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Question écrite n° 7-1658

de Maud Vanwalleghem (CD&V) du 2 juin 2022

au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Guerre en Ukraine - Crimes de guerre - Enquêtes et poursuites - EUAM Ukraine - Cour pénale internationale - Eurojust - Commission d'enquête du Conseil des droits de l'homme des Nations unies - Soutien de la Belgique

guerre
Ukraine
crime contre l'humanité
Cour pénale internationale
Eurojust
Conseil des droits de l'homme ONU
crime de guerre
collecte de données

Chronologie

2/6/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 7/7/2022)
8/9/2022Réponse

Question n° 7-1658 du 2 juin 2022 : (Question posée en néerlandais)

Justification du caractère transversal de la question écrite : la Justice est essentiellement une matière fédérale. En outre, les entités fédérées sont compétentes pour les relations européennes et internationales ainsi que pour les domaines de la recherche scientifique qui sont de leur ressort.

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine nous parviennent des images et des témoignages horribles sur de possibles crimes de guerre commis en Ukraine. Les crimes de guerre sont des infractions et contreviennent au droit international. Les parties qui ne se conforment pas aux règles fondamentales de la guerre peuvent être traduites devant la Cour pénale internationale de La Haye. Mais, pour cela, il faut pouvoir réunir des preuves en quantité suffisante.

Le 13 avril 2022, le Conseil européen a modifié le mandat de la mission de conseil de l'Union européenne (UE) sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) de manière à ce que la mission EUAM Ukraine puisse aider les autorités locales à enquêter sur de possibles crimes de guerre et à engager des poursuites. Cette mission travaillera aussi en étroite collaboration avec la Cour pénale internationale et Eurojust, ainsi qu'avec les États membres qui apportent un soutien direct dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes de guerre en Ukraine.

Le 6 mai 2022, le Conseil européen a approuvé un mandat pour négocier de nouvelles règles permettant à Eurojust, entre autres choses, de stocker et de gérer les preuves liées aux crimes de guerre et de traiter et d'analyser ces preuves en étroite collaboration avec Europol.

Je souhaiterais poser les questions suivantes :

1) De quelle manière la Belgique soutient-elle l'enquête menée par la Cour pénale internationale, Eurojust et la commission d'enquête mise en place par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies dans le but d'examiner si des crimes de guerre ont été commis en Ukraine durant ce conflit ?

2) De quelle manière notre pays contribue-t-il, directement ou indirectement, à la mission de conseil de l'Union européenne (UE) sur la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM Ukraine) ?

3) La Belgique met-elle des experts à disposition afin de soutenir la réalisation de l'enquête par la Cour pénale internationale et Eurojust ? Dans l'affirmative, quel est le profil de ces experts ?

Réponse reçue le 8 septembre 2022 :

Remarque préliminaire:

Comme relevé dans la question, celle-ci est éminemment transversale et touche aux compétences de plusieurs départements fédéraux, ressortant essentiellement des Affaires étrangères, de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense.

La réponse formulée ne se limite pas aux aspects relevant strictement de la compétence de la Justice, mais il est à souligner que la coordination interdépartementale sur ces matières est généralement pilotée par les Affaires étrangères.

Enfin, il convient de se rappeler que ces problématiques font l’objet de discussions constantes au sein des instances nationales, régionales et internationales depuis l’éclatement du conflit en Ukraine, si ce n’est avant, et qu’il faut donc comprendre cette réponse comme s’inscrivant dans un cadre en évolution.

1) & 3) a. Quant à l’enquête du Bureau du procureur de la Cour pénale internationale

Par note verbale du 7 mars 2022, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a lancé un appel aux États parties au Statut de Rome en vue d’obtenir leur assistance, y compris par la mise à disposition d’experts nationaux détachés et de contributions financières volontaires. L’objectif est de répondre à ses besoins urgents en ressources et de lui permettre de traiter efficacement toutes les situations actuellement sous enquête ou en phase de procès.

Le Conseil des ministres restreint du 22 avril 2022 a décidé de verser une contribution volontaire de 500 000 euros sur le Fonds d’affectation spéciale ouvert par le procureur à cet effet. Une décision de principe a également été prise par le Conseil des ministres restreint quant à l’envoi d’une équipe de la police judiciaire fédérale en Ukraine.

