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Question écrite n° 5-7818

de Yoeri Vastersavendts (Open Vld) du 21 janvier 2013

à la ministre de la Justice

Salafistes - Radicalisation - Détection - Prévention - Déclaration du ministre allemand de l'Intérieur

terrorisme
intégrisme religieux
Arabie saoudite
statistique officielle
islam
criminalité informatique
site internet

Chronologie

21/1/2013Envoi question
23/5/2013Rappel
18/12/2013Rappel
28/1/2014Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-7817

Question n° 5-7818 du 21 janvier 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le ministre allemand de l'Intérieur Friedrich met en garde contre le mouvement radical islamiste des salafistes. Le ministre indique que, selon le service de sûreté intérieure, ce mouvement est soutenu par des forces d'Arabie saoudite. Il y aurait déjà 2 500 adeptes en Allemagne dont une centaine de missionnaires actifs.

Ils parviendraient à s'adresser principalement à des jeunes confrontés à de gros problèmes. Le phénomène serait particulièrement développé dans des régions urbaines comme celle de la Ruhr. Selon le service allemand de sûreté intérieure, le manichéisme qui ferait uniquement la distinction entre les « vrais » croyants et les non-croyants, l'appartenance à une prétendue élite et la volonté de se couper de manière inconditionnelle des autres constituent le terreau propice à une radicalisation plus poussée pouvant mener à la violence et à des attentats.

Selon les observations du service de sûreté intérieure, l'extension du mouvement est fortement soutenue par des forces d'Arabie saoudite. Le mouvement salafiste en Allemagne n'aurait jamais acquis une telle importance sans l'influence saoudienne, indique Benno Köpfer, islamologue attaché au service de sûreté intérieure du Bade-Wurtemberg. L'ouverture de missions, l'organisation de séminaires sur l'islam, de stands d'information et, partiellement aussi, la propagande sur internet ne seraient possibles qu'avec le soutien financier et logistique de ce pays arabe. Ainsi, des islamistes radicaux, par exemple d'Ulm, seraient en train de traduire, en Arabie saoudite, de la littérature salafiste de l'arabe vers l'allemand. La police aurait trouvé, à l'occasion de perquisitions, des caisses remplies de brochures salafistes et des tonnes de livres. En outre, lorsque l'on recherche des informations à propos de l'islam sur l'internet allemand, on tomberait immanquablement sur des sites salafistes.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes.

) Comment réagissez-vous aux déclarations de votre homologue allemand et partagez-vous son avis ? Est-il aussi question dans notre pays d'un soutien accru au salafisme ?

2) Pouvez-vous indiquer combien de concitoyens sont des adeptes du salafisme, combien de prédicateurs salafistes sont actifs dans notre pays sur une base fixe et combien de prédicateurs ambulants passent chaque année dans notre pays ?

3) Est-il aussi question dans notre pays d'un soutien à des mosquées, des prédicateurs, des missions, des séminaires sur l'islam, etc., de la part de pays comme l'Arabie saoudite ? Dans l'affirmative, pouvez-vous donner des explications concrètes sur les montants et le soutien ? Dans la négative, pouvez-vous donner des explications ?

4) Pouvez-vous indiquer si des mosquées ou des missions sont soutenues, directement ou indirectement, par l'Arabie saoudite, le Qatar ou d'autres pays arabes ? Dans l'affirmative, pouvez-vous les citer ?

5) A-t-on déjà trouvé dans notre pays des publicationsradicales et des traductions de livres salafistes ? Dans l'affirmative, quel était le nombre de livres et autres publications, et combien de personnes étaient-elles impliquées ?

6) Pouvez-vous expliquer la manière d'appréhender les sites web salafistes qui s'adressent entre autres à notre pays ? Pouvez-vous indiquer combien de sites visent notre pays et combien de groupements salafistes sont actifs dans notre pays ? Où ces groupements sont-ils établis ?

7) Quelles mesures estimez-vous indiquées pour prévenir la radicalisation parmi les salafistes et repousser les prêcheurs de haine ? Pouvez-vous donner des explications ?

Réponse reçue le 28 janvier 2014 :

1. Ces dernières années, la Belgique a elle aussi connu une certaine recrudescence du soutien au phénomène du salafisme. Certaines figures issues des milieux islamiques radicaux ont habilement instrumentalisé la prétendue opposition entre l'Occident et l'Islam pour en faire un récit dualiste "eux-nous" dans lequel la composante « nous » est emplie d'un Islam salafite radical. Chaque action menée par les autorités ou d'autres acteurs belges et qui présente un lien avec l'Islam (par exemple la loi interdisant le port de tout vêtement cachant le visage, les actions contre l'abattage sans étourdissement préalable, etc) est utilisée afin d'accroître l'antagonisme et de renforcer la tendance salafite.

2. Selon les estimations de la Sûreté de l'État, le salafisme compterait quelques centaines de militants en Belgique. Ces personnes participent activement au développement du salafisme dans notre pays. Le nombre de sympathisants, c'est-à-dire des personnes qui ne participent qu’à certaines conférences salafites, est évalué à quelques milliers.

