Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 5-5641

de Nele Lijnen (Open Vld) du 15 février 2012

au vice-premier ministre et ministre de l'Économie, des Consommateurs et de la Mer du Nord

Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) - Vidéos Youtube sur des sites web - Petites associations sans but lucratif (asbl) - Facturation - Traitement inégal

société sans but lucratif
Internet
droit d'auteur
site internet

Chronologie

15/2/2012Envoi question
8/3/2012Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-5642

Question n° 5-5641 du 15 février 2012 : (Question posée en néerlandais)

J'ai appris que certaines associations sans but lucratif (ASBL) qui ont un site web sur des événements du show-business reçoivent une facture annuelle de la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) pour l'hébergement de vidéos Youtube « incorporées ». Lorsque le responsable de l'ASBL a fait remarquer à la SABAM que d'autres sites web semblables n'avaient reçu aucune injonction, l'ASBL a été encouragée à donner les noms des sites web visés pour porter une plainte contre eux.

De plus, la SABAM sélectionne de toute évidence arbitrairement - selon ses propres dires, elle écume l'Internet pour découvrir les infractions - les petites ASBL avec un budget de fonctionnement de quelques centaines d'euros par an et qui se donnent précisément pour but de promouvoir la musique et les artistes belges. Il semble toutefois logique que l'on puisse attendre de la part de la SABAM une application uniforme de la perception des droits d'auteurs. Il ressort d'une étude plus approfondie que certains sites web, qui sont des initiatives purement privées, ne dépendent donc pas d'une ASBL et dont le propriétaire ne mentionne pas ses données personnelles (pas même son propre nom), sont laissés tranquilles « pour cause de manque d'informations ». Cela ressemble à un traitement inégal, vu que les ASBL précitées respectent les dispositions légales et que les initiatives privées engrangent également des revenus grâce à leur site web, notamment en diffusant des « annonces Google ».

1) Est-il juridiquement correct que la SABAM demande de l'argent à une ASBL en envoyant un e-mail ? Si non, quelle procédure formelle doit-elle être suivie ?

2) Une ASBL qui reçoit un tel e-mail est-elle à tout le moins obligée d'y donner suite ?

3) (a) La SABAM peut-elle présenter une facture avec un effet rétroactif ? (b) Si oui, sur la base de quelle disposition ? (c) Si non, quel est le délai valable ?

4) Est-il acceptable d'un point de vue éthique que la SABAM encourage les ASBL à donner les noms de sites web semblables qui n'ont pas encore été astreints à un paiement pour la publication d'une œuvre du répertoire de la SABAM et à porter plainte contre eux ?

5) Fait-il partie des priorités de la SABAM de harceler les ASBL qui ne travaillent qu'avec des bénévoles, disposent d'un petit budget de fonctionnement et de plus promeuvent la musique et les artistes belges ?

6) Pourquoi fait-on deux poids, deux mesures, en particulier en faisant payer les sites web qui mettent leurs données personnelles sur Internet et en laissant tranquilles ceux qui omettent de le faire ?

7) Quelles sont les exigences minimales imposées aux sites web en matière de communication de données personnelles sur leur site ? En d'autres mots, les sites web sont-ils obligés de donner au moins le nom d'un éditeur responsable et de mentionner les données personnelles de ce dernier ?

8) Le ministre va-t-il insister auprès de la SABAM pour que dans le futur tous les sites web comparables soient traités de la même manière ?

Réponse reçue le 8 mars 2012 :

1. La société belge d'auteurs, compositeurs et éditeurs (Sabam) envoie toujours ses factures par voie postale. Dans le cas où l’utilisateur le lui demande, Sabam lui en envoie une copie par email.

La loi du 28 janvier 2004 modifiant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée a introduit en Belgique la facture électronique. Moyennant le respect de certaines conditions, dont l’accord du cocontractant et la garantie de l’authenticité de l’origine de la facture et de l’intégrité de son contenu, les entreprises sont autorisées à délivrer des factures électroniques à leurs partenaires, qu’ils soient commerçants ou consommateurs.

2. L’article 1er, § 1er, alinéa 4, de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dispose que l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la reproduire ou d’en autoriser la communication au public. Il dispose d’un droit exclusif que viennent seules limiter les exceptions légales.

Si un utilisateur, en l’espèce une ASBL, publie sur un site internet qui lui appartient des œuvres protégées par la loi du 30 juin 1994 précitée, et donc soumises au droit exclusif des auteurs, il doit au préalable demander l’autorisation de ces ayants droit. Généralement, ces ayants droit sont représentés par des sociétés de gestion à qui les utilisateurs doivent s’adresser.

En l’espèce, si l’exploitation des œuvres publiées sur le site internet de l’ASBL a été confiée à Sabam, et si l'ASBL n’a pas demandé d’autorisation préalable pour publier ces œuvres, il est justifié qu’elle soit contactée par la société de gestion et qu’elle réponde à ses demandes.

