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Question écrite n° 5-4662

de Bert Anciaux (sp.a) du 28 décembre 2011

à la ministre de la Justice

Traite et trafic des êtres humains - Condamnations pénales - Diminution - Motifs

traite des êtres humains
poursuite judiciaire

Chronologie

28/12/2011Envoi question
11/12/2013Requalification
6/1/2014Réponse

Réintroduction de : question écrite 5-2420
Requalifiée en : demande d'explications 5-4475

Question n° 5-4662 du 28 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

Il ressort du rapport annuel 2009 sur la traite et le trafic des êtres humains du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, que le nombre de condamnations pénales pour traite et trafic des êtres humains a diminué après avoir atteint un sommet en 2003. De 384 condamnations en 2003, on est redescendu à 188 en 2008, soit plus de la moitié en moins.

Je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Comment le ministre explique-t-il cette évolution ? Peut-on dire que l'on accorde moins de priorité à la traite et au trafic des êtres humains ? Ce phénomène est-il moins fréquent qu'il y a quelques années ? Peut-il motiver sa réponse ?

2) Peut-il me communiquer les chiffres relatifs au nombre de condamnations pénales pour traite et trafic des êtres humains pour les années 2009 et 2010 ? Combien de peines de prison ont-elles été prononcées ? Combien d'amendes ont-elles été infligées ? Comment évalue-t-il et explique-t-il ces chiffres ?

3) Le Plan national de sécurité 2008-2011 signale la traite des êtres humains comme une priorité. La Justice considère-t-elle toujours qu'il s'agit d'une priorité ? Dans l'affirmative, comment peut-il prouver cette priorité ? Dans la négative, sur quels arguments se base-t-il pour motiver ce choix négatif ?

Réponse reçue le 6 janvier 2014 :

1-2. Concernant votre question relative aux condamnations, je peux vous communiquer ce qui suit :

Le service de la Politique criminelle rassemble les statistiques en matière de condamnations, de suspensions du prononcé et d’internements depuis 1994. Sa base de données est issue de la base de données du Casier judiciaire central. Celui-ci est chargé d'encoder, dans son système, les bulletins de décisions, passées en force de chose jugée, qui lui sont transmis par les greffes des cours et tribunaux statuant en matière pénale.

Ces chiffres concernent les années 2000 à 2009. Toutefois, les données à partir de 2005 restent provisoires. Des bulletins de condamnation sont encore régulièrement introduits pour ces années. Environ 25% des bulletins de l'année 2009 n'ont pas encore été introduits. Le tableau 1 prend pour point de départ le nombre de condamnations pour des infractions relatives à la traite des êtres humains.

Certains détails techniques nécessitent une certaine attention.

Avant la réforme de 2005, plusieurs articles du Code pénal ou des lois spéciales visaient les faits de traite des êtres humains ou des faits liés à la traite des êtres humains.

En 2005, tous ces articles ont été revus, afin que les incriminations traite et du trafic des êtres humains soient conformes au Protocole de Palerme. La traite des êtres humains est dorénavant intégrée dans l’article 433quinquies du Code pénal mais se trouve toujours à l'article 77bis de la loi du 15 décembre 1980.

Bien que les modifications législatives de 2005 aient été effectuées, les codes de la base de données n'ont été adaptés qu'en 2009. Entre 2005 et 2010, c'étaient par conséquent encore les anciennes incriminations qui servaient de base pour les données de condamnation relative à la traite des êtres humains.

Pour ces raisons, les données doivent être appréhendées avec prudence qui s'impose :

Pour définir les qualifications propres à la traite des êtres humains, on utilise les anciennes dispositions du Code pénal et de la loi du 15 décembre 1980. Toutefois, l'article 77bis de la loi du 15 décembre 1980 concernait alors à la fois les faits de traite et de trafic des êtres humains. Il est donc possible que les condamnations relatives à la traite et au trafic soient mélangées dans les chiffres mentionnés, sans que l'on puisse distinguer la traite du trafic.

Le tableau 2 prend pour point de départ le nombre de décisions pour des infractions relatives à la traite des êtres humains. Un bulletin de condamnation peut comporter une ou plusieurs décisions principales. Ces décisions (peines) sont prises à l’égard d'une infraction ou un groupe d'infractions (ce qui est plus souvent le cas). Les peines proposées ici sont donc des peines ordonnées pour un groupe d'infractions qui comporte au moins une infraction de traite des êtres humains.