Il est malaisé de chiffrer le nombre, particulièrement instable, de prédicateurs salafites itinérants. En effet, il n'est pas toujours possible de préjuger de la teneur des propos tenus par le passé ou à l'avenir par une personne inconnue en Belgique lors de sa visite dans notre pays. Nonobstant ces zones d'ombre, nous pouvons avancer avec certitude que des dizaines de salafites connus se rendent en Belgique chaque année pour y prêcher.

3. L'appui de grandes puissances étrangères à leurs coreligionnaires en Belgique est un constat de longue date. Dans la plupart des cas, ce soutien n'a rien à voir avec le salafisme. A cet égard, il convient d'opérer une distinction entre les pays ayant une importante communauté de migrants dans notre pays, et les autres. Les pays de la première catégorie se sont toujours efforcés de "diriger" leur colonie de migrants, y compris dans leur perception de l'Islam. Cette situation est rarement source de débordements extrémistes.

Il existe d'autre part les États appelés pays islamiques phares. Ces pays, qui ne possèdent pas ou peu de communauté propre en Belgique, s'attribuent un rôle missionnaire universel. Dans ces pays, l'interprétation religieuse qui fait autorité se rapproche dans certains cas du salafisme. En raison de leur influence, ces pays ont effectivement un effet radicalisant, y compris en Belgique.

L'emprise de ces pays revêtait, il y a quelques années, un aspect principalement financier (l'achat de bâtiments à finalité religieuse, par exemple). Bien que cette approche soit encore d'actualité, nous constatons que ce soutien tend à se diversifier, sous la forme de dons de matériel (matériel didactique, corans, livres de lecture, tapis de prière, etc) et de l'envoi de prédicateurs.

4. Une mosquée est un endroit qui doit rester accessible à chaque croyant quelle que soit sa vision spécifique de la foi. En ce sens, les mosquées peuvent être considérées comme des maisons ouvertes. De nombreuses mosquées accueillent différentes tendances, chacune dans une mesure plus ou moins importante. Seul un très petit nombre de mosquées abritent exclusivement la tendance salafite.

L’ouverture des mosquées, qui constitue leur point fort, représente aussi, dans nombre de cas, leur point faible. Les directions des mosquées ont fort à faire lorsqu'il s'agit d’interdire l'entrée aux personnes prônant la radicalisation. Les jeunes que leur position socio-économique et leur jeune âge rendent davantage sensibles à de tels messages sont ainsi fréquemment la cible des prédicateurs salafites.

5. Les pays islamiques phares ont toujours porté une attention particulière à la propagation de leurs convictions religieuses dans le monde. A cet égard, la diffusion de littérature est une priorité qui vient compléter depuis longtemps déjà l'aide financière. Dans de nombreux cas, cette littérature revêt un caractère relativement inoffensif. D'un autre côté, elle fait néanmoins office de marchepied vers les centres en Belgique (souvent désignés comme les éditeurs des œuvres en question) qui répandent le message salafite avec beaucoup plus d'ardeur.

6. Dans le domaine de la politique de sécurité belge des accords ont été conclus en ce qui concerne la manière d'aborder les sites Internet à tendance radicalisante. Ces accords ont déjà permis de supprimer du contenu Internet radicalisant.

La présence salafite en Belgique a pris une certaine ampleur depuis les années 1990. C'est à cette époque qu'un certain nombre de centres salafites ont ouvert leurs portes dans la capitale. Ceux-ci sont encore très actifs à l'heure actuelle. La création de la quasi-totalité de ces centres répondait à un objectif de diffusion du salafisme et au désir de contrer l'influence d'autres courants idéologiques. Ces centres ont développé ces dernières années diverses activités dans le domaine éducatif. Ils proposent entres autres des cours d'arabe et de religion islamique. Par ailleurs, ils font office de centres de rencontre pour les partisans de leur idéologie et disposent des équipements nécessaires pour ce faire.

L'emplacement des centres salafites, en rapport avec un personnage central - le responsable du centre - revêt un caractère primordial. Ces centres sont particulièrement bien connus dans les milieux islamiques radicaux et leur responsable est en règle générale entouré de respect. A la différence des mosquées, dont la politique générale inclut une forme minimale d'ouverture aux autres courants de pensée, le responsable d'un centre salafite détermine lui-même l'orientation idéologique de ce centre.

Outre les centres salafites, il existe un certain nombre de groupements salafites actifs. Ces groupements sont, la plupart du temps, des organisations qui ont vu le jour peu après les centres. Ils se consacrent principalement à l'organisation de manifestations de plus grande ampleur, de conférences, etc. Ils n’œuvrent pas toujours à partir d'un seul et même emplacement. Les groupements entendent attirer un grand nombre de différents prédicateurs internationaux à leurs conférences, qui rassemblent ainsi des centaines, voire des milliers de personnes.

Les participants aux grandes conférences salafites organisées par un groupement salafite ne sont pas tous salafites, au contraire des organisateurs de l'événement qui, eux, le sont bien. Les livres et DVD en vente à cette occasion sont également salafites. Par ailleurs, les orateurs (internationaux) qui interviennent lors de ces conférences propagent un message salafite dissimulé sous un discours modéré.

Alors que les groupes et centres salafites étaient à l'origine principalement actifs à Bruxelles et, dans une moindre mesure, à Anvers - les deux plus grandes villes du pays -, nous constatons à l'heure actuelle qu'ils déploient leurs activités dans presque tous les centres urbains de Belgique.

7. Il pourrait être judicieux de: