Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 5-9053

de Nele Lijnen (Open Vld) du 21 mai 2013

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Morsures de tique - Maladie de Lyme - Épidémies - Décès - Guérisons - État de la question - Maladie professionnelle - Projet de recherche

maladie infectieuse
statistique officielle
coût de la santé
maladie professionnelle
répartition géographique

Chronologie

21/5/2013Envoi question
18/9/2013Rappel
12/11/2013Rappel
13/12/2013Requalification
17/1/2014Réponse

Requalifiée en : demande d'explications 5-4557

Question n° 5-9053 du 21 mai 2013 : (Question posée en néerlandais)

On a appris la semaine dernière que le nombre d'infections liées à la bactérie causant la maladie de Lyme avait augmenté de 34,8 % en 2011. J'avais déjà interrogé la ministre à ce sujet l'année dernière. Elle m'avait notamment répondu ce qui suit : « D’autres projets de recherche sont en cours, comme une recherche interdisciplinaire, menée par l’un des centres de référence pour la maladie de Lyme (UZ Leuven) ». Aux Pays-Bas, par le biais du site web tekenradar.nl, les personnes mordues peuvent envoyer la tique et ainsi savoir – environ dix mois plus tard – si celle-ci était porteuse de la maladie de Lyme. Ce site avertit en outre qu'il ne faut pas nécessairement présenter une auréole rouge (érythème migrant) pour être infecté, ce qui complique encore le diagnostic. Concernant cette initiative, la ministre avait répondu ce qui suit : « Il s’agit d’une initiative intéressante qui fait appel à la bonne volonté du public et à l’utilisation d’internet. En terme méthodologique, cette étude devra donc démontrer la représentativité des participants et la qualité des résultats ».

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Combien de cas de contamination par la bactérie causant la maladie de Lyme ont-ils été enregistrés en 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ? La ministre peut-elle ventiler ces chiffres absolus par région et par sexe ?

2) Quel a été le montant des dépenses liées à la maladie de Lyme en 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ? La ministre peut-elle communiquer ces chiffres et les ventiler par région ?

3) La ministre dispose-t-elle de chiffres concernant le nombre de cas de Borréliose de Lyme 1) au stade initial localisé 2) au stade initial disséminé 3) au stade tardif ou chronique, et cela pour les cinq dernières années ? La ministre peut-elle communiquer ces chiffres ?

4) La ministre peut-elle communiquer le nombre de décès annuels causés par cette maladie ? Estime-t-elle qu'une telle catégorisation est correcte, s'agissant d'une affection multisystémique (coeur, cerveau, articulations, etc.) ?

5) La maladie de Lyme est-elle mortelle ? La ministre peut-elle fournir des explications ?

6) Le plus grand danger réside-t-il, selon la ministre, dans les troubles que la maladie elle-même provoque ou dans le fait que la maladie (et le traitement antibiotique intensif) affaiblit tellement le système immunitaire que d'autres maladies peuvent provoquer beaucoup plus de dégât ?

7) Peut-on guérir complètement de la maladie de Lyme ? Dans l'affirmative, comment la ministre décrit-elle cette guérison ? Est-il possible, par exemple, que la prise de sang soit négative mais que l'on souffre toujours de la maladie ?

8) La ministre dispose-t-elle de chiffres concernant le nombre de personnes guéries de la maladie de Lyme ? Dans l'affirmative, peut-elle ventiler ces chiffres pour les cinq dernières années ? Existe-t-il déjà un système d'enregistrement ou de suivi des personnes ayant eu cette maladie, compte tenu du rôle joué par d'éventuels effets résiduels (notamment la fatigue) sur les capacités au travail ?

8) Aux Pays-Bas, la maladie de Lyme est considérée comme une maladie professionnelle lorsqu'elle a été contractée durant les heures de travail. En est-il de même dans notre pays ? Dans l'affirmative ou la négative, pourquoi ?

