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Question écrite n° 6-903

de Johan Verstreken (CD&V) du 20 avril 2016

au vice-premier ministre et ministre de la Coopération au développement, de l'Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste

Cisjordanie - Projets et structures financés par l'Union européenne et la Belgique - Destruction par Israël - État des lieux

aide au développement
Palestine
Israël
Union européenne
question de la Palestine

Chronologie

20/4/2016Envoi question (Fin du délai de réponse: 19/5/2016)
18/5/2016Réponse

Question n° 6-903 du 20 avril 2016 : (Question posée en néerlandais)

Motivation du caractère transversal de la question écrite: la coopération au développement est une responsabilité partagée par tous les niveaux de pouvoir. En outre, elle s'inscrit dans une vision de la politique extérieure belge, telle que prévue dans l'accord de gouvernement fédéral. En Belgique, la politique extérieure relève de tous les niveaux de pouvoir; elle est basée sur le principe in foro interno, in foro externo dans le chef des entités fédérées.

Au cours des premiers 45 jours de 2016, Israël a fortement intensifié la destruction de projets et structures de l'Union européenne en Cisjordanie. Le nombre de projets détruits représente aujourd'hui 29 % de toutes les structures détruites en 2015. Les projets qui sont soutenus par l'argent européen ont trois fois plus de risque d'être démolis ou confisqués par Israël. Les projets belges sont eux aussi menacés. En octobre 2014, Israël a déjà démoli un réseau électrique, installé grâce à l'argent de la coopération belge. Les dégâts sont estimés à 55 000 euros et n'ont pas encore fait l'objet d'une indemnisation. Une école maternelle à Al Aqaba est elle aussi menacée de démolition. Un terrain de jeu y a été aménagé grâce à des fonds belges.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes.

1) Quels projets belges ont-ils été détruits par Israël ou ont-ils été menacés de démolition ces dernières années? Quel montant cela représente-t-il?

2) Quel est le point de vue du ministre en ce qui concerne la destruction de projets financés par des fonds européens mais aussi belges?

3) Quelle suite les autorités belges donnent-elles à ces destructions?

Réponse reçue le 18 mai 2016 :

1) Dans la zone C, les projets belges suivants ont été démolis par Israël :

– Le 29 septembre 2014, l’armée israélienne a détruit une partie du réseau électrique de Khirbat Al Taweel (Cisjordanie). L’installation avait été financée par la Coopération au développement belge et mise en œuvre par la Coopération technique belge (CTB). Les dommages sont estimés à 550 000 euros.

La destruction de ce projet humanitaire, qui assurait l’accès à un service de base (l’électricité), enfreint le droit international humanitaire. En rendant difficile l’accès à l’eau et aux activités économiques, elle a un impact direct sur les habitants en situation de vulnérabilité.

Il s’agit de la première destruction d’un projet belge. Le gouvernement belge a publiquement condamné la démolition et a demandé des explications auprès de l’ambassadeur israélien.

– L’Aide humanitaire belge soutient le Consortium avec un montant de 1 200 000 euros. Le Consortium relève d’une initiative multi-bailleur et se focalise sur les droits humanitaires de la population palestinienne de la zone C. Il comporte un volet de soutien à la réhabilitation et construction de logements avec l’objectif de prévenir les déplacements forcés, ainsi qu’un volet de protection des communautés de Cisjordanie les plus vulnérables à ces déplacements. Ainsi, le Consortium apporte une réponse à ce que le Service d'aide humanitaire et de protection civile de la Commission européenne (ECHO) définit comme une « crise de protection » (Protective crisis).

Le Consortium humanitaire vise également à apporter un soutien juridique et à mener des actions de plaidoyer contre les violations du droit international humanitaire dans la zone C.

Depuis janvier 2015, dix-neuf structures construites dans le cadre du Consortium ont été détruites et treize ont été saisies. La valeur totale des pertes remonte à 70 753 euros. Le Consortium est également soutenu par l’ECHO et d’autres pays membres de l’Union européenne (UE). La contribution belge à l’Action 2015 du Consortium se monte à 19 %, et le préjudice belge serait donc d’environ 13 691 euros. Dix-sept constructions supplémentaires de la zone C (pour une valeur de 202 940 euros) sont actuellement menacées de démolition.

– En février 2016, des biens humanitaires payés par la Belgique ont été saisis, entre autres, dans la vallée du Jourdain et auprès des bédouins de Abu Nwar de la zone E1 – un territoire stratégique et sensible à l’ouest de Jérusalem.

– En mars 2016, une école (aide humanitaire), dont le Consortium a fait don à la communauté bédouine de Khirbet Tana, a été détruite. Cette communauté est sévèrement menacée de déplacement forcé, ce qui va à l’encontre du droit international humanitaire. Le montant de la contribution humanitaire belge était de 7 785 euros.

– Le 12 avril 2016, un jardin pour enfants a été détruit à Zaatara. Le jardin était construit par la Coopération technique belge, dans le cadre de la phase 1 du projet LGRDP (Local Development Reform and Development Program). Le projet fait partie du Programme indicatif de coopération 2012–2015. Les coûts du jardin s’élevaient à 51 366,96 euros.

Dans le passé, certaines infrastructures de petite taille, financées par la Coopération au développement belge, ont été menacées de destruction ou de confiscation. Cependant, les démolitions ou saisies n’ont pas eu lieu. Il s’agit de micro-interventions mises en œuvre par la CTB :

– panneaux solaires pour la communauté bédouine de Khan Al Ahmar : 5 300 euros ;

– citernes à eau, toilettes, salle de classe, réhabilitation d’une aire de jeu dans le village de Al Aqaba. Les constructions, d’une valeur d’environ 20 000 euros, datent de 2006.

La Belgique n’a pas connaissance d’autres projets de la Coopération au développement belge qui seraient menacés en Cisjordanie.

2) La destruction de projets belges et européens est inacceptable. Les projets belges entendent atténuer les besoins humanitaires et sont en ligne avec le droit humanitaire international. En mars 2016, les ministres De Croo et Reynders ont exprimé leur vive préoccupation à la suite de l’augmentation inquiétante du nombre de démolitions et confiscations de structures et projets humanitaires dans la zone C. Le ministre De Croo a convoqué l’ambassadeur israélien en mars 2016. Le ministre Reynders a abordé ce sujet lors de sa visite en Israël en mai 2016.

La Belgique n’est pas le seul donateur international visé par ces destructions, et des projets financés par nos partenaires européens et par la Commission européenne ont également été touchés par des actes de même nature. La Belgique est donc résolue à poursuivre activement la discussion au niveau européen sur un mécanisme de compensations des destructions israéliennes de projets financés par l’Union européenne ou par les États membres.

3) L'administration civile israélienne dispose actuellement d’un nombre important d’ordres de démolitions qui n’ont pas encore été mis en œuvre. Il n’y a pas de projets belges qui soient concernés. Cette situation est une véritable épée de Damoclès au-dessus des communautés palestiniennes concernées. Le consulat général de Belgique à Jérusalem suit de très près les éventuelles menaces de destruction.

À la suite de la destruction du jardin pour enfants de Zaatara, notre ambassade à Tel Aviv a demandé des explications auprès du ministère des Affaires étrangères d’Israël.