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Question écrite n° 6-1890

de Martine Taelman (Open Vld) du 31 mai 2018

au secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale, à la Protection de la vie privée et à la Mer du Nord, adjoint à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Déversements par des navires transportant des produits chimiques - Mer du Nord - Contrôle - Chiffres - Renforcement des règles internationales

mer du Nord
transport maritime
pollution par les navires
pollution marine
produit chimique
Organisation maritime internationale
poursuite judiciaire

Chronologie

31/5/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 5/7/2018)
28/6/2018Réponse

Question n° 6-1890 du 31 mai 2018 : (Question posée en néerlandais)

Une partie de la navigation maritime est responsable du déversement en mer du Nord de déchets contenant des hydrocarbures. Selon des informations néerlandaises, des navires transportant des produits chimiques effectueraient des vidanges au large des côtes de la mer du Nord.

Avant qu'un bateau ne reçoive une nouvelle cargaison, les réservoirs doivent être nettoyés. Cette opération peut être réalisée au port mais elle est coûteuse, une autre solution étant de la faire en mer.

Il est évident que les substances causant des dégâts permanents à l'environnement ne peuvent pas être rejetées. Il est interdit d'effectuer des rejets dans la zone néerlandaise mais la réglementation internationale autorise les rejets dans les eaux internationales précisément au large de nos côtes. Une certaine quantité de résidus de paraffine peut être déversée légalement en dehors de la zone des 12 milles.

Il s'avère également que de nombreux bateaux sont responsables de déversements de substances interdites la nuit. Le risque d'être pris durant la nuit est jusqu'à présent quasi nul parce que, la nuit, les observateurs aériens des avions de la garde côtière ne peuvent pas distinguer si une tache est produite par de l'huile minérale ou une autre substance. L'efficacité du contrôle peut être renforcée à l'aide d'une bouée qui prélève un échantillon de l'hydrocarbure rejeté (« oil sampling buoy »). Cette bouée peut être jetée à l'eau par un avion des garde-côtes au-dessus d'une tache détectée et être repêchée ultérieurement par un bateau ou un hélicoptère. De cette manière, on peut également vérifier pendant la nuit si une tache détectée contient de l'huile minérale. Divers pays, dont la Suède, ont acquis une large expérience avec une bouée moins coûteuse et plus efficace.

Conformément aux règles de l'Organisation maritime internationale (OMI), les navires transportant des produits chimiques peuvent rincer leurs cales en mer, sauf si les produits en question sont très dangereux et cancérigènes, auquel cas le déversement est interdit.

Des écotoxicologues pensent qu'il est nocif pour l'environnement de rejeter sans cesse ces substances toxiques. Par ailleurs, les substances qui sont déversées ne sont pas répertoriées et aucune autorité ne sait ce qui a été déversé ni où. D'après un toxicologue de l'Université de Wageningen, des milliers d'oiseaux de mer meurent chaque année du fait du déversement de résidus d'huile de palme.

Cette question concerne une matière régionale transversale : on ne peut pas mener des négociations pour définir la politique environnementale internationale ou européenne ou pour exécuter la politique approuvée au niveau international ou européen sans qu'une concertation soit menée entre les administrations fédérales et régionales. C'est parce que l'environnement est une matière très spécifique, que l'autorité fédérale et les trois Régions ont conclu, le 5 avril 1995, un accord de coopération relatif à la politique internationale de l'environnement.

Je souhaite dès lors poser les questions suivantes au secrétaire d'État :

1) Que pensez-vous de l'article néerlandais dont il ressort que de nombreux navires transportant des produits chimiques déversent des substances très polluantes comme la cyclohexanone, le dichlorométhane et le trichloréthylène, au large de nos côtes, et ce, juste en dehors de la zone des douze milles ?

2) Êtes-vous disposé à conclure, à l'instar de votre homologue néerlandais, des accords avec les transporteurs afin qu'ils ne déversent déjà plus de paraffine au large de nos côtes ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliciter ? Dans la négative, pourquoi ?

