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Question écrite n° 5-7360

de Bert Anciaux (sp.a) du 22 novembre 2012

à la ministre de la Justice

Échantillons ADN - Contrôle - Banque de données - Possibilités légales

base de données génétiques
ADN
base de données
lutte contre le crime

Chronologie

22/11/2012Envoi question
13/12/2013Requalification
15/1/2014Réponse

Requalifiée en : demande d'explications 5-4525

Question n° 5-7360 du 22 novembre 2012 : (Question posée en néerlandais)

Le traitement récent d'un ancien dossier de viol aux Pays-Bas, où des échantillons ADN de milliers de voisins de la victime avaient été prélevés, a conduit à une arrestation. Plus tôt, un Belge s'était suicidé après une analyse ADN réalisée à grande échelle et avant que la police ne vienne l'arrêter, son échantillon ADN correspondant à celui recherché.

L'utilisation systématique d'ADN suscite de nombreuses controverses. Ses partisans, tels que notre Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), estiment qu'il serait préférable de prélever sur chacun, à la naissance, un échantillon ADN et de le stocker dans une gigantesque banque de données. Ses détracteurs pointent d'éventuels problèmes en matière de vie privée car l'ADN contient naturellement de nombreuses données, par exemple, d'ordre médical, qui n'ont rien à voir avec la criminalité.

D'où les questions suivantes :

1) Quelles (im)possibilités légales existe-t-il actuellement en ce qui concerne l'élaboration, la composition, la gestion et l'utilisation de banques de données ADN ?

2) Qui contrôle actuellement la collecte d'échantillons ADN ? Comment celle-ci est-elle régie et évaluée ?

3) La ministre est-elle partisane de la création d'une banque de données ADN telle que proposée, entre autres, par l'INCC ?

Réponse reçue le 15 janvier 2014 :

Les activités actuelles des banques de données ADN sont réglées par la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale et par l’arrêté royal d’exécution du 4 février 2002.

Cette loi ADN prévoit actuellement deux banques nationales de données ADN dont la gestion est confiée exclusivement à l’INCC.

La banque nationale de données « Criminalistique » contient les profils de traces non identifiées alors que la banque nationale de données « Condamnés » contient les profils de certaines catégories de condamnés.

Cette loi précise que les analyses ne portent que sur de l’ADN non codant (aucune information autre que l’identification ne peut donc en être extraite). Par ailleurs, l'utilisation de ces données se limite exclusivement à l'identification directe ou indirecte de personnes impliquées dans une infraction.

Comme le prévoit la loi, l’unité gestionnaire des fichiers nationaux ne gère pas le nom des personnes qui font l'objet d'une analyse ADN. Cette unité gestionnaire ne dispose que d’un code ADN et seul un magistrat est compétent pour relier un profil à l’identité de la personne dont il provient.

La gestion des banques de données a été règlementée et prévoit que les membres du personnel de l’INCC concernés par l’exploitation des banques de données ADN sont soumis à des exigences extrêmement strictes en matière de confidentialité et de secret. Ces personnes ne peuvent pas prendre part aux analyses ADN. La loi prévoit également qu’un contrôle du respect des dispositions en matière de protection de la vie privée dans les banques nationales de données ADN soit exercé par un préposé à la protection des données. L’INCC doit prendre les mesures nécessaires sur le plan technique et organisationnel pour garantir la sécurité et la confidentialité des données à caractère personnel.

La loi du 7 novembre 2011 modifiant le Code d'Instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale ont été publiées au Moniteur belge le 30 novembre 2011. L'arrêté d'exécution du 17 juillet 2013 a été publié le 12 août 2013. Tous deux entrent en vigueur au 1er janvier 2014.

