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Question écrite n° 5-573

de Bert Anciaux (sp.a) du 16 décembre 2010

au secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales

Demandes d'asile - Campagnes de dissuasion - Nombre, coût et contenu - Efficacité

asile politique
sensibilisation du public
demandeur d'asile

Chronologie

16/12/2010Envoi question
17/3/2011Réponse

Question n° 5-573 du 16 décembre 2010 : (Question posée en néerlandais)

En mars 2001, le secrétaire d'État s'est rendu, en compagnie du premier ministre, en Serbie et en Macédoine afin de décourager les personnes en quête de bonheur de demander l'asile en Belgique. Plus récemment, il est reparti en ajoutant l'Albanie à sa tournée.

Le flou règne sur ces campagnes de dissuasion. Je ne trouve que peu d'informations à leur sujet.

Je souhaiterais une réponse aux questions suivantes :

1) Le secrétaire d'État peut-il me donner un relevé des pays où des campagnes de dissuasion ont été ou sont menées ? Peut-il m'en indiquer le coût ? Quel est le coût moyen par pays d'une campagne ?

2) Envisage-t-il de nouvelles campagnes de dissuasion, étendues à d'autres pays ? Peut-il m'en fournir un aperçu ? Qui détermine les pays où sont menées les campagnes ? En fonction de quels critères ou de quelles considérations ?

3) Le secrétaire d'État peut-il me détailler le contenu de ces campagnes ? Quels messages diffuse-t-on ? Quelles sont les méthodes employées ? Quel est le groupe cible et comment le touche-t-on ? Quelle est l'échelle d'une telle campagne : nationale, régionale, locale, ... ? Quelles sont les modalités de collaboration avec les pays d'origine ? Ceux-ci attendent-ils des contreparties des autorités belges et si oui, lesquelles ?

4) Quelle est la durée moyenne d'une campagne ? Ces campagnes sont-elles répétées après un laps de temps pour obtenir un effet durable ? Un suivi est-il assuré dans l'intervalle ?

5) Le secrétaire d'État peut-il me préciser l'efficacité de ces campagnes ? Le nombre de demandes d'asile (non fondées) en provenance des pays où se déroule une campagne diminue-t-il visiblement ? Peut-il me fournir des chiffres ?

6) Cette mesure politique a-t-elle déjà été évaluée ? Dans l'affirmative, le secrétaire d'État peut-il me communiquer les résultats ? Dans la négative, pourquoi pas ? Compte-t-il encore y procéder ?

7) Quel était le budget total des campagnes de dissuasion pour 2010 ? Quel est le budget pour l'année prochaine ? Le secrétaire d'État peut-il me dire s'il existe un engagement budgétaire pour les prochaines années ?

Réponse reçue le 17 mars 2011 :

Ci-dessous, vous trouverez une liste des campagnes de prévention financées sur les budgets de 2008, 2009 et 2010.

Budget 2008

a. Sénégal

Le Sénégal connaît un problème grave : des personnes issues de familles des villages côtiers tentent de traverser la mer en direction des Îles Canaries pour tenter d’entrer illégalement dans l’espace Schengen. L’objectif consiste à financer un projet plus important comprenant les activités suivantes : prévention, soutien aux familles divisées et stabilisation de la population (6 000 euros).

b. Inde

L’immigration illégale à partir du Nord du Punjab vers la Belgique est un phénomène qui existe déjà depuis un certain temps. Il serait possible d’influencer l’afflux de migrants en organisant une campagne de prévention ciblée, principalement dans le district de Jalandhar. Cette campagne doit être menée conjointement avec une action de l’Office des Étrangers (OE) afin d’encourager les autorités du district à lutter contre l’immigration illégale et à établir des contacts pour accroître l’identification d’Indiens illégaux issus de cette région (40 000 euros).

c. Cameroun

Ces derniers temps, l’immigration illégale en provenance du Cameroun a adopté diverses formes : abus du statut d’étudiant, regroupement familial et falsifications de visas. En outre, l’afflux de demandeurs d’asile de ce pays vers la Belgique était déjà assez élevé. Une campagne de prévention visant les groupes de personnes qui ont principalement recours à ces voies (étudiants, population anglophone, femmes seules), conjuguée à une politique plus restrictive en matière de visas à l’ambassade de Belgique, permettrait de réduire sensiblement cet afflux (54 000 euros).

