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Question écrite n° 6-1275

de Martine Taelman (Open Vld) du 2 février 2017

à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Nouvelles substances psychoactives - Legal highs - Drugsshops online - Lutte - Chiffres Liste des produits interdits - Attitude - Procédure

substance psychotrope
stupéfiant
trafic de stupéfiants
vente à distance
Internet
commerce électronique
statistique officielle

Chronologie

2/2/2017Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/3/2017)
25/4/2017Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-1273
Aussi posée à : question écrite 6-1274

Question n° 6-1275 du 2 février 2017 : (Question posée en néerlandais)

Je me réfère aux informations fournies par le vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur, en réponse à la question analogue 6-1069, et à sa réponse à la question 1) où il me renvoie au ministre de la Justice et au ministre de l'Économie en ce qui concerne les chiffres, à sa réponse aux questions 2), 3) et 5 où il me renvoie à la ministre de la Santé publique, et à sa réponse à la question 7) où il me renvoie au ministre de la Justice.

Le contrôle du trafic de drogue à l'échelle internationale est devenu de plus en plus difficile avec l'arrivée de l'internet. Il apparaît que les jeunes se procurent de plus en plus de drogues sur mesure sur internet, plus spécifiquement sur ce qu'on appelle des « online drugsshops ». Ces fournisseurs sont accessibles à tous les internautes d'Europe désireux d'acheter des psychédéliques légaux : du « spice », du GHB/GBL ou des champignons hallucinogènes. La liste des nouvelles substances psychoactives (NSP) ne cesse de s'étendre. En 2015, 120 NSP ont été découvertes en Belgique, contre 90 en 2014. De nouvelles drogues sur mesure font régulièrement leur apparition. La 4-FA (4-fluoroamphétamine) semble populaire pour le moment. L'an dernier, ce sont les drogues sur mesure à base d'ocfentanyl (un dérivé du fentanyl) qui ont fait des victimes. L'Institut scientifique de Santé publique (ISP) confirme le risque élevé d'overdose, voire la létalité accrue, pour les utilisateurs.

Les termes « psychédéliques légaux » désignent des produits très variés : des combinaisons d'herbes aux drogues synthétiques et ce qu'on appelle les pilules de fête. Par ailleurs, ces produits sont vendus comme désodorisants, encens ou sels de bain.

Depuis la modification, par une loi du 19 mars 2013, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes, le Roi peut interdire non seulement les substances identifiées individuellement, mais aussi les familles de substances identifiées par une structure chimique en partie commune, ce qui permet de prévenir la mise sur le marché de produits nouveaux ainsi que de produits ayant la même structure.

Par ailleurs, le Moniteur belge du 13 octobre 2011 a publié deux arrêtés royaux du 26 septembre 2011 visant à lutter contre ce phénomène (cf. l'arrêté royal portant modification de l'arrêté royal du 31 décembre 1930 réglementant les substances soporifiques et stupéfiantes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique, et l'arrêté royal portant modification de l'arrêté royal du 22 janvier 1998 réglementant certaines substances psychotropes, et relatif à la réduction des risques et à l'avis thérapeutique). En vertu de ces arrêtés royaux, toutes les nouvelles substances, également appelées « cannabinoïdes de synthèse », ainsi que d'autres, dites drogues légales, sont désormais proscrites. À présent, on conscientise spécifiquement les agents de police et les magistrats à ces nouvelles substances interdites.

La toxicomanie relève des compétences transversales communautaires. En matière de santé publique, les Communautés sont compétentes pour la prévention. La lutte contre le commerce des produits illégaux est, quant à elle, une compétence fédérale.

Dans ce cadre, j'aimerais poser les questions suivantes au ministre :

1) Comment évaluez-vous l'existence de ce marché en ligne transfrontalier de « drogues légales » ?A-t-on déjà sévi contre ces sites ? Si oui, pouvez-vous donner des chiffres ? Pouvez-vous indiquer combien de ces sites ont été mis hors ligne ? Si non, pourquoi, et comment allez-vous combattre ces sites ?

2) Ces trois dernières années, de nouveaux produits ont-ils été inclus dans la liste des substances prohibées ? Dans l'affirmative, lesquels, et pouvez-vous fournir des détails?

3) Quelle est la durée moyenne entre le signalement de ces substances et leur insertion effective dans la liste des produits interdits ?

4) Est-il possible d'augmenter l'efficacité en matière d'actualisation de cette liste ? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser dans quelle mesure on peut travailler de manière proactive ? Dans la négative, de quelle manière la méthode de travail actuelle peut-elle s'adapter aux évolutions ultrarapides du marché en ligne ?

5) Combien de personnes sont-elles décédées ces trois derniières années et combien ont-elles été admises en urgence après avoir pris ces « legal highs », sachant que deux personnes sont récemment décédées aux Pays-Bas à cause de la nouvelle drogue de synthèse 4-FA ?

6) Envisagez-vous d'aborder ce problème au niveau européen étant donné le caractère transfrontalier du marché en ligne des drogues ? Vous paraît-il opportun d'harmoniser la réglementation relative aux substances interdites au niveau de l'ensemble de l'Europe ? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser quelle méthode de travail on appliquera afin d'éviter que la législation ne soit constamment contournée ? Dans la négative, pour quelle raison ?

7) Quelles « legal highs » sont-elles le plus souvent achetées dans notre pays et en quelles quantités sont-elles découvertes chez nous ? Quelles sont les substances les plus courantes ?

8) Combien de personnes ont-elles été poursuivies pour trafic de « legal highs » dans notre pays ?

