Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 6-2020

de Rik Daems (Open Vld) du 22 novembre 2018

au vice-premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Economie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur

La « Nouvelle Route de la Soie » - Impact sur les aéroports - Maillage multimodal - Atouts logistiques

transport ferroviaire
transport international
Chine
transport combiné
étude d'impact
transport aérien

Chronologie

22/11/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 27/12/2018)
10/1/2019Rappel
20/5/2019Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-2021
Aussi posée à : question écrite 6-2022

Question n° 6-2020 du 22 novembre 2018 : (Question posée en néerlandais)

Le Bureau économique d'ING a publié une étude intéressante relative à l'impact de la " Nouvelle Route de la Soie ", ferroviaire, sur la position de passerelle vers l'Europe qu'occupent les Pays-Bas et mutatis mutandis la Belgique. Selon ING, cette route commerciale chinoise vers l'Europe a certes un impact limité pour nos ports mais elle concurrence bel et bien les aéroports de Zaventem et de Liège. Le transport par chemin de fer est une solution plus rapide pour les produits qui sont actuellement acheminés par la mer mais, grâce à son coût moins élevé, il rivalise surtout avec le transport aérien, beaucoup plus onéreux, et il génère moins d'émissions de CO2.

Pour les économistes d'ING, le transport par chemin de fer représente le juste milieu : plus rapide que le bateau, moins cher que l'avion. Les entreprises qui importent ou exportent prennent en considération trois critères pour choisir un mode de transport : le prix, la rapidité et, dans une mesure moindre jusqu'à présent, les émissions de CO2. Pour des villes situées à l'intérieur de la Chine, comme Chengdu, le transport aérien est quatre à six fois plus cher que le transport ferroviaire. Pour le transport maritime, il faut également prendre en considération les facteurs temps, coûts et pollution liés au pré et post-acheminement routier.

La " Nouvelle Route de la Soie " offre des possibilités aux transporteurs de produits de consommation et produits semi-finis plus coûteux. Des aéroports comme Schiphol, Francfort, Zaventem et Liège peuvent de ce fait se voir privés du transport de cargaisons au profit du rail. Sans parler du fait que les émissions de CO2 provenant du fret entre la Chine et l'Europe du nord-ouest peuvent être vingt fois plus faibles. Cet argument prendra encore plus d'importance à l'avenir, compte tenu du suivi de l'accord de Paris sur le climat et d'une pression accrue de la part des clients.

Vu la grande différence de prix et les produits transportés, on s'attend à ce que la " Route de la Soie " soit surtout en concurrence avec le fret aérien, en particulier pour les médicaments, l'électronique et les fleurs. À terme, cela peut avoir des répercussions sur des aéroports d'Europe de l'ouest comme Francfort et Schiphol.

En ce qui concerne le caractère transversal de cette question : la politique économique est essentiellement développée par les Régions. La compétence en matière de mobilité relève en partie du niveau régional (ports maritimes) et du niveau fédéral (chemins de fer). Il s'agit dès lors d'une matière transversale régionale.

Je souhaite dès lors poser les questions suivantes :

1) Pouvez-vous préciser à l'aide de chiffres les possibilités qu'offre la " Nouvelle Route de la Soie " à notre secteur des transports et aux centres de logistique et de distribution de notre pays ? Pouvez-vous expliquer en détail comment nous nous y préparons concrètement ?

2) En ce qui concerne la " Nouvelle Route de la Soie " et son impact sur la logistique, la mobilité et la distribution, vous êtes-vous déjà concerté avec les autres entités fédérées, en l'occurrence les Régions, ainsi que les secteurs concernés, les aéroports et les ports (maritimes) pour examiner comment nos secteurs peuvent se préparer au mieux à la situation et comment la politique menée peut soutenir et coordonner concrètement les actions ? Dans l'affirmative, pouvez-vous fournir des précisions concrètes en ce qui concerne le calendrier, le contenu et les interlocuteurs ? Dans la négative, pourquoi, et n'est-ce pas indiqué ?

3) Que pensez-vous des résultats de l'enquête d'ING concernant un impact potentiellement important sur l'emploi et les entreprises actives dans les aéroports, en particulier à Liège et à Zaventem ?

4) À politique inchangée, quel sera l'impact éventuel de la " Route de la Soie " sur l'emploi et le trafic dans nos aéroports ? Pouvez-vous fournir des explications détaillées ?

5) Êtes-vous disposé à contribuer à ce que tous les acteurs et les entreprises belges se préparent de manière optimale au maillage multimodal offert par la " Route de la Soie " ? Pouvez-vous préciser de manière détaillée les étapes concrètes ?

