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Question écrite n° 5-1504

de Bert Anciaux (sp.a) du 25 février 2011

au ministre de la Justice

La réinsertion des détenus

détenu
régime pénitentiaire
travail du détenu

Chronologie

25/2/2011Envoi question
16/3/2011Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-410

Question n° 5-1504 du 25 février 2011 : (Question posée en néerlandais)

Comme une très large majorité de chercheurs, je suis fermement convaincu que, dans l'état actuel des choses, les détenus qui sont libérés ne sont pas meilleurs quand ils quittent la prison. C'est plutôt l'inverse qui est vrai. Une politique carcérale éthique mais aussi adéquate doit avoir pour objectif de préparer les détenus à une réinsertion réussie dans la société. Le temps passé en prison en offre de multiples occasions, parmi lesquelles les programmes et projets de mise au travail qui sont bien connus et prometteurs.

Je souhaiterais recevoir une réponse aux questions suivantes.

1) Combien de détenus travaillent-ils actuellement dans les prisons ? Combien étaient-ils dans les années 2007, 2008 et 2009 ? Sur l'ensemble de la population carcérale, quel est le pourcentage de détenus qui travaillent ?

2) Quel type de travail offre-t-on à ces détenus ? Y a-t-il aussi des formes de travail spécialisé ? Le ministre peut-il me communiquer une liste précise des différents activités et métiers qu'exercent les détenus à l'heure actuelle ?

3) Quelle est la proportion entre détention et travail ? Peut-on obliger les détenus à travailler ? Le travail est-il un droit pour les détenus ? Chaque détenu peut-il obtenir du travail s'il le désire (sauf s'il s'agit d'une sanction disciplinaire) ?

4) De quels autres droits du travail les détenus disposent-ils ? Reçoivent-ils un contrat ? Qu'en est-il par exemple du droit de démissionner ? Les détenus ont-ils le droit de grève ?

5) Quels salaires nets et bruts sont-ils payés en moyenne et selon quelles directives ? Y a-t-il des différences selon le travail, la prison ou la formation du détenu ?

6) Quel est le nombre minimum et maximum d'heures de travail par semaine ? Le détenu peut-il le fixer lui-même (participer à la décision) ?

7) Les détenus peuvent-ils aussi être employés par des entrepreneurs privés ? De quels employeurs s'agit-il ? Comment est-ce par exemple conciliable avec les règles en matière de concurrence déloyale ?

8) Des détenus travaillent-ils aussi à l'extérieur de la prison ? De combien de personnes s'agit-il et quelles conditions doivent-elles remplir pour être autorisées à effectuer ce travail ? De quel type de travail s'agit-il ?

9) Quel est le budget total affecté à la mise au travail des détenus ? Y a-t-il aussi des retombées positives (partielles) ?

10) Les projets de mise au travail sont-ils évalués quant à leurs conséquences pour la réinsertion des détenus dans la société ? Le département de la Justice a-t-il déjà réalisé une étude à ce sujet ? Dans l'affirmative, quels en sont les résultats ? Dans la négative, existe-t-il des projets à cet égard ?

Réponse reçue le 16 mars 2011 :

1) Aucune donnée exacte n'est disponible concernant le nombre de détenus qui travaillent. Selon la Régie du travail pénitentiaire, il serait question d'environ 5 000 détenus, soit environ 45 % de la population carcérale.

Ce pourcentage est resté relativement constant au cours des années 2007, 2008 et 2009.

2) Il existe trois types de travail pénitentiaire.

Il y a d'abord le travail pour le compte d'entrepreneurs privés. Cela concerne un éventail de missions allant du travail simple au travail plus spécialisé (par exemple, emballage, étiquetage, fabrication de palettes, cartonnage, travaux de soudure, publipostage, etc.).

Il y a ensuite l'occupation dans les propres ateliers de la Régie du travail pénitentiaire : menuiserie, forge, reliure, imprimerie, horticulture, ferme, confection et scannage.

Il y a enfin le travail domestique au sein des prisons : cuisine, buanderie et nettoyage.

Pour obtenir des informations complémentaires, vous pouvez consulter le site internet de la Régie du travail pénitentiaire (www.rtp-rga.be ).

3) L'article 30ter du Code pénal qui prévoyait l'obligation pour les condamnés de travailler a été abrogé. Les détenus ne peuvent être obligés de travailler. L'article 81 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, qui n'est pas encore entré en vigueur, prévoit ce qui suit : « Le détenu a le droit de participer au travail disponible dans la prison. ».

