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Question écrite n° 7-1946

de Tom Ongena (Open Vld) du 7 mars 2023

à la ministre de la Défense

Désinformation - Armées de trolls - Acteurs étrangers - Israël - Chiffres et tendances

désinformation
Israël
criminalité informatique

Chronologie

7/3/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 6/4/2023)
14/4/2023Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1947
Aussi posée à : question écrite 7-1948

Question n° 7-1946 du 7 mars 2023 : (Question posée en néerlandais)

Le collectif de journalistes «Forbidden Stories» a démasqué une société fantôme israélienne qui manipule les élections à l'échelle mondiale, ainsi qu'une société espagnole qui efface le passé en ligne de criminels.

En se faisant passer pour des clients potentiels, des journalistes de «TheMarker», de «Radio France» et de «Haaretz» ont réussi à contacter la «Team Jorge», une mystérieuse société fantôme israélienne qui prétendait avoir influencé trente-trois élections aux quatre coins du monde.

Pour mener des campagnes de désinformation en ligne, la «Team Jorge» a développé un outil maison à la pointe du progrès: «Aims». Il s'agit d'une plateforme logicielle qui permet de créer de faux profils en masse sur les médias sociaux – appelés «avatars» – mais aussi de «faux» articles de presse et de «faux» blogs. Et surtout: de diffuser du contenu de manière coordonnée.

Sur la plateforme «Aims», un simple clic sur un bouton permet de créer de façon très crédible de faux «comptes» de personnes inexistantes sur de nombreux médias sociaux: Twitter, Facebook, Instagram, Amazon, Discord, Reddit, etc. Chaque personnage inventé se voit attribuer un nom et un prénom, une langue, un domicile, un sexe et une date de naissance. Des photos dérobées à d'autres internautes sont utilisées comme images. Le système est si ingénieux qu'il ne peut être détecté par les systèmes de sécurité des grandes entreprises technologiques.

Selon l'interface utilisateur présentée à l'équipe de recherche, «Aims» gérait plus de 39 000 «avatars» en décembre 2022. Les journalistes ont également pu identifier 1 700 comptes Twitter et près de 250 comptes Facebook similaires créés par la plateforme. Il s'avère que tous ces faux «comptes» ont en outre été utilisés dans au moins dix-neuf véritables campagnes de désinformation orchestrées par la «Team Jorge»: de la promotion de l'énergie nucléaire en Californie au dénigrement d'un lanceur d'alerte suisse.

La «Team Jorge» n'a ni numéro de téléphone, ni site web, ni coordonnées, et n'est pas non plus enregistrée en tant que société. La discrétion était également de mise lors des rencontres avec la «Team Jorge». Néanmoins, les journalistes ont pu découvrir qui se cache réellement derrière «Jorge»: Tal Hanan, un Israélien de cinquante et un ans ayant des antécédents dans les «forces spéciales» de l'armée israélienne. Quant au directeur de la «Team Jorge», «Nick», il s'avère être Zohar Hanan, le frère de Tal, expert en polygraphie (technologie de détection des mensonges).

Dans la même ligne que la «Team Jorge», il faut également citer la société espagnole de gestion de réputation «Eliminalia».

Voici comment ils opèrent pour faire supprimer des contenus en ligne: ils publient une copie de l'article sur un site web de fausses nouvelles et falsifient la date de publication pour faire croire que la copie a été publiée plus tôt que l'original. Ils déposent ensuite une plainte pour violation de droits d'auteur. Résultat? L'hébergeur du site concerné est contraint de mettre l'article original hors ligne, C.Q.F.D. (cf. https://www.knack.be/nieuws/wereld/desinformatie op bestelling het israelische team jorge helpt uw vijanden te beschadigen/, et https://www.knack.be/nieuws/wereld/storykillers hoe een spaans bedrijf voor reputatiemanagement uw online verleden uitwist/).