Budget 2009

a. Campagne de prévention au Kosovo

L’afflux de Kosovars reste constant malgré la tendance à la baisse observée dans la région. Il s’agit principalement de demandeurs d’asile du Sud-Ouest du Kosovo d’origine rom et de Serbes originaires du Nord du Kosovo. Le projet consiste à offrir une aide à la population rom locale dans le Sud-Ouest du Kosovo afin qu’elle puisse davantage participer à la politique locale. En outre, le projet prévoit une campagne d’information générale au Kosovo (61 000 euros).

b. Campagne de prévention en Guinée

L’immigration illégale à partie de la Guinée vers la Belgique reste toujours élevée. Il s’agit de jeunes originaires de Conakry ou d’autres villes universitaires qui demandent l’asile ou restent en séjour illégal en Belgique. L’objectif du projet est principalement d’informer les étudiants et la jeune population urbaine de Conakry, Kankan et Labé sur la probabilité que leur demande d’asile en Belgique obtienne une suite favorable et sur les dangers de l’immigration illégale (57 000 euros).

c. Campagne de prévention en République démocratique du Congo

L’immigration illégale en provenance de la République démocratique du Congo est en baisse. Cette diminution s’explique par la politique constante menée par l’OE en matière de prévention à Kinshasa. À l’aide d’actions populaires et appréciées des Congolais, comme des pièces de théâtres, des concerts et des scénettes, les habitants de Kinshasa sont informés des dangers de l’immigration illégale et sont encouragés à investir dans leur propre pays. L’afflux ne pourra continuer à diminuer que grâce à un effort permanent de prévention et d’information (40 000 euros).

d. Prévention de l’exploitation économique de ressortissants brésiliens : deux projets

Le premier projet consiste en une campagne de prévention en Belgique : ce projet a vu le jour à la suite de l’augmentation de la criminalité liée à la migration de Brésiliens vers la Belgique, constatée par les services d’Inspection sociale et de police. Le projet visait à rendre les victimes potentielles moins vulnérables afin qu’elles ne tombent pas aux mains de trafiquants d’êtres humains. L’ Organisation internationale pour la migration (OIM) a organisé la campagne de septembre à décembre 2009 en étroite collaboration avec l’OE, les services d’Inspection sociale et la Police fédérale (40 000 euros).

Le deuxième projet consistait à instaurer une collaboration entre les autorités brésiliennes et belges dans le cadre de la prévention de l’exploitation économique de migrants brésiliens. Le projet comprenait l’organisation de deux ateliers (l’un à Goiânia et l’autre, à Bruxelles). Ce projet d’information et de formation, destiné aux services brésiliens et belges compétents, visait à réduire l’immigration illégale en provenance du Brésil vers la Belgique (40 000 euros).

e. Prévention des abus de procédures de séjour au niveau communal

Le droit des étrangers est une matière complexe en évolution constante. Il n’est dès lors pas étonnant que cette matière ne soit pas maîtrisée de la même manière par toutes les communes. Des points faibles et d’éventuels abus peuvent donc apparaître, surtout dans les communes plus petites où séjournent un nombre limité d’étrangers, parce que ces communes ne sont pas tout le temps plongées dans cette matière. Le projet a pour but de sensibiliser les villes et communes pour qu’elles développent une politique de prévention contre les formes d’abus de procédures liées au droit des étrangers et de les informer sur les phénomènes, procédures et techniques intervenus récemment pour les détecter et lutter contre ceux-ci. Des visites ont ainsi été rendues dans les communes, des formations sur la reconnaissance faciale ont été dispensées et le site Internet pour les communes a été modernisé (41 000 euros).

