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Question écrite n° 7-1834

de Fatima Ahallouch (PS) du 12 décembre 2022

au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Établissements pénitentiaires - Rapport du CPT - Constats - Détenus atteints de troubles mentaux - Isolement à titre de sanction - Services de santé dans les prisons - Amélioration - Surpopulation - Détention préventive - Réforme éventuelle - Activités organisées pour les détenus - Absence - Mesures

établissement pénitentiaire
détenu
régime pénitentiaire
détention provisoire
maladie mentale
soins de santé

Chronologie

12/12/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 12/1/2023)
20/2/2023Réponse

Question n° 7-1834 du 12 décembre 2022 : (Question posée en français)

Cinq ans après la publication de son dernier rapport en date sur le sujet, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), organe du Conseil de l'Europe, sort un nouveau rapport sur les conditions de détention en Belgique.

Celui-ci tire ses conclusions de quatre visites réalisées dans les prisons d'Anvers, de Lantin, de Saint-Gilles et d'Ypres en novembre 2021. Point positif, le CPT constate dans ce rapport qu'il n'a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques de détenus par le personnel pénitentiaire lors de ses visites. Il nuance par contre: «Toutefois, la violence entre détenus était un problème récurrent dans les établissements visités. Selon le rapport, ce problème était clairement lié à la surpopulation, au manque d'effectifs et à la présence insuffisante du personnel.»

De fait, la surpopulation est un problème récurrent en Belgique – en 2022, la démographie carcérale a longtemps flirté avec la barre des 11 000 détenus, alors que les établissements pénitentiaires du pays ont la capacité d'en accueillir 9 662 – et a de lourdes conséquences sur la vie des détenus. «Toutes les prisons visitées par le CPT étaient surpeuplées, problème majeur et de longue date affectant l'ensemble du système pénitentiaire belge» poursuit ainsi le Comité. En la matière, relève-t-il, «la situation la plus dramatique a été observée à la prison d'Anvers»: «En particulier, au moment de la visite, 78 hommes prévenus et douze femmes (dont deux dans l'annexe psychiatrique) devaient dormir sur des matelas à même le sol, parfois directement à côté de l'annexe sanitaire (non cloisonnée).» La délégation «a constaté que la grande majorité des détenus – en particulier les prévenus – ne se voyaient proposer pratiquement aucune activité organisée et passaient jusqu'à 23 heures par jour dans leur cellule». Par ailleurs, «les services de santé sont aussi nettement insuffisants». Dans son rapport, le Comité revient enfin sur «l'utilisation à des fins d'ordre intérieur de l'isolement à titre de sanction à l'égard des détenus atteints de troubles mentaux» et se positionne de la sorte à son sujet: «Le CPT en appelle aux autorités belges pour mettre fin à cette pratique», qualifiée «d'inacceptable».

L'ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (ou «règles Nelson Mandela des Nations unies») reprend entre autre la suivante, visant à une bonne organisation pénitentiaire et à la pratique du traitement des détenus: «l'État a la responsabilité d'assurer des soins de santé aux détenus, ceux-ci devant recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société et avoir accès aux services nécessaires sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique.»

Ces questions relèvent de la compétence du Sénat du fait de leur transversalité.

1) Allez-vous mettre fin à l'isolement à titre de sanction à l'égard de détenus atteints de troubles mentaux?

2) Quelles perspectives existe-t-il pour l'amélioration des services de santé dans les prisons?

3) Certains directeurs de prison proposent de modifier les principes encadrant la détention préventive, cause, selon eux, de la surpopulation carcérale. Quelle est votre position?

4) Pour quelle raison les détenus n'ont-ils aucune activité et sont-ils enfermés dans des cellules surpeuplées vingt-trois heures sur vingt-quatre? Quelle proposition avez-vous pour y remédier?

Réponse reçue le 20 février 2023 :

1) On peut distinguer deux types de situations:

– le placement d’un détenu en isolement dans une cellule sécurisée sans objets dont l’utilisation peut être dangereuse, comme mesure de sécurité particulière. Cette mesure peut être décidée par la direction et n’a pas le caractère d’une sanction disciplinaire;

– le confinement dans la cellule de punition comme sanction disciplinaire pour les infractions disciplinaires les plus graves. Les détenus atteints de troubles mentaux qui commettent des infractions graves ne sont pas exclus de cette éventuelle sanction disciplinaire.

La question parlementaire concerne les mesures prises par la direction de l’établissement pénitentiaire dans le cadre de la discipline ou de l’ordre et de la sécurité et non par le service médical.

Néanmoins, le service médical appelle à la prudence lors de l’application de sanctions à l’encontre de détenus souffrant de troubles mentaux et recommande au service médical de privilégier les mesures thérapeutiques.

2) Globalement, il peut être renvoyé au transfert des soins de santé pénitentiaires au service public fédéral (SPF) Santé publique, dans le cadre duquel un nouveau modèle de soins médicaux de première ligne sera déployé dans un certain nombre de prisons pilotes dès 2023.

Ces dernières années, le SPF Justice a toutefois aussi renforcé toutes les équipes soins dans les prisons, pour les détenus ayant des troubles mentaux et pour les internés, qui séjournent encore dans les sections psychiatriques des prisons.

3) J’ai déjà eu maintes fois l’occasion de le souligner: à la lecture des statistiques du Conseil de l’Europe, on constate que la Belgique est nettement au-dessus de la moyenne des autres pays européens en ce qui concerne la représentation des détenus préventifs au sein de la population pénitentiaire. Dans de telles conditions, je suis favorable à trouver des pistes de solution face à ce problème et ce via des modifications légales si c’est nécessaire.

4) Les prisons évoquées dans le rapport disposent toutes de leur propre programme de la journée et de leur propre offre. Outre les activités communes comme le préau, les activités individuelles ou de groupe, il est également prévu du travail et un accès à des activités organisées par des externes. De cette manière, le programme fixe de la journée, avec des heures supplémentaires en dehors de la cellule, peut être étoffé par un choix personnel des détenus.

Trois éléments importants ont pour effet d’empêcher que toutes les activités souhaitées puissent avoir lieu.

Premièrement, il y a le sous-effectif du personnel ou les jours de grève qui font que certaines activités proposées dans l’offre doivent être annulées.

Deuxièmement, chaque prison doit utiliser une liste d’attente pour la mise au travail. Malheureusement, tous les détenus qui souhaitent travailler ne peuvent pas être mis au travail immédiatement et ils doivent alors attendre leur tour.

Enfin, la surpopulation, combinée aux deux premiers facteurs, a également pour effet la suppression de certaines activités.