Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 7-1593

de Rik Daems (Open Vld) du 5 mai 2022

au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Apple AirTag - Vie privée - Problème de traçage - Risques - Problèmes de sécurité - Cas de harcèlement - Plaintes - Chiffres et tendances - Lutte - Réglementation européenne

télécommunication sans fil
protection de la vie privée
harcèlement (stalking)
logiciel
traçabilité

Chronologie

5/5/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/6/2022)
22/6/2022Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1594
Aussi posée à : question écrite 7-1595

Question n° 7-1593 du 5 mai 2022 : (Question posée en néerlandais)

Ces derniers mois, certaines personnes ont été prises de panique après avoir découvert que des AirTags d'Apple avaient été placés dans leurs sacs ou sur leurs véhicules. Elles craignaient d'être suivies ou harcelées. Une mannequin a déclaré en avoir trouvé un dans la poche de sa veste après s'être rendue dans un bar à Manhattan. Toutes ces personnes ont reçu un avertissement sur leur iPhone, une fonction qu'Apple a intégrée dans le système de l'AirTag pour prévenir le traçage non désiré (cf. https://www.nytimes.com/2021/12/30/technology/apple airtags tracking stalking.html).

Un AirTag est un petit disque d'environ 3 cm de diamètre, équipé d'un dispositif de localisation, qu'Apple a commencé à commercialiser en 2021 en le présentant comme un outil permettant de «suivre ses affaires». Il permet de retrouver plus rapidement des objets tels que des clés.

Car l'AirTag n'est pas seulement visible sur l'iPhone de son utilisateur mais aussi sur les iPhone et iPads d'autres personnes. Lorsqu'un de ces appareils détecte un AirTag, il en signale la localisation au réseau Localiser d'Apple. Cela se fait de manière anonyme et automatique. Cela permet de retrouver également ses clés en dehors de son habitation : il suffit qu'une personne équipée d'un iPhone se soit trouvée récemment à proximité de votre AirTag pour que vous puissiez demander sa localisation actuelle via votre application Localiser (cf. https://www.trouw.nl/opinie/apple s airtag is een surveillance netwerk waar je ongevraagd aan deelneemt~bec911fb/).

Au cours des derniers mois, certaines personnes ont placé des messages sur TikTok, Reddit et Twitter pour signaler avoir découvert des AirTags dans leurs voitures ou leurs objets personnels. On commence à craindre que ces appareils ne favorisent une certaine forme de harcèlement, ce que certaines organisations défendant le respect de la vie privée avaient déjà prévu lorsqu'Apple a mis ces appareils sur le marché en avril 2021.

Les chercheurs pensent maintenant que les AirTags, qui sont équipés de la technologie Bluetooth, pourraient être révélateurs d'un problème largement répandu de traçage par des moyens technologiques. Ils émettent un signal numérique qui peut être détecté par les appareils dotés du système d'exploitation d'Apple. Ces appareils indiquent ensuite l'endroit où un AirTag a été vu pour la dernière fois.

Cependant, selon ces mêmes experts, les Airtags constituent une menace «sans précédent et nuisible» puisque l'omniprésence des produits Apple permet une surveillance étroite des déplacements des personnes.

Aux États-Unis, une femme a ainsi découvert un AirTag dissimulé sous la plaque minéralogique de sa voiture. Lorsqu'elle a regardé l'historique de la localisation de l'AirtTag, elle a pu voir le trajet (y compris les arrêts) qu'elle avait parcouru au cours des dernières heures. L'inquiétant est donc que le propriétaire de l'AirtTag a lui aussi pu prendre connaissance de ce trajet.

En ce qui concerne le caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Cette question concerne dès lors une matière transversale, dont la compétence est partagée avec les Régions, celles-ci intervenant surtout dans le volet préventif.

Je souhaiterais donc poser les questions suivantes.

1) Dans combien de cas de harcèlement signalés depuis 2021 a-t-on constaté l'utilisation d'AirTags d'Apple ? De combien de plaintes s'est-il agi au total ? De quelles sanctions les auteurs ont-ils écopé ? Les AirTags d'Apple ont-ils également été mis en relation avec d'autres types de délits ? Si oui, lesquels et combien ?

2) Quels autres risques associez-vous à la diffusion actuelle de l'AirTag dans la société belge ? Pouvez-vous détailler votre réponse ? Selon vous, les AirTags d'Apple et le Bluetooth présentent-ils des risques sans précédent ?

3) Pensez-vous que l'existence du réseau Localiser soit contraire à l'actuelle législation sur le respect de la vie privée ? Si oui, quelles actions cette conclusion vous inspire-t-elle ? Si non, pourquoi ?