Réponse reçue le 20 mai 2019 :

1) La Chine est une économie en pleine croissance. Une liaison directe entre notre pays et ce marché en expansion stimulerait le commerce extérieur. En outre, le transport ferroviaire est une alternative moins chère et plus écologique au transport aérien. Cette baisse des coûts peut également être un incitant pour les activités commerciales.

La « nouvelle Route de la soie » offre notamment des possibilités pour le déploiement du e-commerce en Belgique. De faibles coûts de transport sont importants pour ce secteur mais la rapidité de livraison l’est tout autant. Le trafic ferroviaire peut donc constituer un bon compromis entre le transport maritime à bas prix mais lent et le transport aérien rapide mais coûteux.

Il importe d’investir dans le développement d’un réseau de transport intermodal. À cette fin, tant la qualité que la capacité des infrastructures routières, (aéro)portuaires et ferroviaires sont prépondérantes. Le nouveau centre de distribution d’Alibaba récemment installé dans l’aéroport de Liège peut constituer une belle mise en œuvre de ce transport intermodal : transports ferroviaire, aérien et routier peuvent servir pour la distribution des biens importés en Europe.

Les transports maritime, aérien, ferroviaire et routier en Belgique ne doivent pas se concurrencer mais plutôt être complémentaires. C’est dans cet esprit que notre pays pourra devenir un important point de transit pour le commerce entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique.

2) Les Régions ont été associées par leur représentation en Chine à la préparation de ma visite à Beijing et Shanghai dans le cadre de la conférence OBOR (« One Belt, One Road ») en 2017 et de la CIIE (« China International Import Exposition ») en 2018 respectivement. C'est là que la « nouvelle Route de la soie » a été discutée. Dans le cadre de dossiers d'investissement concrets dans le contexte plus large de la « nouvelle Route de la soie », où le gouvernement fédéral joue un rôle de soutien, il y a bien sûr eu aussi des consultations avec les Régions.

3) Après avoir analysé une étude d’ING (« Internationale Nederlanden Groep »), j’ai conclu que la « nouvelle Route de la soie » offre du potentiel. Nous ne devons pas immédiatement considérer cette initiative comme une menace d’autant que des investissements sont réalisés dans le transport intermodal. Par ailleurs, le projet de la « nouvelle Route de la soie » est en cours de développement et dépend des subventions chinoises et des capacités ferroviaires de l’Europe de l’Ouest. Pour l’instant, il est dès lors trop tôt pour établir un bilan.

Selon l’aéroport de Liège, il devrait atteindre le million de tonnes de fret en 2020 (contre 700 000 aujourd’hui) pour un volume global de 12 000 emplois directs et indirects avec l’arrivée d’Alibaba et d’autres logisticiens chinois à Liège comme ZIH, 4PX et Sinotrans, cumulés à la venue du russe AirBridge Cargo.

De même, la Chine est devenue le quatrième plus important pays partenaire pour le port d’Anvers avec un trafic annuel de près de 14 millions de tonnes de fret, entrainant des créations d’emploi.

4) Cette « nouvelle Route de la soie » ne constitue pas forcément une menace pour le taux d’emploi global. Il ne faut pas oublier que le transport ferroviaire ouvre également de nouvelles voies vers des marchés d’exportation et qu’il peut, dès lors, créer plus d’échanges commerciaux, d’entreprises et d’emplois.

D’après les chiffres de Statbel (statistiques structurelles), en 2016, le transport des biens employait 63 267 personnes dont 94,5 % dans le transport routier, 2,5 % dans le transport maritime, fluvial et la navigation intérieure, 1,8 % dans le transport ferroviaire et 1,2 % dans le transport aérien. En outre, 56 125 personnes sont employées dans les activités de stockage et de soutien au transport. Le secteur du transport est donc un employeur important dans notre pays.

Dans un premier temps, certains emplois pourraient effectivement être perdus dans les aéroports à cause du transport ferroviaire moins coûteux. Je crois toutefois qu’une mise en œuvre approfondie du transport intermodal pourrait créer des jobs supplémentaires dans les entreprises de logistique autour des ports et des aéroports de Belgique. À moyen terme, il s’agira peut-être plus d’un déplacement de l’emploi plutôt que d’une diminution.

5) Je continuerai de suivre les avancées de ce dossier en collaboration avec les Régions. Tout comme pour le Brexit, je veillerai à ce que nous saisissions les opportunités, tout en anticipant autant que possible les évolutions moins favorables.