SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2012-2013
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12 juillet 2013
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SÉNAT Question écrite n° 5-9557

de Nele Lijnen (Open Vld)

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes
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la violence et la xénophobie en Afrique du Sud
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Afrique du Sud
violence
violence sexuelle
xénophobie
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12/7/2013Envoi question
15/10/2013Réponse
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Requalification de : demande d'explications 5-3811
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SÉNAT Question écrite n° 5-9557 du 12 juillet 2013 : (Question posée en néerlandais)

L'Afrique du Sud jouit d'une image relativement positive liée à la croissance économique et à la prospérité grandissante. Pourtant, vingt ans après la fin de l'apartheid, le pays connaît encore énormément de violence et de xénophobie. Ce sont surtout les immigrés, les réfugiés, les femmes et les enfants qui souffrent le plus.

Interpol qualifie ce pays de « capitale mondiale du viol ». On a récemment entendu un nouveau récit horrible: deux femmes âgées de 82 et de 21 ans ont été victimes d'un viol collectif brutal et ont ensuite été taillées en pièces par les auteurs des faits. Une étude a estimé qu'un enfant est violé toutes les trois minutes. De plus, 28 % des hommes d'Afrique du Sud avoueraient avoir déjà violé une femme. Selon cette même étude, nombre de ces hommes ne se seraient pas limités à une seule victime. Trois violeurs sur quatre sont déjà passés à l'acte à l'âge adolescent. Un sur dix a avoué qu'il avait été contraint à avoir des relations sexuelles avec un autre homme. Puisque l'homosexualité est un tabou, personne n'ose s'adresser à la police. Le système judiciaire en Afrique du Sud n'y incite pas particulièrement: seulement 7 % du nombre limité des affaires qui sont traitées débouchent sur une condamnation. L'image du mâle dominant est perpétuée par le président Zuma qui a lui-même été acquitté dans une affaire de viol douteuse.

La violence cruelle à l'égard des immigrés et surtout des Somaliens constitue un .deuxième problème. Ces derniers n'ont souvent pas accès au circuit économique officiel et s'établissent dans des quartiers à l'économie souterraine qui ont vu le jour à la lisière des grandes villes. La police ne s'y rend pas et c'est donc la loi du plus fort qui y règne. Le 1er juin a été diffusé sur Youtube un petit film sur lequel on voyait un immigré somalien se faire lapider. Les véhicules poursuivent tout simplement leur route près de cet incident et les témoins semblent indifférents. Au moins mille immigrés ont déjà été assassinés au cours de la dernière décennie. Chaque semaine, au moins trois actes de violence sont commis contre des immigrés. La population, les médias et les responsables politiques d'Afrique du Sud se préoccupent d'autres problèmes économiques et politiques.

J'aurais souhaité poser les questions suivantes au ministre.

1) Est-il exact de décrire l'Afrique du Sud comme la « capitale mondiale du viol » ? Est-on attentif à cette problématique dans la politique internationale ?

2) Est-on attentif, dans la politique internationale, à la violence excessive en Afrique du Sud ?

3) Comment le ministre évalue-t-il les informations relatives à la xénophobie et à la violence à grande échelle contre la communauté immigrée ?

4) Selon le ministre, est-il exact que les responsables politiques d'Afrique du Sud ne sont pas suffisamment attentifs à ces problèmes et que le système judiciaire ne s'occupe pas efficacement de ces derniers ?

Réponse reçue le 15 octobre 2013 :

La violence reste un grand problème de société en Afrique du Sud. Le nombre d’homicides par 100 000 habitants est 4,5 fois plus grand que la moyenne internationale (malgré une diminution relative lors de la dernière décennie). Les chiffres en matière de violences sexuelles sont également inquiétants en Afrique du Sud, comme dans nombre de pays en Afrique sub-Saharienne. Dans la dernière décennie, l’Afrique du Sud a connu plus de 60 000 viols ou agressions. De plus, tant la pression sociale que le manque de confiance en la police et la justice empêchent de nombreuses victimes de porter plainte.

Même si l’Afrique du Sud possède un cadre législatif assez conséquent, le travail se poursuit par le biais d’initiatives législatives visant à une meilleure protection des femmes. En février, le Président Zuma a identifié la lutte contre le crime comme l’une de ses cinq priorités et a lancé une campagne anti-viol dans les écoles sud-africaines. L’année dernière, un conseil national et un comité interministériel contre la violence faite aux femmes et enfants fut créé, suivant la création d’un département d'État spécifiquement consacré aux femmes, enfants et moins-valides en 2009. L’Afrique du Sud travaille à l’extension de 45 centres post-viol et il est envisagé de procéder à la réouverture de tribunaux spéciaux pour la violence sexuelle. En 2010, les unités de police visant la violence domestique, la protection des enfants et les délits de mœurs furent rouverts.

En 2012, l’Union européenne (UE) et les États membres était actifs dans plus de 60 projets et programmes en matière de droits de l’Homme en Afrique du Sud. L’UE est aussi le donateur principal en ce qui concerne la problématique du genre. L’UE soutient plusieurs initiatives civiles contre la violence sexuelle en Afrique du Sud, pour un total de plus d’1 million d’€. Le soutien va entre-autres aux projets en matière d’égalité des genres, accès à la justice pour les victimes de viol, violence domestique et le renforcement de la réactivité du gouvernement.

A part la violence contre les femmes, la violence xénophobe constitue un problème important en matière des droits de l’Homme. D’après les estimations, il y a plus de 3 millions d’étrangers en Afrique du Sud. Les emplois se font rares en Afrique du Sud, en partie à cause de la crise économique. Pourtant, de nombreux africains continuent à se rendre en Afrique du Sud à la recherche d’un meilleur avenir. Cela les met en compétition avec la population locale pour des emplois souvent mal payés. En outre, ils sont souvent vu comme la cause des hauts chiffres du crime en Afrique du Sud.

Les incidents xénophobes ne sont pas un problème nouveau en Afrique du Sud. Une vague d’attaques xénophobes avaient coûté la vie à 62 personnes en 2008, forçant le gouvernement à agir. Le problème fut formellement reconnu et différentes initiatives, dont un comité interministériel, furent prises afin de gérer le problème. Depuis, des grandes vagues de violence xénophobe n’ont plus eu lieu mais certains incidents de moindre ampleur ont été couverts par la presse, notamment la récente lapidation d’un immigrant somalien, un acte fermement condamné par les autorités sud-africaines.

De par sa propre histoire, l’Afrique du Sud politique est très sensible aux démonstrations de racisme et de haine des étrangers. La recherche d’une solution à la violence xénophobe n’est pas limitée au rôle des services de sécurité et du système de la justice mais doit tenir compte d’autres facteurs fondamentaux tels que le chômage, la marginalisation et la culture sociétale dans le pays.