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Question écrite n° 7-1485

de Tom Ongena (Open Vld) du 4 février 2022

au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord

Passeports - Contrefaçon - État islamique - Vol d'identité - Vie privée - Chiffres et tendances

passeport
terrorisme
protection des données
Turquie
Ouzbékistan
document officiel
fraude
statistique officielle
contrefaçon

Chronologie

4/2/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 10/3/2022)
10/5/2022Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1486
Aussi posée à : question écrite 7-1487

Question n° 7-1485 du 4 février 2022 : (Question posée en néerlandais)

Une enquête menée par le journal «The Guardian» a révélé que depuis la chute de l'État islamique (EI), le nombre de faux passeports a fortement augmenté (cf. https://www.theguardian.com/world/2022/jan/31/revealed-how-fake-passports-allow-is-members-to-enter-europe-and-us). Une industrie en ligne en plein essor, spécialisée dans les faux passeports munis de visas officiels et tampons de voyage, offre aux personnes ayant des liens avec l'État islamique la possibilité de quitter la Syrie et de se rendre au Royaume-Uni, dans l'Union européenne, au Canada et aux États-Unis.

Cette enquête a abouti à un citoyen ouzbek spécialisé dans ce domaine, dont les affaires se portent si bien qu'il a récemment ouvert une nouvelle chaîne sur l'application de messagerie cryptée Telegram, et à laquelle il a donné le nom à consonance officielle «Istanbul Global Consulting». Ce commerce florissant fait redouter que de dangereux extrémistes puissent se rendre dans le monde entier en passant sous le radar des services de sécurité, n'aient pas à répondre de leurs crimes passés et poursuivent peut-être leurs activités terroristes dans d'autres pays que la Syrie.

En 2015, des agents de sécurité occidentaux ont signalé que l'EI avait réussi à mettre la main sur des équipements clés, tels que des carnets de passeport vierges et des imprimantes, pour fabriquer des passeports syriens et irakiens. L'EI a utilisé ces passeports pour changer l'identité de ses combattants, et leur permettre de passer inaperçus parmi le million de personnes et plus qui ont fui vers l'Europe au plus fort de la crise des réfugiés.

L'Ouzbek a envoyé plusieurs vidéos pour vanter sa marchandise, notamment des passeports neufs français, belges, bulgares et russes semblant comporter des filigranes et des hologrammes de sécurité authentiques. Deux passeports russes contenaient un matériau sensible aux UV conçu pour en empêcher la falsification. Un passeport belge placé sur un scanner similaire à ceux utilisés dans les aéroports s'est avéré parfaitement lisible, faisant apparaître sur le moniteur les détails de son titulaire.

Le vendeur ouzbek propose également d'autres services : pour s'assurer qu'une personne disparaît complètement, il peut même fournir, pour 500 $, un acte attestant d'un décès en Turquie, qui pourra ensuite être envoyé au consulat du pays d'origine du client.

L'acheteur d'un passeport falsifié peut choisir entre différentes options correspondant à son origine ethnique, aux langues qu'il parle, à sa destination et au montant qu'il est prêt à dépenser.

L'option la plus chère est le passeport européen, qui coûte 8 000 $. Il est généralement demandé par des Occidentaux et des Arabes qui parlent un peu le français et qui peuvent se faire passer pour un Français ou un Belge. En général, un citoyen de l'UE arrive en Turquie avec son propre passeport et le vend pour environ 2 500 € à l'Ouzbek et à ses collègues, qui remplacent la photo d'identité par celle du client. Le propriétaire du passeport original prétend alors qu'il l'a perdu, et en demande un nouveau à son consulat à Istanbul.

Les passeports sont imprimés dans le pays d'origine et emmenés dans le pays où le client attend, où ils reçoivent des tampons officiels, ce qui augmente la légitimité du document.

En ce qui concerne le caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Cette question concerne dès lors une matière transversale partagée entre l'autorité fédérale et les Régions, celles-ci intervenant surtout dans le volet préventif.

Je voudrais dès lors poser les questions suivantes au ministre :

1) Combien de cas de faux passeports ont été signalés en Belgique au cours des cinq dernières années ? De quels pays ces passeports provenaient-ils ? Quel est le profil de la plupart de ces personnes ? Pouvez-vous donner un aperçu détaillé, ventilé par pays et par lieu où ces personnes ont été arrêtées ?

2) Combien de ces personnes étaient des combattants syriens ou affiliés à des groupes liés à l'EI ? Quelles sont les sanctions auxquelles ils peuvent s'attendre ?

3) Existe-t-il des données sur des faux passeports belges retrouvés dans un pays quelconque, et combien y en a-t-il eu au cours des cinq dernières années ? Y a-t-il des tendances à noter ? Dans quels pays ces contrefaçons sont-elles fabriquées ? Merci d'étayer votre réponse.

3) A-t-on démantelé des ateliers d'impression de faux passeports dans notre pays ? Si oui, combien y en avait-il et où se trouvaient-ils exactement ? Combien de faux passeports ont été saisis et quels étaient les profils des auteurs ? Comment les personnes en question se sont-elles procuré le matériel d'impression ? Quelles sanctions encourent-elles ?

4) Quel est le degré de sécurité de nos empreintes digitales et autres données biométriques en cette période de falsification de plus en plus sophistiquée de passeports ?

5) Des mesures supplémentaires ont-elles déjà été prises pour rendre nos propres passeports encore plus sûrs face aux pratiques susmentionnées ? Si oui, merci de répondre par des éléments concrets.

5) Dans quelle mesure des pays comme la Turquie et l'Ouzbékistan jouent-ils un rôle dans la fabrication ou la délivrance de faux passeports (comme mentionné dans l'article) ? Pourriez-vous donner un commentaire précis ?

6) Combien de signalements de contrefaçons de certificats de décès ont été recensés au cours des cinq dernières années ? Pouvez-vous citer les principaux pays de provenance de ces documents frauduleux ? Y a-t-il des tendances à noter ?

7) Combien de personnes munies de faux passeports, qui se sont avérées par la suite avoir la nationalité belge, ont été arrêtées au cours des cinq dernières années ? Pourriez-vous si possible donner des statistiques à la fois au niveau national et international. Quels profils avaient généralement ces personnes et combien d'entre elles étaient actives au sein des milieux terroristes ?

Réponse reçue le 10 mai 2022 :

1) Concernant la réponse à cette question, il est renvoyé à la réponse de la ministre de l’Intérieur à qui elle a également été posée.

2) Concernant la première partie de la réponse à cette question, il est renvoyé à la réponse de la ministre de l’Intérieur à qui elle a également été posée.

En ce qui concerne les sanctions, le ministère public ne peut pas déterminer le nombre précis d’affaires de terrorisme fédérales (en rapport avec la question syrienne) dans lesquelles de faux passeports ont été utilisés.

Les infractions concernant l’organisation responsable de la délivrance et de la fabrication de ces documents ne sont pas traitées par la section terrorisme du parquet fédéral.

Toutefois, les infractions concernant les faux passeports utilisés ou sponsorisés par les FTF (Foreign Terrorist Fighters) feront de manière générale l’objet de poursuites avec les infractions de terrorisme à l’encontre de ces FTF.

En règle générale, ils seront condamnés à une seule peine, conformément à l’article 65 du Code pénal, selon que les infractions commises sont de nature terroriste.

3) Concernant la réponse à cette question, il est renvoyé à la réponse de la ministre de l’Intérieur à qui elle a également été posée.

4) Cette question est de la compétence du ministre des Affaires étrangères. De plus, l’OCAM précise que, depuis les attentats de 2016, aucun renseignement n’a été reçu qui indique l’utilisation de l’impression de faux passeports par des extrémistes ou terroristes. L’OCAM a toutefois connaissance du fait que durant la période 2015-2016, des terroristes ont utilisé dans notre pays de faux documents d’identité belges. De tels réseaux clandestins de production de documents d’identité n’étaient pas, en tant que tels, nécessairement inspirés par l’extrémisme, mais ils procuraient de faux documents d’identité à quiconque payait pour ceux-ci (approche purement criminelle).

5) Concernant la réponse à cette question, il est renvoyé à la réponse de la ministre de l’Intérieur à qui elle a également été posée.

6) & 7) Le ministère public ne peut pas déterminer le nombre précis d’affaires de terrorisme fédérales (en rapport avec la question syrienne) dans lesquelles de faux passeports ont été utilisés. L’Autorité centrale de l’État civil du service public fédéral (SPF) Justice n’est pas compétente en matière pénale (faux en écriture et usage de faux) et ne dispose donc pas de données à ce sujet.

Aucun cas de faux acte de décès n’a été signalé à l’OCAM au cours des cinq dernières années.