9) Pour chacune des trois dernières années, disposez-vous de chiffres relatifs aux drogues de synthèse et/ou sur mesure saisies par nos douanes? Le cas échéant, pouvez-vous en commenter l'évolution ?

Réponse reçue le 25 avril 2017 :

1) L'apparition de sites web belges offrant à la vente de nouvelles substances psychoactives (NSP) ou « legal highs » (euphorisants légaux) est suivie, entre autres, dans notre pays par l'« Early Warning System Drugs » de l'Institut scientifique de Santé publique (WIV-ISP). Une surveillance constante permet d'avoir une idée plus précise des nouvelles substances présentes sur le marché dans notre pays. On utilise également les informations en provenance du réseau européen REITOX, géré par l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (EMCDDA).

Il ressort de cet observatoire que les sites web de ce genre sont rares en Belgique ; ceux que l'on rencontre ne restent souvent que peu de temps en ligne.

Vu que la plupart des nouvelles substances sont légales dans notre pays, il n’est pas toujours possible de lutter de manière suffisante contre cette problématique. La législation générique imminente tente de remédier à cette problématique spécifique.

En conséquence, on ne dispose pas de données chiffrées concernant l'émergence de sites web belges qui offriraient à la vente des « legal highs ».

2) L'arrêté royal du 20 mars 2013 a ajouté quinze nouvelles substances à l'arrêté royal du 22 janvier 1998 (substances psychotropes), l'arrêté royal du 25 novembre 2015 a ajouté une centaine de substances à l'arrêté royal du 22 janvier 1998 et l'arrêté royal du 25 novembre 2015 a ajouté trois substances à l'arrêté royal du 31 décembre 1930 (substances stupéfiantes). Je dois ajouter à cela que les substances en question ne sont pas interdites mais réglementées. Elles peuvent donc être utilisées à des fins médicales ou scientifiques pour autant qu'une autorisation soit obtenue à cet effet.

3) L'établissement de la liste de ces substances suit le timing habituel pour la publication d'un arrêté royal. Pour des raisons d'efficacité, on essaye de regrouper la publication des substances, et si possible de l'aligner sur des obligations internationales en matière de réglementation de certaines substances qui sont par exemple imposées par les Nations unies.

4) La loi du 24 février 1921 (cf. « loi drogues ») a été modifiée par la loi du 7 février 2014 afin de permettre ce qu’on appelle une classification générique. Cette classification générique permet non seulement de classifier une substance spécifique mais également de réglementer la structure chimique de base. Il n'est ainsi plus possible d'obtenir, en effectuant une petite modification chimique, un nouveau produit qui soit actif mais non réglementé.

5) En 2016, un seul décès nous est connu, imputable à la consommation de la NSP U-47700, une substance opioïde. En 2015 aussi, un décès nous est connu, imputable à la consommation d'ocfentanil, lui aussi un opioïde. Pour 2014, nous n'avons connaissance d'aucun décès. Au cours de la période 2012-2013, au moins six personnes encore sont décédées après la consommation d'amphétamines contaminées par la NSP 4-méthylamphétamine. Nous n'avons connaissance d'aucunes données concernant les admissions aux urgences. À notre connaissance, aucun Belge n'est encore décédé des suites de la consommation de 4-FA.

6) Je soutiens l’initiative de la Commission européenne d’étendre la réglementation actuelle des substances contrôlées. Cette proposition de modification du règlement n° 1920/2006 vise une diffusion plus fluide au niveau de l’Union européenne (UE), la création d’une procédure d’alerte précoce et une évaluation européenne des risques sanitaires et sociaux des NSP. Si cela s’avère nécessaire, la Commission– après concertation avec les États membres – pourra donc prendre une décision imposant aux États membres d’ajouter les NSP définies à la liste des substances contrôlées.

7) Vu l'absence de lieux connus en Belgique où des « legal highs » sont activement mis en vente, il est impossible de mettre à disposition des chiffres relatifs à leur vente. L'ISP surveille l'apparition de nouvelles substances dans notre pays et récolte à cet effet des données basées notamment sur les saisies par les services des douanes. La figure 1 affiche les NSP identifiées par année, classées selon la catégorie de NSP.

https://ewsd.wiv-isp.be/general/NPS%202015.jpg

Figure 1. Nombre total de NSP identifiées en Belgique, par année d'enregistrement.

Il ressort de ces données que l'on rencontre principalement des cannabinoïdes de synthèse et des cathinones. En 2015, on a découvert plus de 85 kg de cathinones. Au cours de la même période, plus de 80 kg de cannabinoïdes de synthèse ont été saisis.

Il est à souligner que toutes les saisies n'étaient pas destinées à la Belgique ; notre pays joue un rôle dans le transit de NSP depuis la Chine vers le reste de l'Europe. Une grande partie des NSP saisies avaient un autre État membre de l'UE comme destination finale. Ces chiffres ne reflètent donc nullement la consommation de NSP en Belgique.

Dans le cadre de l'« Early Warning System Drugs », l'ISP mène depuis quelques années des recherches sur l'usage de NSP lors de grands événements (« dance ») et festivals. Il en ressort que la substance la plus fréquemment observée est la 4-fluoroamphétamine ; contrairement à d'autres NSP, la 4-FA se rencontre depuis peu dans le circuit illégal également, où elle est vendue conjointement avec des comprimés d'ecstasy et d'autres drogues de soirées. La 4-FA a donc déjà franchi le pas vers le circuit illégal. La substance alpha-PVP est elle aussi rencontrée sur le terrain, de même que la méthoxétamine (une alternative à la kétamine).