Les statistiques de condamnation diminuent depuis 2005. Cela ne signifie cependant pas qu'il y a une diminution des condamnations relatives à la traite des êtres humains. Comme cela a déjà été mentionné, les chiffres concernent également le trafic des êtres humains. La proportion que représente la traite des êtres humains, et en particulier les chiffres mentionnés concernant l'article 77bis est donc inconnue.

De plus, l'on peut en déduire qu'une partie des dossiers de traite des êtres humains n'est plus ou n'a pas été enregistrée sous un des codes ci-dessous parce qu'ils ont été introduits sous l'article 433quinquies qui n'a été intégré dans la banque de données qu'au cours de l'année 2009.

Même si, comparativement aux trois années précédentes, on constate une légère diminution du nombre de peines prononcées (87 % par rapport à 90 % à 95 % en 2006, 2007 et 2008), en termes de peines, on note une augmentation du nombre de confiscations prononcées en chiffres relatifs par rapport à 2008 et 2007 (38 % contre 23 % et 31 % en 2007 et 2008).

La méthode de calcul a complètement changé depuis 2010. Un code spécifique a été créé pour la traite des êtres humains. Bien qu'il y ait encore quelques problèmes d'encodage, les données relatives à la traite des êtres humains sont maintenant plus précises. Il est donc impossible de comparer les données antérieures à 2010 avec les données postérieures à cette même année. A partir de 2010, les données donnent donc une image plus précise de l'application de l'incrimination spécifique de traite des êtres humains que les précédentes méthodes de calcul.

3. La lutte contre la traite et le trafic des êtres humains reste une priorité pour le gouvernement. En effet, un Plan d'action relatif à la traite des êtres humains a été approuvé en 2008 par le gouvernement, et ce pour une durée de trois ans. Un nouveau Plan d’action national relatif à la traite des êtres humains a été présenté au Conseil des ministres en 2012. Ce plan est la suite du premier plan d'action approuvé en 2008 et constitue la base d'une lutte concrète pour les deux années suivantes (2012-2014).

La mise en œuvre de ce plan d'action est liée aux activités de la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains, créée par l'arrêté royal du 16 mai 2004.

Cette cellule est composée des principaux acteurs politiques, administratifs et institutionnels impliqués dans la lutte contre la traite des êtres humains. En principe, elle se réunit deux fois par an.

Afin de préparer le travail de la Cellule Interdépartementale, l'arrêté royal a créé un Bureau. Celui-ci est de composition plus limitée. Il est présidé par le Service de la Politique criminelle et son secrétariat est exercé par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Les autres acteurs sont les services d’inspection sociale, l'Office des Étrangers, la Police fédérale, le Service public fédéral (SPF) Affaires Étrangères et la Sûreté de l'État. Il se réunit tous les mois afin d'assurer la mise en œuvre et le suivi quotidien des décisions de la Cellule.

Une réunion de la Cellule s'est tenue en 2008 et en 2009. Il est vrai que la Cellule ne s'est pas réunie en 2010 comme le prévoit l'arrêté royal. Deux facteurs en sont responsables. Tout d'abord, il y a eu une hésitation quant à organiser une réunion étant donné qu'il était logique d'attendre la formation d'un nouveau gouvernement. En outre, toute l'attention s'est concentrée sur la présidence belge de l'Union européenne.

Il y a eu une nouvelle réunion de la Cellule le 7 juillet 2011. Pendant cette réunion, le point a été fait sur certains projets du Plan d'action. Une réunion s'est tenue le 8 mai 2012 et deux autres réunions se tiendront en 2013, à savoir le 28 juillet 2013 et le 18 décembre 2013.

Vous trouvez ci-dessous l'état d'avancement de certains projets développés par le Bureau.

Sur la base des questionnaires internationaux, il est apparu que la Belgique doit prendre des initiatives en termes de prévention.

Le Bureau a donc créé un groupe de travail ad hoc relatif à la prévention. Voici les différentes initiatives prises par le groupe de travail :

Protection des victimes.

Dans le domaine de la protection des victimes, il était demandé dans le plan d'action d'approuver une directive visant un exposé détaillé et clair des procédures à suivre dans le cadre de l'identification et de la protection des victimes de la traite des êtres humains.

