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Question écrite n° 5-8662

de Nele Lijnen (Open Vld) du 29 mars 2013

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Kenya - Violences ethniques et politiques - Armes

Kenya
commerce des armes
industrie de l'armement

Chronologie

29/3/2013Envoi question
23/9/2013Rappel
29/10/2013Rappel
21/11/2013Réponse

Question n° 5-8662 du 29 mars 2013 : (Question posée en néerlandais)

À l'occasion des récentes élections, Small Arms Survey a publié un rapport sur la police et les armes au Kenya. Selon ce rapport, les violences électorales, nouvelles comme anciennes, dérivent de tensions ethniques et politiques, ainsi que de la trop grande facilité de l'acquisition d'armes. Lors des élections de 2007, plus de mille personnes ont péri et 650 000 autres ont dû prendre la fuite. Au Kenya, les conflits ethniques se soldant par des morts et de nombreuses victimes sont toujours monnaie courante. En dépit de programmes de désarmement, le nombre d'armes illégales et surtout d'armes à feu légères ne cesse d'augmenter. L'usine de munitions (KOFC) d'Eldoret (Kenya) contribuerait fortement à ces conflits. De fait, la violence liées aux armes à feu dépend de la fourniture de balles. Cette question s'inscrit dès lors à la suite de mon autre question écrite à ce sujet.

En ce qui concerne la violence liée aux armes à feu, différents observateurs locaux et journalistes constatent dans le pays l'existence d'un circuit de munitions illégales. Au Kenya du Nord, un conflit oppose depuis des siècles les Pokot et les Marakwet. Des militants locaux des droits de l'homme ont constaté que la présence croissante d'armes à feu a aggravé la violence et que les munitions nécessaires à ces armes provenaient selon toute vraisemblance de l'usine d'Eldoret. Un journaliste d'investigation du journal kényan Daily Nation a découvert que des agents kényans volaient des balles originaires de l'usine et les vendaient au marché noir. En 2010, la police a découvert chez un homme d'affaires de Nakuru 130 000 cartouches fabriquées par l'usine. C'est notamment à Nakuru, dans la province de la vallée du Rift, qu'ont eu lieu les pires violences électorales du Kenya de 2007. Dans une étude (http://www.smallarmssurvey.org/fileadmin/docs/C-Special-reports/SAS-SR16-Kenya.pdf), Small Arms Survey signale la possibilité d'un circuit illégal de munitions bénéficiant de la complicité passive, voire active, des services d'ordre. Ces derniers auraient en effet fermé les yeux, voire aidé l'homme d'affaires. Au pays comme à l'étranger, ce circuit assurerait aux bandes et aux paysans un accès aux armes à feu et aux munitions.

La consultation du site web de la KOFC (http://www.kofc.co.ke/index.htm) nous apprend, d'une part, sa volonté de produire des munitions de qualité. D'autre part, sa liste de clients potentiels laisse à penser que l'entreprise n'est pas trop regardante à la sécurité en la matière: les forces armées et toutes les agences de sécurité du Kenya, tous les marchands d'armes légaux et agréés du pays, les gouvernements et nations amis, les instances internationales agréées, les partenaires stratégiques, les industriels, les fermiers, les meuniers, le public. Sur la base de cette liste, la KOFC est à même de vendre ses produits à n'importe quel individu ou organisation et les problèmes des dernières années paraissent par conséquent beaucoup moins étonnants. Le site web de l'usine de munitions mentionne également ses types de balles, à savoir les 9 mm destinées notamment au pistolet Browning FN 35, les 7.62x51 mm (massivement utilisées dans les guerres civiles africaines) pour le FN-FAL et le G3, ainsi que les 5.56 mm. Le rapport de Small Arms Survey donne également un aperçu limité des armes illégales saisies en 2010, dont des G3 (138), des FN (7) et des fusils à canon lourd FN (2). Répétons-le, ces armes ne fonctionnent pas sans munitions (illégales).

J'aimerais poser les questions suivantes au ministre:

1) Les munitions produites par la KOFC sont-elles utilisées par la police kényane, cette dernière ayant une très mauvaise réputation sur le plan des droits de l'hommeet jouant de surcroît un rôle très néfaste de renforcement dans divers conflits ethniques ?

2) La KOFC ne produit-elle que des munitions, ou fabrique-t-elle également des armes à feu ou tout autre matériel militaire, telles des mines ?

3) Le ministre a-t-il connaissance d'un circuit illégal de munitions au Kenya, à cause duquel ces munitions jouent non seulement un rôle néfaste dans des conflits ethniques, mais font de surcroît l'objet d'une exportation à l'étranger ? Pourrait-il expliquer ?

4) Selon le ministre, l'usine d'Eldoret joue-t-elle un rôle crucial dans ces conflits, en raison principalement de la disparition de munitions dans le circuit illégal ? Pourrait-il expliquer, étant donné les annonces sur l'implication possible de fonctionnaires ?

Réponse reçue le 21 novembre 2013 :

En 1987, la FN a obtenu des autorités kenyanes un contrat relatif à la vente de licences de production de munitions ; la construction de l’usine a été entamée en 1988 à Eldoret.

Le gouvernement belge de l’époque s’était fondé sur la situation existante à l’époque au Kenya pour délivrer des permis autorisant la participation d’un certain nombre d’entreprises belges. L’usine fut opérationnelle en 1997.

Après qu’aient été suspendues des licences d’exportations liées à cette usine de munitions, le Conseil des ministres du 8 mars 1998 a levé toute restriction sur les exportations liées à ce projet suite aux assurances données par le gouvernement kenyan sur le fait que les surplus de production ne seraient pas écoulés vers la région des Grands Lacs.

La Belgique n’a pas de droit de regard ou de contrôle sur cette usine qui est la propriété du Kenya depuis 25 ans.

Pour le surplus, je ne dispose pas d’informations sur les autres éléments cités dans la question.