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Question écrite n° 7-1957

de Steven Coenegrachts (Open Vld) du 29 mars 2023

au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Ports - Espionnage - Acteurs étatiques - Chine - Grues de fabrication chinoise - Chiffres et tendances - Sécurité des données - Mesures

installation portuaire
Chine
espionnage
matériel de levage
sécurité des systèmes d'information

Chronologie

29/3/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/4/2023)
2/6/2023Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1958
Aussi posée à : question écrite 7-1959

Question n° 7-1957 du 29 mars 2023 : (Question posée en néerlandais)

Les autorités américaines sont préoccupées par l'utilisation de grues produites par l'entreprise d'État chinoise Shanghai Zhenhua Heavy Industries Company Limited (ZPMC) dans les ports américains, écrit The Wall Street Journal. Certaines sources au sein du Pentagone parlent même de gigantesques chevaux de Troie: les capteurs de haute technologie qui équipent ces grues seraient capables d'enregistrer la provenance et la destination des conteneurs et de transmettre ces informations à la Chine. Il s'agit d'une information sensible, en particulier dans les ports utilisés par l'armée américaine pour envoyer du matériel militaire de par le monde. Aucun cas concret d'espionnage n'a toutefois encore été mis au jour.

La ZPMC est de loin le plus grand fabricant de grues de quai et détient non moins de 70 % du marché global. Les terminaux à conteneurs de nos ports emploient eux aussi des grues de la ZPMC; c'est notamment le cas du MSC PSA European Terminal (MPET) et de l'Antwerp Gateway dans le bassin du Deurganckdok. Trois grues flambant neuves de la ZPMC sont d'ailleurs acheminées en ce moment par navire vers ce dernier terminal, depuis Shanghai.

Il se peut que les services de sécurité américains s'intéressent aussi à notre pays, car le port d'Anvers a, par le passé, souvent été une importante plaque tournante pour le matériel militaire américain. L'été dernier, 2 700 exemplaires de chars, de camions et d'autre matériel sont ainsi encore arrivés à l'Antwerp Euro Terminal (AET) avant d'être acheminés vers la Pologne. Ce terminal n'est cependant pas équipé de grues de la ZPMC (cf. https://www.nieuwsblad.be/cnt/dmf20230310_92805754).

Les ports des Pays-Bas sont eux aussi inquiets. Là aussi, notamment à Rotterdam, ce sont des grues de la ZPMC qui soulèvent les marchandises des cargos. Les ports néerlandais non seulement sont cruciaux pour l'économie, mais ils jouent aussi un rôle stratégique dans le transit de matériel militaire vers le flanc est de l'Organisation du traité de l'Atlantique-Nord (OTAN) et vers l'Ukraine.

S'il ne parle pas d'entreprises spécifiques, le coordinateur national Terrorisme et Sécurité des Pays-Bas confirme bel et bien que l'accusation formulée est conforme à l'image d'une menace accrue pour la sécurité économique qui prévaut aux Pays-Bas.

Le Service général de renseignement et de sécurité des Pays-Bas parle du problème en des termes limpides: la Chine constitue la plus grande menace pour la sécurité économique des Pays-Bas. Il écrit que les ports sont des points névralgiques où des acteurs malveillants pourraient nuire aux intérêts économiques des Pays-Bas par des actions préméditées. Il faut éviter que d'autres pays acquièrent un rôle trop important dans le port de Rotterdam car cela rendrait les Pays-Bas vulnérables à l'espionnage, au sabotage ou aux manipulations, ajoute le service.

Voici trois ans, les plus grandes grues du monde ont été livrées directement depuis la Chine à l'exploitant de terminaux à conteneurs Rotterdam World Gateway. Ces grues sont capables de hisser les cargaisons à 56 mètres de haut et s'utilisent pour les navires transportant 26 rangées de conteneurs sur leur largeur. Lors de la mise en service des grues, l'entreprise a fait savoir que de tels navires n'existaient pas encore, mais que les grues étaient déjà en mesure de répondre à ce défi.

Ce n'est pas la première fois que la ZPMC est mise en cause. Voici deux ans, la découverte d'appareils d'espionnage, par des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI), lors d'une fouille à bord d'un cargo transportant des grues à destination de Baltimore avait déjà fait grand bruit, selon les médias américains (cf. https://www.telegraaf.nl/nieuws/938215803/verdachte chinese kranen staan ook in nederlandse havens zorgen om spionage).