Une circulaire a été finalisée et approuvée par les ministres compétents et le Collège des procureurs généraux le 26 septembre 2006, il s'agissait de la circulaire relative à la mise en œuvre d’une coopération multidisciplinaire concernant les victimes de la traite et/ou de certaines formes aggravées de trafic d’êtres humains. Cette circulaire a été rédigée au sein du groupe de travail présidé par l'Office des Étrangers et composé par la Cellule interdépartementale.

Il convient de signaler que, conformément au plan d'action, cette circulaire a clarifié certaines procédures spécifiques s'appliquant aux mineurs étrangers non-accompagnés. Cela s'applique également à la procédure à suivre pour garantir la protection des victimes qui seraient exploitées dans le cadre d'un service privé chez un diplomate (travail domestique).

Le Bureau de la Cellule interdépartementale a finalisé l'évaluation de l'application de cette circulaire (plan d'action partie 4.1). Tous les membres du Bureau ont présidé différentes tables rondes dans le cadre de cette évaluation. Bien que cette évaluation aurait dû être achevée fin 2010, la présidence belge n'a pas pu respecter ce délai. En outre, des discussions supplémentaires ont dû être organisées, ce qui a ralenti l'évaluation.

Le Service de la Politique criminelle a rédigé une note de recommandations. Cette note a été présentée à la Cellule interdépartementale. Différentes recommandations ont été retenues, comme l'organisation de formations obligatoires, l'amélioration de la communication des parquets à l'Office des Étrangers en cas de décision de clôture d'une procédure d'assistance, etc.

Une seconde partie de l'évaluation se concentrera davantage sur la question de la protection des mineurs. Lors des activités, il a semblé pertinent d'approfondir cette question. Cette évaluation a été finalisée en 2013 et les recommandations seront présentées lors de la réunion du CIC du 18 décembre 2013.

Présidence belge de l'Union européenne.

Outre ces activités, le Bureau et le département de la Justice ont pris différentes initiatives dans le cadre de la traite des êtres humains lors de la présidence belge de l'Union européenne.

Le service de droit pénal européen a en effet assuré la coordination des négociations de la nouvelle circulaire relative à la lutte contre la traite des êtres humains.

En outre, le Service de la Politique criminelle, en collaboration avec les membres du Bureau de la CIC, les membres du CEIPA (Center for European and International Policy Action) et la Commission européenne, a organisé une conférence de deux jours pour les experts en traite des êtres humains : « Towards a multidisciplinary approach to prevention of trafficking in human beings, prosecution of traffickers and protection of victims » .Celle-ci a eu lieu les 18 et 19 octobre, lors du Anti-Trafficking Day européen. Les conclusions de cette conférence ont été publiées sur le site internet anti-trafficking de la Commission européenne (http://ec.europa.eu/anti-trafficking/index.action) tout comme sur le site de la présidence belge ( http://www.eutrio.be/fr).

Annexe QPV - n°5 4662 (cf. n° 5 2420).

Tableau 1 : Condamnations relatives à la traite des êtres humains.

Condamnations

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009


Total

207

179

234

265

320

404

363

324

305

250

198

132

Tableau 2 : Peines prononcées en matière de traite des êtres humains.

Décisions

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Total Traite des êtres humains

207

181

234

267

320

404

365

324

305

250

198

132

Traite des êtres humains et peine d’emprisonnement

204

177

228

256

318

381

350

307

290

229

189

115

Traite des êtres humains et peine d’emprisonnement avec sursis

124

110

127

149

139

186

179

154

161

120

111

64

Traite des êtres humains et amende

183

158

209

242

284

350

317

277

266

211

167

108

Traite des êtres humains et peine de travail

0

0

0

0

1

3

4

8

2

11

2

7

Traite des êtres humains et confiscations

0

0

0

19

112

113

126

110

121

59

62

51

Traite des êtres humains et privation des droits

179

143

172

182

213

274

282

231

224

178

156

91

Traite des êtres humains et destitution des titres, grades et fonctions

0

0

0

0

0

0

1

0

0

1

0

0

Traite des êtres humains et interdiction d'exercent une fonction ou une activité

16

24

4

15

26

26

7

13

3

3

4

4

Traite des êtres humains et mise à disposition du gouvernement

0

0

0

1

0

1

1

1

2

1

1

0