Budget 2010

a. Inde

L’immigration illégale au départ de l’Inde vers la Belgique est toujours importante. Il s’agit de jeunes, originaires du Punjab (Jalandhar) qui séjournent illégalement en Belgique ou qui se risquent à faire la traversée vers le Royaume-Uni. Le projet vise surtout à sensibiliser la jeune population de Jalandhar (Punjab) aux risques et dangers de l’immigration illégale. L’année passée, une campagne de prévention a déjà été organisée à Jalandhar et cette campagne s’inscrit donc dans le prolongement de la première. Continuer à rappeler ces informations au groupe cible ne peut faire que renforcer les probabilités de réussite du projet. En effet, à l’issue de la première campagne, nous avions pu observer une diminution de l’afflux. Il s’avère dès lors souhaitable de poursuivre ce projet ainsi que le dialogue avec les autorités indiennes (52 000 euros).

b. République démocratique du Congo

L’immigration illégale en provenance de la République démocratique du Congo est en diminution, principalement grâce à une politique de prévention soutenue menée par l’OE à Kinshasa et dans le Bas-Congo. Les dangers de l’immigration illégale sont expliqués à la population congolaise par des actions populaires, telles que la distribution de brochures, le placardage d’affiches et l’organisation de débats à la télévision et à la radio. Les Congolais sont ainsi encouragés à investir dans leur propre pays. Seul un effort continu dans le domaine de la prévention et de l’information permettra de continuer à faire diminuer cet afflux (53 000 euros).

c. Serbie-Macédoine-Kosovo

Au début de l’année 2010, nous avons constaté une importante augmentation du nombre de demandes d’asile pour motifs économiques introduites par des Serbes et des Macédoniens (Albanais ethniques) originaires de la zone frontalière. Après la première campagne en avril 2010, cet afflux a considérablement diminué. Cependant, depuis le mois de septembre, ces pays enregistrent une nette hausse, non seulement en provenance des alentours de Pristina au Kosovo. Une nouvelle campagne d’information été organisée afin d’instaurer une collaboration entre les autorités compétentes des deux pays. Le but de cette campagne était d’envoyer un signe fort pour dissuader les potentiels migrants de la région d’origine, d’organiser des visites sur place - notamment pour le premier ministre Yves Leterme et le secrétaire d’État Melchior Wathelet, afin qu’ils transmettent aussi ce message de dissuasion à leur niveau - de faire paraître des articles dans la presse locale, de donner des conférences de presse et de diffuser une brochure d’information et de dissuasion expliquant les différentes possibilités de retour volontaire.

d. Bosnie/Albanie

Pour lutter contre le même phénomène qu’en Serbie et en Macédoine, en novembre 2010, le secrétaire d’État Melchior Wathelet a mené une campagne d’information en Albanie et en Bosnie conjointement avec la Commission UE.

e. Arménie

En juillet 2010, l’OE a lancé une brève campagne d’information à Erevan, en Arménie, pour informer les éventuels migrants de leurs perspectives d’avenir en tant que demandeurs d’asile en Belgique. Cette campagne a été menée en raison de l’afflux massif soudain de demandeurs d’asile arméniens qui, d’après les observations, sont nombreux à émigrer pour des raisons médicales.

