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Question écrite n° 7-1869

de Rik Daems (Open Vld) du 26 janvier 2023

à la ministre de l'Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique

Ports - Trafic de drogues - Conteneurs de drogues - Récupérateurs - Ouvriers portuaires - Étudiants - Chiffres et tendances - Campagne de prévention - Mesure

installation portuaire
trafic illicite
stupéfiant
ouvrier
statistique officielle
jeune travailleur
trafic de stupéfiants
criminalité organisée

Chronologie

26/1/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 2/3/2023)
2/3/2023Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1868

Question n° 7-1869 du 26 janvier 2023 : (Question posée en néerlandais)

Depuis plusieurs années déjà, les entreprises portuaires utilisent des vidéos et des affiches de prévention visant à décourager les ouvriers portuaires, qui sont plus de 8 500 à Anvers, d'accepter des propositions de participation au trafic de drogue. Les criminels prennent souvent contact avec des ouvriers portuaires sur les réseaux sociaux ou dans les cafés portuaires. Ils les espionnent pour identifier lesquels sont à court d'argent et tentent ensuite de les rallier à leur cause en leur faisant miroiter la possibilité d'augmenter leurs revenus (cf. https://www.tijd.be/ondernemen/logistiek/havenbedrijven drugsmaffia rekruteert zelfs studenten om bij ons te infiltreren/10439830.html?_sp_ses=f81cd61f 75eb 41d8 b620 d9ab0df56eaf).

Selon Stephan Vanfraechem, directeur de la section Alfaport du VOKA, la mafia de la drogue va toujours plus loin dans l'audace: «Nous recevons des signaux indiquant que les maffieux abordent des étudiants dans les hautes écoles et les incitent à décrocher un diplôme bien précis, de manière à infiltrer ensuite des entreprises et à participer ainsi au trafic de drogue (traduction)».

Ce phénomène est de plus en plus répandu également dans les ports néerlandais. Le chef de la police portuaire néerlandaise, Jan Janse, peut en citer plusieurs exemples. Au moins cinq étudiants ont entamé une formation dans une école de navigation avec un seul objectif en tête: être utile à une organisation de trafic de drogue. Si la police sait qu'elle existe déjà depuis longtemps, cette pratique est devenue à ce jour monnaie courante au sein des réseaux criminels.

L'infiltration est un processus de longue haleine pour les organisations criminelles, car des années peuvent se passer avant qu'un étudiant puisse occuper une position intéressante dans une entreprise. L'année dernière, la police a arrêté à plusieurs reprises des récupérateurs qui, au quotidien, faisaient des études dans une école de navigation. Des étudiants avaient aussi été vus en rue en compagnie de jeunes qui avaient déjà été appréhendés sur les terminaux du port. M. Janse précise que dans certains cas, la police judiciaire a jugé nécessaire d'en informer les écoles.

Les raisons pour lesquelles les jeunes se font piéger par une famille ou une organisation criminelle sont spécifiques à chaque personne. Selon M. Janse, une partie des jeunes le font uniquement pour l'argent, attirés qu'ils sont par les grosses voitures et les beaux vêtements.

Ce n'est pas pour rien que le Scheepvaart en Transport College (STC), l'établissement scolaire de Rotterdam qui forme les collaborateurs portuaires de demain, considère que rendre les étudiants plus résistants aux influences est une «priorité». Selon une porte-parole de l'école professionnelle portuaire, la réalisation de cet objectif passe par des cursus, des formations et des jeux de rôle. «Nous sommes bien conscients de ce qui se passe dans le port en matière de criminalité et de risque d'infiltration criminelle (traduction).»

Les jeunes constituent de toute façon un chaînon important dans l'économie de la drogue. Ils sont notamment recrutés pour s'introduire en pleine nuit dans un terminal et mettre une cargaison de cocaïne en lieu sûr. Pour ce faire, ils transfèrent généralement l'or blanc vers un conteneur déjà dédouané.