9) Le projet d'étude de l'UZ Leuven est-il terminé ? Dans l'affirmative, quels en furent les principaux résultats et la ministre les utilisera-t-elle ?

10) Outre celle à laquelle la ministre s'est référée, d'autres études ont-elles déjà été réalisées ? Dans l'affirmative, quels en furent les principaux résultats et la ministre les utilisera-t-elle ?

11) La ministre a-t-elle déjà pu étudier l'initiative néerlandaise consistant à enregistrer la population de tiques et comment l'évalue-t-elle ?

Réponse reçue le 17 janvier 2014 :

1) Nombre de cas de maladie de Lyme par région et par sexe, 2007-2012 (Réseau des Laboratoires Vigies-WIV-ISP)

 

Bruxelles

Bruxelles

Flandre

Flandre

Wallonie

Wallonie

Inconnu

Total

 

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

 

 

2007

11

17

340

355

157

175

15

1070

2008

36

48

390

425

205

162

103

1369

2009

39

31

356

364

222

190

20

1222

2010

32

31

331

364

169

152

37

1116

2011

37

46

299

336

153

114

58

1043

2012

41

29

313

335

234

182

31

1134

Il n’y a pas d’augmentation significative du nombre de cas diagnostiqués par le réseau des Laboratoires Vigies durant les six dernières années en Belgique.

2) Dépenses (euros) pour la maladie de Lyme par région, 2008-2012 (INAMI)

 

Bruxelles

Flandre

Wallonie

Total

2008

23.186

187.497

202.156

413.850

2009

31.655

231.965

274.560

539.953

2010

30.795

261.116

274.886

568.306

2011

36.611

281.596

285.147

606.466

2012

41.100

331.225

314.969

689.438

Nombre de tests réalisés pour la maladie de Lyme par région, 2008-2012 (INAMI)

 

Bruxelles

Flandre

Wallonie

Total

2008

10.688

85.237

94.321

190.732

2009

13.254

97.239

118.946

230.171

2010

12.764

99.364

116.746

229.536

2011

15.016

112.697

120.474

249.026

2012

16.379

132.300

128.778

278.326


3) Dans l’étude UCL du suivi de dix ans des formes graves de maladie de Lyme chez des patients hospitalisés (Réf Victor Luyasu, Annie Robert, Elysé Somassé, Sophie Vanwambeke), il y avait 14 % de formes cutanées, 77 % de formes neurologiques, 4 % de formes articulaires, 4 % de formes articulaires et cardiaques et 1 % de formes neurologiques et cardiaques.

4) Il n’y a pas de décès dû à la maladie de Lyme chez l’adulte immuno-compétent.

5) La maladie de Lyme n’est pas mortelle chez l’adulte immuno-compétent mais elle entraine chez lui une grande morbidité. On a décrit des morts chez des enfants en bas âge.

6) Le traitement par antibiotique dirigé contre la maladie de Lyme « n’affaiblit pas le système immunitaire ». Autrement dit, la maladie de Lyme n’entraîne pas d’immunodépression susceptible de favoriser la survenue d’infections opportunistes.

7) On peut guérir complètement de la maladie de Lyme. La preuve de cette guérison n’existe pas dans le sang. La première preuve de guérison est clinique : le retour à l’état normal de l’état de santé de l’individu. Une seconde preuve est biologique : la disparition du germe dans les sites où on l’avait mis en évidence avant traitement : liquide céphalo-rachidien, liquide articulaire par exemple, éventuellement biopsie cutanée et PCR de la peau dans un cas particulier de ACA (acrodermatite chronique atrophiante).

8) Toutes les formes de maladie de Lyme graves suivies pendant 10 ans ont toutes guéri. On manque de moyens pour suivre au long cours les malades guéris afin d’évaluer des paramètres comme la fatigue, la capacité au travail.