3. Pour autant qu’elle puisse apporter la preuve de l’utilisation sans autorisation de son répertoire, Sabam peut délivrer une facture avec effet rétroactif pour la période où les œuvres dont la gestion lui est confiée ont été publiées sur le site internet. En l’absence de disposition spécifique et sous réserve de l’interprétation souveraine des cours et tribunaux, les délais de prescription applicables en la matière sont ceux du droit commun. L’article 2262bis du Code civil prévoit que les actions personnelles se prescrivent par dix ans, à l’exception des actions en réparation d’un dommage fondée sur une responsabilité extra contractuelle qui se prescrivent par cinq ans, tandis que l’article 2277 du Code civil dispose que tout ce qui est payable par année se prescrit par cinq ans.

En l’espèce, les applications internet pour lesquels Sabam octroie des autorisations sont généralement des contrats qui s’étendent sur une durée déterminée. Les droits facturés à l’utilisateur commencent en principe à courir à partir du mois au cours duquel Sabam a constaté que l’utilisateur exploitait son répertoire sur internet sans autorisation préalable, jusqu’au moment de l’arrêt de l’exploitation du répertoire. Cependant, si l’utilisateur déclare lui-même que son exploitation a commencé plus tôt, par exemple lorsqu’il remplit un formulaire de demande d’autorisation, la facture court à partir de la date donnée par l’utilisateur.

En cas d’exploitation occasionnelle du répertoire de Sabam, par exemple en cas de streaming unique d’un concert, Sabam n’octroie à l’utilisateur une autorisation que pour cet événement, pour laquelle il recevra une facture. Si l’utilisateur n’a pas demandé d’autorisation préalable et que Sabam peut prouver qu’il y a eu une utilisation non autorisée de son répertoire, elle émettra une facture rétroactive.

4. Si Sabam a fait une demande en ce sens à l’asbl, celle-ci n’est en aucun cas obligée d’y répondre. Selon les informations que je possède, Sabam n’a pas demandé aux utilisateurs de dénoncer et d’introduire une plainte contre d’autres sites web.

Sabam utilise ses propres moyens ou méthodes pour rechercher dans quels cas des utilisateurs mettent en ligne, sans autorisation préalable, des œuvres faisant partie de son répertoire. Des contrôles ponctuels sont opérés et Sabam explore le web de manière proactive.

5. Les priorités de Sabam en termes de perception sont déterminées par ses propres organes de gestion. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur des questions d’opportunité.

Par ailleurs, le service de contrôle, visé à l’article 76 de la loi du 30 juin 1994 précitée, veille à l’application par les sociétés de gestion de la loi, de ses arrêtés d’exécution, de leurs statuts, de leurs règles de tarification, de perception et de répartition.

Enfin, la qualité de l’utilisateur ne joue aucun rôle dans l’autorisation que donne Sabam pour la sonorisation des sites web. Les ASBL qui fonctionnent avec des bénévoles ne sont pas plus contrôlées que les entreprises commerciales.

6. Si l’on peut considérer que la perception des droits d’auteur doit être la plus uniforme possible, il faut admettre que c’est à l’utilisateur d’une œuvre protégée de demander l’autorisation préalable nécessaire pour communiquer au public ce contenu protégé par le droit d’auteur. Dès lors, l’ASBL qui s’acquitte de cette obligation et paie les droits qui lui sont réclamés par Sabam pour la raison qu’elle a publié sur son site internet des œuvres protégées faisant partie du répertoire de Sabam, ne fait rien d’autre que respecter le prescrit de la loi du 30 juin 1994 précitée.

Par ailleurs, Sabam ne contacte pas de manière plus fréquente les sites web sur lesquels les coordonnées des responsables sont faciles à trouver par rapport à ceux où ce n’est pas le cas. Dans les rares cas où ces coordonnées ne sont pas reprises sur le site, Sabam utilise la fonction « whois » disponible sur le site http://www.dns.be, recherche la personne responsable du site et prend contact avec elle.

7. L’article 7, § 1er, de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information dispose qu’un prestataire de service de la société de l’information doit assurer sur son site web un accès facile, direct et permanent aux informations suivantes :

    a) l'association professionnelle ou l'organisation professionnelle auprès de laquelle le prestataire est inscrit,

    b) le titre professionnel et l'état dans lequel il a été octroyé,

    c) une référence aux règles professionnelles applicables et aux moyens d'y avoir accès;

Toute personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l’information est considérée comme un prestataire de service de la société de l’information. Les services de la société de l’information recouvrent une grande diversité d’activités économiques qui se déroulent en ligne, et ne sont pas limités aux magasins en ligne ou aux sites web sur lesquels il est possible d’acheter des biens ou des services. Pour autant qu’ils constituent une activité économique, ils peuvent également recouvrir des services pour lesquels les clients ne paient pas, comme les services qui consistent en l’offre d’information ou de communication commerciale en ligne. Les initiatives privées auxquelles l’honorable membre fait référence, dont les revenus sont tirés d’un site web, entre autres par la mise en ligne de publicités, sont par conséquent aussi considérés comme des services de la société de l’information.

8. J’ai relayé votre question à Sabam. Les moyens mis en œuvre par Sabam afin de bien percevoir les droits d’auteur auprès des éditeurs de sites web ont été expliqués à l’honorable membre en réponse à sa question 4.