Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 6-1635

de Jean-Jacques De Gucht (Open Vld) du 9 novembre 2017

au vice-premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Economie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur

Blockchain - Initial coin offerings (ICO - levée de fonds en cryptomonnaie) - Innovation financière - Réglementation et encadrement - Initiatives - Concertation avec le secteur financier

monnaie électronique
commerce électronique
communauté virtuelle
émission de valeurs
émission monétaire
criminalité informatique
Financial Services and Markets Authority
réglementation financière
médias sociaux
chaîne de blocs
abus de marché
monnaie virtuelle
Autorité européenne des marchés financiers

Chronologie

9/11/2017Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/12/2017)
25/1/2018Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-1636
Aussi posée à : question écrite 6-1637

Question n° 6-1635 du 9 novembre 2017 : (Question posée en néerlandais)

JJe me réfère à la question écrite n° 6-1429 relative aux monnaies virtuelles, que j'ai posée antérieurement, et à votre réponse détaillée, ainsi qu'à mes questions écrites n°s 6-1548 et 6-1547. L'Inspection économique est depuis peu habilitée à intervenir en la matière, ce qui est évidemment positif. Une campagne d'information serait également lancée sur ce thème. Des initial coin offerings (ICO) ont déjà été organisées dans plusieurs pays. Il s'agit d'opérations de levée de fonds auprès du grand public par émission de tokens (jetons) numériques.

L'Autorité française des marchés financiers (AMF) a lancé une nouvelle initiative concernant les ICO ; elle envisage l'instauration d'un cadre réglementaire pour l'utilisation de la blockchain en cas d'offre au public. Dans ce cadre, le public, les entreprises et les communautés de start-up ainsi que les institutions financières seront consultés.

Il s'agit d'une bonne initiative pouvant permettre de séparer le bon grain de l'ivraie. Les ICO sérieuses sont un stimulant pour les entreprises débutantes tandis que les personnes malhonnêtes qui organisent des ventes pyramidales de monnaies virtuelles font juste des victimes et salissent l'image de la blockchain.

Quant au caractère transversal de la question : les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui doivent être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la Note-cadre de Sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité pour la période 2016-2019 et ont fait l'objet d'un débat lors d'une Conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. La cybercriminalité est une des priorités transversales. Les placements dans la « cryptomonnaie » en font partie. Il s'agit dès lors d'une compétence régionale transversale où les Régions interviennent surtout dans le volet préventif.

Je souhaiterais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Existe-t-il actuellement une réglementation spécifique en ce qui concerne le lancement d'une ICO ? Dans l'affirmative, pouvez-vous l'expliquer ? Dans la négative, n'est-il pas indiqué de prévoir une réglementation afin de prévenir d'éventuelles fraudes et de favoriser les ICO régulières ?

2) Que pensez-vous de l'initiative de l'Autorité française des marchés financiers (AMF), et l'Autorité des services et marchés financiers (FSMA - Financial Services and Markets Authority) entreprendra-t-elle des démarches similaires ? Dans l'affirmative, qui sera consulté et quel est le calendrier prévu ? Dans la négative, notre pays ne perd-il pas des opportunités en ce qui concerne les applications blockchain et l'innovation financière ?

3) La FSMA a-t-elle déjà pris des initiatives (réglementation ou encadrement) en ce qui concerne les ICO ? Dans l'affirmative, pouvez-vous les expliquer ? Une enquête publique a-t-elle été organisée ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Entrevoyez-vous le potentiel économique de ces ICO et vous êtes-vous déjà concerté à ce sujet avec Febelfin et/ou d'autres acteurs économiques ? Pouvez-vous, le cas échéant, fournir des précisions concrètes ?

5) Selon vous, quelles possibilités votre politique offre-t-elle de prendre des initiatives en matière d'innovation financière et de blockchain afin de renforcer le secteur financier et les communautés de start-up ?

Réponse reçue le 25 janvier 2018 :

1) Pour répondre à votre question, permettez-moi de me référer au « statement » publié le 13 novembre 2017 par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) ainsi qu’à la communication de la FSMA portant la même date. On y relève les règles (nationales et européennes) potentiellement applicables aux ICO, les risques importants encourus par les investisseurs et les obligations qui pourraient être imposées aux promoteurs de tokens.

L'ESMA a pour le moment constaté que, en fonction de sa structuration, une ICO pourrait être soumise à différentes réglementations financières : directive Prospectus, directive concernant les marchés d'instruments financiers (MiFID), directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (AIFMD), règlement sur les abus de marché (MAR), quatrième directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AMLD4). Il n’est pas exclu que soient également applicables d’autres règles telles que la réglementation prudentielle ou d’autres réglementations concernant les normes comptables, les obligations fiscales ou l’argent électronique.

Outre les réglementations européennes susmentionnées, les lois et le règlement suivants pourraient trouver à s’appliquer en Belgique :

– le règlement de la FSMA du 3 avril 2014 concernant l'interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail. Ce règlement stipule qu’il est interdit de commercialiser en Belgique, à titre professionnel, auprès d'un ou de plusieurs clients de détail, des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d'une monnaie virtuelle ;

– la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés. Cette loi rend obligatoire l’établissement d’un prospectus soumis à l’approbation de la FSMA pour toute offre publique d'instruments de placement effectuée sur le territoire belge, prévoit un monopole d’intermédiation pour le placement d’instruments d’investissement sur le territoire belge et dispose que les communications à caractère promotionnel se rapportant à l’offre publique doivent être approuvées au préalable par la FSMA ;

– la loi du 18 décembre 2016 organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant des dispositions diverses en matière de finances. Cette loi fixe les conditions d’agrément de l’activité de plateforme de financement alternatif (c’est-à-dire la variante financière du crowdfunding) de même que les règles que les fournisseurs de services de financement alternatif doivent respecter.

Dans la communication concernant les ICO qu’elle a adressée au public belge le 13 novembre 2017, la FSMA a notamment recensé des pratiques illicites liées aux ICO. La FSMA a par ailleurs mis en place un point de contact auquel peut s’adresser toute personne ayant des raisons de penser que des ICO douteuses sont proposées au public belge.

2) & 3) La FSMA m’a communiqué qu’aux alentours du 13 novembre 2017, des dizaines d’autorités nationales ont, tout comme la FSMA, publié des communications destinées à avertir les investisseurs des risques et des dangers que présentent les ICO et à aviser les promoteurs qu’il pourrait leur incomber de se conformer à certaines réglementations financières. L’initiative de l’AMF s’inscrit dans cette diffusion collective d’informations.

En Belgique, les acteurs du secteur Fintech peuvent, grâce au point de contact commun (SPOC) organisé par la BNB et la FSMA, entrer en contact avec ces autorités de contrôle à un stade raisonnablement précoce de leur projet et en discuter avec elles. La BNB et la FSMA ont à ce jour reçu et traité par cette voie quelques questions concernant les ICO.

4) & 5) Il est actuellement prématuré de se prononcer sur le potentiel économique ou sur l’utilité du phénomène. Le marché des ICO est une « industrie naissante » ; on ne peut donc encore parler de pratiques de marché qui pourraient être citées en exemple. Il existe par ailleurs d’autres possibilités encouragées par le gouvernement pour faciliter le financement des start-ups, dont les plateformes de financement participatif et les starters funds.