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Question écrite n° 5-5747

de Nele Lijnen (Open Vld) du 29 février 2012

à la ministre de la Justice

Pédopornographie - Internet - The Onion Router Network (TOR) - Anonymous - AnonOps Belgium

pédophilie
pornographie enfantine
Internet
criminalité informatique

Chronologie

29/2/2012Envoi question
28/6/2012Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-5746

Question n° 5-5747 du 29 février 2012 : (Question posée en néerlandais)

Une émission néerlandaise a fait récemment également parler d'elle chez nous. Dans cette émission, un journaliste lève le voile sur toutes sortes d'activités frauduleuses et illégales. Dans la dernière série, il a infiltré le monde de la pornographie infantile. C'est ainsi qu'il a rencontré un pédophile belge qui lui a raconté qu'il regardait de la pornographie enfantine sur internet. Il lui a également montré des photos de lui-même se livrant à des actes sexuels avec ses enfants en bas-âge. L'intéressé a raconté qu'il pouvait regarder quasiment sans risque de la pornographie enfantine sur internet via The Onion Router Network (réseau TOR). Il s'agit d'un réseau internet hautement sécurisé qui empêche de déterminer l'origine et la destination des messages. Il est également pratiquement impossible de trouver l'utilisateur. Ce réseau hautement sécurisé permet diverses applications utiles. Ainsi, des journalistes et des militants se trouvant dans des pays dans lesquels la liberté de la presse n'est pas garantie arrivent quand même à communiquer avec le monde extérieur grâce à ce réseau sécurisé.

Il y a cependant un revers à la médaille : le réseau est également utilisé par des dealers, hackers et diffuseurs de pédopornographie. Leurs données sont aussi protégées et il est pratiquement impossible de trouver leur identité. Alors qu'auparavant les pédophiles couraient beaucoup plus de risques sur l'internet normal, ils se sentent maintenant relativement en sécurité sur le réseau TOR.

On a également entendu dans le reportage un membre du groupe Anonymous qui s'inquiétait du nombre croissant de photos et de petits films à caractère pédopornographique qui étaient diffusés sur l'internet via le réseau TOR. Il disait parler au nom d'Anonymous. Ce groupe est constitué de milliers d'individus qui, à l'origine, échangeaient anonymement des données entre eux. Ils font de plus en plus souvent parler d'eux dans les médias à cause de leur comportement de hackers. Plusieurs personnes dans le monde ont déjà été arrêtées parce qu'on les soupçonnait d'exercer des activités dans le cadre du collectif de hackers. Une branche du groupe est également présente dans notre pays sous le nom d'AnonOps Belgium. Il a entamé une action contre ArcelorMittal après que celui-ci a annoncé fin janvier la fermeture de la ligne à chaud de Liège.

Je souhaiterais par conséquent obtenir une réponse détaillée aux questions suivantes :

1) Comment réagissez-vous au fait que le réseau sécurisé TOR soit également utilisé, par exemple, pour diffuser de la pornographie enfantine ?

2) La Justice est-elle présente sur ce réseau ? Peut-elle faire quelque chose contre les diffuseurs de pédopornographie ou les dealers ? Pouvez-vous l'expliquer en détails ?

3) Les services de police sont-ils présents sur le réseau TOR ?

Que pensez-vous des cyberpatrouilles qui se se rendent sur le réseau TOR ?

4) Que pensez-vous du groupe Anonymous ? La justice connaît-elle son existence ? Des actions peuvent-elles être menées à leur encontre s'ils commettent des faits criminels ?

5) Disposez-vous d'informations sur la branche belge du groupe, AnonOps Belgium ? Combien de membres compte-t-elle ? Sont-ils surveillés par certains services ? Si oui, lesquels ?

6) Des poursuites ont-elles déjà été engagées dans notre pays contre Anonymous ou contre sa branche belge ou des plaintes ont-elles déjà été déposées à la police ? Si oui, combien et quelles sont ces plaintes ?

Réponse reçue le 28 juin 2012 :

Le réseau TOR est connu depuis des années et a initialement été développé par l’United States (US) Navy. Son développement a été ensuite poursuivi par plusieurs organisations de défense des droits civils. Selon ses créateurs, l’objectif du réseau est de garantir l’anonymat des « dénonciateurs », des dissidents, des activistes, des journalistes, des militaires et des organismes d’application de la loi.

Pour autant que les conditions d’utilisation du réseau TOR soient respectées, ce réseau offre en effet une garantie d’anonymat très avancée pour ses utilisateurs. Il est clair que des criminels de tous bords s’en servent également pour exercer leurs activités sans difficulté. Comme vous le mentionnez, des cas de pornographie enfantines sont connus.  