4) Êtes-vous disposé(e) à aborder à l'échelon de l'UE la manière de réglementer l'utilisation de l'AirTag et de technologies similaires ? Si oui, pouvez-vous dire dans quel délai cette question sera abordée ? Quels éléments souhaiteriez-vous mettre sur le tapis ? Si non, pour quelles raisons ?

5) De quelles autres manières comptez-vous investir dans la prévention du harcèlement par des moyens technologiques tels que l'AirTag dans notre société ? De quelle manière comptez-vous investir dans l'aide aux victimes de harcèlement par des moyens technologiques tels que l'AirTag ?

6) Dans quelle mesure nos services (de sécurité) ont-ils déjà connaissance des problèmes de sécurité que pose l'AirTag ? A-t-on déjà enregistré des signalements à ce propos ? Si oui, combien ? Les services de sécurité sont-ils, selon vous, autorisés à utiliser ces produits tant dans un cadre professionnel que dans un cadre privé ?

7) Comment les autorités publiques peuvent-elles intervenir face à ce risque ? Comment peut-on informer au mieux les utilisateurs de ce risque ? Que peut-on faire soi-même pour réduire ce risque ?

8) Des réglementations sont-elles en préparation au sujet de ces appareils ? Si oui, pourquoi et quelle en est la teneur ? Si non, pourquoi ?

Réponse reçue le 22 juin 2022 :

1) Il ne nous est pas possible d’apporter une réponse à la question portant sur les cas de harcèlement dans lesquels un AirTag ou tout système similaire a été utilisé. En effet, le système informatique des parquets correctionnels ne permet pas de spécifier s’il y a eu recours à un tel appareil. Fournir des informations globales sur les dossiers de harcèlement donnerait une image complètement erronée de la problématique exposé.

2) Outre les applications malveillantes déjà évoquées dans votre question, il existe également des risques liés à la cybersécurité des utilisateurs d’AirTags. Ces risques ne sont pas propres à ces objets en particulier, mais concernent en réalité tous les objets connectés. L’utilisation d’un AirTag fait partie de la problématique générale de l’Internet des objets, qu’il serait utile, à l’avenir, d’encadrer juridiquement. Les principes de privacy by design et par défaut insérés dans le règlement général sur la protection des données (RGPD) marquent un premier jalon de ce cadre juridique, mais il sera nécessaire de réglementer les différents aspects de ce sujet, comme par exemple celui de la responsabilité du créateur, de l’utilisateur, etc.

3) D’après ce que j’en sais, il s’agit d’ un système qui utilise un cryptage de bout en bout tout en transmettant des données anonymisées pour garder l’emplacement de l’appareil connu du seul utilisateur tout en gardant l’identité et l’emplacement privés lorsqu’un appareil actif est utilisé sur le réseau Find My. Selon Apple, ni l’utilisateur ni un tiers ne peuvent accéder à l’emplacement des appareils de l’utilisateur sur le réseau Find My. Seule la personne recherchant l’appareil perdu peut voir l’emplacement de l’objet. Sur la base de ces explications, et sans tenir compte d’une utilisation malveillante de l’AirTag, la législation sur la vie privée est donc bien respectée.

4) Comme expliqué dans ma réponse à la seconde question, je pense que la problématique des objets connectés mérite d’être examinée, dans sa globalité et non en se concentrant uniquement sur l’AirTag. Cela doit se faire au niveau européen. Les points de discussion devront comprendre, notamment, la protection des données à caractère personnel (privacy par design et par défaut), la responsabilité, les finalités d’utilisation et les aspects techniques (connectivité, réseaux, etc.).

5) Pour répondre à cette question, il faut effectivement connaître le nombre de cas dans lesquels des AirTags ont été utilisés pour des faits de harcèlement. Pour cela, il faut que les personnes portent plainte pour harcèlement en indiquant bien la méthode utilisée.

6) Il y a lieu d’interroger ma collègue, Annelies Verlinden, ministre de l’Intérieur.

7) En tout état de cause, il est important d’informer et sensibiliser les particuliers aux risques d’usage malveillant de telles applications, conçues au départ pour aider les gens à retrouver leurs effets personnels et non pas pour pister les personnes ou les biens d’autrui.

Toute personne victime de ce phénomène doit déposer une plainte auprès de la police. S’il s’avère qu’il existe une tendance la police pourrait entreprendre des campagnes de prévention et de sensibilisation à l’attention des usagers de telles applications. En outre, il est important que tous les acteurs économiques travaillent à renforcer la protection des utilisateurs contre le pistage. Apple a ainsi identifié de nouvelles façons d’émettre des alertes de sécurité AirTag.

8) Je vous invite à interroger mon collègue en charge de l’Économie, Monsieur Pierre-Yves Dermagne.