-même effectué une demande de retrait et l'argent a tout simplement disparu. Le portefeuille était à zéro, et je n'ai jamais récupéré l'argent dans mon portefeuille.» (traduction)

En Roumanie, des dizaines de personnes haut placées, parmi lesquelles des fonctionnaires de l'État et des universitaires, se sont laissé convaincre par Gabriel Garais, éminent expert TI dans le pays, d'investir par le biais de cette application.

Ce qui se passe aujourd'hui en Roumanie n'est pas un phénomène isolé et n'est pas propre à ce pays.

Lorsque Silvia Tabusca, spécialiste roumaine de la criminalité organisée travaillant pour le European Center for Legal Education and Research, a commencé à s'intéresser de près à «iEarn Bot», elle a découvert que de nombreuses personnes, dans d'autres pays, avaient aussi perdu leur argent à cause de cette application (cf. https://www.bbc.com/news/technology 64939146).

Quant au caractère transversal de la question écrite : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2022-2025 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Cette question concerne donc une compétence transversale partagée avec les Régions, ces dernières intervenant surtout dans le volet préventif.

J'aimerais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Combien de plaintes ont déjà été déposées contre l'application «iEarn Bot» ? Combien de ces plaintes étaient-elles fondées ? Dans combien de cas était-il question d'escroquerie ou d'arnaque ? Cette application peut-elle encore être utilisée actuellement par des Belges ? De quelles sanctions les auteurs de ce genre de fraude écopent-ils généralement ? Si des chiffres sont disponibles, quel est le préjudice total estimé subi par les victimes belges ?

2) De combien de plaintes ou procès-verbaux des «crypto apps» ou des applications qui utilisent des «bots» pour automatiser des investissements font-elles ou ont-elles fait l'objet à ce jour ? Pourrais-je obtenir les chiffres pour les trois dernières années ? Peut-on observer certaines tendances ?

3) Dans quelle mesure les autorités peuvent-elles convaincre les «appstores» et autres d'exclure ces applications trompeuses de leur assortiment ? Quelles mesures ont déjà été prises et quelles mesures sont en préparation ? Existe-t-il également de telles applications frauduleuses de fabrication belge ? Si oui, que fait-on pour s'y opposer ?

4) Les autorités coopèrent-elles déjà avec les banques pour bloquer les flux d'argent provenant de telles applications trompeuses, bots d'investissement en cryptomonnaies, etc., s'il s'avère que les revenus générés proviennent de pratiques frauduleuses ? Si oui, comment cette coopération se déroule-t-elle ? Si non, pour quelle(s) raison(s) ?

5) Quels durcissements des règles envisage-t-on aujourd'hui concrètement pour lutter contre de telles applications d'investissement et contre les crypto-activités qui y sont liées ? À quel cadre a-t-on recours actuellement ? Quels éléments de ce cadre mériteraient, selon vous, d'être remis à jour ? Quels sont les projets à ce propos ? Selon vous, quand, au plus tôt, ce durcissement des règles pourrait-il être mis en œuvre ?

6) De quels instruments nos autorités de surveillance disposent-elles pour contrer ces entreprises qui sont établies en dehors de l'Union européenne et qui proposent leurs services chez nous, sans toutefois toujours se conformer à la législation en vigueur dans notre pays ? À quelle fréquence ces instruments ont-ils été déployés au cours des trois dernières années ?

Réponse reçue le 25 avril 2023 :

1) L’Inspection économique et l’Autorité des services et marchés financiers (Financial Services and Markets Authority – FSMA) n’ont reçu aucun signalement concernant cette application.

Poursuivre la fraude utilisant des crypto-applications ou des applications employant des bots ne relève pas de la compétence du service public fédéral (SPF) Économie. Je vous renvoie dès lors à Monsieur Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord, pour plus d’informations sur l’approche et la politique de poursuites de ce phénomène de fraude.

Ni la FSMA, ni l’Inspection économique ne disposent de chiffres spécifiques sur le préjudice financier total estimé causé par ce phénomène de fraude.

2) La FSMA a reçu six plaintes au cours du second semestre de 2021 et onze en 2022 concernant ces applications éducatives et logiciels de trading. Du 1er janvier au 31 mars 2023, elle a reçu dix plaintes.

Le SPF Économie n’enregistre pas spécifiquement le nombre de signalements concernant les crypto-applications ou les applications utilisant des bots qui ont été introduits auprès du Point de contact.

3) Ni le SPF Economie, ni la FSMA n’ont connaissance d’applications frauduleuses belges de ce type.

