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Question écrite n° 5-7635

de Richard Miller (MR) du 19 décembre 2012

à la ministre de la Justice

La fraude concernant les diamants à Anvers (Processus de Kimberley)

pierre précieuse
certificat d'origine
trafic illicite
fraude

Chronologie

19/12/2012Envoi question
7/5/2013Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-2737

Question n° 5-7635 du 19 décembre 2012 : (Question posée en français)

Je me suis intéressé de près aux sujets de la traçabilité des diamants et du processus de Kimberley. À travers son mécanisme de certification, ce processus permet de lutter contre le commerce des diamants issus de zones de conflits et il assure une transparence dans le commerce de diamants bruts, du moins ceux qui transitent par Anvers. Par ailleurs, lors de la réintégration du Zimbabwe au sein du processus de Kimberley en novembre 2011, j'avais interpellé Steven Vanackere, alors Ministre des Affaires étrangères, sur les raisons de cette réintégration, et sur les conséquences que celle-ci avait sur le bon déroulement du processus de Kimberley.

Ayant été invité à visiter le siège de l'AWDC à Anvers, en septembre dernier, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec ses dirigeants au sujet du processus de Kimberley. Ceux-ci m'ont assuré que notre gouvernement avait toutes les raisons de soutenir l'AWDC, car celle-ci détient les capacités de contrôle et de vérification de la provenance des diamants. Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de visiter le Diamond Office, département de l'AWDC contrôlé par le SPF Finances, qui constitue un passage obligé pour tous les diamants bruts transitant par Anvers. Les membres de l'AWDC m'ont garanti le caractère sérieux et transparent du système de certification du processus de Kimberley (SCPK).

Cependant, une instruction judiciaire du parquet d'Anvers révèle l'existence d'une fraude de grande ampleur menée par une famille libanaise, qui serait proche du Hezbollah, installée à Anvers. Cette famille aurait depuis un certain nombre d'années détourné des diamants, en provenance de pays africains (Zimbabwe, RDC...), via des pays tels que la Suisse et les Emirats arabes unis, pour les faire parvenir en Belgique. Cette fraude, qui s'étendait de 2003 à 2009, s'élèverait à 1,3 milliard d'euros. Cette famille libanaise aurait reconverti une majorité de ses bénéfices dans l'immobilier au Liban. Certains supposent que cette somme aurait en partie été utilisée pour financer le mouvement chiite libanais.

Ces allégations sont sources d'inquiétudes et démontrent que de véritables failles existent au sein du processus de Kimberley, notamment dans son incapacité à contrôler la provenance de certains diamants, ainsi que dans le non-respect des clauses du processus par certains Etats. De plus, les sociétés tenues par cette famille libanaise auraient déjà été épinglées précédemment par le renseignement militaire belge (SGRS), par la Sûreté de l'Etat, par l'administration américaine du Trésor et encore par le Conseil de sécurité de l'ONU, suggérant un manque de coordination évident. Je souhaiterais connaître l'avis de Madame la Ministre, connaître les informations dont celle-ci dispose, savoir quelles seront les suites de ce dossier, ainsi que la manière dont notre gouvernement envisage de lutter contre ces défaillances au sein du Processus de Kimberley.

Madame la Ministre,

1) De quelle manière le SPF Justice surveille-t-il ce dossier ? Le SPF Justice et le parquet d'Anvers collaborent-ils avec la Sûreté de l'Etat et le SGRS afin de mettre en lumière ce dossier ? De plus, étant donné les allégations concernant le financement indirect du Hezbollah, la justice belge collabore-t-elle avec la justice libanaise ?

2) La Ministre peut-elle nous indiquer pour quelles raisons le parquet ait mis autant de temps avant d'achever cette instruction judiciaire, malgré les nombreux soupçons au sujet des sociétés par les organisations susmentionnées, dont un rapport de la Sûreté de l'Etat paru en 2008 ? Quelles seront les suites au niveau judiciaire de ce dossier, étant donnés les détournements illégaux et éventuellement le financement d'activité potentiellement terroriste ?

3) De quelle manière cette famille libanaise a-t-elle pu se procurer des certificats ? Pensez-vous que Dubaï, qui constitue un lieu de transit pour les diamants bruts, livre illégalement des certificats de Kimberley ?

4) De quelle manière notre gouvernement, ainsi que la Commission européenne, en tant que membre représentant les Vingt-Sept au sein du Processus de Kimberley, peuvent-ils mieux encadrer ce type de défaillance ? Les défaillances sont de taille : la Suisse et les Emirats arabes unis sont tous deux signataires du Processus de Kimberley.

5) Disposez-vous des informations concernant la reconversion du produit de la fraude par cette famille libanaise ? Ces fonds détournés auraient-ils été utilisés pour financer les activités du Hezbollah ?

Réponse reçue le 7 mai 2013 :

  1. En ce qui concerne la Sûreté de l’État, lorsque elle a connaissance de faits frauduleux dans le secteur diamantaire, elle transmet ces informations par note au parquet compétent. Le Procureur du Roi à Anvers a ouvert une enquête judiciaire.

  2. Le dossier est prêt pour la réquisition finale. Je ne peux pas vous communiquer les détails de ce dossier.

  3. La Sûreté de l’État fait partie de la « Task Force Diamants », organe dirigé par le Service public fédéral (SPF) Affaires Étrangères (Direction des Intérêts économiques) regroupant notamment les Douanes, le Parquet Fédéral, l’AWDC, etc. La Task Force Diamants est chargée notamment de réfléchir à la position de la Belgique quant au processus de Kimberley. Dans ce cadre je tire l’attention sur le rôle de la zone franche de Dubaï dans le commerce des diamants bruts. On constate que l’origine des diamants peut être masquée dans cette zone franche. Le transit de diamants bruts par Dubaï nécessite un nouvel certificat Kimberley. Dans certains cas les diamants d’origine africaine sont mélangés avec des diamants d’une autre origine dans un nouvel emballage. De cette façon « l’origine » ou la « provenance » des diamants bruts peut être modifiée sur le certificat Kimberley. On peut même indiquer sur le certificat la mention de « mixed origin » ou même « unknown origin » si l’origine de la cargaison est non connue.

  4. Cette problématique est examinée par le procureur du Roi d’Anvers.

  5. Les éléments concrets et substantiels recueillis par la Sûreté de l’État indiquant une implication dans le financement du Hezbollah sont toujours envoyés aux autorités judiciaires compétentes.