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Question écrite n° 7-1396

de Tom Ongena (Open Vld) du 27 octobre 2021

à la ministre de l'Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique

Drones - Police - Espionnage - Acteurs étrangers - Vie privée - Chiffres et tendances

statistique officielle
drone
espionnage
Chine
protection de la vie privée
protection des données
autorisation de vente
sensibilisation du public

Chronologie

27/10/2021Envoi question (Fin du délai de réponse: 25/11/2021)
25/11/2021Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1395

Question n° 7-1396 du 27 octobre 2021 : (Question posée en néerlandais)

Il ressort d'une étude de la plateforme Investico que les drones utilisés par le Rijkswaterstaat et la police néerlandais sont très peu fiables quant à la sécurité des données (https://amp.nos.nl/artikel/2399774 chinese drones van nederlandse politie en rijkswaterstaat mogelijk onveilig.html?__twitter_impression=true&s=08).

Ces drones sont en effet fabriqués en Chine. Dans de nombreux cas, ils seraient capables de transmettre secrètement des données aux autorités chinoises. Selon certains communiqués, il serait possible, via des 'portes dérobées' ('backdoors'), d'installer un logiciel sur les téléphones des utilisateurs du drone.

Ces soupçons ont suffi pour que le ministère néerlandais de la Défense n'utilise plus les drones produits par l'entreprise chinoise Da Jiang Innovations (DJI). Il arrive en effet souvent que les données ne soient pas protégées. Bien que l'entreprise prétende le contraire et cite différentes études concluant que les données des drones sont bel et bien sécurisées, les experts néerlandais de la sécurité affirment qu'il n'en est rien.

Les images filmées par ces drones sont envoyées vers des serveurs dont on ne connaît pas toujours l'origine. La police admet qu'elle ne peut garantir que les images n'arrivent pas sur des serveurs chinois. Cela a des implications importantes: conformément à la législation chinoise, la société concernée, DJI, doit toujours être en mesure de mettre les données à la disposition des autorités chinoises. Selon The Hague Centre for Strategic Studies, qui étudie les drones et la sécurité des données, les inquiétudes pour la sécurité sont donc justifiées.

C'est pourquoi ce centre estime qu'il est également risqué que des organisations sensibles utilisent des systèmes technologiques qu'elles n'ont pas elles-mêmes conçus. La Chine est tout particulièrement un concurrent stratégique dont les conceptions idéologiques et les intérêts économiques sont diamétralement opposés aux nôtres. Cela signifie qu'elle n'est pas forcément animée des meilleures intentions à l'égard de ses clients occidentaux.

Il y a quelque temps, la Chine a déjà été exclue de l'installation des réseaux 5G en divers endroits d'Europe. En septembre encore, la Lituanie appelait à jeter les smartphones chinois. Un logiciel de censure serait installé sur certains modèles, de même que des 'portes dérobées' qui mettraient en péril la sécurité.

En ce qui concerne le caractère transversal de la question: les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Cette question concerne dès lors une compétence régionale transversale, les Régions intervenant surtout dans le volet préventif.

Je souhaiterais donc poser les questions suivantes.

1) Nos services de sécurité, notre police ou d'autres services utilisent-ils actuellement des drones de la marque chinoise 'Da Jiang Innovations'? Si tel est le cas, a-t-on conscience du risque sécuritaire inhérent à ces appareils? De combien de drones s'agit-il précisément? Nos services de sécurité se sont-ils déjà débarrassés des appareils incriminés? Si non, nos services utilisent-ils des drones ou d'autres équipement fabriqués par des firmes chinoises similaires?

2) Projette-t-on d'acheter à l'avenir des drones ou d'autres appareils de fabrication chinoise pour nos services publics ou de sécurité? Si tel est le cas, pourquoi envisage-t-on encore l'acquisition d'appareils chinois alors que l'on sait qu'ils présentent un risque pour notre sécurité?

3) Les drones susmentionnés sont-ils encore en vente libre en Belgique? Attire-t-on suffisamment l'attention sur le risque sécuritaire qui y est lié? Des règles à ce sujet sont-elles en préparation? En quoi consistent-elles et comment veillera-t-on à leur application?

4) Nos services de sécurité, services publics ou d'autres instances utilisent-ils d'autres appareils encore dont les images ou données sont envoyées vers des serveurs dont la localisation est inconnue ou qui se situent dans des pays comme la Chine et la Russie?

5) Nos services de sécurité ou d'autres services utilisaient-ils précédemment des appareils qui, pour les raisons susmentionnées, ont été mis hors service? Si oui, de quels appareils s'agit-il? Quel est leur nombre? Quels sont les services concernés?

6) Nos services de sécurité, notre police ou d'autres services consultent-ils une check-list de sécurité avant d'acheter de nouveaux appareils de ce type? Si non, pourquoi ces check-lists n'existent-elles pas encore? Si oui, contiennent-elles des critères relatifs aux appareils en provenance de Chine?