La nouvelle loi a pour objectif d'introduire un certain nombre d'aménagements législatifs dans une démarche de simplification des procédures et de réduction des coûts des analyses ADN. Les procédures doivent surtout devenir plus transparentes et plus simples et permettre un déroulement efficace du procès, ce qui aura pour effet de réduire les coûts. La nouvelle loi apporte de surcroît un certain nombre de garanties supplémentaires pour toutes les personnes concernées par l'enquête scientifique, et autorise également les comparaisons avec les banques de données étrangères afin de mettre la législation belge en conformité avec certaines obligations internationales découlant du Traité de Prüm du 27 mai 2005 relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration, illégale, intégré dans le cadre juridique de l'Union européenne par la Décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008.

Une autre innovation importante est la création d'une cellule nationale qui sera responsable pour l'attribution des numéros de code ADN et qui aura un rôle de coordination des activités assujetties à la centralisation et à la gestion des numéros de code ADN.

Le texte de l'arrêté royal rappelle que l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) est le garant de la bonne gestion des banques de données nationales. Il est en outre rappelé qu'à ce titre, il est en droit de recueillir et de traiter, dans les limites de ses missions, les données à caractère personnel que constituent les profils génétiques.

Comme les membres du personnel concernés par l'exploitation des banques de données prennent connaissance d'un grand nombre de données sensibles, ils sont soumis aux exigences les plus strictes en matière de confidentialité et de secret, à savoir le secret de l'instruction et les exigences mentionnées à l'article 458 du Code pénal. Cela confirme explicitement l'application à ces personnes des articles 28quinquies, § 1er (secret de l'information) et 57, § 1er (secret de l'instruction) du Code d'instruction criminelle. Ils ne peuvent en outre participer simultanément aux analyses ADN en tant que telles afin d'éviter de prendre connaissance des faits qui ne concernent pas les processus de comparaison des données enregistrées au niveau national, voire même du nom de certains protagonistes.

Il revient au gestionnaire et à son délégué de proposer au ministre de la Justice les principes et mesures visant l'efficacité, la pérennité et la sécurité des fichiers parmi lesquels, notamment, les processus de transmission des profils ADN, la structure et la nomenclature de ces profils, et les critères de qualité auxquels doivent répondre les profils des traces et les profils de référence. Les choix seront portés en fonction des consignes et directives internationales. La loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, modifiée par la loi du 11 décembre 1998 transposant la directive 95/46/CE, prévoit que le responsable du traitement, in casu l'INCC, doit prendre les mesures nécessaires sur le plan technique et organisationnel pour garantir la sécurité et la confidentialité des données à caractère personnel. Ces dispositions doivent dès lors être complétées par un règlement relatif à la fonction du gestionnaire, la pérennité et l'exactitude des données enregistrées et traitées, les modalités d'accès pour chaque utilisateur agissant par délégation du gestionnaire. Le gestionnaire, dont le rôle est central dans la mise en œuvre des banques de données et le respect des règles qui les entourent, voit sa fonction précisée et ses responsabilités définies plus en détail.

Le préposé à la protection des données est également le garant du respect de cette réglementation, de l'exécution de contrôles dans le laboratoire d'analyse ADN et de la rédaction d'un rapport annuel pour la Commission de la protection de la vie privée sur la gestion des profils ADN dans les banques de données nationales de l’INCC.

Le procureur du Roi désigne un expert attaché à un laboratoire afin d'établir le profil ADN de l'échantillon de référence et, le cas échéant, d'exécuter la comparaison du profil ADN avec les profils ADN des traces découvertes dans le cadre de l’affaire concernée.

Sur la base de la liste élargie des infractions, visée à l'article 5 de la nouvelle loi ADN du 7 novembre 2011, et en tenant compte de l’évaluation menée par le service de la politique criminelle sur la base des condamnations prononcées au cours des années antérieures pour ces mêmes infractions, nous estimons que dans l'avenir, l'enregistrement du nombre de profils génétiques de condamnés atteindra les 8000 par année. En outre, les deux banques de données existantes peuvent être élargies à une banque de données « Personnes disparues » par exemple. L’objectif n'est toutefois pas de créer une banque de données des profils ADN de tout le monde.