En ce qui concerne le caractère transversal de la question écrite: les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2022-2025 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Il s'agit donc d'une matière transversale qui relève également des Régions, le rôle de ces dernières se situant surtout dans le domaine de la prévention.

Je souhaiterais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Disposez-vous déjà d'indices relatifs aux risques que présenteraient ces grues de fabrication chinoise installées dans nos ports? Si oui, quels sont ces indices, quand et par quel service ont-ils été fournis? Dans quelle mesure ont-ils été vérifiés? Leur a-t-on donné une suite? Si oui, laquelle? Si non, pour quelle raison?

2) Pouvez-vous confirmer la possibilité que le fabricant ZPMC ait un accès (direct) à ces grues, par exemple lors de mises à jour ou d'interventions d'entretien? Si oui, peut-on prendre des mesures pour l'empêcher? À quel type de données peut-on avoir accès (directement ou indirectement)? Pouvez-vous dépeindre la relation entre nos ports, les grues et le fabricant? Peut-on, selon vous, parler en l'espèce d'une relation «inégale»?

3) Existe-t-il une connexion numérique entre ces grues et un centre de monitoring, de contrôle, etc. du fabricant chinois? Si oui, dans quels pays ces centres se situent-ils et cette localisation présente-t-elle des risques? Quels sont précisément ces risques?

4) A-t-on déjà constaté des tentatives d'intrusion numérique dans des logiciels, des banques de données, etc. reliés à ces grues chinoises? Si oui, quelles étaient les données visées et de quel pays l'attaque provenait-elle?

5) Ces grues sont-elles soumises à une quelconque forme de contrôle de sécurité ou d'analyse? Si oui, laquelle? À quelles conclusions ces contrôles ont-ils abouti? Peut-on considérer que des facteurs tels que la capacité mécanique de charge et le coût total priment sur la sécurité et la protection des données de ces grues? Si oui, de quelle manière? Si non, pour quelle raison?

6) Quel(s) facteur(s) a/ont été déterminant(s) dans la décision d'acheter des grues chinoises au lieu d'alternatives européennes?

7) À la lumière des avertissements donnés par les services de sécurité américains et néerlandais, organise-t-on un contrôle renforcé de ces grues chinoises dans nos ports? Si oui, de quelle manière? Si non, pour quelle raison? Des mesures de sécurité supplémentaires ont-elles déjà été prises précédemment? Si oui, lesquelles et avec quels résultats (provisoires)? Si non, pour quelle raison?

Réponse reçue le 2 juin 2023 :

1) Notre Service de sûreté de l’État (VSSE) souscrit au principe général de vigilance lorsqu’il s’agit de la présence de divers produits de fabrication chinoise dans l’infrastructure critique, surtout s’ils qui font également l’objet de rapports et de communications de la part de services de sécurité étrangers (américains et néerlandais) et auxquels il est fait référence dans la question.

Au niveau international et à la connaissance de la VSSE, il n’existe pas de cas concret connu d’espionnage lié à ces grues.

2) La VSSE n’a pas connaissance de l’existence ou de la nature de réseaux connectés entre ZPMC (Shanghai Zhenhua Heavy Industries Company Limited) et le port d’Anvers dans le cadre de l’entretien des grues ou de services liés aux grues.

3) La VSSE ne dispose pas d’informations qui indiquerait l’existence d’un centre de surveillance en Chine et n’a à aucun moment reçu d’informations indiquant une éventuelle menace en la matière.

4) La VSSE ne dispose pas d’informations qui indiquerait qu’il y ait eu des cambriolages et n’a reçu aucune information à ce sujet provenant de services partenaires étrangers ou autres.

5) De tels dispositifs font sans aucun doute l’objet de contrôles en vue d’en assurer la sécurité opérationnelle. Cependant, je ne dispose pas d’informations permettant de suggérer une analyse technique en fonction des risques d’espionnage. Mes services n’ont à aucun moment été contactés en vue de soumettre les grues à un screening.

6) Il est préférable d’adresser cette question au propriétaire des grues.

7) Il est également préférable de poser cette question au propriétaire des grues.

Toutefois, lorsque des renseignements spécifiques sont collectés ou partagés avec la VSSE, le service ne manquera pas de les transmettre aux autorités compétentes.