2)  

Pour lutter contre les abus d’un système comme le réseau TOR, il convient d’abord de vérifier si le système ne constitue lui-même pas une infraction pénale.  À cet effet, il nous faut analyser ce que fait le système:     

Le projet TOR (The Onion Router) remplit deux fonctions : 

1° il crypte le contenu de la communication de sorte que l’interception de communication de données passant par TOR ne donne plus d’informations utilisables;

2° il fait en sorte que tous les éléments d’identification de l’origine de la communication soient enlevés ou bloqués, de sorte qu’il est impossible d’identifier l’autre partie de la communication.   

La loi sur les communications électroniques de 2005 prévoit que l'emploi de la cryptographie est libre. Sur ce point, le système ne peut donc pas être remis en question.   

Toutefois, la fonctionalité de protection de l’identité est peut-être contraire à l’article 127 de la même loi. Cet article oblige l’opérateur à toujours pouvoir donner l’identité de leurs utilisateurs à la police et à la justice si ces derniers la demandent par voie légale.  

Les obligations sont cependant prévues pour les opérateurs et il n’est pas évident de savoir clairement si les personnes installant le logiciel TOR en toute bonne foi sur leur PC et offrant ainsi également le service doivent également répondre à ces obligations. Si c’est le cas, elles sont en principe punissables. Ce problème est actuellement en cours d’étude.   

3)  

Il apparaît de plus en plus clairement que le cyberespace pose problème dans le cadre du maintien de l’ordre et de la loi.  

Les instruments traditionnels tels que les visites domiciliaires, l’audition, les saisies, la recherche scientifique de traces matérielles ne peuvent être utilisés que si des suspects ont pu être identifiés. Si l’identification est impossible, il faut alors rechercher dans quelle mesure les instruments juridiques de la police et de la justice doivent être adaptés à cette nouvelle réalité. 

Les différents domaines posant problème et les éventuelles solutions sont actuellement étudiés par un groupe de travail composé de magistrats et de policiers.       

Des initiatives ont été prévues dans le cadre du nouveau Plan national de sécurité, elles permettront d’étudier et également améliorer les aspects techniques des recherches Internet.

Ma volonté est de donner une réponse adéquate à cette problématique, en collaboration avec mes collègues en charge de l’Intérieur et des Télécommunications.   

4)  

Bien entendu, avec les actions qu’il a menées ces derniers mois, Anonymous a sucité l’intérêt des différents services de sécurité de notre pays.  

Bien que lors de ses dernières actions, les instruments et la méthode utilisée par Anonymous afin d’attaquer ou de s’infiltrer dans des systèmes se sont avérés simples, l’impact de ces actions n’est souvent pas négligeable et plusieurs services Internet de différents pays ont été mis hors d’état de marche. 

En outre, Anonymous réagit également par des représailles chaque fois que les autorités judiciaires arrivent à arrêter certains de ses membres.   

Il est donc clair qu’il faut bien tenir compte de la menace que représente Anonymous. 

5)   

L’action contre ARCELOR-Mittal et la menace envers la BAF en raison de son action contre The Pirate Bay démontrent bien la présence d’une activité d’Anonymous en Belgique. De plus, une série d’activistes avaient été brièvement arrêtés administrativement en 2011 car ils avaient mené une action Anonymous en distribuant des tracts et en dessinant des tags sur les murs.  

Cela n’a cependant pas beaucoup de sens d’essayer de comptabiliser le nombre de membres Anonymous en Belgique.

Il est en fait difficile de considérer Anonymous comme une organisation. Il faut plutôt le voir comme un mouvement de protestation citoyenne contre le pouvoir des autorités et des grandes entreprises. Apparemment, beaucoup se sentent appelés à agir au nom d’Anonymous sans qu’il y ait une gestion claire du mouvement à partir d’un centre décisionnaire. Ce qui relie ces groupes, c’est une philosophie très vague qu’on peut lire sur différents sites web, les moyens de communication, le nom Anonymous et le masque de Guy Fawkes. 

Dans le Plan national de sécurité 2012-2015, la cybercriminalité grave est reprise comme une priorité. Dans le cadre de la Plate-forme de concertation fédérale sur la sécurité de l'information, BELNIS, différents groupes de travail étudient actuellement différents aspects devant garantir une plus grande sécurité des systèmes d’information des autorités et du secteur privé. Un schéma de réaction en cas d’incidents graves est également en cours de développement. Il doit permettre aux autorités d’activer toutes les parties concernées et leur permettre de prendre leurs responsabilités au moment où se produit une attaque.   

Une collaboration a également lieu au niveau international concernant Anonymous, notamment dans le cadre d’Europol. 

6)  

Plusieurs dossiers de recherche et dossiers judiciaires ont déjà été ouverts. Dans le cadre de ces dossiers et sur la base des obligations générales de surveillance d’éventuelles menaces, les activités des groupes d’activistes sont observées. Une concertation en la matière est organisée entre les différents services de sécurité.