400 récupérateurs de drogue ont ainsi été arrêtés dans le port de Rotterdam il y a deux ans, et 241 l'année dernière. Selon le ministère public néerlandais, ces jeunes sont généralement issus de familles précarisées et endettées ou ont des membres de leur famille qui sont actifs dans le milieu criminel. La plupart d'entre eux proviennent de Rotterdam-Sud. Plusieurs jeunes d'Amsterdam âgés d'une vingtaine d'années ont été condamnés l'année passée pour avoir récupéré de la cocaïne dans un autre port, celui d'Anvers en l'occurrence (cf. https://www.parool.nl/nederland/drugsfamilies sturen jongeren naar scheepvaartschool met de juiste functie word je stinkend rijk~bcd211d1/).

En ce qui concerne le caractère transversal de la question écrite: les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui devront être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité 2022-2025 et ont été discutés lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Il s'agit donc d'une matière transversale qui relève également des Régions, le rôle de ces dernières se situant surtout dans le domaine de la prévention.

Je souhaiterais dès lors vous poser les questions suivantes:

1) Combien de personnes agissant comme «récupérateurs» ont été arrêtées l'année dernière dans nos ports? Combien d'entre elles étaient mineures? Quelle était leur nationalité? À quelles peines ont-elles été condamnées?

2) Quels commanditaires se cachaient derrière ces faits? Les récupérateurs font-ils partie d'une grande «famille» criminelle ou sont-ils plus souvent extérieurs à ce milieu? Y a-t-il parmi eux des personnes qui opèrent sous la contrainte? Y a-t-il aussi des victimes de la traite des êtres humains? Les commanditaires sont-ils belges ou en grande partie étrangers?

3) Pouvez-vous indiquer si des mesures supplémentaires ont été mises en œuvre dans nos ports à l'encontre des récupérateurs depuis les deux dernières années? Si oui, lesquelles? Quelles conclusions provisoires peut-on en tirer? Si non, pourquoi? Prévoit-on d'appliquer des mesures supplémentaires dans ce domaine à l'avenir? Si oui, pouvez-vous les détailler et préciser le délai dans lequel ces mesures entreront en vigueur?

4) Pouvez-vous déjà évaluer les effets des campagnes de prévention destinées aux ouvriers portuaires? Pouvez-vous indiquer si les ouvriers portuaires collaborant avec des cartels de la drogue dans les ports ont été moins nombreux ces deux dernières années? Combien d'ouvriers portuaires ont été reconnus coupables de collaboration avec des cartels de la drogue ces deux dernières années? Ce nombre est-il supérieur ou inférieur à celui des années précédentes? En d'autres termes, peut-on observer certaines tendances?

5) Pouvez-vous indiquer si les écoles de navigation maritime, les écoles professionnelles portuaires, les établissements proposant des options dans le domaine maritime, etc. sont conscients des tentatives d'infiltration des narcotrafiquants parmi les étudiants dans le but de les recruter comme futurs collaborateurs portuaires «corrompus»? Si oui, quelles mesures ces écoles prennent-elles et quel est le rôle des autorités et des services de sécurité en la matière? Existe-t-il des scénarios permettant de faire face à ce genre de situations?

6) Au cours des deux dernières années, des bureaux de recrutement dans le secteur portuaire ont-ils signalé que des étudiants qui postulaient pour des emplois portuaires le faisaient clairement pour le compte de narcotrafiquants? Quelles mesures ces bureaux de recrutement prennent-ils et les cas suspects de ce genre sont-ils signalés à la police? Si oui, combien de cas ont été signalés ces deux dernières années par l'intermédiaire des bureaux de recrutement?

7) Envisageriez-vous d'organiser, à l'image des campagnes destinées aux ouvriers portuaires, des actions visant les étudiants et les jeunes susceptibles de faire l'objet de tentatives de recrutement par les narcotrafiquants aux abords des ports? Si oui, prévoyez-vous d'organiser ces campagnes uniquement pour les étudiants inscrits dans les écoles ou orientations du domaine concerné, ou pour les étudiants en général? Si non, pourquoi?

Réponse reçue le 2 mars 2023 :

1) En 2022, la police de la navigation (SPN) d’Anvers a procédé à un total de 145 arrestations liées à la drogue, dont 133 concernaient des récupérateurs externes, 7 des employés de terminaux (ayant collaboré ou s’étant eux-mêmes livrés à une récupération), 3 des retraits illégaux de conteneurs et 2 des personnes aux agissements suspects. Parmi ces personnes, 11 étaient mineures.