8a) La maladie de Lyme est reprise dans la liste des maladies professionnelles sous le code 140301. Cependant, la réglementation européenne et belge concernant les agents biologiques demande que chaque entreprise cherche à éviter ou, à tout le moins, réduire l’exposition des travailleurs à ce facteur de risque. La loi sur le bien-être au travail requiert que l’employeur assure la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail en mettant en œuvre les principes généraux de prévention.

En ce qui concerne les agents biologiques, ils sont classés en quatre groupes en fonction de l’importance du risque de maladie infectieuse qu’ils représentent. Borrelia burgdorferi est un agent biologique du groupe 2, c’est-à-dire qu’il « peut provoquer une maladie chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs; sa propagation dans la collectivité est improbable; il existe une prophylaxie ou un traitement efficace ».

9) Par essence, la maladie de L yme étant une maladie transmise par des vecteurs, elle est une maladie liée à l’environnement. Une modification de l’environnement comme une modification de l’utilisation de l’environnement peuvent donc avoir un impact sur la maladie. Ces études, comme d’autres tendent à démontrer cela. L’évolution de l’incidence de la maladie de Lyme est donc le résultat de l’existence et l’interaction de multiples facteurs : aménagement du territoire, loisirs, changement climatique, espèces invasives, contacts humains-vecteurs, politique de la chasse, … La multiplicité des facteurs et de leurs interactions rendent aussi complexes leur interprétation dans l’explication de l’évolution de l’incidence de la maladie, il n’y a pas de lien de cause à effet univoque. Ces éléments sont toutefois utilisés dans l’interprétation des données épidémiologiques.

10) La tique est capable de transmettre d’autres germes que ceux responsables de la maladie de Lyme. Les chercheurs du Pôle Epidémiologie et Biostatistique de l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique (IREC) de l’Université catholique de Louvain à Bruxelles mènent actuellement des études sur la tularémie, la maladie de Lyme et l'anaplasmose, et par extension sur l'échinoccocose alvéolaire, une maladie qui est une zoonose mais pas transmise par les tiques. 

Les populations à risque concernées par ces études sont les vétérinaires, les chasseurs et les fermiers/agriculteurs. Ces recherches sont menées en partenariat avec le Centre de Référence pour la maladie de Lyme, Bruxelles, le Laboratoire de Recherche et de Référence des maladies à Vecteur de l’Hôpital Militaire, le Centre d’Etudes et de Recherches Vétérinaires et Agrochimiques (CODA-CERVA), le laboratoire de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers, l’Ecole de Géographie de la Faculté des Sciences de l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve et l’Association Régionale de Santé et d’Identification Animales (ARSIA). Nous venons ainsi de découvrir, pour la première fois, que la tularémie existe en Belgique (Promoteurs : Annie Robert, Victor Luyasu, Sophie Vanwambeke).

11) L’utilisation des nouveaux médias sociaux offrent de nouvelles perspectives en matière d’évaluation de l’impact de certains problèmes de santé. Un système tel que tekenradar.nl peut apporter des informations mais a des limites intrinsèques. Par exemple : il va apporter une information quant à la présence de tiques mais ne dit rien quant au type de tiques ou quant aux personnes malades n’ayant pas souvenir d’avoir été mordues par une tique. L’image sera donc partielle ou source de confusion. Étudier sur cette base l’évolution épidémiologique et clinique de la maladie est également imparfait car les personnes qui vont utiliser l’outil ne sont pas forcément représentatives de la population (biais de recrutement), la stabilité de l’utilisation de l’outil dans le temps est également difficile à évaluer. L’entretien du site, l’analyse et la confrontation des informations à d’autres systèmes de surveillance, l’envoi systématique et l’analyse des tiques sont autant d’éléments qui sont extrêmement onéreux. L’initiative est intéressante, certains éléments pourraient être utilement reproduits pour apporter un complément aux informations qui sont déjà rassemblées par les systèmes de surveillance existants.