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Question écrite n° 6-1276

de Bert Anciaux (sp.a) du 3 février 2017

au ministre de la Justice

Législation électorale - Constitution - Principe d'égalité - Violation

droit électoral
élection locale
égalité de traitement
Région flamande
contrôle de constitutionnalité

Chronologie

3/2/2017Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/3/2017)
8/3/2017Réponse
14/4/2017Renvoi question

Aussi posée à : question écrite 6-1387

Question n° 6-1276 du 3 février 2017 : (Question posée en néerlandais)

Il va de soi que notre législation électorale est une matière qui concerne directement les Régions, les Communautés et l'autorité fédérale. Les différents scrutins des parlements des entités fédérées sont directement régis par la législation électorale ; il est dès lors bel et bien question d'une matière qui concerne et influence toutes les autorités de notre pays.

Cette législation électorale engendre peut-être un problème de discrimination. J'invite le ministre à faire examiner sérieusement cette possibilité.

Dans notre système électoral, une importance plus grande, et donc inégale, est peut-être accordée à un vote de liste qu'à un vote nominatif pour la désignation des élus. Cela pourrait porter atteinte au principe de non-discrimination établi à l'article 11 de notre Constitution.

Pour clarifier les notions à venir, il est utile de définir le concept de « poids électoral ». Le poids électoral d'un électeur – ou de son bulletin de vote – est le chiffre qui exprime l'importance du bulletin de vote dans le total des voix décisif pour le scrutin. Le poids électoral est donc la mesure dans laquelle un électeur influence le processus électoral par le biais de son bulletin de vote. Tous les citoyens étant égaux, ils devraient aussi avoir un même poids électoral.

Il est possible que la discrimination se manifeste dans le décret du 8 juillet 2011 portant organisation des élections locales et provinciales et portant modification du décret communal du 15 juillet 2005, du décret provincial du 9 décembre 2005 et du décret du 19 décembre 2008 relatif à l’organisation des centres publics d’aide sociale [intitulé abrégé : « Décret sur les élections locales et provinciales du 8 juillet 2011 »].

Il est possible que la discrimination se manifeste dans la partie 3, titre 5, chapitre Ier, section 2 : Désignation des élus et de leurs suppléants.

L'article 169, § 2, 2°, définit le poids électoral de chaque électeur qui a uniquement émis un vote valable en tête de liste sur son bulletin de vote. Avec l'article 169, § 1, § 2, 4°, il détermine ce que j'ai appelé ci-avant « le total décisif de voix ».

Un exemple : lors des élections du 14 octobre 2012 dans la commune d'Olen, le CD&V a obtenu huit sièges. Cela signifie que chaque électeur qui a uniquement émis un vote valable en tête de liste en faveur du CD&V sur son bulletin de vote a généré, selon l'article 169, § 2, 2°, le nombre suivant de voix à reporter : 1 X 8/3 = 2,666. Ce chiffre est le poids électoral. Cet électeur a donc une influence équivalant à 2,666 dans le total décisif des votes nominatifs et des voix à reporter.

Par contre, l'électeur qui émet seulement un vote nominatif en faveur d'un seul candidat n'a qu'une influence équivalant à 1 dans la somme des votes nominatifs et des voix à reporter. En d'autres termes, cet électeur se voit attribuer un poids électoral de 1.

Étant donné que selon l'article 169, § 2, 4°, ce total est déterminant pour l'attribution des mandats, le décret sur les élections locales et provinciales confère peut-être ainsi aux électeurs une influence inégale dans le processus électoral et ce, alors qu'en vertu de la Constitution, la voix de chaque électeur devrait avoir le même poids. L'article 11 de la Constitution prévoit en effet la disposition suivante : la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination.

Lors des élections du 14 octobre 2012 dans la commune d'Anvers, la N-VA a obtenu 23 sièges. Chaque électeur ayant uniquement émis un vote en case de tête valable en faveur de la N-VA sur son bulletin de vote a obtenu un poids électoral équivalant à : 1 X 23/3 = 7,666 dans le résultat final. Ou une influence de 7,666 contre une influence de 1 pour un électeur ayant émis un seul vote nominatif.