7) Dans quelle mesure l'emploi de drones chinois constitue-t-il un risque non seulement pour les services de sécurité et l'appareil de l'État, mais aussi pour des services et entreprises chargés de la gestion du fonctionnement structurel du pays (centrales nucléaires, centrales électriques, routes et circulation, aéroports, etc.)? Ces services et entreprises ont-ils déjà été informés des dangers que présente l'utilisation de tels drones? Pour quelle raison ont-ils été informés ou pas?

8) Quelle est l'ampleur du risque lié aux drones susmentionnés pour le consommateur moyen? Est-il nécessaire de mener une campagne d'information à ce sujet? Comment le consommateur moyen peut-il se prémunir?

9) Les détaillants belges ont-ils déjà été informés des risques sécuritaires liés à l'utilisation de ces drones? Pour quelle raison ont-ils été informés ou pas? Peut-on interdire la vente de ces appareils à court, moyen et long terme? Pour quelle raison peut-on l'interdire ou pas?

Réponse reçue le 25 novembre 2021 :

1) Sur les 114 drones immatriculés appartenant à l'État, 85 sont de la marque DJI, soit 75 %. En ce qui concerne les drones de la Sécurité civile, les données provenant des caméras ou autres payloads sont stockées localement et non pas via un cloud (chinois ou non). Les données de vol sont réceptionnées au moyen d'une tablette sur laquelle est installée une application du fabricant DJI, mais cette tablette est uniquement utilisée à cette fin et ne contient aucun autre logiciel de sorte qu'aucune autre information n'est accessible. La tablette se connecte via la 4G et directement à Internet. La tablette n'a donc pas accès au réseau de l'entreprise.

La flotte de drones utilisés par la Police Fédérale est enregistrée sur la liste des drones d’états compte 18 drones de la marque chinoise DJI, et 1 drone d’une autre marque chinoise. De plus, 2 télécommandes de marque DJI sont utilisées pour le contrôle de deux drones de fabrication européenne. Tous ces appareils, ainsi que leurs caractéristiques, sont enregistrés dans la liste de drones dits « d’État », tenue par le Service public fédéral (SPF) Intérieur.

Les risques liés à l’utilisation de drones DJI, et plus généralement des drones de fabrication chinoise, font actuellement l’objet d’une évaluation au sein de la Police Fédérale. Dans ce cadre, des contacts ont été pris avec les services de renseignement belges.

Selon les résultats intermédiaires de l’analyse de risque, il n’est pas nécessaire pour l’instant de mettre complètement hors service ces appareils, mais des mesures techniques spécifiques seront prises à très court terme pour atténuer les risques, et particulièrement la sauvegarde des données de vol (coordonnées géographiques, photographies, enregistrements vidéo) exclusivement dans l’espace de stockage interne du drone, tandis que l’utilisation des services « Cloud » du fabriquant sera rigoureusement exclue. D’autre part, il apparaît déjà que certaines missions sensibles ne pourront plus être effectuées au moyen de drones de fabrication chinoise.

2) Chaque achat est effectué sur la base d'un cahier des charges dans lequel tous les aspects sont examinés, dont la sécurité. Aucun achat ne sera fait auprès d'un fournisseur qui ne répond pas aux exigences en la matière.

La livraison de cinq drones supplémentaires de marque DJI est prévue prochainement au bénéfice de différents services de la Police Fédérale. Une évaluation est en cours pour vérifier s’il est possible de remplacer l’achat planifié d’un de ces drones DJI par l’achat d’un drone équivalent de fabrication européenne, et d’ensuite comparer les qualités et les capacités de cet appareil avec les drones chinois.

Plus largement, la Police Fédérale a entamé l’élaboration d’une politique d’utilisation des drones qui rassemblera les bonnes pratiques développées suite aux expériences opérationnelles et techniques acquises par différents services, et qui ne manquera pas d’intégrer les conclusions de l’évaluation des risques mentionnée au point 1 dans les critères de choix du matériel et dans les procédures opérationnelles.

3) Les drones de la marque DJI sont encore en vente libre. Leur part sur le marché de la consommation atteint même 94 %.

4) Depuis l'instauration du RGPD, les cahiers des charges reprennent systématiquement une clause relative au stockage de données en dehors de l'UE. Les données de vol des drones ne constituent pas des données à caractère personnel, mais la clause RGPD protège également contre d'autres violations de la sécurité des données.

5) Non.

6) Depuis l'instauration du RGPD, les cahiers des charges reprennent systématiquement une clause relative au stockage de données en dehors de l'UE. Les données de vol des drones ne constituent pas des données à caractère personnel, mais la clause RGPD protège également contre d'autres violations de la sécurité des données.

7-8-9) Cette question parlementaire ne relève pas de mes compétences, mais de celles du vice-premier ministre et ministre de l'Économie et du Travail.