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Question écrite n° 5-8936

de Hassan Bousetta (PS) du 3 mai 2013

à la ministre de l'Emploi

Le droit de grève

droit de grève

Chronologie

3/5/2013Envoi question
3/9/2013Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-2982

Question n° 5-8936 du 3 mai 2013 : (Question posée en français)

Le Droit de grève est une liberté fondamentale.

Au même titre que la liberté d'expression et la liberté d'association, elle est reprise dans la Charte sociale européenne. Les travailleurs ont le libre choix de faire grève pour faire entendre leurs revendications.

Il y a tout juste un an, le Comité européen des droits sociaux a condamné la Belgique au motif que les interventions des tribunaux de 1ère instance sur base d'une requête unilatérale sont une atteinte au droit de grève.

Pour rappel, l'exercice du droit de grève en Belgique s'inscrit dans un contexte où les Tribunaux de l'ordre judiciaire s'immiscent de plus en plus souvent à la requête des patrons qui veulent la condamnation des piquets de grève.

Ces litiges donnent lieu à des scènes parfois spectaculaires où les huissiers de justice interviennent pour constater et, dans certains cas, " noter " l'identité des grévistes actifs menacés ainsi de payer des astreintes.

La question du service minimum, des réquisitions, des droits des non-grévistes,… se posent ici et là avec plus ou moins de pression.

A l'heure où des partis politiques recueillent un très grande nombre de voix d'électeurs désespérés au regard principalement de leur précarité face au travail et que ces partis se proclament exprimer le " ras-le-bol " des sans grades , ne doit-on pas faire preuve d'une extrême vigilance dans le respect de l'exercice des droits des travailleurs et, singulièrement, dans l'exercice du droit de grève ; ce droit qui ouvre le champ de l'expression des revendications dans un Etat démocratique ?

Dans ce contexte, Madame la Ministre de l'Emploi peut-elle nous dire quelles sont les initiatives qui ont été prises ou qui sont envisagées le cas échéant, à la suite de la condamnation de la Belgique par le Comité européen des droits sociaux en vue de se mettre en conformité avec l'art 6§4 de la Charte Sociale européenne ?

Réponse reçue le 3 septembre 2013 :

Je partage entièrement l’avis de l’honorable membre, selon lequel le droit de grève est un droit fondamental, dont l’exercice doit être garanti.

L’un des fondements juridiques de ce droit se retrouve dans la Charte sociale européenne révisée, que notre pays a ratifiée par voie de loi.

Il est toutefois très exagéré d’affirmer qu’en réponse à la plainte des 3 syndicats et de la CES, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe aurait, en date du 4 avril 2012, « condamné » l’État belge suite à l’intervention de certains Présidents de Tribunal de Première Instance, contre des piquets de grève. Le constat que tant les syndicats que les employeurs ont considéré la résolution du Conseil des ministres comme une « victoire » met bien en lumière les nuances de ce point de vue.

Une loi formelle n’est pas requise pour satisfaire aux dispositions de la Charte sociale européenne. Une jurisprudence transparente et prévisible qui reconnaît le droit de grève conformément à la CSE est suffisante. Et c’est sur ce point que, le 4 avril 2012, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a estimé, dans une résolution faisant suite à une plainte collective des syndicats belges, que certains éléments étaient à améliorer. Selon cette résolution, la jurisprudence belge n’est pas suffisamment cohérente et précise et la procédure selon laquelle le Président du Tribunal de Première Instance intervient dans le cadre d’une requête unilatérale pour empêcher préventivement certaines actions collectives n’est pas suffisamment « loyale », parce que les syndicats n’y sont pas associés.

Par ailleurs, le Comité des ministres a également estimé que l’intervention du pouvoir judiciaire n’était illégitime que lorsqu’elle vise à empêcher préventivement certaines actions collectives ou à interdire un piquet de grève sans vérifier si des faits de violence sont commis ou si les droits des non-grévistes sont bafoués.

Un piquet de grève où des faits de violence sont commis ou qui méconnaît les droits des non-grévistes (libre passage) ne bénéficie donc pas de la protection de la CSER.

Cette problématique n’est pas nouvelle pour le Gouvernement et, dans cette optique, je rappelle qu’en 2001/2002, le ministre de l’Emploi de l’époque avait formulé une proposition en vue de répondre à ces critiques. Un avant-projet de loi avait été élaboré, mais il avait été rejeté tant par les syndicats que par les employeurs. Pour éviter l’intervention du législateur, les organisations syndicales avaient alors pris une initiative parallèle, en concertation avec les organisations patronales. Ce « Gentlemen’s agreement », par le biais duquel les organisations syndicales appellent leur membres à ne pas recourir à la violence en cas de conflits collectifs et à respecter le délai de préavis de grève et les organisations patronales appellent leurs membres à éviter les procédures juridiques dans le cadre de conflits collectifs, n’est pas toujours respecté.

En 2008, le ministre de l’Emploi a demandé une évaluation de cet accord aux partenaires sociaux du Conseil national du Travail. Ce qui n’a donné lieu à aucun résultat jusqu’à présent.

Dans le cadre de cette résolution du Comité des ministres, j’ai demandé au Conseil national du Travail de communiquer le rapport du Comité aux partenaires sociaux et de le joindre à la précédente demande d’évaluation du « gentlemen’s agreement ».

Lors de la préparation du dossier, le CNT a déjà reçu une réponse partielle de l’Auditorat du Travail à sa question relative à l’ampleur des interventions juridiques dans les cas de conflits collectifs. Les chiffres manquants ont été réclamés par l’entremise du ministre de la Justice.

Toutefois, certains dossiers urgents ont, jusqu’à présent, retardé la suite du traitement par le CNT.

À ma demande, le ministre de la Justice a diffusé la résolution et l’interprétation du Comité des ministres aux magistrats, élément que les partenaires sociaux au sein du CNT considéraient comme très important.

Les syndicats et les organisations patronales ont également communiqué ces textes à leurs membres.