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Question écrite n° 7-1807

de Latifa Gahouchi (PS) du 25 octobre 2022

à la ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur, et des Institutions culturelles fédérales

Tunisie - Situation politique - Élections législatives de décembre 2022 - Garanties - Position de la Belgique - Action de l'Union européenne (UE) - Concertation avec les entités fédérées

Tunisie
relation bilatérale
État de droit
liberté de la presse
droits politiques
situation politique

Chronologie

25/10/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 24/11/2022)
16/11/2022Réponse

Question n° 7-1807 du 25 octobre 2022 : (Question posée en français)

La situation en Tunisie est à la fois incertaine et inquiétante.

Le 25 juillet 2021, le président tunisien, Kaïs Saïed, suspendait le Parlement et s'arrogeait les pleins pouvoirs, menaçant de ce fait l'existence même d'un modèle démocratique douloureusement bâtit.

Huit mois après cette prise de pouvoir, la dissolution pure et simple du Parlement, le 30 mars 2022, a marqué une nouvelle étape vers une dérive autoritaire.

Au premier anniversaire du coup de force de Kaïs Saïed, le 25 juillet 2022, les Tunisiens ont été appelés à s'exprimer par référendum sur la nouvelle Constitution voulue par le chef de l'État, texte qui a suscité colère, frustration et désenchantement populaires.

Marquée par une faible participation et par une écrasante victoire du «oui», cette nouvelle Constitution est en réalité un retour à celle de 1959, mais dans sa version la moins démocratique. En effet, elle offre une tournure hyper-présidentielle à la Tunisie en permettant à son président de légiférer via des décrets-lois, monopolisant ainsi les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et plaçant les contre-pouvoirs quasiment exclus de l'échiquier politique.

Outre la disparition de l'assemblée parlementaire, Kaïs Saïed a imposé d'autres mesures controversée: suppression de l'instance nationale de lutte contre la corruption, gel de l'instance supérieure indépendante pour les élections et fermeture du Conseil supérieur de la magistrature.

Vous l'aurez compris, en l'espace d'une année, Kaïs Saïed aura progressivement mis un terme à la phase de transition démocratique initiée en janvier 2011.

Force est de constater que cet accaparement total du pouvoir entre les mains du président élimine toute forme de contre-pouvoir et de dialogue social et politique.

Les organisations de la société civile, nationales et internationales, n'ont eu de cesse de souligner la fragilité du nouveau système «hyper-présidentiel» et de mettre en garde contre les risques d'un retour vers un certain autoritarisme.

À deux mois des élections législatives en Tunisie le 17 décembre 2022, je reste très préoccupée par le grave défi auquel est confrontée la transition démocratique dans ce pays, d'autant plus que la nouvelle loi électorale instaurée par le président tunisien réduit le rôle et le poids des partis politiques.

À l'instar du niveau fédéral, les entités fédérées présentent également des accords de coopération pouvant être mis à mal par l'avenir incertain de la Tunisie. C'est pourquoi je me permets d'intervenir via une question écrite car cette situation soulève de nombreuses problématiques internationales aussi pertinentes pour le niveau fédéral que régional, justifiant par ailleurs la transversalité de ces questions.

1) Qu'en est-il de l'état de notre relation avec la Tunisie? Avez-vous échangé à ce propos avec vos homologues des entités fédérées? Si oui, une position commune est-elle prévue?

2) Le climat politique tunisien a-t-il ou aura-t-il des incidences dans les différents domaines de coopérations que nous entretenons avec la Tunisie?

3) Une délégation tunisienne, en mission dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU) qui se tiendra prochainement devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève, entreprenait durant ce mois d'octobre 2022 une série rencontres avec les différentes autorités de notre pays. Avez-vous pu les rencontrer? Dans l'affirmative, quelle a été la nature de vos échanges?

4) Quelles recommandations compte adresser la Belgique, en concertation avec les entités fédérées, afin de garantir la liberté de la presse, l'état de droit et le pluralisme politique en Tunisie, notamment en prévision du prochain Examen périodique universel auquel sera soumis le pays en novembre 2022?

5) Quelles réflexions sont menées au niveau de l'Union européenne (UE) pour soutenir les aspirations démocratiques du peuple tunisien?

6) Des contacts sont-ils pris à tous les niveaux de pouvoir afin de veiller à ce que l'Union européenne poursuive par la voie diplomatique des actions concrètes en vue d'assurer la tenue d'élections législatives exemptes de toute corruption?

7) Quel est votre point de vue sur une éventuelle procédure de sanction à l'encontre du président tunisien?

Réponse reçue le 16 novembre 2022 :

Les relations entre la Belgique et la Tunisie sont étroites à tous les niveaux. Les relations humaines, économiques et culturelles sont développées comme avec nos autres partenaires d’Afrique du Nord.

La Tunisie est l’hôte les 19 et 20 novembre 2022 du dix-huitième Sommet de la Francophonie (précédé d’une réunion ministérielle le 18 novembre).

Nos relations bilatérales sont intenses. Les échanges avec les entités fédérées sur la Tunisie – comme sur d’autres pays – font partie du dialogue habituel entre instances politiques belges. La Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), membre de plein droit de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au même titre que la Belgique, participera, elle aussi, à la Ministérielle et au Sommet.

Mes services et moi-même suivons avec grande attention l’évolution de la situation politique en Tunisie qui, je l’espère tout comme vous, ne devrait pas avoir d’incidence négative sur nos domaines de coopération.

Je n’ai pas pu m’entretenir personnellement avec la délégation tunisienne à laquelle vous faite référence mais les services du service public fédéral (SPF) Affaires étrangères ont pu rencontrer fin septembre une délégation tunisienne de défenseurs et défenseuses des droits humains et rapport m’en a été fait. Les échanges ont porté sur la situation des droits des femmes, sur la situation dans le secteur de la justice et en général sur la situation des libertés en Tunisie.

Plusieurs de ces points trouveront leur reflet dans les recommandations qui seront présentées par la Belgique lors de l’Examen périodique universel auquel la Tunisie participera en novembre: les garanties à liberté de manifestation et d’expression, le renforcement de l’indépendance judiciaire et l’abandon de la criminalisation de l’adultère et des rapports sexuels entre personnes de même sexe feront parties des points abordés.

La situation en Tunisie est l’objet de discussions au sein des institutions européennes. La Belgique prend part à tous ces débats.

Comme dans tous les débats analogues à propos de l’éventualité de sanctions, il faut être sûr que leur impact ne soit pas principalement négatif pour la population et ne bloque pas toute possibilité de dialogue, alors que la situation internationale et régionale reste si délicate.