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Question écrite n° 7-1845

de Fatima Ahallouch (PS) du 9 janvier 2023

à la ministre du Climat, de l'Environnement, du Développement durable et du Green Deal

Pesticides interdits - Production en Belgique - Exportations - Chiffres - Augmentation - Interdiction éventuelle - Protection du consommateur

pesticide
autorisation de vente
licence d'exportation
France

Chronologie

9/1/2023Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/2/2023)
7/2/2023Réponse

Question n° 7-1845 du 9 janvier 2023 : (Question posée en français)

Le quotidien «La Libre Belgique» publiait le 28 novembre 2022 dans la version en ligne de son supplément «LibreEco» l'article «La Belgique, championne européenne de l'exportation des pesticides interdits». La Belgique est donc premier dans la fabrication de pesticides en Europe; le pays se plaçait à la septième place en 2020 et aujourd'hui, nous remportons la première place.

En 2020, notre pays exportait déjà vers le Brésil plus de 310 tonnes d'insecticides interdits via l'entreprise Syngenta.

Or, la législation européenne en matière de pesticides est l'une des plus sévères au monde sur son territoire, mais rien n'interdit la production et l'exportation hors de l'Union européenne. La Belgique exporterait essentiellement deux pesticides particulièrement controversés et interdits en Europe: l'acétochlore et la carbendazime. L'acétochlore est un herbicide répertorié comme perturbateur endocrinien et cancérogène. Il est exporté principalement par une filiale de Monsanto (reprise par Bayer en 2018) et Corteva, un géant américain. La carbendazime est un fongicide toxique pour la reproduction, capable de provoquer des anomalies congénitales.

Ironie du sort, les pays destinataires de ces pesticides exportent des produits agricoles vers l'Union européenne.

«C'est toute l'hypocrisie de l'Union européenne», affirment les experts en pesticides. La législation européenne est l'une des plus strictes au monde en matière de santé et d'environnement, mais elle autorise la production sur son territoire et l'exportation des produits les plus dangereux.

L'organisation environnementale Greenpeace réclame d'ailleurs un changement de la législation européenne et l'interdiction pure et simple de production et d'exportation de tout produit interdit d'usage sur le sol européen. La France l'a déjà prévue pour cette année.

La transparence en matière de gestion de l'environnement relève de tous les niveaux de pouvoir. La coopération, tant au sein du gouvernement fédéral qu'avec les Régions, ainsi qu'avec les autres États membres et la Commission européenne, est la clé pour protéger au mieux l'environnement. Cette question relève ainsi de la compétence du Sénat.

1) Confirmez-vous les chiffres de «La Libre Belgique»? Sommes-nous bien le premier exportateur de pesticides interdits?

2) Vers quels pays avons-nous exporté ces pesticides interdits?

3) Comment expliquer l'augmentation de l'exportation de pesticides interdits, puisque la Belgique est passée de la septième à la première place de 2020 à 2022?

4) La France a prévu l'interdiction de production et d'exportation de ces produits. Qu'en est-il chez nous?

5) Comment justifier ces exportations au consommateur européen qui retrouve, dans son assiette, des résidus de ces pesticides interdits chez nous?

Réponse reçue le 7 février 2023 :

La Belgique fait partie des pays européens qui exportent le plus de pesticides interdits d’usage dans l’Union européenne (UE) mais qui continuent d’être produits pour être exportés.

Ce paradoxe européen, cette hypocrisie européenne pour reprendre vos termes, en plus d’être éthiquement insupportable, entraîne une discordance de marché (concurrence déloyale de pays tiers qui peuvent utiliser certains produits chimiques) et un effet boomerang (présence de résidus de ces produits chimiques interdits dans des produits finis importés en UE). De manière générale, cela déforce les normes de santé et environnementales d’application en Europe.

C’est un problème dénoncé à plusieurs reprises dans la presse, comme dans le rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Public Eye publié en novembre 2021 [1], dans Le Monde (France), Gazet van Antwerpen (Belgique), RTBF Info (Belgique).

La Commission européenne a déclaré dans les conclusions de sa stratégie européenne pour la durabilité des produits chimiques que «EU will lead by example, and, in line with international commitments, ensure that hazardous chemicals banned in the European Union are not produced for export, including by amending relevant legislation if and as needed». Néanmoins, à côté de cette déclaration de principe, aucune proposition concrète n’est proposée jusqu’à présent.

Raison pour laquelle j’ai demandé à mon administration de préparer un projet réglementaire prévoyant l’interdiction de l’exportation de produits chimiques dont la mise sur le marché ou l’utilisation ont été interdites au niveau de l’Union européenne et ce, sur base de considérations sanitaires ou environnementales. Mon administration a récemment notifié à la Commission européenne. Le projet d’arrêté royal belge est disponible sur la base de données «TRIS» de la Commission européenne: https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/tris/fr/search/?trisaction=search.detail&year=2022&num=826. La Commission a jusqu’à la fin du mois de février 2023 pour analyser notre projet et éventuellement soumettre des commentaires.

L’acétochlore et le carbendazime font partie des listes de substances des annexes 1 et 3 du projet d’arrêté royal. Au sujet des exportations de ces deux substances actives, nous pouvons confirmer que des exportations ont bien été notifiées par des exportateurs basés en Belgique en 2020, 2021 et 2022. Cette information ainsi que la liste des pays destinataires est accessible au public sur le site web de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) via le lien suivant: https://echa.europa.eu/fr/information-on-chemicals/pic/export-notifications?p_p_id=pic_ExportNotificationsPortlet&p_p_lifecycle=1&p_p_state=normal&p_p_mode=view&_pic_ExportNotificationsPortlet_javax.portlet.action=searchExportNotificationsAction.

[1] «L’UE exporte des milliers de tonnes de «tueurs d’abeilles» interdits sur son sol», publiceye.ch.