Si l’Inspection économique devait recevoir des signalements à ce sujet, ils seront analysés et, si nécessaire, un contrôle sera initié. Si l’enquête démontre qu’il s’agit d’une application frauduleuse, l’Inspection économique enverra une notification à l’app store sur la base de ses compétences particulières régies au livre XV du Code de droit économique, en demandant que cette application soit retirée de l’assortiment. Si un suspect se trouvant sur le territoire belge peut être identifié, cette personne est auditionnée et, si nécessaire, un procès-verbal est transmis au parquet.

La FSMA n’est pas habilitée à exiger le retrait de certaines applications. La FSMA peut toutefois demander le blocage de l’accès à des sites web frauduleux en transmettant au parquet des dossiers dans lesquels des avertissements ont été publiés. De cette manière, la FSMA demande de bloquer l’accès.

4) L’administration et les établissements financiers ont déjà initié divers efforts afin de parvenir à une approche coordonnée de la fraude aux cryptomonnaies. Quand, après analyse des signalements, le SPF Économie ou la FSMA constate qu’un numéro de compte bancaire belge est utilisé dans ces pratiques frauduleuses, il ou elle en informe l’établissement financier compétent afin que celui-ci puisse si nécessaire bloquer le numéro de compte bancaire. Les numéros de comptes bancaires tant belges qu’étrangers qui sont signalés à la FSMA ou au SPF Économie dans le cadre d’activités frauduleuses sont communiqués à la Cellule de traitement des informations financières (CTIF).

L’échange d’informations est entre autres prévu dans le cadre de la Plateforme nationale fraude de masse, qui réunit les services concernés, tels que la police judiciaire fédérale et le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB).

Le 18 juin 2021, une plateforme spécifique a en outre été mise sur pied, elle rassemble des stakeholders privés, tels que le secteur bancaire, et des stakeholders publics, comme la Banque nationale de Belgique (BNB), dans la lutte contre le blanchiment et la fraude. Dans le cadre de cette plateforme, des typologies de crypto-structures frauduleuses sont également échangées.

5) La législation a récemment évolué de manière significative en Europe comme en Belgique. Les plateformes de cryptomonnaies sont entrées dans le champ d’application de la loi anti-blanchiment belge à la suite de la transposition de la directive anti-blanchiment la plus récente. Par conséquent, ces plateformes doivent également avoir un devoir de vigilance constante et respecter par exemple les règles «Know your customer» et «Know your transaction». L’Europe continue également de travailler sur le règlement européen relatif aux marchés de crypto-actifs (MiCa) dans le but de protéger les consommateurs contre certains risques associés à l’investissement dans les crypto-actifs et de les aider à éviter les régimes frauduleux.

Le règlement MiCa devrait entrer en vigueur dans l’Union européenne d’ici 2024. La proposition de règlement MiCa établit des exigences harmonisées pour les émetteurs souhaitant proposer des crypto-actifs dans l’ensemble de l’Union européenne (UE) et pour les prestataires de services sur crypto-actifs qui veulent demander un agrément pour proposer leurs services sur le marché intérieur européen. Sans un tel agrément, les prestataires de services sur crypto-actifs ne pourront plus proposer de services de ce type dans l’UE.

6) Ces entreprises ne disposent d’aucun agrément ou inscription pour proposer des services et produits financiers en Belgique. En outre, la commercialisation aux investisseurs de détail de certains instruments financiers accessibles grâce au logiciel (tels que les CFD (contract for difference – contrat sur la différence), forex (Foreign exchange market – marché des changes) et crypto-dérivés) est interdite en Belgique. Enfin, ces entités commettent souvent d’autres faits punissables tels que la vente pyramidale ou l’escroquerie. Pour cette raison, tant la FSMA que le SPF Économie publient régulièrement des mises en garde contre les entreprises actives illégalement en Belgique. Le CCB mène régulièrement des activités de sensibilisation afin de signaler les dangers des applications mobiles malveillantes aux citoyens belges. La dernière campagne de sensibilisation Safeonweb.be, lancée en octobre 2022, avait pour but principal de sensibiliser les citoyens à la sécurité des appareils mobiles. Cette campagne, intitulée «OK n’est pas toujours OK», a été diffusée via des spots vidéo et radio ainsi que sur les médias sociaux. Le SPF Économie met en garde contre les entités frauduleuses via des communiqués de presse, son site web et ses réseaux sociaux, comme la page Facebook «Marnaque». La FSMA a publié 267 avertissements concernant des entités frauduleuses en 2022, 156 en 2021 et 43 au cours du premier trimestre de 2023. Quand la FSMA ou le SPF Économie dispose d’indications de faits punissables dans un dossier, elle ou il le transmet aux autorités judiciaires. La FSMA demande alors de bloquer l’accès aux sites web frauduleux. En 2022, le parquet a bloqué l’accès à 299 sites web à la demande de la FSMA.