f. Compagnies aériennes

Il est nécessaire de sensibiliser les compagnies aériennes (agents de sécurité, associations de pilotes) qui rencontrent des problèmes concernant les Inads et les escortes afin qu’ils accordent davantage d’attention à la problématique des mineurs voyageant seuls. L’objectif du projet est d’informer et de sensibiliser les compagnies aériennes pour réduire l’afflux de passagers inadmissibles, augmenter le taux de réussite des rapatriements sous escorte et réduire l’afflux de mineurs non accompagnés. Les activités comprennent : l’organisation d’un séminaire (de 2 à 3 jours) lors duquel, d’une part, le service Inspection aux frontières de l’OE expliquera le contrôle aux frontières en général et, d’autre part, la section « Documents de voyage faux et falsifiés » (DFF) de la Police fédérale décrira les techniques de détection des documents de voyage faux/falsifiés. Pour le volet consacré aux documents, les participants auront l’occasion de travailler de manière très pratique dans différents ateliers. Un autre volet du projet concerne la diffusion d’informations au sujet de la politique belge de retour, les méthodes d’escorte et les bonnes pratiques en matière de retour forcé. Le troisième volet (plus court) est consacré aux éventuelles mesures préventives pour la catégorie à risque des mineurs voyageant seuls (6 000 euros).

Concernant la méthodologie utilisée dans le cadre de telles campagnes, nous pouvons distinguer les étapes suivantes :

- analyser l’afflux : profils, origine, itinéraire, type de procédure utilisée, forme d’abus;

- si le groupe cible est concentré : décision de lancer une campagne de prévention;

- décider de la forme de la campagne : en gestion interne ou avec une institution partenaire (la plupart du temps, il s’agit de la OIM);

- choisir le mode de diffusion : en Belgique ou dans le pays d’origine, s’adresser directement aux étrangers ou passer par des intermédiaires (autorités, compagnies aériennes…);

- préparer la campagne (fiche, budget, durée, lieu, méthode…);

- démarrer la campagne par un plan d’action, des mesures ciblées, sensibiliser les ambassades, les intermédiaires, les médias…);

- réaliser la campagne à proprement parler, par exemple au moyen d’une campagne médiatique, de représentations théâtrales, d’expositions itinérantes, de conférences, de rencontres avec la presse, de brochures…);

- évaluer la campagne.

Concernant l’effet des mesures, l’OE a évalué, pour certaines campagnes, l’afflux d’immigrants après une campagne.

a. République démocratique du Congo

Une diminution considérable du nombre de demandes d’asile grâce aux campagnes fréquentes et permanentes (tous les ans depuis 2007) : 2006 (843), 2007 (716), 2008 (579), 2009 (591).

b. Cameroun (décembre 2008 – juin 2009)

Une diminution considérable du nombre de pseudo-étudiants (2008 : 645, 2009 : 452) et une stabilisation du nombre de demandes d’asile (2008 : 367, 2009 : 302).

c. Inde (mars – juin 2009)

Une diminution considérable du nombre d’Indiens illégaux interceptés par rapport à l’année 2008, surtout à partir du mois de juin 2009 (2008 : 1 616, 2009 : 1 325, premier semestre 2010 : 325).

d. Brésil (septembre – décembre 2009)

Une diminution du nombre de personnes interceptées (en moyenne 49 par mois en 2009 et en moyenne 39 par mois en 2010) et une augmentation du nombre de Brésiliens qui retournent volontairement dans leur pays (957 en 2009 contre 697 en 2008).

e. Serbie/Macédoine (février 2010)

Évolution des demandes d’asile pour la Macédoine : février : 401; mars : 61; avril : 27; mai : 13. Évolution des demandes d’asile pour la Serbie : février : 330; mars : 87; avril : 33; mai : 31.

f. Kosovo (janvier – juin 2010)

Diminution considérable des demandes d’asile. Depuis le début de l’année 2010 (décembre 2009 : 210, juillet 2010 : 120). Toutefois, il est encore trop tôt pour procéder à une estimation correcte de l’effet des mesures.

g. Sénégal

Dans ce pays, il s’agit d’agir en prévention auprès des Sénégalais qui tentent de traverser la mer pour se rendre aux Îles Canaries. L’effet de cette mesure ne peut pas être évalué en raison de l’étendue limitée et de l’absence de statistiques.

h. Sensibilisation des communes à la lutte contre la fraude de documents et l’abus de statuts administratifs (septembre – décembre 2009)

Sur ce point, un résultat immédiat est que la Cellule Fraude de l’OE a depuis lors constaté une augmentation des cas détectés par les communes.