Chaque détenu peut introduire une demande de travail mais il n'est pas toujours possible d'y accéder. Certains établissements pénitentiaires sont confrontés à un manque de travail disponible, d'autres disposent d'ateliers trop petits ou trop anciens pour pouvoir répondre à toutes les demandes de travail. Des listes d'attente sont utilisées s'il ne peut être accédé à toutes les demandes de travail.

4) Aucun accord de travail n'est conclu entre les détenus et l'administration pénitentiaire. Les détenus ne disposent pas d'un droit de grève reconnu. Les détenus mis au travail ont droit à une indemnité en cas d'accident du travail.

5) Le montant des gratifications allouées aux détenus est fixé dans l'arrêté ministériel du 1er octobre 2004.

Les gratifications sont fixées comme suit :

Lorsque des détenus ne peuvent pas travailler pour cause de chômage technique (grève du personnel par exemple), chaque jour ouvrable de grève est payé à concurrence de la gratification moyenne journalière du mois précédent, avec un maximum de sept fois 0,62 euro.

Les gratifications diffèrent en fonction de la nature du travail et du nombre d'heures de travail et varient également d'une prison à l'autre.

Dans la pratique, la gratification horaire moyenne s'élève à :

6) Il n'y a pas de nombre minimum d'heures de travail par semaine. Le nombre maximum d'heures de travail par semaine est quant à lui fixé à quarante heures.

Le nombre d'heures de travail est lié à l'établissement et est fixé par la direction de la prison en fonction de l'offre de travail.

7) Les détenus peuvent travailler pour le compte d'entrepreneurs privés. Les détenus ne sont pas recrutés par les entrepreneurs privés mais exécutent le travail dans les ateliers de la prison. Un contrat est établi entre la Régie du travail pénitentiaire et l'entrepreneur privé. La Régie entretient les contacts avec les différents entrepreneurs et leur facture le travail exécuté.

Le travail pénitentiaire doit être considéré comme une forme d'économie sociale. La crainte de distorsion de concurrence n'est pas fondée car cela ne contrebalance pas la plus-value sociale et la nécessité du travail en prison. Un gentlemen's agreement dans lequel il a été convenu de ne pas se concurrencer a été conclu avec les ateliers protégés. En effet, l'objectif du travail pénitentiaire n'est pas de réaliser un profit mais bien d'employer les détenus autant que possible.

8) Il est également possible de travailler hors de l'enceinte de la prison. Il s'agit en l'occurrence d'un nombre limité de détenus. La direction de la prison établit les directives en la matière en tenant compte de la sécurité et de la situation pénale du détenu.

9) Le budget destiné à l'occupation des détenus à des tâches dites domestiques s'élevait à 4 111 000 euros en 2009 (cf. rapport d'activités 2009 de la direction générale des Établissements pénitentiaires). Les ateliers de la Régie du travail pénitentiaire présentent un caractère industriel ; la Régie est soumise à une double comptabilité de type commercial. Soixante pour cent du produit sont destinés au détenu et 40 % à la Régie du travail pénitentiaire. Le bénéfice enregistré par la Régie du travail pénitentiaire est versé au Trésor.

10) À la demande de la Fondation Roi Baudouin, l'unité d'enseignement et de recherche Criminologie de la Vrije Universiteit Brussel (étude menée par Hanne Tournel, sous la direction scientifique du professeur Sonja Snacken) a réalisé en 2008 une étude sur la formation et la réintégration dans le circuit du travail dans sept prisons flamandes.

Les constatations et recommandations les plus importantes sont formulées dans le rapport final de décembre 2009.

Un facteur de succès critique pour une réinsertion réussie est la continuité entre l'offre intra muros et le suivi à des fins d'encadrement et d'accompagnement extra muros. Il existe déjà quelques initiatives en ce sens (le projet Try-out dans les prisons de Louvain et le projet Velcro à Audenarde). Il convient en outre de mettre également l'accent sur les efforts consentis par le VDAB (Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding) vis-à-vis des détenus. La réalisation d'un suivi adéquat et adapté n'est toutefois pas évident. Des efforts supplémentaires s'imposent.

Les détenus acquièrent, dans le contexte pénitentiaire, de nombreuses connaissances qui sont également importantes dans le domaine professionnel. De telles connaissances devraient également être valorisées par le VDAB, sans mentionner que ces connaissances ont été acquises dans un contexte pénitentiaire.

Enfin, il convient de continuer à investir dans l'amélioration de l'acceptation sociale. À cet égard, le marché du logement et le marché du travail représentent des secteurs importants. La réinsertion est en effet un concept interactif ; la société doit également être prête à réinsérer les anciens détenus.