En ce qui concerne la désignation des suppléants, il pourrait également y avoir une discrimination dans le décret sur les élections locales et provinciales du 8 juillet 2011, partie 3, titre 5, chapitre 1, section 2 : Désignation des élus et de leurs suppléants. Je me réfère à nouveau à l'article 169, § 2, complété par le 5°.

Selon ce § 2, 5°, il y a donc, pour la désignation des suppléants, les mêmes reports de poids électoraux que pour la désignation des élus effectifs. Par conséquent, ici aussi, l'électeur aura peut-être une influence différente sur la désignation des suppléants selon qu'il aura seulement émis ou bien un vote en case de tête ou bien un vote nominatif sur la même liste. Comme je l'ai déjà indiqué précédemment, un poids électoral plus important est apparemment également octroyé, lors de la désignation des suppléants, au vote en case de tête qu'au vote nominatif qui bénéficie d'un poids électoral de 1. Il est dès lors possible que le vote en case de tête soit avantagé et que cette inégalité constitue une forme d'inégalité entre les citoyens ne pouvant être raisonnablement justifiée et par conséquent inconstitutionnelle au regard de l'article 11 de la Constitution.

L'électeur qui n'a émis qu'un vote nominatif sur la même liste, voit son influence limitée à 0 ou à 1 lors de la désignation des suppléants. Si cet électeur a accordé son vote nominatif à un candidat qui est effectivement élu, son influence est limitée à 0 dans la désignation des suppléants, parce que, conformément à l'article 169, § 2, 5°, les candidats effectifs ne figurent pas dans la liste des candidats suppléants ; si cet électeur a accordé son seul vote nominatif à un candidat non élu, alors, son influence dans la désignation des suppléants est limitée à 1. En d'autres termes, l'électeur qui a émis un vote nominatif en faveur d'un candidat élu, ne peut apparemment plus peser de son poids dans la désignation des suppléants. Notez que l'électeur qui a voté en case de tête et qui, du fait du transfert du poids électoral qu'il a acquis, a indirectement voté pour des candidats élus, peut à nouveau intervenir pleinement – cela veut dire pour le poids électoral entier – dans la désignation des suppléants. De mon point de vue, cela revient à nouveau à avantager le vote en case de tête, ce qui est également inconstitutionnel au regard de l'article 11 de la Constitution.

À cet égard, je voudrais également mentionner l'article 155, § 3, du décret sur les élections locales et provinciales du 8 juillet 2011. Conformément à cet article, l'électeur peut émettre un ou plusieurs votes nominatifs (le maximum est limité au nombre de candidats figurant sur la liste).

L'électeur qui émet cinq votes nominatifs sur la même liste génère de cette manière un poids électoral de 5, c'est-à-dire un poids électoral de 1 pour chacun des cinq noms qu'il a cochés.

L'électeur qui veut maximaliser son soutien à un seul candidat par son unique vote nominatif, obtient de cette manière un poids électoral de 1, soit un cinquième seulement du poids électoral acquis par un électeur qui émet cinq votes nominatifs.

Cette différence de poids électoral total entre les deux électeurs constitue peut-être une inégalité entre les citoyens sans justification raisonnable et donc inconstitutionnelle. L'influence d'un vote nominatif unique est ainsi amoindrie par l'influence plus grande des votes nominatifs multiples.

Le législateur aurait pu éviter cette inconstitutionnalité s'il avait octroyé, pour un bulletin de vote contenant « n » votes nominatifs (« n » étant inférieur ou égal au nombre de candidats figurant sur la liste), à chaque nom choisi, un poids électoral de 1/n.

Le ministre peut-il faire examiner ce problème et me faire savoir si on peut effectivement parler d'une inconstitutionnalité et donc d'une discrimination en la matière ? Que fera-t-il, le cas échéant, pour remédier à l'inconstitutionnalité ? Organisera-t-il une concertation avec les entités fédérées à ce sujet ?

Réponse reçue le 8 mars 2017 :

Il est renvoyé au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, vu sa compétence en la matière.