3) Il semblerait que, hormis l'Allemagne et la Suède, la plupart des pays membres de l'OMI sont opposés à un renforcement des règles. Est-ce exact, et pouvez-vous commenter la position de notre pays en la matière ? Pouvez-vous expliquer quelles démarches vous comptez entreprendre dans ce dossier, en concertation ou non avec la ministre néerlandaise, Cora van Nieuwenhuizen, et avec vos collègues allemand et suédois ? Pouvez-vous fournir des explications détaillées ?

4) Des sociétés d'armateurs ont-elles déjà été interpellées sur le fait que leurs navires transportant des produits chimiques déversent toutes sortes de produits chimiques juste en dehors de notre zone des douze milles, comme évoqué dans la question 1 ? Pouvez-vous développer votre réponse ?

5) Que pensez-vous de l'attitude de l'Allemagne et de la Justice allemande qui ont engagé avec succès des poursuites pénales contre les sociétés d'armateurs qui ont déversé les résidus de leur cargaison toxique au large des côtes allemandes ? Envisagez-vous des démarches similaires ? Pouvez-vous fournir des précisions ?

6) Pouvez-vous préciser le nombre de navires qui ont été arrêtés au large de nos côtes alors qu'ils déversaient des produits illégaux ? Je souhaiterais obtenir des chiffres annuels pour les trois dernières années ? Durant la même période, combien d'infractions ont-elles été constatées sans que leurs auteurs soient pris ?

7) A-t-on déjà fait usage au large de nos côtes de la bouée de prélèvement d'échantillons afin de repérer les déversements illégaux nocturnes ?Dans l'affirmative, y a-t-il eu des résultats et pouvez-vous donner des explications ? Dans la négative, pourquoi ? Êtes-vous disposé à utiliser la bouée et pouvez-vous donner des explications détaillées ?

Réponse reçue le 28 juin 2018 :

1) En effet, c’est vrai que sur base de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), le déversement de ces substances (Annex II de MARPOL) est permis en dehors de la zone des douze milles. En tant que scientifique et secrétaire d’État compétent pour le milieu marin et la navigation, je déplore le fait que les déchets de cargaison de ces substances peuvent être déversés en mer et qu’ils ne doivent pas être remis au port.

Avant tout, la navigation est une donnée internationale pour laquelle l’Organisation maritime internationale (OMI) fixe les règles. C’est donc à l’OMI de renforcer les mesures existantes pour interdire ou limiter ces déversements. La Belgique est représentée auprès de l’OMI par la direction générale Navigation (DGN) du service public fédéral (SPF) Mobilité et Transport et soutient les différentes initiatives qui sont prises à cet effet (voir plus loin sous 2) et 3)).

2) En octobre de cette année, lors de la septante-troisième session du comité environnemental de l’OMI (MEPC), des amendements de MARPOL Annex II seront proposés, qui auront pour effet que les déchets des cargaisons d’entre autres la paraffine doivent obligatoirement être remis au port.

L’obligation engendrera un coût économique supplémentaire pour les armateurs. D’un autre côté, comme j’ai déjà stipulé dans la vision à long terme Mer du Nord 2050, l’aspect naturel et le bon état écologique sont une condition de base pour continuer à utiliser notre mer. De plus, les coûts d’une catastrophe écologique, ne fut-ce que par le nettoyage des plages, sont élevés. Pour voir un équilibre entre ces intérêts, j’ai donné à mon administration la mission d’analyser si les coûts d’un « prewash » / prélavage, c’est le rinçage des cales dans le port, peuvent être divisés entre le secteur et les autorités concernées.

En attente de l’entrée en vigueur des amendements de MARPOL Annex II, attendu pour 2020, j’entamerai des discussions avec toutes les parties compétentes (ports, secteur chimique, armateurs) pour conclure des accords similaires à ceux aux Pays-Bas.

3) La Belgique a soutenu la proposition de renforcer les règles lors des différentes séances du MEPC et son groupe de travail « Pollution, Prevention and Response » (PPR). Lors de la dernière séance du PPR en février de cette année, les amendements de MARPOL Annex II ont été établis et devront être ratifiés par MEPC en octobre. J’ai donné la mission à mes collaborateurs de tout mettre en œuvre pour effectivement adopter ces amendements. Comme vous dites, à juste titre, la Belgique n’est pas seule : aussi l’Allemagne, la Suède, le Royaume Uni, les Pays-Bas, la Norvège et la Finlande soutiennent ces propositions activement et l’Union européenne également a préparé un point de vue coordonné en faveur de ces propositions.

