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Question écrite n° 5-10603

de Hassan Bousetta (PS) du 12 décembre 2013

à la ministre de l'Emploi

la lutte contre le dumping social en Belgique

dumping social
mobilité de la main-d'oeuvre
sous-traitance
travailleur détaché

Chronologie

12/12/2013Envoi question
8/4/2014Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-4145

Question n° 5-10603 du 12 décembre 2013 : (Question posée en français)

La loi du 5 mars 2002 transposant la directive européenne 96/71 du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et instaurant un régime simplifié pour la tenue de documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique, stipule en son article 5, § 1er.:

" L'employeur qui occupe en Belgique un travailleur détaché est tenu de respecter, pour les prestations de travail qui y sont effectuées, les conditions de travail, de rémunérations et d'emploi qui sont prévues par des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, sanctionnées pénalement (…)".

La thématique du " dumping social " dans l'Union européenne repose en effet sur un principe très simple : si un Etat membre prévoit des conditions de travail minimales, elles doivent s'appliquer également aux travailleurs détachés dans cet Etat.

En contrepartie de cet énoncé clair et évident, son application dans les faits pose de nombreuses difficultés dans les faits et en droit.

Ainsi, par exemple, à l'initiative des Ministres en charge de l'Emploi et de l'Economie, la Belgique a dénoncé devant la Commission européenne des pratiques de " dumping social " qui auraient cours en Allemagne dans le secteur du découpage de la viande .

Les instances européennes semblent avoir pris conscience des problèmes liés au dumping social et à l'application de la directive 96/71 puisqu'elle a pris l'initiative de proposer une directive relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et un règlement du conseil relatif à l'exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services.

Toutefois, cette proposition a immédiatement entraîné de très vives réactions pour être finalement retirée.

A cet égard, chez nous, la Commission des Affaires sociales de la Chambre des Représentants a estimé que l'Union européenne dépasse ses compétences et ne respecte pas le principe de subsidiarité dans le contexte de cette initiative, finalement avortée.

Dans les débats qui sont intervenus au sujet de cette proposition, on retiendra, entre autres, que le Parlement Européen a adopté plusieurs résolutions appelant la Commission à établir un acte législatif sur la responsabilité solidaire au niveau de l'Union, en particulier pour les longues chaînes de sous-traitance.

La responsabilité solidaire des opérateurs économiques " profitant " du "dumping social" au détriment de la qualité des emplois, mérite assurément tout notre intérêt et c'est précisément sur cet aspect que porte ma question.

Madame la Ministre de l'Emploi envisage-t-elle, en vue d'améliorer la lutte contre le dumping social en Belgique, d'instaurer en droit belge, à défaut d'initiative européenne concrète à ce jour, un mécanisme de responsabilité solidaire renforcé dans les montages de sous-traitance entre des donneurs d'ordre et des prestataires de services en main-d'œuvre en provenance d'autres Etats membres de l'Union, à moins qu'il ne soit considéré que les dispositifs actuellement en vigueur donnent satisfaction à cet égard ? Si tel est le cas, quelles sont alors les données chiffrées concernant les dossiers de dumping social transnationaux ?

Réponse reçue le 8 avril 2014 :

Veuillez trouver, ci-après, les réponses à vos questions.

Il existe actuellement en Belgique deux systèmes de responsabilité solidaire destinés à assurer la protection des travailleurs :

Les deux régimes de responsabilité se distinguent clairement du régime de responsabilité solidaire pour les dettes sociales (au sens des cotisations de sécurité sociales et des cotisations pour les fonds de sécurité d’existence).

Il est fait d’application dans ce cas de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969 Office national de sécurité sociale (ONSS) quand il s’agit de travaux de nature immobilière.

Il s’agit donc de déplacer l’obligation de paiement des salaires vers l’utilisateur du personnel en cas de mise à disposition interdite d’un travailleur à un utilisateur en application de l’article 31 de la loi sur le travail intérimaire, sur le travail temporaire et la mise à disposition d’utilisateur (loi du 24 juillet 1987).

Ce dernier phénomène de prêt de main-d’œuvre interdit se produit souvent avec des travailleurs transfrontaliers et conduit à la constatation de nombreux abus.

Les deux premiers systèmes précités de responsabilité solidaire pour les dettes salariales peuvent s’appliquer aux travailleurs occupés dans le contexte d’un travail transfrontalier.

Le système générique pour la responsabilité des dettes salariales s’applique à toutes les situations de travail où l’employeur manque de manière grave à son obligation de paiement et donc peut aussi profiter aux travailleurs étrangers qui sont détachés en Belgique par leur employeur pour y effectuer des prestations temporaires pour leur employeur.

Le deuxième système à savoir le système de responsabilité pour garantir la rémunération des travailleurs étrangers non payés en provenance d'État tiers qui sont occupés illégalement en Belgique (et qui éventuellement peuvent aussi être détachés par leur employeur étranger) doit être appliqué en tant que « lex specialis » par priorité sur le régime général.

La portée, l’ampleur et le mécanisme d’exécution de ces deux systèmes sont toutefois différents.

En ce qui concerne plus particulièrement le régime général introduit par la loi programme du 29 mars 2013 la pratique révèle qu’il est particulièrement difficile à appliquer lorsque les prestations exactes des travailleurs concernés ne sont pas connues.

La loi-programme, qui a introduit les articles 35/1 à 35/6 dans la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, impose dans ce cas au Contrôle des lois sociales des exigences quasi impossibles à remplir pour apporter la preuve des salaires dus.

Le projet de directive visant à renforcer l’exécution de la directive détachement 96/71 présenté en début 2013 et en discussion au Conseil des ministres des 9 et 10 décembre prévoit aussi l’introduction d’un système de responsabilité solidaire pour assurer un meilleur respect des droits des travailleurs détachés en ce qui concerne les conditions minimum de rémunération applicables dans le pays d’accueil ; toutefois, cette responsabilité est uniquement prévue à l’égard du co-contractant pour lequel l’employeur étranger (entrepreneur ou sous-traitant) fourni directement des prestations de service.

Par contre dans les deux systèmes belges de responsabilité solidaire, la responsabilité peut aussi être invoquée à l’égard de chaque entrepreneur dans l’ensemble de la chaîne (donneur d’ordre et entrepreneur principal compris) sans qu’il faille respecter une chronologie particulière. Le projet de directive prévoit aussi que chaque état membre peut, dans son système national, étendre le champ d’application et la portée de cette responsabilité.

Lors des discussions de ce projet de directive, je prendrai toutes les initiatives nécessaires pour protéger le système belge existant.