2) Les commanditaires financiers se trouvent presque exclusivement à l’étranger, mais pas forcément aux Pays-Bas. En revanche, les intermédiaires criminels, qui coordonnent les opérations, se trouvent bien en Belgique et aux Pays-Bas.

Les personnes venant récupérer la drogue, principalement des Néerlandais, sont presque toujours recrutés de manière externe en fonction de la tâche à exécuter. Les Pays-Bas ont analysé le profil, y compris le milieu socio-économique, de ces «récupérateurs». Malgré leur situation socio-économique souvent défavorable on ne peut pas vraiment parler de victimes de traite des êtres humains, sauf peut-être à titre exceptionnel. Il s’agit simplement d’individus prêts à prendre d’énormes risques, tant en termes d’intégrité physique que d’éventuelles conséquences pénales, pour gagner de l’argent rapidement.

3) Ces deux dernières années ont été marquées par de nombreuses initiatives qui ont un impact important sur le terrain. La première d’entre elles concerne le renforcement de la loi sur la sûreté maritime mis en œuvre par le ministre de la Mer du Nord afin d’améliorer la sécurité dans les différents terminaux ISPS (International Ship and Port Facility Security). Le capitaine du port d’Anvers-Bruges a également durci le règlement de police portuaire en imposant des obligations supplémentaires, y compris aux entreprises qui n’accueillent pas des navires de mer. Par ailleurs, la collaboration public-privé, les échanges d’informations entre les services de police belge et néerlandais ainsi que la mise en place de groupes de travail avec les régies portuaires de Rotterdam, d’Anvers-Bruges et de Hambourg ont été intensifiés afin de mieux uniformiser et d’élever le niveau de sécurité des terminaux soumis à l’ISPS. Enfin, la SPN est également appelée à s’étoffer avec la mise en place d’un corps de sécurité portuaire, d’un service de recherche élargi et d’une équipe qui s’occupera spécifiquement des obligations ISPS. Le nombre de patrouilles de police présentes dans le port a également été revu à la hausse, grâce à un renfort de la SPN par la réserve générale de la police fédérale.

Une collaboration est en place avec les Pays-Bas, basée sur le projet FORTIUS, qui permet d’échanger très rapidement des informations lors de l’arrestation de «récupérateurs». Par la suite, des «perquisitions d’urgence» à leur adresse sont également réalisées aux Pays-Bas. En outre, les «récupérateurs» mineurs néerlandais sont rapidement extradés vers les Pays-Bas pour y entamer un trajet de suivi. La PJF (police judiciaire fédérale) d’Anvers apporte également une contribution aux terminaux et aux armateurs afin de remédier aux failles de leurs systèmes, détectées lors des enquêtes. Les obstacles dans le port sont ainsi renforcés, ce qui permet d’offrir une résistance accrue au trafic.

4) Les chiffres exacts, basés sur une condamnation effective, doivent être demandés au parquet, en faisant référence à leur qualité d’ouvriers portuaires.

5) Cela peut être étendu à des filières logistiques. L’infiltration d’une école de navigation n’a que peu de sens compte tenu du modus operandi utilisé. Dans le cadre d’un projet récemment lancé en 2022, le parquet d’Anvers et la PJF d’Anvers soutiennent désormais les filières logistiques en la matière. Outre une certaine sensibilisation, nous étudions comment fournir des outils et des points de contact aux personnes qui entrent en contact avec ce phénomène.

6) Il y a eu des signaux indiquant que des étudiants, en tant qu’ouvriers portuaires mais aussi en tant que travailleurs logistiques, commencent leur formation en fonction du trafic de drogue. Ces informations ont été examinées avec les différents partenaires, comme la CEPA (Centrale der werkgevers aan de haven van Antwerpen) pour les travailleurs portuaires, ainsi qu’avec certaines filières logistiques (voir ci-dessus).

Principalement avec les filières logistiques, nous voulons œuvrer à un meilleur flux d’informations à l’attention des forces de police, ce qui commence au niveau de la détection. Dans ce cadre, il peut bien entendu être fait référence à la campagne de sensibilisation. Les chiffres exacts ne sont pas disponibles car il ne s’agit pas d’un enregistrement distinct.

7) Comme indiqué précédemment, cette campagne est déjà en cours et sera étendue, en fonction de la détection et des informations disponibles, à ce qui est utile.