À côté, grâce au rôle de leader de la Belgique au sein du High Ambition Coalition pour la navigation, créé pour réduire les émissions de CO2 dans la navigation, je pourrais interpeller et utiliser les contact pour activement chercher du soutien pour le renforcement des règles dans MARPOL Annex II.

4) Si des déversements sont constatés, une enquête supplémentaire sera à chaque fois effectuée par le Contrôle de la navigation.

Bien que, s’il semble de l’enquête que le déversement est permis, conformément à MARPOL Annex II, aucune autre mesure ne pourra être prise conte le navire.

Et s’il semble que les règles de MARPOL Annex II n’ont pas été respectées, on peut infliger des amendes jusqu’à 1 million d’euros (x 8 décimes).

5) En mai 2018, la feuille de route MARPOL a été signée par le Collège des procureurs, le service Milieu marin, le Modèle mathématique belge de la mer du Nord, la police de la navigation et la DG Navigation.

Cette feuille de route décrit les procédures selon lesquelles les différents services collaborent pour permettre des sanctions effectives des infractions sur MARPOL.

À côté de la poursuite pénale, il est possible, depuis l’introduction de la loi du 25 décembre 2016, d’également infliger des amendes administratives sur la pollution par des navires. Entretemps, cette procédure a déjà été utilisé à plusieurs reprises pour sanctionner aussi bien la pollution de l’air (utilisation de carburants à haute teneur en soufre) que la pollution de l’eau.

6) En 2015, quatre déversements ont été constatés, dont :

– deux déversements autorisés par MARPOL Annex II ;

– un déversement (marée noire) qui n’a pas su être tracée vers un navire ;

– un déversement d’huile de palme qui dépasse la ligne de flottaison. Les déversements d’huile de palme sont autorisés en vertu de MARPOL Annex II, mais en dessous de la ligne de flottaison. Cette affaire a été classée par le procureur pour cause de manque de preuve technique. La feuille de route MARPOL qui a été établi sous mon initiative, devrait empêcher cela à l’avenir, car les accords nécessaires ont été conclus à cet effet.

En 2016, trois déversements ont été constatés, tous conformes à MARPOL Annex II.

En 2017, sept déversements constatés, dont :

– cinq déversements non traçables vers un navire, et donc une poursuite était impossible ;

– un déversement sur la frontière avec les Pays-Bas, qui a été classé sans suite par les autorités des Pays-Bas, par manque de charge de preuve ;

– un déversement a été transmis à la juridiction britannique, car le déversement a été constaté dans les eaux britanniques. Cette affaire est encore en cours.

7) L’usage des bouées de lancement n'est actuellement pas à l’ordre du jour pour les raisons suivantes :

– pour des raisons de sécurité, il n’est pas raisonnable de voler aussi bas pendant la nuit pour lancer la bouée dans la marée noire ;

– à côté, il y a un laps de temps entre le lancement de la bouée et le repêchage. La contamination des constatations pendant cette période n’est pas à exclure et cela affaiblit le dossier pénal ;

– de plus, le repêchage de la bouée contient des risques de sécurité pour le personnel d’intervention qui est dans l’ignorance par rapport à la substance repêchée et ne sait donc pas prendre les mesures adéquates de prévention ;

– finalement, il n’est pas nécessaire de prendre un échantillon, vu que ce n’est qu’un élément facultatif de preuve.

Bref, soit on trouve une marée noire et on ne sait plus savoir qui a déversé les substances ; soit on trouve une marée noire près d’un navire suspect et sur base des constatation à partir de l’air (aussi bien visuellement que via des senseurs), les déclarations des membres de l’équipage, les listes de cargaison et autres documents du navire comme le journal de bord, on sait déterminer quelle substance a été déversée au moment de la constatation en mer.

Nous savons entretemps de notre expérience que pas nécessairement la constatation du type de substance pose des problèmes pour la poursuite dans le cadre de MARPOL Annex II, mais bien les normes de déversements qui laissent une grande liberté. Comme déjà stipulé au-dessus, je vais tout faire pour que l’OMI adopte l’application plus stricte de ces normes en octobre.