En ce qui concerne le caractère transversal de la question écrite : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui devront être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité 2022-2025 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Il s'agit donc d'une matière transversale qui relève également des Régions, le rôle de ces dernières se situant surtout dans le domaine de la prévention.

J'aimerais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) L'enquête menée notamment par «Knack» a révélé l'existence d'une société israélienne (la «Team Jorge») qui crée de la désinformation sur commande. Savez-vous si ce collectif – ou d'autres collectifs du même acabit – est également coresponsable de telles campagnes de désinformation en Belgique? Dans l'affirmative, lesquelles, quand cela s'est-il produit et avez-vous pu identifier les commanditaires?

2) Avez-vous déjà été averti(e) que cette entreprise israélienne envisage ou a envisagé de mener des opérations en Belgique? Dans l'affirmative, quelles suites ont été réservées à ces avertissements? D'où provenaient-ils et comment ont-ils été suivis? De même, les autorités israéliennes ont-elles été contactées afin d'éviter que les opérations menées par cette entreprise israélienne ne causent des dommages sociaux dans notre pays?

3) Pouvez-vous indiquer si les personnes qui se cachent derrière cette entreprise (Tal et Zohar Hanan) font l'objet d'une enquête en Belgique ou d'enquêtes connexes quant à d'éventuelles ingérences ou la diffusion de fausses informations? Dans l'affirmative, quels sont les services qui s'en chargent et depuis combien de temps ces personnes sont-elles dans leur collimateur? Quelles conclusions peut-on d'ores et déjà tirer?

4) Avez-vous connaissance d'activités de la «Team Jorge» ne ciblant pas la société belge, mais des entreprises ou des institutions (internationales) situées en Belgique? Dans l'affirmative, quelles sont ces institutions ou entreprises? Pouvez-vous évaluer les intentions qui se cachent derrière ces activités, et identifier les possibles commanditaires?

5) Les services de la société espagnole «Eliminalia» ou d'autres sociétés similaires qui tentent de retirer des contenus d'Internet de manière suspecte ont-ils déjà été utilisés en Belgique? Dans l'affirmative, quel type de contenu était visé? De quelles personnes, entreprises ou institutions s'agissait-il? Les commanditaires ont-ils pu être retrouvés? Combien de fois cela s'est-il produit au cours des deux dernières années? D'après vous, comment les autorités peuvent-elles agir pour contrer les activités de ces entreprises?

Réponse reçue le 14 avril 2023 :

1) Au sein du Cyber Command du Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS), il existe une entité qui identifie, surveille et signale les éventuels «Foreign Information and Manipulation Interference» (FIMI) vis-à-vis de la Belgique.

Le modus operandi de ces firmes est connu et fait par conséquent l’objet d’un suivi approfondi. S’il est constaté que ces sociétés sont actives en Belgique, ceci est rapporté via les canaux appropriés.

L’attribution de ces activités est toutefois très difficile en raison de leur complexité.

2), 3) & 4) Le SGRS ne communique pas publiquement sur des opérations possibles ou en cours. Le suivi des opérations FIMI relatives à l’environnement informationnel belge à l’aide, par exemple, des fermes à trolls, est une partie essentielle des tâches du SGRS.

5) Ces services ne sont pas utilisés au sein de la Défense. S’il est constaté que les services de ces sociétés sont utilisés en Belgique, ceci est rapporté via les canaux appropriés.

Je saisis cette opportunité pour ajouter certains éléments. Notre monde actuel est constamment confronté à des défis fondamentaux, en particulier concernant les menaces hybrides (en ce compris la désinformation et les cyberattaques). La résilience de nos sociétés est plus que jamais mise à rude épreuve. Dans un monde de plus en plus interconnecté, le domaine «cyber» revête une importance capitale aujourd’hui et c’est pourquoi, dès le début de mon mandat, j’ai fait de la cyber sécurité une véritable priorité avec l’avènement d’une Composante Cyber sur base d’un tout nouveau Cyber Command. Elle constitue une étape cruciale afin de pouvoir se prémunir des menaces hybrides actuelles.