La Belgique fait partie d’un petit groupe d’une dizaine d’États qui ont manifesté leur intention de mettre du personnel à disposition du Bureau du procureur de la CPI et qui sont, à cette fin, en concertation étroite et continue avec le Bureau du procureur de la CPI.

Le Bureau du procureur de la CPI propose un modèle de rotation par périodes de quatre à cinq semaines des équipes mobiles des pays intéressés, où la CPI, en coordination avec le Bureau du procureur général de l’Ukraine, assurerait la permanence et l’aspect opérationnel sur le terrain (par zone, selon les priorité de l’enquête et le contexte sécuritaire). Idéalement, chaque pays participant fournirait des petites équipes de six à huit personnes par rotation à laquelle il participe.

Il est apparu qu’à ce stade la coopération d’experts en matière d’identification des victimes, comme initialement envisagé, ne figurait pas parmi les profils prioritairement demandés par la CPI. La liste des profils recherchés comprend des spécialistes en matière d’enquêtes sur les scènes de crime (Crime Scene Investigation – CSI), d’élimination des explosifs et munitions (Explosive Ordnance Disposal), de balistique, d’aérien et photographie, ainsi de dommages économiques.

Parmi ces profils, seul celui de «Crime Scene Investigation» (CSI) peut être trouvé au sein de la police judiciaire fédérale, où des volontaires ont pu être identifiés. Les derniers aspects restant à régler (assurances, budget, sécurité) avant un éventuel déploiement sont en voie d’être solutionnés. Le personnel volontaire de la police judiciaire fédérale devrait donc bientôt se tenir à la disposition du Bureau du procureur de la CPI pour participer à une rotation telle que proposé par ce dernier.

Par ailleurs, le Bureau du procureur de la CPI a la possibilité, à l’instar des autres organes de cette juridiction, de solliciter la coopération de la Belgique en application du chapitre IX du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et du titre II de la loi du 29 mars 2004 concernant la coopération avec la Cour pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux.

À cet égard, il peut être souligné que la coopération judiciaire de la Belgique avec la CPI est souvent citée à titre d’exemple par les organes de la CPI eux-mêmes, ainsi que d’autres juridictions ou mécanismes pénaux internationaux, et que la Belgique en est régulièrement remerciée.

b. Quant à Eurojust

Dans le cadre des activités organisées par Eurojust, le parquet fédéral a participé à toutes les réunions de coordination relatives à la coopération internationale à mettre en place avec le procureur général d’Ukraine, la Cour pénale internationale et les autres pays européens, en vue, notamment, de récolter des preuves que les réfugiés ukrainiens possèderaient concernant de possibles crimes de guerre commis en Ukraine depuis le début du conflit.

c. Quant à la commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU)

Cette commission peut solliciter la coopération des autorités belges sur le fondement du titre VIquinquies de la loi du 29 mars 2004 concernant la coopération avec la Cour pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux.

Il ne fait aucun doute que les autorités compétentes sauront mettre leur expertise et leur savoir-faire à la disposition de cette Commission d’enquête, comme c’est le cas dans toute situation dans laquelle leur coopération est requise.

2) En avril 2022, les États membres de l’Union européenne (UE) ont confié de nouvelles tâches à l’European Union Advisory Mission Ukraine (EUAM Ukraine). Tout en continuant à soutenir les autorités ukrainiennes dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité civile, l’EUAM Ukraine apporte désormais également un soutien à celles-ci pour faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux crimes internationaux commis dans le cadre du conflit armé en Ukraine. Ce soutien se matérialisera par des conseils stratégiques, ainsi que par l’allocation de fonds ou la fourniture d’équipements.

Dans le cadre de la gestion civile des crises, la Belgique détache actuellement deux experts auprès de l’EUAM Ukraine, à savoir un «monitoring and evaluations officer», détaché par le service public fédéral (SPF) Affaires étrangères, et un «Senior Advisor on Attorneyy reform», détaché par le SPF Justice. En raison du nouveau paquet de tâches, la mission subit également actuellement une modification partielle des profils de personnel et d’expertise présents au sein de la mission. Depuis la Belgique, un effort proactif conjoint est en cours pour renforcer encore le contingent belge au sein de l’EUAM Ukraine.